« Semaine de quatre jours » : certaines précautions s’imposent
Répartir la semaine de travail sur quatre jours au lieu de cinq, c’est le principe de la « Semaine de quatre jours », une organisation du temps de travail qui a déjà séduit de nombreuses entreprises françaises. Si la formule peut paraître attractive, certaines précautions sont nécessaires pour prévenir les éventuels effets négatifs sur la santé et la sécurité des salariés. Les explications de Bertrand Delecroix, responsable d’études à l’INRS.
En quoi consiste la semaine de 4 jours ?
Ce que l’on nomme « la semaine de 4 jours » est une organisation du temps de travail hebdomadaire, où les entreprises vont répartir le travail des salariés sur 4 jours dans la semaine au lieu de 5. Cette « semaine de 4 jours » peut recouvrir plusieurs configurations. On parlera de compression si le temps de travail hebdomadaire est condensé sur 4 jours. Cela consiste, par exemple, pour un salarié travaillant 36h par semaine, à travailler 9h par jours au lieu de 7h12. D’autres entreprises peuvent opter pour une semaine de travail de 4 jours avec réduction du temps de travail hebdomadaire, proposant par exemple à leurs salariés de travailler 8h par jour, soit 32 heures par semaine.
Autres modalités possibles, l’entreprise peut décider de fermer un jour dans la semaine ou rester ouverte aux jours et horaires habituels. Dès lors, le jour d’absence peut, ou non, être identique pour tous les salariés.
Enfin, le travail hebdomadaire sur 4 jours peut concerner l’ensemble des salariés de l’entreprise ou seulement certains services ou catégories de personnels.
Quels sont les principaux enseignements des différentes expérimentations de ce dispositif ?
L’objectif principal recherché, tant par les salariés que par les entreprises, est une meilleure conciliation des temps professionnels et des temps personnels. Dans les pays ayant mené des expérimentations de grande ampleur, tels que l’Islande ou le Royaume Uni, les entreprises constatent globalement une réduction de l’absentéisme et du turnover, et un maintien, voire une augmentation de leur performance. Les salariés se disent moins stressés, et déclarent que leur niveau d’épuisement professionnel a baissé. Anxiété, fatigue, problèmes de sommeil ont diminué tandis que la santé mentale et physique s’est améliorée. Le rythme de travail a augmenté chez une majorité des salariés interrogés.
Cependant, selon les modalités d’application de cette nouvelle organisation, les conséquences sur le travail ne semblent pas les mêmes. Dans les entreprises ayant opté pour une compression du temps de travail, les journées de travail, plus longues, sont source d’une fatigue accrue, de baisses de vigilance, et donc de risque d’accident. Les retours d’expérience sur l’organisation de semaine de 4 jours avec réduction du temps de travail (32h par exemple) montrent que celle-ci implique généralement une optimisation des processus de travail, visant à maintenir une production équivalente, mais en un temps réduit. Les entreprises tentent alors de réduire les temps non productifs, ce qui n’est pas sans rappeler les excès du lean. Dès lors que les travailleurs devront accomplir la même quantité de travail en moins de temps, le risque de générer une surcharge de travail et un stress accru est présent. Cette intensification de l’activité peut également entraîner un débordement de l’activité de travail dans la sphère privée. Les salariés, incités à maintenir la production en un temps réduit peuvent être amenés à travailler en débordement, les soirs et week-ends.
En matière de santé et de sécurité, quelles sont les précautions à prendre pour une entreprise qui souhaiterait adopter ce type d'organisation du travail ?
Au travers de la semaine de 4 jours, les salariés aspirent à une meilleure conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle. Les entreprises espèrent, quant à elles, des salariés plus satisfaits et reposés, et qui seraient alors plus productifs. Mais, une telle organisation est potentiellement vectrice de risques pour la santé et la sécurité des salariés et ce, quelles que soient les modalités de sa mise en œuvre. Les réorganisations importantes qu’elle implique justifie alors de procéder à une évaluation des risques en amont. Il est nécessaire de mette en place des mesures de prévention dédiées, en concertation avec les salariés, leurs représentants et le SPST, qui doivent à la fois porter sur l’organisation du travail, la formation et l’information des salariés ou encore sur l’aménagement des postes de travail des personnes concernées. L’encadrement ne doit pas être oublié, car c’est lui qui sera en charge d’accompagner le changement, et notamment la réorganisation des activités entre les employés pour assurer une continuité de service. S’agissant de changements organisationnels, l’évaluation des risques professionnels doit se faire de façon répétée dans le temps et les mesures correctrices doivent elles-mêmes être construites en envisageant la possibilité d’éventuels ajustements.