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Travail à la chaleur

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Périodes de forte chaleur

En période de forte chaleur, estivales ou non, de nombreux travailleurs sont ou vont être exposés à des températures potentiellement dangereuses pour leur santé. Voici quelques clés pour prévenir ces risques.

Compte tenu du réchauffement climatique, les périodes de forte chaleur, estivales ou non, deviennent plus fréquentes, plus intenses et plus longues. De nombreux travailleurs sont, ou vont être, ainsi exposés à des températures potentiellement dangereuses pour leur santé. C’est particulièrement le cas lors les travaux en extérieur, et ce d’autant plus que s’ajoute une charge physique de travail. Cette ambiance physique de travail peut augmenter le risque d’accident du travail et être à l’origine d’effets sur la santé, tels que la déshydratation ou le coup de chaleur, qui peut être fatal.

Le Code du travail ne fixe pas de température maximale au-delà de laquelle il est interdit de travailler. L’employeur est toutefois tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs. En particulier, il doit identifier les postes et les tâches à risque. Lors des périodes de forte chaleur, les travailleurs les plus à risque sont ceux qui travaillent à l’extérieur et font des efforts physiques. Cependant, certaines conditions d’exposition (humidité ambiante, absence de ventilation, manque d’eau, port d’équipements de protection individuelle, etc.) peuvent augmenter le risque pour l’ensemble des salariés.

Les postes et les situations de travail identifiés doivent faire l’objet d’une évaluation des risques prenant notamment en compte l’exposition au rayonnement solaire, le port d’équipements de protection individuelle, la possibilité de s’abriter, l’accès à l’eau, l’acclimatation des salariés, etc.

L’anticipation des périodes de forte chaleur est essentielle et consiste en l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan de prévention adapté. Les adaptations organisationnelles à mettre en place lors des périodes de forte chaleur doivent être prévues en amont de ces dernières, de même que les aménagements des postes et la formation des salariés.

Les entreprises peuvent solliciter les recommandations du service de prévention et de santé au travail pour l’évaluation des risques et les actions de prévention à prévoir, ainsi que les Carsat, la Cramif ou les CGSS

Par ailleurs, des facteurs individuels, liés à l’état de santé notamment, contribuent également à aggraver le risque. Les salariés doivent être informés de la nécessité, s’ils ont un problème de santé ou s’ils prennent des médicaments, de consulter leur médecin du travail.

Exposition au risque

 

© Gaël Kerbaol/INRS – 2023

 

Lors des périodes de forte chaleur, tous les travailleurs sont potentiellement exposés, mais les salariés les plus en danger sont ceux qui exercent une activité à l’extérieur, surtout si une charge physique de travail est associée, notamment dans les secteurs du BTP, des travaux agricoles, des transports, de la livraison…

Selon l’enquête Sumer 2017, 3 558 100 salariés sont concernés par le travail à l’extérieur, exposé aux intempéries : ouvriers du bâtiment, agriculteurs, éleveurs, maraîchers, jardiniers, pêcheurs, gendarmes, policiers, pompiers, professionnels de l’action culturelle et sportive, conducteurs de véhicules, agents d’entretien, agents de sécurité…

Accidents du travail mortels

 

La surveillance, par Santé publique France, de l’impact des canicules sur la santé des travailleurs est fondée sur la transmission, par la Direction générale du travail, des fiches de signalement d’accidents du travail mortels en lien possible avec la chaleur pendant la période de surveillance :

  • 7 en 2022, principalement dans le cadre d’une activité professionnelle conduite à l’extérieur, dont 3 dans le secteur de la construction ;
  • 12 en 2020, principalement à l’extérieur, dont 5 avec une activité d’agriculture ou de sylviculture ;
  • 10 en 2019, principalement à l’extérieur, dont 4 dans le secteur du BTP et un dans l’agriculture.

Deux exemples d’accidents liés à des périodes de fortes chaleurs

 

1er cas d’accident : Yann, 19 ans, apprenti menuisier

Le premier jour de canicule de la saison surprend tout le monde. Fin juin, le thermomètre affiche déjà plus de 30 °C. Apprenti dans une menuiserie, Yann, 19 ans doit s’occuper d’un déchargement de matériel dans une cour située à un peu plus de 1,5 km de l’atelier où il travaille habituellement.
Ce début d’après-midi, il s’y rend en voiture. Arrivé sur place, Yann a soif. Zut ! L’eau est restée à l’atelier. Tant pis. Pris par le temps, il renonce à faire demi-tour. « Avec cette chaleur, mieux vaut s’économiser, se dit-il. La bière du déjeuner m’aidera à tenir. » Il s’attelle à la tâche. Alors que le matin l’atmosphère moite qui régnait dans l’atelier avait provoqué chez le jeune homme une sudation excessive, il réalise, que finalement, il sue beaucoup moins à l’extérieur. En revanche, Yann a des maux de tête, puis des crampes musculaires. À plusieurs reprises, il éprouve une forte sensation de chaleur et quelques difficultés à se concentrer sur sa tâche.
Une heure trente plus tard, alors qu’il reprend le volant, il est pris d’un malaise et perd le contrôle de son véhicule.


2e cas d’accident : Éric, 42 ans, ouvrier du bâtiment

Lundi 11 août, Éric, 42 ans, reprend le travail après un arrêt maladie. La canicule qui s’est abattue sur le pays il y a une dizaine de jours ne faiblit pas. La nuit précédente, la température a même atteint des records historiques : à Paris, elle n’est pas descendue en dessous de 25,5 °C et Éric a eu du mal à trouver le sommeil.
Ce lundi matin, Éric rejoint trois collègues sur un chantier de construction d’une maison individuelle. Avec eux, il doit notamment poser des éléments préfabriqués en béton, déchargés et stockés à l’entrée du chantier, en plein soleil. En début de matinée, Éric boit beaucoup. Mais très vite, l’eau n’est plus très fraîche… Pris par les cadences de son travail, il ne prête pas attention à la sensation de faiblesse et de fatigue qu’il ressent. Il l’attribue au manque de sommeil. À 11 heures, alors qu’il a définitivement renoncé à boire de l’eau tiède, il est en proie aux premiers étourdissements. À plusieurs reprises, ses collègues s’inquiètent de son état, sans qu’aucun ne reconnaisse le coup de chaleur.
Après le déjeuner, alors qu’il s’apprête à reprendre son activité, Éric perd conscience.

 

Démarche de prévention des risques liés aux périodes de forte chaleur

 

Les situations à risque liées aux périodes de forte chaleur doivent être repérées, évaluées et bénéficier d’un plan d’actions de prévention : l’identification des postes concernés doit être réalisée et l’évaluation consignée dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP).

Sont notamment à prendre en compte :

  • les caractéristiques du poste ou des tâches à réaliser : le travail en extérieur ou non, la charge physique de travail, la durée d’exposition, etc. ;
  • l’exposition aux rayonnements solaires ;
  • l’organisation du travail : horaires, pauses, rotations, etc. ;
  • l’aménagement des locaux et des zones de travail : climatisation, aération, zones d’ombre, accès à de l’eau fraîche, etc.

© Claude Almodovar pour l’INRS – 2022

© Claude Almodovar pour l’INRS – 2022

 

Un plan de prévention doit être mis en place. Il faut anticiper en amont les mesures à prendre avant (aménagement des locaux, formation des salariés par exemple) et lors des périodes de forte chaleur (adaptation de l’organisation du travail par exemple) pour assurer la sécurité des travailleurs.

L’évaluation des risques et l’élaboration des mesures de prévention, qu’elles soient organisationnelles, techniques ou individuelles, doivent associer les salariés concernés et/ou les représentants du personnel ainsi que le service de prévention et de santé au travail. Les Carsat, CGSS ou la Cramif peuvent également être sollicitées.

L’organisation des secours doit également être prévue.

La vérification quotidienne des niveaux de chaleur attendue est nécessaire et l’organisation du travail doit être adaptée en conséquence. Si l’employeur considère que ses salariés sont en danger, il doit faire cesser le travail. Une veille quotidienne est disponible pour chaque département du 1er juin au 31 août : https://vigilance.meteofrance.fr/fr/canicule

En cas de canicule, la plateforme téléphonique Canicule Info Service donne des informations complémentaires : 0800 06 66 66.

Niveaux de vigilance canicule (source : Météo France)

 

La vigilance de Météo France signale le niveau de danger de chaque vague de chaleur à l’aide de quatre couleurs (vert, jaune, orange, rouge) :

  • niveau de vigilance verte : pas de vigilance particulière ;
  • niveau de vigilance jaune : pic de chaleur (chaleur intense pendant un à deux jours) ou épisode persistant de chaleur (supérieur à trois jours mais seuils départementaux non atteints) ;
  • niveau de vigilance orange : canicule, soit une période de chaleur intense pendant trois jours et trois nuits consécutifs, les seuils départementaux sont dépassés ;
  • niveau de vigilance rouge : canicule extrême, exceptionnelle par sa durée, son intensité, son extension géographique, et présentant un fort impact sanitaire pour l’ensemble de la population et des impacts sociétaux (sécheresse, approvisionnement en eau potable, aménagement ou arrêt de certaines activités, etc.).

 

Lors des périodes de forte chaleur, différentes mesures organisationnelles contribuent à la sécurité des travailleurs : 

  • limiter au maximum ou reporter les efforts physiques ;
  • limiter le temps d’exposition des salariés au soleil et à la chaleur lors du travail à l’extérieur en modifiant les horaires de travail, en favorisant les heures les moins chaudes et en prévoyant une rotation des tâches ;
  • permettre des pauses plus fréquentes, plus longues, dans des lieux frais et ombragés ;
  • mécaniser les tâches physiques si possible ;
  • éviter le travail isolé pour favoriser la surveillance mutuelle des salariés ;
  • permettre aux salariés d’adapter leur rythme de travail ;
  • prendre en compte la période d’acclimatation : être particulièrement vigilant lors d’un retour de congé ou d’une nouvelle embauche ; l’acclimatation prend au minimum sept jours et peut être plus longue.

Des mesures techniques peuvent également être anticipées :

  • dès la conception des bâtiments ou en rénovation (isolation, etc.) ;
  • ventilateur, store, abri à l’ombre pour les travaux à l’extérieur ;
  • climatisation, notamment dans les véhicules tels les engins de chantier ;
  • aides mécaniques à la manutention ;
  • sources d’eau potable fraîche à proximité des postes de travail ;
  • aires de repos climatisées ou à l’ombre pour les travaux à l’extérieur, etc.

Enfin, l’implication des salariés est essentielle.

L’organisation du travail et les mesures de prévention collective décidées en amont doivent permettre l’adoption de mesures de prévention individuelle, que l’employeur devra promouvoir. Par exemple, les salariés sont invités à s’hydrater très régulièrement, même en l’absence de sensation de soif ; de l’eau fraîche doit être à leur disposition, en quantité suffisante.

Ils doivent être informés de l’importance de leurs comportements individuels pour leur sécurité. Il faut notamment les informer des effets possibles de l’exposition à de fortes chaleurs sur leur santé, des mesures de prévention mises en œuvre dans leur entreprise et à mettre en œuvre à titre individuel, des symptômes à surveiller (les leurs et ceux de leurs collègues) et de la conduite à tenir en cas de symptômes.

Les salariés doivent être incités à :

  • consulter et à mettre en relation leur médecin du travail et leur médecin traitant en cas de problème de santé ou de prise de traitement médicamenteux ;
  • porter des vêtements amples de couleur claire, favorisant l’évaporation de la sueur, tout en veillant à la protection contre les rayonnements ultraviolets solaires en cas de travail à l’extérieur ;
  • protéger leur peau et leurs yeux du rayonnement solaire (vêtements couvrant les bras et les jambes, couvre-chef protégeant nuque, oreilles et front, lunettes de soleil). Il est à noter que les équipements de protection individuelle doivent être portés même en cas de forte chaleur. Il convient, en amont des périodes de forte chaleur, de choisir les mieux adaptés à ce type de conditions physiques de travail ;
  • boire de l’eau régulièrement, même en l’absence de sensation de soif ;
  • éviter les repas copieux, l’alcool ;
  • éteindre le matériel électrique non utilisé ;
  • adapter leur rythme de travail à leur tolérance à la chaleur ;
  • se mettre à l’ombre ;
  • éviter les efforts physiques ;
  • utiliser les aides à la manutention.

Acclimatation

 

L'acclimatation est une adaptation physiologique permettant, après une exposition de huit à 12 jours, de s'habituer à la chaleur. Ce phénomène est progressif et transitoire. Les effets débutent dès le premier jour et se stabilisent vers le troisième/quatrième jour. Cette acclimatation se perd après environ huit jours sans exposition à la chaleur. Les premiers jours de forte chaleur et la prise de poste en l’absence d’exposition préalable (nouvel embauché, retour de congé…) nécessitent donc une vigilance particulière.

Les adaptations physiologiques chez le salarié acclimaté se manifestent par une réduction de sa température centrale et de sa fréquence cardiaque de travail. Le seuil de déclenchement de la vasodilatation cutanée est abaissé et la sudation intervient plus tôt. La sudation est plus abondante avec une concentration en sels minéraux plus faible.

 

Suivi individuel de l’état de santé

 

Les pathologies et les traitements des salariés peuvent nécessiter des adaptations particulières lors des épisodes de chaleur intense. Les adaptations thérapeutiques (diurétiques, bétabloquants, etc.) relèvent de l’expertise des médecins traitants et spécialistes qui doivent être informés des conditions de travail de leurs patients et des possibilités d’aménagement de poste.

Ainsi, pour chaque salarié qui présente une pathologie susceptible d’être aggravée par l’exposition à la chaleur intense ou qui prend un traitement influant sur la thermorégulation, une concertation entre médecin du travail et médecin traitant ou spécialiste permettra de proposer les aménagements de poste nécessaires à la sécurité du salarié patient.

Pour en savoir plus
Mis à jour le 25/04/2024