Description clinique de la maladie indemnisable (septembre 2006)
Il existe deux grands types de maladies liées aux rayonnements ionisants : les effets déterministes, c'est-à-dire doses dépendants et les effets stochastiques c'est-à-dire aléatoires.
I. Anémie, leucopénie, thrombopénie ou syndrome hémorragique (irradiation aiguë)
Définition de la maladie
Il s'agit soit d'une anémie, soit d'une leucopénie, soit d'une thrombopénie, soit d'un syndrome hémorragique secondaires à une exposition intense et unique aux rayonnements ionisants, pathologies qui sont liées à une insuffisance médullaire. Cette insuffisance médullaire correspond à un déficit de production des cellules sanguines (lignées du globule rouge, des polynucléaires et des plaquettes).
L'anémie se définit comme une diminution de la quantité d'hémoglobine contenue par unité de volume de sang, en dessous de 13 g/100 ml chez l'homme et de 12 g/100 ml chez la femme, sans augmentation du volume plasmatique.
La leucopénie se définit comme une baisse des leucocytes inférieurs à 4.109/l. Dans le cas de l'irradiation aiguë, cette leucopénie touche surtout les polynucléaires neutrophiles (neutropénie), leur nombre est alors inférieur à 1,5.109/l. Il existe une neutropénie constitutionnelle asymptomatique chez les sujets de race noire où les chiffres de polynucléaires neutrophiles circulants peuvent atteindre 0,8 à 1,7 109/l.
La thrombopénie se définit comme un nombre de plaquettes (ou thrombocytes) inférieur à 0,5.109/l.
Le syndrome hémorragique est le reflet clinique de la thrombopénie.
Diagnostic
La moelle osseuse est le tissu le plus sensible à l'irradiation. C'est l'organe critique au cours d'une irradiation globale.
Diagnostic positif
Les signes cliniques révélateurs sont ceux de l'anémie (pâleur de la peau et des conjonctives, fatigue, dyspnée) ou du syndrome hémorragique lié à la thrombopénie (hématomes et purpura, voire hémorragies graves).
Les examens biologiques. L'anémie est de type normochrome, normocytaire ou discrètement macrocytaire, non régénérative. Des cellules immatures sont retrouvées dans le sang sous forme de blastes. Le taux de bilirubine conjuguée est souvent un peu augmenté, de même que le fer sérique. La sidérophiline est saturée. La leucopénie porte essentiellement sur les polynucléaires neutrophiles et les lymphocytes. La thrombopénie est retardée et variable. Le temps de saignement est augmenté (hémostase primaire) mais le temps de coagulation (TP, TCA) n'est pas perturbé.
Les examens de la moelle osseuse. Le myélogramme montre une moelle pauvre en leucocytes. La biopsie médullaire révèle un tissu myéloïde rare, remplacé par des cellules graisseuses.
Diagnostic étiologique
La chronologie des signes cliniques et paracliniques est spécifique de l'exposition aux rayonnements ionisants (cf. évolution et estimation du risque en fonction de l'exposition).
La présence d'aberrations chromosomiques lymphocytaires permet à la fois le diagnostic étiologique et l'évaluation de la dose reçue (intérêt pour des doses comprises entre 0,2 et 3 grays).
Diagnostic différentiel
Le diagnostic est celui d'une pancytopénie avec frottis cellulaire pauvre en éléments myéloïdes et absence d'hypertrophie des organes hématopoïétiques.
Il faut donc éliminer les autres causes professionnelles chimiques (benzène), les causes iatrogènes (chloramphénicol, hydantoïnes, noramidopyrine, etc.), virales et bactériennes (tuberculose).
Evolution
L'évolution est fonction de la dose reçue.
Il existe dans les heures suivant l'irradiation une démarginalisation des lymphocytes avec une élévation de leur taux. Les neutrophiles et les lymphocytes chutent ensuite de façon dose-dépendante dès le troisième jour, alors que les plaquettes diminuent régulièrement jusqu'au vingt-cinquième jour. Les complications liées à la leucopénie et la thrombopénie peuvent alors survenir : infections bactériennes localisées (cutanées, dentaires, ORL, pulmonaires, urinaires) ou généralisées (septicémie), hématomes et purpura, voire hémorragies graves.
Il y a une relation évidente entre la dose reçue, l'importance et la rapidité de la chute des lymphocytes. La mesure de la lymphopénie est donc une véritable dosimétrie biologique ; il en est de même du caryotype des lymphocytes.
Traitement
L'hospitalisation est nécessaire pour une irradiation globale au-delà de 1 gray, notamment à cause de l'incertitude sur la dose reçue. La surveillance est essentiellement hématologique ; des transfusions et un traitement antibiotique seront parfois obligatoires.
Au-delà de 2 grays l'hospitalisation se fera en milieu spécialisé.
Facteurs de risque
Facteurs d'exposition
Il s'agit toujours d'une irradiation globale ; en effet en cas d'irradiation localisée, la partie indemne de la moelle supplée la partie irradiée.
La nature du rayonnement ionisant doit être prise en compte par l'intermédiaire du facteur de qualité : ainsi, pour une dose absorbée égale, la dose équivalente au tissu sera plus dangereuse pour un rayonnement alpha ou neutronique.
Facteurs individuels
L'homme est plus radiosensible que la femme en ce qui concerne la moelle osseuse.
Estimation théorique du risque en fonction de l'exposition
Le signe constaté pour la dose la plus faible (0,2 gray en rayonnements X ou gamma) est une lymphopénie temporaire régressant spontanément.
Au-dessous de 1 gray, les signes fonctionnels sont nuls, les signes hématologiques ne concernent que les globules blancs ; ils sont discrets et régressent également spontanément.
Entre 1 à 2 grays les manifestations fonctionnelles apparaissent : il y a une diminution des globules blancs et des plaquettes, celle des globules rouges est plus modeste.
L'aplasie médullaire survient pour une exposition corps entier à des doses de 2 grays pour les irradiations X et gamma. La dose létale 50 sans traitement se situerait entre 3,5 et 4,5 grays.
II. Anémie, leucopénie, thrombopénie ou syndrome hémorragique (irradiation chronique)
Définition de la maladie
Il s'agit soit d'une anémie, soit d'une leucopénie, soit d'une thrombopénie, soit d'un syndrome hémorragique secondaires à une exposition chronique aux rayonnements ionisants, pathologies qui sont liées à une insuffisance médullaire. Cette insuffisance médullaire correspond à un déficit de production des cellules sanguines (lignées du globule rouge, des polynucléaires et des plaquettes).
L'anémie se définit comme une diminution de la quantité d'hémoglobine contenue par unité de volume de sang, en dessous de 13 g/100 ml chez l'homme et de 12 g/100 ml chez la femme, sans augmentation du volume plasmatique.
La leucopénie se définit comme une baisse des leucocytes inférieurs à 4.109/l. Il existe une neutropénie constitutionnelle asymptomatique chez les sujets de race noire où les chiffres de polynucléaires neutrophiles circulants peuvent atteindre 0,8 à 1,7 109/l.
La thrombopénie se définit comme un nombre de plaquettes (ou thrombocytes) inférieur à 0,5.109/l.
Le syndrome hémorragique est le reflet clinique de la thrombopénie.
Diagnostic
Diagnostic positif
Les signes cliniques révélateurs sont ceux de l'anémie (pâleur de la peau et des conjonctives, fatigue, dyspnée) ou du syndrome hémorragique lié à la thrombopénie (hématomes et purpura, voire hémorragies graves).
Les examens biologiques. L'anémie est de type normochrome, normocytaire ou discrètement macrocytaire, non régénérative. Des cellules immatures sont retrouvées dans le sang sous forme de blastes. Le taux de bilirubine conjuguée est souvent un peu augmenté, de même que le fer sérique. La sidérophiline est saturée. La leucopénie porte essentiellement sur les polynucléaires neutrophiles et les lymphocytes. La thrombopénie est retardée et variable. Le temps de saignement est augmenté (hémostase primaire) mais le temps de coagulation (TP, TCA) n'est pas perturbé.
Les examens de la moelle osseuse. Le myélogramme montre une moelle pauvre en leucocytes. La biopsie médullaire révèle un tissu myéloïde rare, remplacé par des cellules graisseuses.
Facteurs de risque
Facteurs d'exposition
Il s'agit ici de doses répétées de faible à moyenne intensité. La dose est le facteur principal, mais elle doit être évaluée en débit de dose. En effet, à dose égale cumulée, les effets seront moindres si le débit de dose est faible.
La nature du rayonnement ionisant doit être prise en compte par l'intermédiaire du facteur de qualité : ainsi, pour une dose absorbée égale, la dose équivalente au tissu sera plus dangereuse pour un rayonnement alpha ou neutronique.
Facteurs individuels
L'homme est plus radiosensible que la femme en ce qui concerne la moelle osseuse.
Estimation théorique du risque en fonction de l'exposition
La numération formule sanguine peut être modifiée par une irradiation chronique, ainsi 8mGy par semaine pendant des mois abaisse le nombre de globules blancs.
III. Blépharite ou conjonctivite
Définition de la maladie
La blépharite correspond à l'inflammation du bord libre de la paupière.
La conjonctive est une muqueuse oculaire en contact avec l'atmosphère qui protège l'œil contre les agressions extérieures. Elle tapisse la face antérieure du globe oculaire et la face interne des paupières et forme deux culs-de-sac supérieur et inférieur. La conjonctive réagit aux agressions selon un même processus quelle que soit son origine. L'inflammation, réalisant la conjonctivite, est l'affection la plus fréquente de la conjonctive.
Diagnostic
Diagnostic positif
Le diagnostic de blépharite est clinique. Parfois il n'existe qu'une rougeur du bord libre avec dépôts de squames dans les cils. Dans d'autres cas, il y a atteinte des bulbes ciliaires avec chute secondaire des cils.
Les signes fonctionnels de la conjonctivite sont une sensation de gêne, de cuisson, de corps étranger, de sable dans les yeux, une douleur superficielle, une photophobie ou un prurit (évoquant plus particulièrement l'allergie). L'acuité visuelle est normale. Le principal signe physique est l'hyperhémie, avec une rougeur de l'œil (à un stade plus avancé peuvent apparaître des suffusions hémorragiques). Un œdème se manifeste par un gonflement de la conjonctive bulbaire (le chémosis) et plus rarement des paupières. Les sécrétions conjonctivales engluant les cils le matin et gênant l'ouverture des paupières sont un des meilleurs signes de la conjonctivite. Il existe également un larmoiement réflexe.
L'examen de l'œil doit être complet (cornée, paupières, dont le bord libre, appareil lacrymal, recherche d'adénopathies loco-régionales) et complété par l'examen général du malade.
Diagnostic étiologique
Les étiologies des blépharites et des conjonctivites sont diverses : en cas d'exposition aux rayonnements ionisants, il s'agit d'une altération irritative directe de la conjonctive.
Evolution
La blépharite et la conjonctivite peuvent être aiguë, subaiguë, chronique ou récidivante, en fonction de la persistance de la cause. Les complications possibles sont l'extension à d'autres zones de l'œil avec le risque de kératite, de concrétions, de cicatrices ou de sténoses des canaux lacrymaux.
Traitement
L'éviction du risque est nécessaire.
Le traitement est local.
IV. Kératite
Définition de la maladie
Il s'agit d'une altération par les rayonnements ionisants de la couche épithéliale de la cornée.
Diagnostic
Diagnostic positif
Les signes d'appel sont la douleur, la photophobie et les larmoiements.
L'examen à la lampe à fente est le temps essentiel du diagnostic positif de la kératite, permettant d'en définir son type, son étendue en surface et en profondeur.
Diagnostic étiologique
Les kératites ponctuées superficielles des deux tiers inférieurs sont plus spécifiques des phototraumatismes dus aux rayonnements ionisants et aux ultraviolets.
Elles s'intègrent dans le cadre de la kératoconjontivite sèche post irradiation.
Diagnostic différentiel
Les étiologies sont très nombreuses : dystrophies cornéennes, traumatismes, infections, allergies, toxiques (ultraviolets, coup d'arc, gaz lacrymogène), syndromes secs, paralysies.
Traitement
Dans le cadre de la kératite radio-induite, le traitement sera symptomatique.
V. Cataracte
Définition de la maladie
La cataracte est une affection de l'œil caractérisée par une opacification du cristallin ou de la capsule qui l'entoure.
Diagnostic
Diagnostic positif
Les symptômes fonctionnels sont la perception de taches sombres mobiles avec les mouvements du globe oculaire, la baisse d'acuité visuelle, la photophobie, éventuellement une diplopie monoculaire associée à la perception de halos colorés autour des lumières et éventuellement une myopie et une achromatopsie pour les cataractes nucléaires. Le diagnostic repose essentiellement sur l'examen au biomicroscope qui pose le diagnostic d'opacités cristalliniennes et qui précise leur localisation, leur taille et le degré de l'opacité. La mesure de l'acuité visuelle de près et de loin quantifie la gêne visuelle. La réfraction n'est pas modifiée par l'opacification sauf s'il s'agit d'une cataracte nucléaire.
La cataracte radio-induite ne diffère pas des autres cataractes. Elle siège cependant plutôt au pôle postérieur et s'installe en quelques mois. Le délai d'apparition de celle-ci, d'autant plus court que la dose est élevée, est de l'ordre de 1 à 10 ans, avec une moyenne à 2 ans.
Diagnostic étiologique
Les cataractes radiques sont bien connues dans le traitement des cancers ORL, cutanés et ophtalmologiques par radiothérapie.
Diagnostic différentiel
Les cataractes sont essentiellement liées au vieillissement. Les facteurs de prédisposition extra-professionnels de la cataracte sont le tabagisme, le diabète, les troubles métaboliques, les traumatismes, la consommation médicamenteuse ainsi que les facteurs héréditaires.
Evolution
L'évolution de la cataracte se fait vers l'opacification de plus en plus importante, aboutissant à une baisse d'acuité visuelle gênante.
Traitement
Il ne diffère pas de celui d'une cataracte sénile. Le traitement est chirurgical, le plus souvent, actuellement, par extraction et implant d'un cristallin artificiel.
Facteurs de risque facteurs d'exposition
Le cristallin a une sensibilité particulière au rayonnement neutronique.
Estimation théorique du risque en fonction de l'exposition
La dose seuil dépend du débit de dose et de la nature du rayonnement.
En dose unique pour un rayonnement X, le risque de cataracte apparaît dès la dose de 2 grays au cristallin ; ce risque augmente rapidement pour atteindre la presque totalité des cas après 5 à 6 grays.
En exposition fractionnée, le risque apparaît à partir de 8 grays.
En exposition étalée sur plusieurs années, le risque apparaît pour un débit de dose supérieur à 0,15 grays par an.
Pour le rayonnement neutronique ces doses sont à diviser par 10 du fait du facteur de qualité.
VI. Radiodermite aiguë
Définition de la maladie
La radiodermite aiguë correspond à l'ensemble des lésions cutanées consécutives à l'exposition d'une dose unique de rayonnements ionisants. Ces lésions concernent les cellules germinatives de l'épiderme.
Diagnostic
Diagnostic positif
Les signes physiques sont schématiquement ceux des brûlures : érythème, phlyctènes, œdème, nécrose et sclérose. L'évolution de ces différentes phases est plus longue comparativement à celle des brûlures classiques.
Au début, on note une sensation de chaleur (25 % des cas seulement), l'érythème apparaît de façon également inconstante après quelques heures. L'épidermite sèche débute une dizaine de jours après l'irradiation, l'érythème est plus ou moins foncé, prurigineux, suivi d'une desquamation. La dépilation ou l'alopécie sont temporaires. L'ensemble des symptômes dure environ une semaine. La peau fragilisée est plus sensible en cas d'expositions ultérieures. L'épidermite exsudative (bulleuse) succède à l'érythème précoce, intense et prurigineux, avec une latence de trois semaines ; celle-ci se traduit par une phlyctène suivie d'une ulcération qui laisse le derme à nu. La restauration se fait en trois à six mois avec une pigmentation et une dépilation définitive. Elle est due à l'atteinte des cellules basales du derme.
La dermite ulcéreuse survient en cas d'atteinte profonde des téguments (irradiation importante) avec une latence de quelques jours. L'érythème est intense, œdémateux suivi de bulles douloureuses qui s'ulcèrent profondément.
L'ulcération qui aboutit à une nécrose d'évolution torpide nécessite un traitement chirurgical. Les douleurs sont intenses.
La cicatrisation est incertaine, une sclérose survient généralement.
La thermographie est à pratiquer en première intention : elle permet de recueillir des informations sur l'étendue des lésions (augmentation de la température des zones irradiées) bien avant l'apparition des signes cliniques.
L'imagerie par résonance magnétique (IRM), visualisant les atteintes sous-cutanées, peut faciliter le diagnostic d'extension des lésions.
La scintigraphie vasculaire peut être prescrite après une irradiation des mains.
La capillaroscopie peut mettre en évidence des anomalies capillaires induites par l'irradiation.
Diagnostic étiologique
Il s'agit de doses localisées à débit élevé.
Le développement du dosifilm est à effectuer en urgence. La dose peut également être lue sur le dosimètre opérationnel pour les personnels qui travaillent en zone contrôlée.
Diagnostic différentiel
Les lésions de la peau dues aux rayonnements ionisants n'ont rien de spécifique : un érythème consécutif à une radioexposition ne diffère en rien d'un banal coup de soleil.
L'exposition à une dose unique de rayonnements ionisants étant toujours accidentelle, le diagnostic différentiel ne se pose guère. C'est la latence d'apparition des signes par rapport à l'exposition qui permet de différencier la brûlure radiologique des autres causes.
Evolution
Après cicatrisation, les lésions de radiodermite aiguë prennent l'allure de radiodermites chroniques. La réaction cutanée précoce n'est pas un bon indice de prédiction des lésions tardives. C'est la capillaroscopie qui est actuellement l'examen le plus approprié pour l'évaluation du pronostic.
L'évolution cancéreuse est possible.
Traitement
Le traitement médical ne diffère pas de celui des brûlures thermiques, tant sur le plan local que général.
Le traitement chirurgical reste la seule alternative à la guérison de la brûlure radiologique. Il consiste en l'exérèse des zones nécrosées, suivie de greffes ou de lambeaux pédiculés partant d'une zone non irradiée.
Facteurs de risque
Facteurs d'exposition
Les manifestations dépendent de la dose reçue par la peau, du débit de dose et des dégâts entraînés au niveau des cellules germinatives de l'épiderme.
Les rayonnements responsables de radiodermites sont les rayonnements bêta, quelle que soit leur énergie (accident de Tchernobyl), et les rayonnements X et gamma de faible énergie. Les effets des rayonnements gamma de haute énergie, plus pénétrants, sont relativement secondaires. Aucun effet déterministe par exposition de la peau à des rayonnements alpha n'a été signalé : ceux-ci sont arrêtés par la couche cornée de la peau.
Les effets cutanés aigus dépendent également de l'importance de la zone exposée et de l'énergie du rayonnement, sachant que la dose absorbée localement est d'autant plus grande que l'énergie du rayonnement est faible.
Facteurs individuels
En règle générale, les effets de l'irradiation sur le tissu conjonctif normal ne sont pas constants : il existe une forte variabilité individuelle quel que soit le tissu irradié.
Estimation théorique du risque en fonction de l'exposition
Les seuils d'apparition sont variables : érythème (4 à 8 grays), épidermite sèche (3 à 5 grays), épidermite exsudative (20 grays) et nécrose (25 grays).
La latence d'apparition de l'érythème peut donner une indication sur l'intensité de l'exposition (une latence de 2 à 3 heures équivaut à une dose supérieure à 20 grays).
VII. Radiodermite chronique
Définition de la maladie
La radiodermite chronique comporte l'ensemble des lésions dues à l'exposition à des doses modérées de rayonnements ionisants pendant de nombreuses années, elle peut également survenir dans l'évolution d'une radiodermite aiguë ou d'une exposition aiguë aux rayonnements ionisants.
Les lésions vasculaires jouent un rôle primordial dans la pathogénie de ces lésions.
Diagnostic
Diagnostic positif
Les lésions siègent généralement sur les mains.
La peau s'amincit, devient sèche et atrophique, les empreintes digitales s'effacent ; les doigts rougissent en même temps que les ongles se strient longitudinalement et se fendillent. Ultérieurement apparaissent des fissures douloureuses sur la pulpe des doigts.
L'évolution se poursuit vers des télangiectasies, des hyperkératoses localisées d'aspect verruqueux autour des ongles pour s'étendre aux doigts ainsi que des hypo et des hyperpigmentations.
Plus tardivement surviennent des ulcérations à fond un peu granuleux ou atone, généralement très douloureuses. Cette ulcération est provoquée par une infection ou un traumatisme.
La biopsie n'est pas spécifique. En général elle montre une hyperkératose actinique.
Diagnostic étiologique
Il s'agit d'exposition à des doses modérées de rayonnements ionisants pendant de nombreuses années.
Les types de rayonnements incriminés sont les mêmes que dans les irradiations aiguës.
Le passé radiologique par l'étude des films dosimétriques de l'intéressé doit être effectué. Il permet le calcul des doses cumulées.
Diagnostic différentiel
Il faut éliminer une radiodermite d'origine non professionnelle, notamment celles issues des anciens traitements des verrues.
On élimine également toutes les autres causes de dermite sèche, atrophique ou ulcérée, notamment eczéma et mycoses.
Evolution
Après le stade des ulcérations, peut survenir une cancérisation des lésions. L'examen histologique ne permet pas toujours de différencier le stade pré-cancéreux du stade cancéreux. La lésion dégénérée se présente sous forme d'une ulcération à bord très infiltré, à fond sanieux, bourgeonnant, saignant au moindre contact. C'est sur la partie irradiée que la radiodermite chronique est susceptible de se développer.
Deux types de cancers peuvent apparaître :
- une maladie de Bowen qui est en fait un épithélioma intra-épidermique et qui se transforme ultérieurement en épithélioma spinocellulaire bowénien, envahissant le derme, puis les tissus profonds ;
- un épithélioma basocellulaire (couche basale de l'épiderme) ou spinocellulaire (kératinocytes) qui survient 20 à 40 ans après la fin de l'exposition, avec une moyenne à 25 ans. Le rapport entre l'incidence des carcinomes basocellulaires et spinocellulaires est voisin de 10. Ces derniers se rencontrent plus facilement au niveau des mains.
Les mélanomes malins ainsi que les sarcomes sont beaucoup plus rares.
La radiodermite chronique est surtout un facteur de fragilisation cutanée avec un risque de crevasses, d'ulcérations et d'irritation cutanée survenant au contact d'autres irritants professionnels.
Traitement
Le retrait définitif de toute exposition aux rayonnements ionisants s'impose.
Devant une radiodermite confirmée, il convient de conseiller une excision large des lésions, suivie d'une autogreffe ou d'un lambeau pédiculé.
Le traitement des épithéliomas est essentiellement chirurgical.
Facteurs de risque
Facteurs d'exposition
Tous les types de rayonnements peuvent provoquer des radiodermites chroniques.
Les lésions tardives ne dépendent pas de la durée de l'étalement des doses mais plutôt de la dose par fraction. D'autre part, la réaction cutanée précoce n'est pas un bon indice de prédiction des lésions tardives.
Les autres facteurs d'irritation cutanée comme les agents chimiques, les rayonnements non ionisants majorent le risque de survenue de lésions radioinduites.
Facteurs individuels
Comme pour la radiodermite aiguë, les effets de l'irradiation sur le tissu conjonctif normal ne sont pas constants : il existe une forte variabilité individuelle quel que soit le tissu irradié.
Par contre la surface de peau irradiée est un facteur important de l'incidence des cancers cutanés.
Estimation théorique du risque en fonction de l'exposition
L'étude des conditions de travail met en évidence des radiodermites chroniques pour des expositions répétées de rayonnements X de 5 mGy par jour, avec une dose cumulée à la peau supérieure à 10 Gy.
Aucun cancer cutané n'a été observé pour une dose inférieure à 10 Gy.
VIII. Radio-épithélite aiguë des muqueuses
Définition de la maladie
Il s'agit des lésions de l'épithélium dues à l'exposition aux rayonnements ionisants. L'épithélium se définit comme un tissu non vascularisé, exclusivement constitué de cellules juxtaposées.
Les atteintes des muqueuses sont similaires à celles observées au niveau de la peau. En particulier, on rencontre des chéilites (atteintes des lèvres).
Diagnostic
Les lésions associent une hyperhémie et un œdème.
Evolution
Selon l'importance de l'exposition, on observera dans l'évolution soit une simple desquamation de la langue et des joues, soit une évolution avec saignement, ulcération et nécrose.
Traitement
Symptomatique, antibiotique.
Facteurs de risque
Facteurs d'exposition
Lors d'une irradiation globale aux doses de 5 à 10 Gray, une hyperhémie des cavités orales et nasales est observée, suivie 4 à 5 jours après d'un œdème du palais et du pharynx postérieur, puis de saignement, d'ulcération et de nécrose. Après une irradiation globale de 10 Gray, les lésions apparaissent au niveau de la muqueuse orale avec une latence de quelques jours avec un œdème pouvant s'étendre jusqu'au larynx accompagné de gonflement et de douleur au niveau des gencives et de la gorge.
IX. Radiolésions chroniques des muqueuses
Définition de la maladie
La radiolésion chronique des muqueuses comporte l'ensemble des lésions dues à l'exposition à des doses modérées de rayonnements ionisants pendant de nombreuses années, elle peut également survenir dans l'évolution d'une radiolésion aiguë ou d'une exposition aiguë aux rayonnements ionisants.
Les atteintes des muqueuses sont similaires à celles observées au niveau de la peau. En particulier, on rencontre des chéilites (atteintes des lèvres).
X. Radionécrose osseuse
Définition de la maladie
Les radionécroses sont la conséquence d'une nécrose cellulaire qui intéresse toutes les cellules osseuses : moelle, périoste, endoste et ostéocytes.
Diagnostic
Les ostéonécroses radiques sont surtout connues comme conséquences des irradiations médicales thérapeutiques.
Evolution
La radionécrose se complique de fractures qui consolident mal. Le sarcome osseux se manifeste de nombreuses années après l'irradiation.
Des ostéosarcomes et des carcinomes de la mastoïde et des sinus ont été décrits chez des femmes peintres de cadrans et de chiffres lumineux utilisant dans les années 1920, des peintures contenant du radium 226 émetteur alpha.
Traitement
Le traitement est symptomatique.
Facteurs de risque
facteurs d'exposition
L'exposition aux rayonnements se fait par contamination interne ou irradiation externe.
La dose délivrée doit être importante.
La contamination par des sels de radium peut entraîner des lésions osseuses complexes (aires opaques radiologiques au niveau des têtes fémorales et humérales, et aires transparentes dans la corticale des os longs et la voûte du crâne) qui peuvent se compliquer de fractures, d'ostéite et tardivement d'un ostéosarcome.
Estimation théorique du risque en fonction de l'exposition
Les premières constatations de radionécroses du maxillaire ont été faites chez les ouvrières du New-Jersey qui peignaient les chiffres luminescents des horloges avec de la peinture contenant du radium et qui affinaient leur pinceau en les passant sur les lèvres.
XI. Leucémies
Définition de la maladie
La leucémie est un terme générique recouvrant un groupe d'affections caractérisées par la présence en excès dans la moelle osseuse, et parfois dans le sang, de leucocytes ou de leurs précurseurs. On distingue les leucémies aiguës (prolifération de précurseurs hématologiques peu différenciés incapables d'achever leur maturation) et les leucémies chroniques (lymphoïdes et myéloïdes).
Diagnostic
Diagnostic positif
Les leucémies aiguës se révèlent par deux types de manifestations : des signes d'insuffisance médullaire (anémie, granulopénie et thrombopénie) et des signes de prolifération (splénomégalie, adénopathies, signes osseux). L'hémogramme et le médullogramme font le diagnostic.
La leucémie myéloïde chronique est souvent révélée par une altération de l'état général et une pesanteur de l'hypochondre gauche. L'examen clinique met en évidence une splénomégalie, parfois une hépatomégalie. L'hémogramme révèle une hyperleucocytose considérable, le plus souvent au-dessus de 50.109/l (50 000/ml). Le myélogramme confirme l'hyperplasie granuleuse.
Diagnostic étiologique
Les leucémies aiguës représentent le type de cancer le plus prévisible et le plus immédiat à la suite d'une exposition globale aux rayonnements ionisants. Le suivi prolongé des individus ayant été exposés aux explosions atomiques a montré une augmentation de l'incidence des leucémies lymphoïdes aiguës (LLA) et des leucémies myéloïdes aiguës (LMA) et chroniques (LMC). Le risque de leucémie est le plus élevé 5 à 10 ans après l'exposition. Un risque accru de leucémie a également été constaté après radiothérapie (LMA après strontium, bêta émetteur).
On n'a pas démontré de lien épidémiologique entre la leucémie lymphocytaire chronique (LLC) et l'exposition aux rayonnements ionisants.
Il n'y a pas d'élévation significative du nombre de leucémies chez les patients traités par l'iode 131 pour une tumeur de la thyroïde.
Diagnostic différentiel
Il faut rechercher les autres cancérogènes pour la lignée sanguine, notamment le benzène.
Evolution
La latence de survenue varie de 4 à 20 ans, le maximum se situant de 8 à 10 ans après l'irradiation.
Traitement
Le traitement relève d'une prise en charge en milieu spécialisé.
Facteurs de risque
Facteurs d'exposition
En dose unique, on estime qu'il n'apparaît pas de leucémies excédentaires au-dessous de 200 mSv (rayons X et gamma).
Actuellement, pour les leucémies, on considère que le risque n'augmenterait qu'au delà de 200 mSv.
Pour les travailleurs du nucléaire, aucune augmentation significative du risque de leucémies n'apparaît pour des doses de 400 mSv, étalées sur l'existence professionnelle.
Facteurs individuels
L'âge est un facteur important de radiosensibilité : ce sont les enfants, adolescents et les personnes âgées qui sont les plus sensibles.
L'homme est plus radiosensible que la femme en ce qui concerne la moelle osseuse.
XII. Cancer bronchopulmonaire par inhalation
Définition de la maladie
Le cancer bronchopulmonaire cité correspond à une tumeur maligne bronchopulmonaire primitive due à l'inhalation de particules radioactives.
Diagnostic
Diagnostic positif
Les signes cliniques sont très variés : toux, dyspnée, douleur thoracique, hémoptysie, altération de l'état général, syndrome paranéoplasique, syndrome médiastinal, douleur osseuse due aux métastases.
La radiographie simple n'est significative qu'au-delà d'une certaine évolution : il faut donc pratiquer dans tous les cas une tomodensitométrie (évaluation de la tumeur et bilan d' extension).
La fibroscopie avec biopsie est l'examen clé du diagnostic. Il n'existe pas de forme histologique spécifique de cancer bronchopulmonaire dû aux rayonnements ionisants, toutefois, la forme la plus fréquemment rencontrée est le cancer bronchique à petites cellules.
Diagnostic étiologique
La latence minimum de survenue du cancer est de 5 ans après le début de l'exposition. Il s'agit le plus souvent d'un cancer indifférencié.
Diagnostic différentiel
Il faut éliminer les autres causes de cancers bronchopulmonaires d'origine professionnelle : amiante, chrome, nickel, fer, béryllium, arsenic, huiles minérales...
Il faut également prendre en compte les autres facteurs de risque non professionnels comme le tabac.
Enfin, il existe un risque lié à l'irradiation thérapeutique de certains cancers de localisation thoracique.
Evolution
L'évolution dépend du caractère opérable ou non et de la réponse à la chimiothérapie.
Traitement
Les traitements associent chirurgie, chimiothérapie et radiothérapie.
Facteurs de risque
facteurs d'exposition
Le rayonnement alpha est plus dangereux, compte tenu du facteur de qualité de 20 par rapport aux photons. D'autre part, la descendance du radon se fait également sous forme d'une radioactivité alpha.
facteurs individuels
La radiosensibilité est plus importante chez l'homme que chez la femme.
Estimation théorique du risque en fonction de l'exposition
Les études épidémiologiques effectuées chez les mineurs d'uranium montrent un excès significatif de cancers broncho-pulmonaires. C'est le radon, émetteur alpha, qui a été mis en cause. En effet, même si les doses absorbées étaient considérées comme moyennes, le facteur de qualité de 20 associé au rayonnement alpha amène à des doses équivalentes de plusieurs dizaines de sieverts.
XIII. Sarcome osseux
Définition de la maladie
Les tumeurs malignes des os ou ostéosarcomes regroupent une grande variété de tumeurs, qui est fonction du tissu originel concerné. Le sarcome ostéogénique, qui est constitué de tissu conjonctif, est le plus fréquent ; plus rares sont les chondrosarcomes, fibrosarcomes et sarcomes d'Ewing.
Diagnostic
Diagnostic positif
Les signes cliniques sont essentiellement la douleur, souvent nocturne et majorée à la pression plus ou moins accompagnée d'une gène fonctionnelle. Une fracture spontanée révèle parfois l'ostéosarcome.
La radiologie met en évidence des tumeurs ostéolytiques (radio-transparentes) et fortement envahissantes.
La scintigraphie révèle toujours une hyperfixation.
Le scanner permet le bilan d'extension de la tumeur.
Seule la biopsie osseuse permet d'affirmer le diagnostic, de préciser le type histologique et de graduer la tumeur.
Diagnostic étiologique
Il faut rechercher une irradiation externe ou une contamination interne par des radionucléides qui ont une affinité osseuse (radium 226, plutonium 239...). La latence de survenue du cancer est au minimum de 5 ans après le début d'exposition.
Il s'agit le plus souvent de sarcomes peu différenciés.
Diagnostic différentiel
Il s'agit d'éliminer les cancers dits secondaires, dont la nature histologique est différente de celle des cancers initialement traités, mais survenant dans la zone irradiée.
Le fibrosarcome est parfois secondaire à une irradiation locale thérapeutique.
Evolution
L'évolution d'un ostéosarcome non traité est rapide par envahissement loco-régional et métastases pulmonaires. L'état général peut demeurer longtemps excellent, puis s'altère rapidement avec un amaigrissement important et de la fièvre due aux infections secondaires.
Traitement
Le traitement est essentiellement chirurgical, associé ou non à une radio-chimiothérapie.
Facteurs de risque
Facteurs d'exposition
La dose et le type de rayonnement sont les facteurs essentiels de sarcome radioinduit, avec un risque très élevé pour les émetteurs alpha.
Le pourcentage de sarcomes survenus sur des os sains exposés à des irradiations externes est très bas : on a pu l'évaluer à 0,1 % sur 2 300 patients irradiés et contrôlés pendant au moins 5 ans.
La contamination interne peut provoquer des lésions osseuses : la latence de survenue des signes est alors plus longue.
Facteurs individuels
Il n'y a pas de radiosensibilité liée au sexe.
Ce sont les métaphyses qui sont les plus radiosensibles.
Estimation théorique du risque en fonction de l'exposition
Aucun cancer n'est apparu pour des doses inférieures à 0,8 grays (16 Sv) pour les 1 900 femmes peintres de cadrans lumineux, contaminées par le radium (émetteur alpha) dans les années 1920.
Par contre, quand l'irradiation est due essentiellement à des rayons X ou gamma, l'équivalent de dose en sievert est bien moindre (rôle du facteur de pondération radiologique).
Les enquêtes effectuées chez les travailleurs du nucléaire (Etats-Unis, Grande-Bretagne et Canada) ne montrent pas d'excès de sarcomes osseux.
Les études après irradiation thérapeutique (accélérateurs, cobaltothérapie) dans l'enfance montrent une augmentation significative du risque pour des doses entre 10 et 30 grays.