Description clinique de la maladie indemnisable (décembre 2010)
Tularémie
Définition de la maladie
La tularémie est une zoonose due, en France, exclusivement à Francisella tularensis holartica. L’infection est à nouveau une maladie à déclaration obligatoire depuis octobre 2002, dans la mesure où l’agent pourrait être utilisé à des fins de bioterrorisme. Une vingtaine de cas est déclarée par an. Deux séries de cas groupés ont été notifiées : 15 cas en Vendée en août 2004, 5 cas dans les Deux-Sèvres en décembre 2004. Dans le premier cas, la contamination est probablement liée à l’inhalation d’un aérosol généré par l’ébrouage d’un chien ou le déplacement d’un tas de bois sec, dans le second groupe, la contamination était liée à la manipulation de lièvres tués à la chasse, dans le même massif forestier.
Diagnostic
L’incubation est courte (3 à 5 jours en général, jusqu’à 25 jours). Le début est brutal : fièvre élevée, accompagnée de frissons, céphalées, sensation de malaise, anorexie et asthénie. Ce tableau peut également comporter des myalgies, évoquant un syndrome grippal, des signes digestifs tels que douleurs abdominales, diarrhées, vomissements.
La maladie peut revêtir plusieurs formes selon la voie de contamination.
Forme ulcéro-ganglionnaire
Il s’agit de la forme la plus fréquente de la maladie, elle survient souvent après manipulation de carcasses infectées ou piqûres de tiques. La lésion cutanée initiale se forme au point de pénétration de l’agent :
- sur les membres supérieurs dans les ¾ des cas, faisant suite à un contact avec un animal malade,
- au niveau des membres inférieurs et du dos, dans le cas d’une piqûre de tique,
- au niveau de la tête et du cou évoquant davantage une piqûre de moustique.
La lésion débute par une papule, devenant une pustule et évoluant vers une ulcération cutanée douloureuse dont le diamètre est compris entre 0,5 et 3 cm. L’évolution de cette lésion se fait sur plusieurs semaines.
Les adénopathies apparaissent de manière concomitante à l’ulcération, et peuvent la précéder. Leur localisation est en rapport avec le siège de la lésion cutanée : siège épitrochléen ou axillaire le plus fréquemment ; inguinal ou enfin cervical ou occipital. Les adénopathies sont uniques, ou multiples, de volume variable, d’accroissement rapide, douloureuses, pouvant évoluer vers le ramollissement, avec des fistulisations spontanées peu fréquentes. L’évolution peut se poursuivre jusqu'à 3 ans.
Les adénopathies peuvent également être isolées et ne s’accompagner que du syndrome général pseudo-grippal, réalisant une forme ganglionnaire isolée de tularémie : c’est la forme la plus répandue au Japon.
Forme pharyngo-ganglionnaire
Dans sa forme minimale, elle réalise une pharyngite, exprimée par une dysphagie modérée et passant facilement inaperçue. Il s’agit sinon d’une angine fébrile, parfois ulcéreuse, douloureuse, s’accompagnant d’adénopathies latéro-cervicales, jugulo-carotidiennes ou sous-maxillaires souvent volumineuses.
La contamination pharyngée est surtout d’origine digestive (ingestion de viande insuffisamment cuite, mains contaminées portées à la bouche, absorption d’eau contaminée).
Forme oculo-ganglionnaire
La contamination oculaire est liée au frottement de l’œil par des doigts contaminés, à des projections d’eau contaminée ou de particules aériennes infectées.
Elle comporte une conjonctivite purulente, douloureuse et unilatérale, avec hyperhémie conjonctivale, un œdème périorbitaire voir de nodules ou d’ulcérations de la conjonctive.
Cette conjonctivite est accompagnée d’adénopathies pré-tragiennes, sous-maxillaires, carotidiennes ou cervicales ainsi que d’un syndrome infectieux.
Forme pulmonaire
Rares en France, elles surviennent après inhalation de poussières contaminées par des particules infectées. Ces formes pulmonaires sont observées chez les agriculteurs, chez les paysagistes ou chez des particuliers, après des activités de jardinage.
Il peut également s’agir d’une dissémination hématogène de la bactérie, à partir d’une autre forme clinique.
La fièvre, élevée, est accompagnée de manière inconstante de toux sèche, de douleurs thoraciques, de dyspnée ou de crachats hémoptoïques. L’auscultation pulmonaire est pauvre.
D’un point de vue paraclinique, des signes radiologiques sont présents dans 50 à 100 % des cas ; il s’agit d’infiltrats péribronchiques uni ou bilatéraux, associés à des adénopathies hilaires et d’épanchements pleuraux. La fibroscopie bronchique montre des lésions inflammatoires hémorragiques, et, plus tardivement, un granulome inflammatoire.
L’atteinte respiratoire fait la gravité de la maladie avec possibilité d’évolution vers un syndrome de détresse respiratoire aiguë.
Formes pseudo-typhoïdiques, hépato-digestives
Elles sont causées par l’ingestion d’aliments ou de liquides contaminés. Bien que les troubles digestifs soient fréquents lors de la phase d’invasion, les formes entériques pures sont rares. Les signes de gastro-entérite sont accompagnés de syndrome pseudo-grippal avec prostration et amaigrissement.
Une hépatomégalie, une ascite, une hépatite cholestatique ou un abcès hépatique sont parfois rencontrés. Les transaminases et phosphatases alcalines peuvent être 4 fois supérieures à la normale. Cette forme est souvent associée à une forme oropharyngée.
Formes atypiques
Les formes asymptomatiques sont fréquentes ; ce sont les études sérologiques réalisées lors d’épidémies qui ont permis de montrer qu’elles atteindraient au moins 20 % des cas.
Les formes cutanées, portant le nom de tularémides, (aspect d’éruption papuleuse ou vésiculeuse, d’érythème noueux, de lésions pseudo-acnéiques ou urticariennes, à type de rash cutané) peuvent survenir au décours de la 2ème semaine d’évolution et témoigneraient d’un phénomène de sensibilisation. La femme y est davantage sujette que l’homme.
Les formes neuroméningées sont très rares, même si des signes méningés peuvent être présents, plutôt à la phase de début de la maladie, avec des manifestations cliniques à type de troubles neuropsychiques : léthargie, confusion, délire.
Les formes septicémiques sont exceptionnelles, et surviennent sur un terrain prédisposé : diabète, éthylisme, hémopathie, immunodépression. Une rhabdomyolyse, une insuffisance rénale, un choc septique et un coma peuvent survenir.
Le diagnostic de certitude est biologique mais ce sont les arguments cliniques, épidémiologiques et géographiques qui l’orientent.
La mise en évidence directe (au niveau des lésions cutanées, dans le liquide de rinçage pharyngé ou conjonctival ou dans le liquide de ponction d’adénopathies satellites) de Francisella tularensis holartica est difficile et sa culture nécessite des milieux spéciaux, il faut donc orienter le laboratoire vers la recherche de ce germe. Les hémocultures sont rarement positives.
La sérologie par réaction d’agglutination est le test le plus souvent utilisé. Les anticorps agglutinants apparaissent entre le 8ème et le 10ème jour, atteignent un taux maximal en 1 à 2 mois (1/1 000 ou plus), et vont persister pendant des années. Toute présence d’anticorps agglutinants, même à taux faible, doit être confirmée par l’examen d’un deuxième sérum. Le sérodiagnostic de certitude repose sur le constat d’une augmentation du taux d’anticorps d’au moins quatre fois sur deux tests successifs ou un seul titre supérieur à 50.
Des techniques de micro-agglutination, d’hémagglutination, ELISA ou Western blot, sont également utilisées. Il existe des réactions croisées.
La PCR (Polymerase Chain Reaction) permet d’identifier la sous-espèce en cause ainsi que d’autres techniques de biologie moléculaire. Pour l’instant, elles ne se pratiquent que dans quelques laboratoires dont le centre de référence de la tularémie.
Evolution
La durée d’évolution de la maladie est de quelques semaines, plus rarement de quelques mois. La convalescence peut prendre des semaines ou des mois.
La mortalité en Europe est faible, inférieure à 0,5 % avec la sous-espèce Francisella tularensis holartica, alors qu’elle avoisine les 5 % aux Etats-Unis (sous-espèce Francisella tularensis subsp tularensis). Pour cette dernière sous-espèce, la mortalité sans traitement est de 8 % (forme simple) et peut atteindre 50 % (forme grave).
Traitement
En France, il repose sur la prescription d’antibiotique de la famille des fluoroquinolones ou des tétracyclines à prescrire sans retard.
Des ponctions évacuatrices, le drainage d’une adénopathie peuvent être nécessaires, afin d’éviter la fistulisation spontanée. Si celle-ci se produit, un traitement chirurgical sera associé au traitement antibiotique.
Facteurs de risque
Facteurs d’exposition
Le contact avec la faune sauvage (lièvres, lapins, sangliers) ou les piqûres de tiques sont favorisants.
Facteurs individuels
Un diabète, un éthylisme, une maladie immunodépressive, une atteinte pulmonaire, une rhabdomyolyse, sont des facteurs pronostiques défavorables.