Description clinique de la maladie indemnisable (juin 2007)
I. Troubles encéphalo-médullaires
Définition de la maladie
L’intitulé de la maladie est très large, les troubles de l’encéphale et de la moelle englobant une grande partie de la neurologie. Les symptômes listés fixent un cadre un peu plus précis de troubles essentiellement d’origine centrale, pouvant être plus ou moins associés dans cette intoxication.
Le tremblement est défini comme l’existence d’oscillations rythmiques involontaires, de tout ou partie du corps autour d’une position d’équilibre. On distingue des tremblements de repos et des tremblements d’attitude, parmi lesquels figure le tremblement intentionnel, car il apparaît lors du mouvement volontaire, typiquement d’origine cérébelleuse, sous forme de dérèglement du geste, qui perturbe le déroulement du mouvement auquel il imprime une trajectoire discontinue.
Les myoclonies sont des contractions extrêmement brusques et brèves, involontaires, génératrices d’un déplacement segmentaire. Elles intéressent un muscle ou une fraction de muscle ou groupe de muscles. Les myoclonies sont très polymorphes et concernent surtout les muscles des membres et de la face. Elles sont isolées ou en décharges.
Les crises épileptiformes. L’épilepsie est une maladie permanente dont les crises sont intermittentes. C’est sans doute de ce fait que le tableau évoque des crises épileptiformes, qui sont des crises survenant chez un individu habituellement indemne de la maladie épileptique. Les crises épileptiques peuvent prendre des aspects cliniques très divers. Dans le cas présent, il s’agit de crises tonico-cloniques généralisées ou localisée ou une épilepsie continue où, dans l’intervalle des crises généralisées s’observent des secousses cloniques continues portant notamment sur les doigts.
L’ataxie est une incoordination des mouvements volontaires avec conservation de la force musculaire. Les informations sensitives sur les mouvements et les positions, en provenance des articulations et des muscles exercent normalement un contrôle sur les mouvements. L’ataxie est le résultat d’une perte ou d’un déficit de ce contrôle.
L’aphasie et dysarthrie. L’aphasie est la perte de la capacité d’utiliser le langage comme moyen de communication et de représentation symbolique, par lésion du cortex cérébral, malgré l’intégrité fonctionnelle de la langue et du larynx. Les lésions sont anatomiquement localisées au niveau du centre de la parole et il ne s’agit en théorie pas d’une perturbation du langage par désorganisation globale du fonctionnement cérébral par détérioration ou confusion mentale, ce qui est contradictoire avec les autres symptômes du syndrome du tableau de maladie professionnelle et avec le dysfonctionnement global engendré par l’intoxication au bromure de méthyle. La dysarthrie est une difficulté de la parole due à une paralysie ou un spasme des organes de la phonation. L’association avec le mot aphasie dans le tableau et la contradiction notée ci-dessus font penser que le mot aphasie n’a pas pour les rédacteurs du tableau son sens habituel, mais plutôt celui d’une difficulté d’expression.
Les accès confusionnels. La confusion mentale est un état de dissolution de la conscience fluctuant entre obnubilation et stupeur avec désorientation temporo-spatiale, troubles amnésiques et des fonctions intellectuelles.
L’anxiété pantophobique est une anxiété sous forme de terreur diffuse envers tout ce qui entoure le malade souvent en rapport avec des hallucinations visuelles ou auditives ou un délire.
La dépression fait partie des états pathologiques de l’humeur, associant trois types de symptômes, dépression de l’humeur, ralentissement psycho-moteur et symptômes somatiques. La dépression de l’humeur est marquée par une vision pessimiste (culpabilité, tristesse, dévalorisation, anhédonie, ruminations, douleur morale…), un émoussement affectif, une instabilité affective avec anxiété, irritabilité, crises de larmes, des idées suicidaires. Le ralentissement psycho-moteur est intellectuel (bradypsychie, troubles de mémoire, de l’attention, de la concentration, aboulie, ralentissement du débit verbal voire mutisme…) et moteur (repli, prostration, incurie, perte d’élan vital, voix monocorde…). Les symptômes somatiques sont des troubles du sommeil, de la digestion, de l’alimentation, de la libido, des douleurs diverses. La dépression mélancolique est une forme de la dépression particulièrement marquée par une tristesse pathologique.
Diagnostic
Le diagnostic positif est essentiellement clinique. La survenue du tableau clinique plus ou moins complet avec l’association d’un certain nombre des symptômes, l’absence d’antécédents neuro-psychiatriques, la connaissance d’une exposition, peuvent orienter vers un diagnostic d’intoxication.
Il convient de considérer l’hyperacousie, l’amblyopie, la dysarthrie et l’anxiété pantophobique comme des symptômes d’alarme spéciaux à l’intoxication par le bromure de méthyle.
Il existe un intervalle libre de quelques heures à deux jours entre l’absorption du toxique avec ou sans signes d’alarme et la période d’état.
Evolution
Les séquelles étaient fréquentes sous forme de troubles psychiques et de tremblements.
Traitement
Il commence par l’éviction du risque. Il est ensuite symptomatique.
Estimation théorique du risque en fonction de l’exposition
Ce tableau clinique ne peut survenir que dans des conditions de travail dégradées ou dans un contexte plutôt accidentel.
II. Troubles oculaires
Définition de la maladie
L’amaurose (du grec amauros « obscur ») se définit comme une perte de la vision totale, transitoire ou définitive.
L’amblyopie se définit comme une baisse de l’acuité visuelle, d’origine organique ou fonctionnelle. Ce symptôme peut être bilatéral et d’intensité variable.
Ces symptômes ne sont pas liés à une altération des milieux transparents de l’œil.
La diplopie se définit comme la vision double d'un objet unique.
Diagnostic
Le diagnostic positif est évoqué sur l'interrogatoire et confirmé par l'examen ophtalmologique (avec fond d’œil, champ visuel…) et pour la diplopie par examen orthoptique (test rouge vert).
Il existe de nombreuses causes d'amaurose ou d’amblyopie. Les principales sont liées à une atteinte vasculaire, du nerf optique, de la rétine. Il existe de nombreuses causes de diplopie. Les principales sont d'origine traumatique, tumorale, vasculaire, inflammatoire, métabolique, ou infectieuse...
Le diagnostic étiologique nécessite des examens complémentaires biologiques ou morphologiques.
L’amaurose ou l’amblyopie due au bromure de méthyle, sont dues à une atteinte du nerf optique (névrite optique rétro-bulbaire), mais sans spécificité. Elles sont rares. Il existe de multiples causes de névrite optique et le diagnostic étiologique, orienté par le fond d’œil, nécessite des examens complémentaires biologiques et morphologiques, pour éliminer les causes inflammatoires (sclérose en plaques), toxiques (tabac, alcool, médicaments, substances industrielles…), ou séquellaires (traumatisme, tumeur…).
La diplopie due au bromure de méthyle est rare et n'a pas de spécificité.
Le diagnostic étiologique repose sur des critères de chronologie et la notion d’exposition aiguë, voire dans certains cas d’imprégnation chronique, éventuellement confirmée par biométrologie, et la négativité de la recherche des autres étiologies.
Evolution
L’amaurose, l’amblyopie ou la diplopie se stabilisent ou peuvent régresser plus ou moins partiellement, après cessation de l'exposition.
Traitement
Dans tous les cas, il repose sur la soustraction au risque. Le traitement est ensuite symptomatique et d’efficacité limitée.
Estimation théorique du risque en fonction de l’exposition
L’amaurose ou l’amblyopie lors d'une exposition au bromure de méthyle étaient considérées autrefois, comme un signe d'alarme assez spécifique.
La diplopie après exposition au bromure de méthyle, a été décrite autrefois. Cette pathologie ne survient qu'en cas d’exposition significative, dépassant les valeurs limite d’exposition professionnelle (VLEP) actuelles, et/ou prolongée.
III. Troubles auriculaires
Définition de la maladie
L’hyperacousie se définit comme une augmentation, parfois douloureuse, de l’acuité auditive. Ce symptôme est d’intensité variable, et souvent asymétrique.
Les vertiges (du latin vertere « tourner ») sont caractérisés par une fausse sensation de déplacement (rotation) ou d’oscillation des objets environnants par rapport au sujet, ou plus rarement du corps par rapport à l’environnement. Leur intensité peut être variable. Les formes intenses s'accompagnent souvent de nausées ou vomissements, et rendent la station debout impossible. Les vertiges sont dus à un trouble de la fonction d'équilibration.
Le terme troubles labyrinthiques est un terme général qui traduit une pathologie de l’oreille interne (organe de l'équilibre), sans précision.
Diagnostic
Le diagnostic positif d’hyperacousie est évoqué sur l'interrogatoire, avec un bilan audiométrique le plus souvent normal. Le diagnostic positif de vertiges ou de troubles labyrinthiques est évoqué à l'interrogatoire et confirmé par les examens complémentaires.
L’hyperacousie est un symptôme rare. Les principales causes sont traumatiques ou psychogènes. L’hyperacousie due au bromure de méthyle n'a pas de spécificité. Elle peut être isolée ou s'accompagner d'autres signes neurologiques.
Il existe de multiples causes de vertiges. Les principales sont ORL (oreille interne), neurologiques (syndrome cérébelleux), ou toxiques (alcool éthylique, solvants...). Il existe de nombreuses causes de troubles labyrinthiques. Les principales sont inflammatoires, infectieuses, vasculaires, traumatiques, tumorales, ou toxiques. Ces symptômes dus au bromure de méthyle sont sans spécificité. Ils peuvent s'accompagner d'autres signes neurologiques. Ils sont dus à une atteinte du labyrinthe membraneux.
Dans tous les cas, le diagnostic étiologique nécessite des examens complémentaires audiologiques, biologiques ou morphologiques. Il repose sur des critères de chronologie et la notion d’exposition aiguë, même limitée, voire dans certains cas d’imprégnation chronique, éventuellement confirmée par biométrologie, et la négativité de la recherche d'une autre étiologie.
Evolution
L’hyperacousie régresse, plus ou moins partiellement, après cessation de l'exposition.
Les vertiges et les troubles labyrinthiques régressent habituellement sans séquelle, après cessation de l'exposition, mais avec une rapidité variable.
Traitement
Il repose sur la soustraction au risque. Le traitement est ensuite symptomatique et d’efficacité limitée.
Facteurs de risque
Facteurs d’exposition
Il existe une potentialisation des vertiges et des troubles labyrinthiques, par exposition à des solvants organiques, à l’alcool éthylique ou à des substances psychoactives. Une même exposition peut entraîner des manifestations plus ou moins marquées selon les individus.
Estimation théorique du risque en fonction de l’exposition
L’hyperacousie douloureuse lors d'une exposition au bromure de méthyle, était considérée autrefois, comme un signe d'alarme assez spécifique.
Les vertiges et troubles labyrinthiques sont dose-dépendants et peuvent survenir pour des expositions à de faibles concentrations. Les formes sévères, associées à d'autres signes neurologiques, ne surviennent qu'en cas d’exposition à de fortes concentrations, dépassant les valeurs limite d’exposition professionnelle (VLE) actuelles, et/ou prolongée.
IV. Accident aigus
Définition de la maladie
L’épilepsie est une maladie permanente dont les crises sont intermittentes. Les crises épileptiques peuvent prendre des aspects cliniques très divers. Dans le cas présent, il s’agit de crises tonico-cloniques généralisées ou localisée ou une épilepsie continue où, dans l’intervalle des crises généralisées s’observent des secousses cloniques continues portant notamment sur les doigts.
Le coma se caractérise par une perte partielle ou totale de conscience, de vigilance, de sensibilité et de motricité volontaire. Différents stades existent, du coma vigil au coma profond.
Diagnostic
Le diagnostic positif est clinique et repose sur la recherche des symptômes. Le diagnostic étiologique repose sur la recherche ou la connaissance d'une surexposition, donc sur d'éventuels résultats de dosages biométrologiques, la description du travail et des conditions dans lesquelles il est exercé (en particulier présence ou absence de mesures techniques de ventilation ou d'aspiration), facteurs d'exposition comme le confinement, la durée, la température, la quantité de substance, la notion de pulvérisation. Des résultats négatifs de dosage de toxiques, médicaments, stupéfiants et alcool éthylique, la présence d'autres symptômes d'intoxication au bromure de méthyle peuvent conforter le diagnostic.
Evolution
L'évolution d'un coma dépend de sa profondeur, de sa cause, de ses complications éventuelles cardio-respiratoires.
Traitement
Il repose sur l'éviction immédiate du risque et est complété par un traitement symptomatique.
Facteurs de risque
Facteurs d’exposition
Les effets sont proportionnels à l'intensité et à la durée de l'exposition.
Facteurs individuels
Il n'y a pas de facteur individuel mais l'existence d'autres causes de somnolence, en particulier médicamenteuses, peuvent augmenter les effets dépresseurs sur le système nerveux.