Description clinique de la maladie indemnisable (septembre 2011)
I. Ulcérations
Définition de la maladie
Se dit d'une ulcération, tout processus pathologique aboutissant à la formation d'un ulcère se traduisant par une perte de substance au niveau de la peau, sans tendance à la cicatrisation spontanée.
Diagnostic
Les brûlures chimiques provoquées par le ciment ("cement burns") ont été rapportées dans la littérature dès 1950. Ces brûlures se présentent comme des ulcérations douloureuses, à l'emporte pièce, localisées aux genoux, à la face antérieure des jambes, aux pieds mais aussi aux mains et plus particulièrement aux faces latérales et à l'extrémité des doigts. Elles semblent plus fréquentes actuellement en raison de l'utilisation très large de ciment prémélangé et de ciment à prise rapide (présence d'additifs).
L'apparition de la douleur et de l'ulcération est parfois retardée.
Evolution
L'ensemble des manifestations continuera à s'aggraver, s'étendre ou évoluer par poussées à chaque manipulation ou exposition nouvelle.
La démarche de prévention avec port de vêtements appropriés, hygiène individuelle, étude du geste... sont autant de facteurs de non aggravation.
Traitement
Outre l'éviction ou la réduction des contacts, le traitement des brûlures nécessite un lavage prolongé à l'eau courante et une prise en charge thérapeutique. L'utilisation de crèmes, pommades ou onguents locaux permettra de limiter l'irritation et la sécheresse de la peau. L'hygiène rigoureuse évitera la surinfection qui devra être prise en charge parfois par des onguents antibiotiques.
II. Dermites primitives
Définition de la maladie
La dermite primitive se définissait, lors de la création du tableau en septembre 1955, par rapport à la dermite secondaire eczématiforme (gale du ciment). Actuellement, on peut considérer que ce terme de dermite primitive regroupe l'ensemble des manifestations cutanées reprises sous le terme de dermite irritative qui regroupe, par définition, toutes les lésions non immunologiques subies par la peau au contact de différents agents physicochimiques. Les lésions sont extrêmement variées.
En dermatologie, on parle d'irritation mais aussi de causticité et/ou corrosion. Ces derniers mots désignent une irritation majeure entraînant souvent des séquelles cicatricielles visibles (brûlures chimiques).
En cas d'irritation, les lésions épidermiques observées au microscope sont variées (nécrose cellulaire, vésicules, eczéma, œdème). Il existe aussi des altérations physiologiques de la peau, en particulier une sécheresse cutanée.
Diagnostic
Le contact régulier avec le ciment peut entraîner l'apparition de dermites d'usure ou d'irritation.
Les dermites d'usure sont dues surtout à l'association des traumatismes physiques et des agressions chimiques. Elles se présentent sous forme d'une dermite sèche, avec un aspect luisant des téguments et apparition de quelques fissures plus ou moins profondes.
Les dermites d'irritation sont très proches, avec un degré de plus et une participation dermique donnant un érythème, un œdème plus ou moins important, parfois un suintement pouvant prêter à confusion avec des dermites de type eczéma de contact allergique. Les dermites d'irritation se traduisent par un aspect inflammatoire de la peau avec rougeur (érythème), picotement, sensation de cuisson et développement de plaques (placards érythémato-squameux) sur la surface cutanée au contact avec la substance irritante dans les heures qui ont précédé le début de l'éruption. Les lésions sont généralement limitées aux zones de contact sans "atteinte à distance". Si l'effet caustique touche l'ensemble des personnes exposées, ce n'est pas forcément le cas pour l'effet irritant (cf. facteurs de risque). Les tests épicutanés sont négatifs et souvent inutiles. Aux mains, les dermites d'irritation ont un aspect stéréotypé : atteinte du dos des mains et des doigts, les limites de l'érythème sont nettes. L'érythème, en fonction de la chronicité, devient squameux, hyperkératosique.
Le diagnostic entre dermite d'irritation et eczéma n'est pas toujours simple (tableaucomparatif) et nécessite une collaboration médecins du travail, dermatologues, en particulier dans les centres de dermatologie professionnelle. De manière habituelle, une dermite d'irritation aiguë apparaît dans les heures qui suivent le contact ; elle disparaît rapidement après la cessation du contact.
On voit parfois chez les cimentiers des dystrophies unguéales acquises liées aux troubles trophiques à répétition en rapport avec les lésions cutanées, avec des stries transversales correspondant aux différentes poussées, et permettant de dater ces poussées évolutives. Il ne faut pas confondre ces dystrophies unguéales acquises et d'authentiques mycoses des ongles greffées sur un tégument fragilisé.
Parfois il persiste des lésions assez longtemps après arrêt de l'exposition au ciment, et on peut alors parler de la dermite résiduelle, traduisant l'usure cutanée, mais aussi la réactivité de la peau à n'importe quel irritant.
Evolution
Séparées de manière artificielle des dermites d'irritation aiguës, les dermites d'irritation chroniques sont consécutives à l'application répétée plusieurs fois par jour d'irritants. Si les signes subjectifs sont le plus souvent sensation de picotement ou de brûlure, les signes objectifs associent l'érythème à des signes d'atteinte épidermique (sécheresse, hyperkératose, crevasses...).
L'hyperkératose en est l'évolution habituelle.
Ces dermites d'irritation sont une porte d'entrée pour la survenue ultérieure de dermites de contact de nature allergique.
Traitement
Outre l'éviction ou la réduction des contacts responsables, le traitement de l'irritation est essentiellement local : crème, pommade ou onguents seront utilisés en fonction de la sécheresse de la peau. L'utilisation d'un corticostéroïde faible est habituellement conseillée, en particulier dans la phase aiguë.
Facteurs de risque
Les dermites d'irritation sont habituellement multifactorielles. A côté des facteurs exogènes (microtraumatismes, irritants chroniques, environnement de travail...), il existe des facteurs endogènes qui peuvent expliquer la susceptibilité individuelle, ainsi le "terrain" atopique intervient indiscutablement pour certains salariés.
Enfin, si l'effet irritant est le plus souvent "collectif", il peut être individuel en fonction des facteurs qui modulent l'intensité de la réaction d'irritation (nature de la molécule, concentration, fréquence des contacts, environnement et/ou vêtement occlusif, température ambiante, état d'irritabilité de la peau).
III. Pyodermites
On parle de pyodermite pour désigner toute infection cutanée purulente réalisant des aspects cliniques de furoncle, de folliculite, d'impetigo, d'eczéma impétiginisé.
Diagnostic
Ces différentes manifestations, en raison des conditions particulières d'environnement liées aux BTP, peuvent s'infecter pour réaliser de véritables poussées de folliculites (papulo-pustules inflammatoires centrées par un poil) favorisées d'ailleurs par l'exposition aux huiles de décoffrage.
Des aspects d'impetigo, de furoncle, peuvent se rencontrer avec diverses formes cliniques aggravées par les excoriations dues au prurit.
Evolution
L'ensemble des manifestations continuera à s'aggraver, s'étendre ou évoluer par poussées à chaque manipulation ou exposition nouvelle.
La démarche de prévention avec port de vêtements appropriés, hygiène individuelle, étude du geste... sont autant de facteurs de non aggravation.
Traitement
Outre l'éviction ou la réduction des contacts, le traitement des brûlures, lors de l'accident nécessite un lavage prolongé à l'eau courante et une prise en charge thérapeutique.
L'utilisation de crèmes, pommades ou onguents locaux permettra de limiter l'irritation et la sécheresse de la peau.
L'hygiène rigoureuse évitera la surinfection qui devra être prise en charge parfois par des onguents antibiotiques.
Enfin, le traitement des dermites eczématiformes liées au ciment comporte en priorité l'éviction des allergènes responsables. Toute autre thérapeutique est vouée à l'échec si une telle éviction ne peut se réaliser.
Le traitement local doit répondre aux règles générales du traitement des eczémas : compresses humides froides et pâte à l'eau à la phase aiguë, suintante ; préparations contenant un corticostéroïde aux phases subaiguë et chronique en veillant aux problèmes de surinfection.
Il n'y a aucune désensibilisation envisageable dans les eczémas de contact allergiques professionnels.
Facteurs de risque
Si les ulcérations sont liées au caractère alcalin du ciment, les dermites d'irritation sont habituellement multifactorielles. Le contact régulier avec le ciment, les huiles de décoffrage, les traumatismes physiques liés à la manipulation de parpaings, aux effets du froid, à la sudation sous les gants, sont autant de facteurs susceptibles d'aggraver l'état cutané.
IV. Dermites eczématiformes
Définition de la maladie
Les dermites eczématiformes se traduisent sur le plan clinique par la présence d'un eczéma de contact allergique lié à la manipulation du ciment. Ce sont certainement la manifestation clinique la plus préoccupante. La plupart du temps, elles sont liées à une sensibilisation au chrome. Ce sont des lésions tout à fait caractéristiques, récidivantes à la moindre exposition au ciment.
Un eczéma se définit comme une inflammation superficielle de la peau accompagnée de prurit et caractérisée par une éruption polymorphe formée d'érythème, de vésicules, de croûtes et de desquamation.
L'eczéma de contact allergique peut être défini comme un eczéma consécutif à l'application sur la peau d'une substance exogène agissant comme un haptène. Celui-ci déclenche une réaction d'hypersensibilité faisant intervenir des cellules présentatrices d'antigènes, telles que les cellules de Langerhans et les lymphocytes T.
Diagnostic
Le diagnostic est avant tout clinique et doit tenir compte de plusieurs critères : la clinique, l'anamnèse et l'obtention de tests épicutanés (ou autres) positifs.
La clinique retrouve les différentes lésions citées dans la définition qui se succèdent généralement en 4 phases (phase d'érythème prurigineux, plus ou moins œdémateux ; phase de vésiculation ; phase de suintement ; phase de régression).
L'eczéma se traduit toujours, sur le plan anatomo-pathologique, par une "spongiose" (distension œdémateuse des espaces intercellulaires des kératinocytes) associée à l'"exosérose" (œdème du derme superficiel) et l'"exocytose" (migration dans l'épiderme de cellules inflammatoires d'origine sanguine).
Sur le plan clinique, l'eczéma de contact allergique peut se présenter sous différents aspects :
- l'eczéma aigu érythémato-papulo-vésiculeux accompagné de prurit,
- l'eczéma "sec" érythémato-squameux,
- l'eczéma lichénifié est en général un eczéma ancien, très prurigineux.
Selon la topographie, l'eczéma de contact prend des aspects différents :
- la peau de la face réagit précocément,
- l'eczéma des mains et des doigts est le plus fréquent (dos des mains et des doigts).
L'eczéma de contact allergique se développe sur les territoires cutanés en contact direct avec l'allergène. Lorsqu'il s'agit d'un premier contact avec l'agent responsable, il n'apparaît en général que cinq à sept jours après le début du contact, parfois beaucoup plus tardivement. Cette période plus ou moins longue correspond à la phase d'induction de la sensibilisation allergique. Ultérieurement, chaque contact avec l'allergène entraîne la réapparition beaucoup plus rapide des lésions, c'est-à-dire après 24 à 48 heures. Ce délai ou période de latence correspond à la phase de révélation d'une réaction immunologique retardée.
L'anamnèse doit être minutieuse (chronologie des faits, sièges des premières lésions, évolutivité). Elle doit rechercher des facteurs professionnels (gestes, produits, action éventuelle de l'arrêt de travail...), vestimentaires, cosmétiques, médicamenteux..., mais aussi le rôle possible des substances liées à l'activité non-professionnelle ou aux activités de loisirs (jardinage, bricolage, entretien...).
L'anamnèse, aussi précise que possible, ne peut fournir que des indices de présomption. Elle doit être confirmée ou infirmée par la réalisation de tests épicutanés.
Les tests épicutanés visent à reproduire "un eczéma en miniature" en appliquant la substance suspecte sur une zone limitée de la peau (habituellement le dos). Ils doivent être réalisés par des personnes ayant l'habitude d'interpréter les résultats afin de valider les critères de pertinence du test et d'imputabilité de la substance.
Le diagnostic différentiel se fait surtout avec la dermite d'irritation (tableau comparatif). Il convient de signaler qu'un eczéma de contact allergique peut se greffer sur une autre dermatose préexistante.
Le diagnostic étiologique
Dans l'eczéma au ciment, les trois allergènes principaux sont le bichromate de potassium, mais aussi le cobalt et le nickel. Toutefois, il semble intéressant d'évaluer les différents autres composants et additifs du ciment afin d'expliquer les résultats obtenus par certains tests.
A côté de ces allergènes les plus fréquents, il y a lieu de citer aussi les adjuvants qui peuvent être soit des plastifiants ou résines permettant l'ouvrabilité du béton, soit des retardateurs (sulfates, phosphates) ou des accélérateurs (chlorure de calcium, sodium, aluminium) modifiant la vitesse de prise.
Dans certains cas, l'utilisation d'antigels ou d'hydrofuges peut aussi être un facteur de risque sensibilisant. On peut voir parfois des lésions très aiguës avec des tests très positifs aux résines époxydiques contenues dans les ciments imperméables.
Evolution
Si l'agent causal est supprimé, l'eczéma disparaîtra, surtout si une thérapeutique appropriée est mise en place.
Si le contact avec l'allergène est maintenu, les récidives seront régulières avec possibilité d'extension de l'atteinte cutanée (atteinte sur l'ensemble du corps) pouvant entraîner des tableaux plus graves.
Traitement
Le traitement comporte en priorité l'éviction des allergènes responsables. Toute autre thérapeutique est vouée à l'échec si une telle éviction ne peut se réaliser.
Le traitement local doit répondre aux règles générales du traitement des eczémas : compresses humides froides et pâte à l'eau à la phase aiguë, suintante ; préparations contenant un corticostéroïde aux phases subaiguë et chronique.
Il n'y a aucune désensibilisation envisageable dans les eczémas de contact allergiques professionnels.
Facteurs de risque
Les différents éléments repris dans l'apparition et l'évolution de la dermite irritative sont à prendre en compte comme facteur de risque de l'eczéma allergique.
Une peau irritée, agressée, sèche, ayant perdu ses fonctions " barrière " physiologiques évoluera plus facilement vers l'eczéma de contact en fonction de l'environnement.
V. Blépharite
Définition de la maladie
Il s'agit du nom générique donné à toutes les inflammations de la paupière.
Diagnostic
C'est une dermatose atteignant les paupières. Tous les éléments constitutifs du rebord palpébral peuvent y prendre part : peau, conjonctive, cils, glandes.
Evolution
Elle se fait vers la guérison sous traitement adapté. En cas de persistance de l'exposition les complications peuvent aller jusqu'à la chute du cil (madarose) par destruction totale ou partielle du follicule ciliaire.
Traitement
Outre l'éviction du risque, le traitement est le plus souvent local.
VI. Conjonctivite
Définition de la maladie
La conjonctive est une muqueuse oculaire en contact avec l'atmosphère qui protège l'œil contre les agressions extérieures. Elle tapisse la face antérieure du bulbe oculaire et la face interne des paupières et forme deux culs de sac supérieur et inférieur. La conjonctive réagit aux agressions selon un même processus quelle que soit leur origine ; la conjonctivite est l'affection la plus fréquente de la conjonctive. Les étiologies sont diverses, infectieuses bactériennes et virales, parasitaires, allergiques ou irritatives. La voie d'entrée est le plus souvent exogène, plus rarement endogène (infection généralisée ou réaction locale allergique à l'introduction d'un antigène dans l'organisme).
Diagnostic
Les signes fonctionnels sont une sensation de gêne, de cuisson, de corps étranger, de sable dans les yeux, une douleur superficielle, une photophobie ou un prurit (évoquant plus particulièrement l'allergie). L'acuité visuelle est normale. Le principal signe physique est l'hyperhémie, avec une rougeur de l'œil (à un stade plus avancé peuvent apparaître des suffusions hémorragiques). Un œdème se manifeste par un gonflement de la conjonctive bulbaire (le chémosis) et plus rarement des paupières. Les sécrétions conjonctivales engluant les cils le matin et gênant l'ouverture des paupières sont un des meilleurs signes de la conjonctivite. Il existe aussi un larmoiement réflexe.
L'examen de l'œil doit être complet (cornée, paupières dont le bord libre, appareil lacrymal, recherche d'adénopathies loco-régionales) et complété par l'examen général du malade, facilitant la recherche étiologique et le diagnostic différentiel.
Evolution
La conjonctivite peut être aiguë, subaiguë, chronique ou récidivante, en fonction de l'étiologie et de la persistance de la cause.
Les complications possibles sont l'extension à d'autres zones de l'œil avec le risque de kératite, de blépharites, de cicatrices ou de sténoses des canaux lacrymaux, principalement dans le cas des conjonctivites infectieuses.
Traitement
L'éviction du risque est nécessaire. La nature du traitement médicamenteux varie selon l'étiologie ; il est principalement local à base de pommades et surtout de collyres.