Description clinique de la maladie indemnisable (mars 2006)
I. Papulo-pustules multiples et les complications infectieuses
Définition de la maladie
Les papulo-pustules sont les lésions papulaires et/ou pustuleuses liées à l’action des huiles solubles, en particulier au niveau du follicule pileux. Ces lésions papulo-pustuleuses sont caractéristiques des éruptions acnéiformes et furonculeuses.
On désigne cette maladie par d’autres équivalents : le bouton d’huile, l’élaïokoniose folliculaire de Blum, l’oil folliculitis.
Diagnostic
Les boutons d’huile résultent de l’exposition des travailleurs à des huiles industrielles, essentiellement des huiles minérales, employées principalement comme agents de coupe, de graissage ou de refroidissement. Les huiles minérales ont en effet un pouvoir comédogène plus ou moins intense selon l’huile considérée.
Le mécanisme d’action des huiles est sans doute de nature irritative. L’accumulation d’huile dans l’ostium des follicules pileux entraîne, après des applications répétées, une hyperkératose réactionnelle de l’épithélium ostial.
Les boutons d’huile n’apparaissent en général que quelques semaines après le début du contact avec les huiles responsables. De même, ils ne disparaissent spontanément que quelques semaines après la suppression de tout contact. Ils se présentent initialement comme des comédons simples, ou groupés par paires (comédons doubles) puis comme des papules arrondies en dôme, érythémateuses, fermes à la palpation, souvent coiffées d’un comédon simple ou double. Après extraction manuelle des comédons, le pôle supérieur des boutons d’huile présente un cratère évasé.
Les boutons d’huile sont habituellement prurigineux et siègent aux régions pileuses des avant-bras, du dos des mains et des doigts, à la face antérieure des cuisses (les pantalons de toile sont habituellement imprégnés d’huiles), plus rarement à l’abdomen.
Evolution
Les boutons d’huile se transforment ultérieurement en folliculite («oil folliculitis» dans la littérature anglo-saxonne); il semble bien établi que l’infection n’est habituellement pas due aux germes présents dans les huiles, mais aux bactéries de la flore cutanée.
Traitement
Le traitement des boutons d’huile consistait autrefois en des applications d’alcool iodé. Celui-ci est remplacé aujourd’hui par des antiseptiques divers: hexamidine, chlorhexidine, povidone-iode, trichlorcarbanilide, etc.
II. Dermite irritative
Définition de la maladie
Les huiles minérales ont un pouvoir comédogène plus ou moins intense. Le mécanisme d’action est vraisemblablement d’origine irritative. L’irritation est aggravée par la présence de très nombreux additifs (agents tensio-actifs, biocides, antiseptiques…). Cette situation altère la barrière épidermique et détruit le film hydro-lipidique protecteur.
L’irritation cutanée regroupe par définition toutes les lésions non immunologiques subies par la peau au contact de différents agents physicochimiques. Les lésions sont extrêmement variées.
En dermatologie, on parle d’irritation, mais aussi de causticité et/ou corrosion. Ces derniers mots désignent une irritation majeure entraînant souvent des séquelles cicatricielles visibles (brûlures chimiques).
En cas d’irritation, les lésions épidermiques observées au microscope sont variées (nécrose cellulaire, vésicules, eczéma, œdème). Il existe aussi des altérations physiologiques de la peau, en particulier une sécheresse cutanée.
Diagnostic
Les dermites d’irritation sont de plus en plus fréquentes en raison de l’utilisation accrue de fluides aqueux (appelés aussi huiles solubles, Eau Blanche) souvent plus irritants que les huiles minérales. Les huiles solubles usagées ont un potentiel d’irritation généralement accru.
L’aspect clinique est souvent mineur au début : léger érythème, sécheresse.
Les dermites d’irritation se traduisent par un aspect inflammatoire de la peau avec rougeur (érythème), picotement, sensation de cuisson et développement de placards érythémato-squameux sur la surface cutanée au contact avec la substance irritante dans les heures qui ont précédé le début de l’éruption.
Les lésions sont généralement limitées aux zones de contact sans «atteinte à distance».
Si l’effet caustique est toujours collectif, l’effet irritant l’est plus ou moins (cf. facteurs de risques).
Les tests épi-cutanés sont négatifs et souvent inutiles.
Aux mains, les dermites d’irritation ont un aspect stéréotypé : atteinte du dos des mains et des doigts, les limites de l’érythème sont nettes. L’érythème, en fonction de la chronicité, devient squameux, hyperkératosique.
Le diagnostic entre dermite d’irritation et eczéma n’est pas toujours simple (tableau comparatif) et nécessite une collaboration médecins du travail, dermatologues, en particulier dans les centres de dermatologie professionnelle.
Evolution
De manière habituelle, une dermite d’irritation aiguë apparaît dans les heures qui suivent le contact; elle disparaît rapidement après la cessation du contact.
Séparées de manière artificielle des dermites d’irritation aiguës, les dermites d’irritation chronique sont consécutives de l’application répétée plusieurs fois par jour d’irritants ubiquitaires. Si les signes subjectifs sont le plus souvent sensation de picotement ou de brûlure, les signes objectifs associent l’érythème à des signes d’atteinte épidermique (sécheresse, hyperkératose, crevasses…).
Le contact répété et cumulatif à ces produits souvent trop irritants va faciliter la survenue du risque allergique. Le pronostic de dermatite chronique des mains liée aux fluides de coupe est mauvais. Souvent la dermite d’irritation va se compléter d’un eczéma dysidrosique.
Traitement
Outre l’éviction ou la réduction des contacts responsables, le traitement de l’irritation est essentiellement local : crème, pommade ou onguents seront utilisés en fonction de la sécheresse de la peau. L’utilisation d’un corticostéroïde faible est habituellement conseillée, en particulier dans la phase aiguë.
Facteurs de risque
Les dermites d’irritation sont habituellement multifactorielles. A côté des facteurs exogènes (microtraumatismes, irritants chroniques, environnement de travail…), il existe des facteurs endogènes qui peuvent expliquer la susceptibilité individuelle, ainsi le «terrain» atopique intervient indiscutablement pour certains salariés.
Enfin, si l’effet irritant est le plus souvent «collectif», il peut être individuel en fonction des facteurs qui modulent l’intensité de la réaction d’irritation (nature de la molécule, concentration, fréquence des contacts, environnement occlusif, température ambiante, état d’irritabilité de la peau).
III. Lesions eczématiformes
Définition de la maladie
L’utilisation accrue d’huiles solubles, la multiplication des additifs (émulsifiants, stabilisants, biocides, anticorrosifs, conservateurs…) sont autant de facteurs de survenue d’eczéma de contact allergique.
Un eczéma se définit comme une inflammation superficielle de la peau accompagnée de prurit et caractérisée par une éruption polymorphe formée d’érythème, de vésicules, de croûtes et de desquamation.
L’eczéma de contact allergique peut être défini comme un eczéma consécutif à l’application sur la peau d’une substance exogène agissant comme un haptène. Celui-ci déclenche une réaction d’hypersensibilité faisant intervenir des cellules présentatrices d’antigènes, telles que les cellules de Langerhans et les Lymphocytes T.
Diagnostic
Le diagnostic est avant tout clinique et doit tenir compte de plusieurs critères: la clinique, l’anamnèse et l’obtention de tests épicutanés (ou autres) positifs.
La clinique retrouve les différentes lésions citées dans la définition qui se succèdent généralement en 4 phases (phase d’érythème prurigineux, plus ou moins oedémateux ; phase de vésiculation ; phase de suintement ; phase de régression). L’eczéma se traduit toujours, sur le plan anatomo-pathologique, par une spongiose (distension oedémateuse des espaces intercellulaires des kératinocytes) associée à l’exoserose (œdème du derme superficiel) et l’exocytose (migration dans l’épiderme de cellules inflammatoires d’origine sanguine).
L’anamnèse doit être minutieuse (chronologie des faits, sièges des premières lésions, évolutivité). Elle doit rechercher des facteurs professionnels (gestes, produits, action éventuelle de l’arrêt de travail…), vestimentaires, cosmétiques, médicamenteux…, mais aussi le rôle possible des substances liées à l’activité non-professionnelle ou aux activités de loisirs (jardinage, bricolage, entretien…). L’anamnèse, aussi précise que possible, ne peut fournir que des indices de présomption. Elle doit être confirmée ou infirmée par la réalisation de tests épicutanés.
Les tests épicutanés visent à reproduire «un eczéma en miniature» en appliquant la substance suspecte sur une zone limitée de la peau (habituellement le dos). Ils doivent être réalisés par des personnes ayant l’habitude d’interpréter les résultats afin de valider les critères de pertinence du test et d’imputabilité de la substance. Il existe une batterie de test spéicifque aux huiles.
Le diagnostic différentiel se fait surtout avec la dermite d’irritation (tableau comparatif). Il convient de signaler qu’un eczéma de contact allergique peut se greffer sur une autre dermatose préexistante.
L’aspect clinique est donc très souvent variable. L’eczéma peut être parfois papuleux, d’aspect nummulaire, parfois dysidrosique (cette forme est fréquente). Il existe des atteintes des ongles (périonyxis). La confirmation du diagnostic se fera en milieu spécialisé avec tests épicutanés (batterie standard, batterie spécialisée). Il faut parfois réaliser des tests semi-ouverts. Il faut souvent diluer les produits et les tester séparément.
Evolution
Le pronostic de l’eczéma allergique aux huiles est mauvais. La guérison est souvent peu satisfaisante et elle n’est pas influencée par l’arrêt de l’exposition.
Traitement
Le traitement local doit répondre aux règles générales du traitement des eczémas : compresses humides froides et pâte à l’eau à la phase aiguë, suintante ; préparations contenant un corticostéroïde aux phases subaiguë et chronique.
Il n’y a aucune désensibilisation envisageable dans les eczémas de contact allergiques professionnels.
Facteurs de risque
L’hygiène, l’éducation, le port de protection, la modification des habitudes de travail sont autant de facteurs pour réduire les effets néfastes et permettre une amélioration et un maintien au poste de travail.
IV. Granulome cutané
Définition de la maladie
La survenue dans les tissus d’un matériel étranger entraîne souvent la formation d’un granulome. Le terme granulome peut être défini comme une lésion inflammatoire chronique, caractérisée histologiquement par la présence en proportion variable de macrophages, de cellules épithélioïdes et/ou de cellules géantes multinucléées.
Diagnostic
L’introduction d’un matériel étranger dans la peau (huiles sous pression lors de travaux de pulvérisation) va entraîner un processus inflammatoire de la peau. Le granulome cutané à corps étranger correspond à la réaction cutanée vis-à-vis du corps étranger et la présence de cellules géantes groupées autour de celui-ci.
La pénétration dans le derme de substances huileuses lors des opérations de graissage peut entraîner des oléomes ou oléogranulomes. Ils se développent assez rapidement après le traumatisme.
Cliniquement, ces granulomes se présentent comme de petites papules jaunâtres ou des nodules déprimés en leur centre. Plus rarement, il peut s’agir de vastes granulomes dermiques avec inflammation et infection secondaire voire nécrose et ulcération.
A l’examen histologique, ces granulomes renferment des cavités à contenu graisseux conférant aux lésions un aspect en «fromage de gruyère».
Traitement
Le plus souvent pris en accident de travail, le traitement sera chirurgical. Il tiendra compte de l’importance des lésions, leur profondeur, leur localisation.
V. Insuffisance respiratoire
Définition de la maladie
L’insuffisance respiratoire est l’ensemble des affections thoraciques amputant les réserves mécaniques du système ventilatoire ou altérant l’hématose.
Il s’agit d’affections broncho-pulmonaires liées à l’inhalation d’huiles minérales naturelles ou de synthèse. La contamination se fait par les particules de diamètre aérodynamique inférieur à 5 microns se déposent au niveau alvéolaire et subissent une phagocytose par les macrophages alvéolaires et certaines d’entre elles restent libres. Les macrophages qui ne possèdent pas les systèmes enzymatiques nécessaires à leur dégradation vont migrer vers les bronchioles, le tissu pulmonaire et/ou les ganglions lymphatiques. Les particules non éliminées sont assimilables à des corps étrangers, sans toxicité directe propre, mais induisent une réaction granulomateuse non spécifique et éventuellement une fibrose interstitielle pulmonaire.
Diagnostic
L’expression de la pathologie est variable allant de la détresse respiratoire aiguë fébrile de l’intoxication massive à la découverte radiologique fortuite. Entre ces deux extrêmes, elle peut correspondre à une symptomatologie d’obstruction nasale, d’asthme, d’équivalents asthmatiques, d’insuffisance respiratoire chronique dans certaines formes évoluées.
L’examen clinique est sans spécificité : normal, présence de sibilants ou crépitants selon les cas, signes d’insuffisance respiratoire chronique. La biologie sanguine n’apporte aucune indication évocatrice.
La radiographie pulmonaire peut être normale ou, le plus fréquemment, elle met en évidence un syndrome interstitiel diffus, bilatéral, prédominant à la partie supérieure des deux champs. D’autres aspects sont possibles : opacités alvéolaires, segmentaires, condensations lobaires d’allure infectieuse ou pseudo tumorale. Des opacités linéaires peuvent y être associées, témoignant d’infiltrations septales.
L’examen tomodensitométrique précise l’image radiologique et confirme l’existence d’un syndrome interstitiel éventuel. Dans les formes pseudo pneumoniques ou pseudo tumorales il permet une analyse de densité déterminant la nature graisseuse des opacités.
Le lavage broncho alvéolaire permet de confirmer l’exposition sur l’aspect macroscopique du liquide, la présence de nombreux macrophages surchargés de gouttelettes prenant les colorations habituelles des graisses, éventuellement de gouttelettes lipidiques libres et l’existence d’une alvéolite réactionnelle.
L’étude histologique, à partir de biopsies, met en évidence un infiltrat alvéolaire et/ou interstitiel de macrophages surchargés de vacuoles prenant les colorations classiques des graisses, de granulomes de type corps étranger et parfois d’un afflux de cellules mésenchymateuses avec fibrose. Elle retrouve aussi la présence de gouttelettes lipidiques libres intra alvéolaires ou interstitielles.
L’huile recueillie par liquide de lavage ou biopsie peut être caractérisée en microscopie électronique.
Les résultats des explorations fonctionnelles respiratoires sont variables selon les situations cliniques observées.
Evolution
L’insuffisance respiratoire aiguë est la conséquence d’une intoxication massive. Elle peut entraîner le décès, guérir sans séquelles ou avec séquelles de type restrictif.
Les pneumopathies lipidiques systématisées peuvent guérir sans séquelles, se compliquer d’atteinte bactérienne, mycobactérienne ou mycosique ou encore de nécrose aseptique.
Les pneumopathies interstitielles diffuses évoluant vers la fibrose pulmonaire irréversible sont rares et leur évolution a les mêmes caractéristiques cliniques et biologiques que toutes les fibroses du poumon.
Traitement
Il n’existe pas de traitement spécifique.
Facteurs de risque
Facteurs d’exposition
Les fluides d’usinage, au cours de leur utilisation, s’enrichissent progressivement en particules métalliques qui peuvent représenter un facteur d’agression pour l’appareil respiratoire.