Toxicité aiguë
Les effets du mercure élémentaire par inhalation se manifestent principalement dans les poumons, le système nerveux, le foie et les reins. Par voies orale et cutanée, les composés mercuriques et mercureux sont à l’origine d’effets, plus ou moins sévères, au niveau gastro-intestinal, neurologique et cardio-vasculaire.
Le mercure liquide peut entraîner une conjonctivite légère, alors que des solutions concentrées de chlorure mercurique induisent des lésions sévères de la cornée. Aucune donnée n’est disponible pour la peau.
Aucune donnée quantitative n'est disponible concernant la toxicité chez l'animal du mercure élémentaire par voie orale ou par voie cutanée. Cinquante pourcents des rats exposés à 27 mg/m3 de mercure pendant 2 heures meurent dans les 5 jours suivant l'exposition [5]. Les effets respiratoires suivants sont rapportés : dyspnée, œdème, nécrose de l'épithélium alvéolaire, et occasionnellement une fibrose pulmonaire [17, 33]. Chez les lapins exposés à la concentration de 29 mg/m3, l'autopsie a révélé des lésions cérébrales, hépatiques, rénales, cardiaques et pulmonaires, sévères (nécroses) lorsque l'exposition dépasse les 4 heures [5]. À la suite d'une exposition à 500 µg/m3 de vapeurs de mercure métallique, pendant 4 heures, des dépôts de mercure sont observés dans le cytoplasme des neurones moteurs situés dans la moelle épinière des souris exposées ; une diminution de la force de préhension est rapportée chez ces animaux, ainsi qu'une atrophie des axones [35].
Pour les composés minéraux mercuriques (oxyde, chlorure, nitrate, sulfate), la DL 50 chez la souris ou le rat est comprise entre 10 et 40 mg/kg par voie orale, entre 40 et 600 mg/kg par voie cutanée. Les symptômes observés sont essentiellement des troubles gastro-intestinaux sévères, une néphropathie tubulaire aiguë et un collapsus cardio-vasculaire [34].
La toxicité des composés minéraux mercureux est sensiblement plus faible : DL 50 comprise entre 150 et 200 mg/kg par voie orale, entre 1200 et 2300 mg/kg par voie cutanée [18].
Irritation, sensibilisation cutanées [5]
Le contact de mercure liquide avec la conjonctive du lapin n'entraîne aucun signe clinique de conjonctivite ; une réaction inflammatoire peut toutefois être démontrée histologiquement. Les solutions concentrées (> 0,5 %) de chlorure mercurique provoquent, chez le lapin, des lésions sévères de la cornée.
Toxicité subchronique, chronique
L’exposition chronique au mercure par voie pulmonaire induit des lésions neurologiques, respiratoires et hépatiques, dont la sévérité augmente avec la durée et la concentration d’exposition. Par voie orale, les sels mercuriques sont à l’origine d’effets gastro-intestinaux, cardiaques et immunologiques.
À la suite d'expositions répétées au mercure, les effets suivants sont rapportés chez les rats ou lapins[5] :
- 1 mg/m3, 100 heures/semaine, 6 semaines en continu : congestion pulmonaire ;
- 3 - 4 mg/m3, 5 j/semaine, 12 à 42 semaines : aucun effet au niveau des poumons et du foie, légère dégénérescence de l'épithélium tubulaire, légers tremblements et agressivité accrue (réversible en 12 semaines) ;
- 6 mg/m3, 5 j/semaine, 6 à 11 semaines : dégénérescences cellulaires hépatiques de plus en plus marquées, avec quelques foyers nécrotiques ;
- 29 mg/m3, exposition subchronique : nécrose hépatique sévère.
Par voie orale, l'organe cible est le rein. L'administration continue à des rats, pendant 2 ans, d'un sel mercurique (acétate) dans leur nourriture affecte leur croissance corporelle, lorsque la dose dépasse 100 ppm, et provoque des lésions rénales (augmentation du poids relatif, hypertrophie des tubules proximaux, fibrose corticale, atrophie et fibrose des glomérules) dès la dose de 40 ppm ; une inflammation du caecum est aussi rapportée [36].
Une inflammation et une nécrose sont observées au niveau de l'épithélium glandulaire stomacal, chez des souris recevant 59 mg/kg/j de chlorure mercurique, 5 jours par semaine, pendant 2 semaines [36]. Des effets cardiaques (diminution de la contractilité cardiaque et augmentation de la pression sanguine) sont aussi rapportés [37, 38]. Enfin, un dépôt d'anticorps IgG, notamment au niveau glomérulaire, est rapporté dans les reins de rats exposés entre 200 et 300 µg/kg/j de chlorure mercurique, dans la nourriture, pendant 60 jours[5].
Effets génotoxiques [18, 32]
Les dérivés minéraux solubles du mercure exercent une action mutagène dans plusieurs systèmes expérimentaux in vitro et in vivo .
- In vitro, les composés minéraux du mercure induisent notamment :
- des aberrations chromosomiques dans des lymphocytes humains et dans des cellules d'embryons de souris en culture ;
- une synthèse non programmée d’ADN par des cellules tumorales de souris ;
- des échanges de chromatides sœurs dans des lymphocytes de souris ou des cellules de hamster chinois.
Ils augmentent d'autre part la fréquence des transformations de cellules embryonnaires de hamster syrien.
- In vivo, le chlorure mercurique est mutagène dans le test de dominance létale chez le rat et accroît la fréquence des aberrations chromosomiques dans les cellules de la moelle osseuse de hamster. Il faut noter que, dans la plupart de ces systèmes, les dérivés minéraux du mercure sont nettement moins actifs que ses dérivés organiques.
Effets cancérogènes [17]
Très peu d’informations sont disponibles concernant le potentiel cancérogène du mercure et de ses composés. Quelques tumeurs bénignes et malignes sont rapportées au niveau des reins, à la suite d’expositions au chlorure mercurique.
À ce jour, aucune donnée n'est disponible sur un éventuel effet cancérogène du mercure élémentaire. Une seule étude, menée chez le rat et la souris, exposés pendant 2 ans par gavage au chlorure mercurique, met en évidence à partir de 1,9 mg/kg/j :
- chez la souris mâle, quelques adénomes et adénocarcinomes rénaux ;
- chez le rat femelle, quelques adénocarcinomes rénaux. Chez le rat, une augmentation de l'incidence des papillomes malpighiens de l'estomac antérieur est observée chez les mâles ; une hyperplasie dose-dépendante de cet organe est rapportée pour les deux sexes [36].
Effets sur la reproduction
Les vapeurs de mercure sont à l’origine d’effets au niveau des appareils reproducteurs mâle et femelle, diminuant la fertilité. Au niveau du développement, des effets embryotoxiques et fœtotoxiques sont rapportés ; malformations, modifications du comportement et immunomodulation sont aussi observées. Par voie orale, les sels de mercure touchent aussi les appareils reproducteurs mâle et femelle ; des effets embryotoxiques et fœtotoxiques sont aussi rapportés mais pour des doses supérieures à celles de mercure élémentaire.
Fertilité
L'exposition de rats mâles à des vapeurs de mercure perturbe la spermatogénèse et réduit leur fertilité (augmentation de la mortalité post-implantation) [39]. Un allongement des cycles œstraux est observé chez les femelles exposées à 2,5 mg/m3, 6 heures par jour, 5 jours par semaine, pendant 21 jours [32].
Des rats mâles exposés à 1 ou 2 mg/kg/j de chlorure mercurique, pendant 60 jours, présentent une augmentation du délai de fécondation des femelles, une diminution du taux de testostérone testiculaire et du nombre de spermatozoïdes dans la tête et le corps de l'épididyme [40]. Chez des femelles exposées aux mêmes concentrations pendant 60 jours, une diminution du nombre des implantations et une augmentation des implantations non-viables sont rapportées à la plus forte dose ; parallèlement, une baisse du taux de progestérone et une hausse du taux d'hormone lutéinisante sont mesurées [41].
Développement
Des effets embryotoxiques et fœtotoxiques ont été constatés lorsque des femelles de rats et de hamsters ont, en cours de gestation, été exposées à de faibles concentrations de vapeurs de mercure ou ont reçu, par voie orale, des doses sublétales de chlorure ou d'oxyde mercurique [39].
L'administration de vapeurs métalliques de mercure, 2 heures par jour à des concentrations de 0 - 1 - 2 - 4 ou 8 mg/m3 entre le 6ième et le 15ième jour de gestation, a provoqué une augmentation des résorptions fœtales, une diminution de la taille des portées ainsi qu'une modification du poids des nouveau-nés, uniquement chez les rates exposées à 8 mg/m3, dose fortement toxique pour les mères [31]. Des rates ont été exposées à des concentrations de 0,1 - 0,5 ou 1 mg/m3 de mercure élémentaire, soit pendant toute la période de gestation (j1 à j20), soit pendant la période de l'organogenèse (j10 à j15) : les auteurs observent une augmentation du nombre de résorptions aux concentrations de 0,5 et 1 mg/m3 pendant l'organogenèse. Deux cas d'anomalies crâniennes (sur 115 fœtus) sont notés lors des expositions à 0,5 mg/m3 pendant la gestation, ainsi qu'une diminution du poids des femelles et des fœtus à 1 mg/m3. La concentration de 0,1 mg/m3 ne provoque aucun effet [42]. L'inhalation de mercure métallique (1,8 mg/m3, 1 h ou 3 h par jour) pendant la gestation, et plus particulièrement entre le 11ième et le 14ième jour et entre le 17ième et le 20ième jour de gestation, provoque des modifications comportementales à 3 mois : effets sur les déplacements, l'apprentissage et l'activité[43]. L'exposition de rats ou souris nouveau-nés à des vapeurs de mercure élémentaire (0,05 mg/m3 jusqu'au 20ième jour post-natal - période correspondant à une forte croissance du cerveau) est à l'origine de retards du développement comportemental, respectivement à l'âge de 4, 6 mois et 15 mois [44, 45].
Chez la souris d'une souche sensible à l'auto-immunité due au mercure, l'administration via l'eau de boisson de 50 µmol/l de chlorure mercurique du 8ième jour de gestation au 21ième jour post-natal induit chez les nouveau-nés âgés de 21 jours une augmentation des IgG dans le sérum et dans le cerveau, et des cytokines dans le cerveau (en quantités supérieures chez les femelles). À l'âge de 70 jours, ces niveaux sont revenus à la normale mais une diminution de la sociabilité est observée chez ces animaux, plus marquée chez les femelles. Ces anomalies ne sont pas retrouvées sur des souches non sensibles à l'auto-immunisation par le mercure [46].