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Dioxyde de manganèse

Fiche toxicologique n° 52

Sommaire de la fiche

Édition : 2015

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme [11-20]

    Bien absorbé par voie respiratoire, le dioxyde de manganèse se distribue après réduction dans les principaux organes et notamment le cerveau. Le métal est éliminé lentement de l’organisme et excrété principalement dans les fèces.

    Chez l'animal

    L'absorption du dioxyde de manganèse se fait essentielle­ment par voie respiratoire ; l'absorption digestive ne joue qu'un rôle secondaire ; l'absorption cutanée est négligeable.

    On ne dispose pas de données quantitatives sur l'absorp­tion pulmonaire. Celle-ci dépend beaucoup des dimen­sions des particules inhalées et de leurs caractéristiques physico-chimiques. Seules les particules respirables (diamètre inférieur 5 µm) peuvent atteindre les alvéoles et traverser leurs parois ; les plus grandes sont éliminées des voies respiratoires par l'action mucociliaire et passent dans le tractus gastrointestinal.

    Par voie digestive, l'absorption du manganèse est faible (< 5 %) tant chez l'animal que chez l'homme, aussi bien dans le cas du dioxyde que dans celui des sels solubles divalents ; elle varie toutefois en fonction de la dose admi­nistrée, de l'âge du sujet et de la concentration en fer dans le régime alimentaire (absorption plus forte dans le cas d'une carence en fer).

    Quelle que soit la voie d'intoxication, il semble que le dioxyde soit réduit avant de pénétrer dans la circulation générale où l'on retrouve le manganèse sous forme d'ions divalents liés à une β1-globuline (sidérophiline). Le man­ganèse est largement distribué dans tout l'organisme où il se concentre dans les tissus riches en mitochondries. Les concentrations les plus élevées sont trouvées dans le foie (principal site d'accumulation), le pancréas, les reins et le cerveau ; dans le foie, le manganèse se conjugue aux sels biliaires ; dans le cerveau, il se fixe en particulier dans les noyaux gris de la base (pallidum, noyau caudé et putamen). Il s'accumule aussi dans l'hypophyse, entraînant une réduction de la sécrétion d'hormones hypophysaires (notamment de la TSH).

    L'élimination du métal est biphasique. La demi-vie biolo­gique chez l'homme dépend de la charge de l'organisme en manganèse (valeur moyenne de 37 jours pour des sujets sains non exposés, 26,5 jours chez des mineurs souffrant de manganisme chronique mais qui ne sont plus exposés, 12,5 jours chez des mineurs exposés et non atteints de manganisme). Elle varie, par ailleurs, selon la région du corps considérée ; elle est la plus lente au niveau du cerveau (chez le singe, la demi-vie dans cet organe n'a pu être calculée après 278 jours alors qu'elle est de 95 jours pour l'ensemble du corps).

    L'élimination se fait essentiellement par les fèces ; le prin­cipal véhicule d'excrétion est la bile avec un cycle entéro-hépatique ; il existe aussi une excrétion dans le suc pancréatique. L'excrétion urinaire est extrêmement faible (0,1 à 1,3 %) ; elle est généralement inférieure à 3 µg/L chez l'homme.

    Les études réalisées chez l'animal (singe, chien, lapin et rat) montrent que le manganèse provoque une déplé­tion en dopamine et probablement en sérotonine dans les noyaux gris centraux. C'est pourquoi il a été évoqué l'intervention du système dopaminergique dans les manifestations extrapyramidales du manganisme, ce que corrobore l'efficacité thérapeutique de la L-dopa dans ces manifestations. Mais le fait qu'un certain nombre de malades ne répondent pas à cette thérapeutique prouve que cette explication est partielle. Le mécanisme biochi­mique des autres effets du manganèse reste aussi à élu­cider. On a signalé qu'il affecte, spécifiquement ou non, un grand nombre d'enzymes, qu'il agit sur le métabolisme des glucides et le métabolisme thyroïdien et on a suggéré que sa toxicité cellulaire pourrait être liée à une produc­tion excessive de superoxydes.

    Surveillance Biologique de l'exposition

    Le dosage sanguin du manganèse, prélèvement fait en fin de poste et fin de semaine, reflèterait l'exposition de la veille ainsi que la charge corporelle. Le dosage plasma­tique du manganèse en fin de poste le 1er jour de travail est utile pour apprécier l'exposition récente au manga­nèse et serait à privilégier ; ce paramètre, plus spécifique et sensible que le manganèse urinaire et que celui sur sang total, apparaît bien corrélé à l'exposition.

    Le dosage urinaire du manganèse, prélèvement fait en fin de poste de travail et fin de semaine, peut être utile au niveau d'un groupe de travailleurs pour confirmer l'expo­sition, mais la corrélation avec l'importance de l'exposi­tion est très inconstante en raison de grandes variabilités individuelles. Aucune relation entre de possibles effets sur la santé et le manganèse urinaire n'a été mise en évi­dence.

    Des valeurs biologiques de référence en population pro­fessionnellement exposée ont été établies pour le man­ganèse sanguin total (Voir Recommandations § Au point de vue médical) [27].

  • Mode d'actions
  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë [9-16]

    L’inhalation de fortes concentrations provoque une irrita­tion intense au niveau broncho-pulmonaire.

    La DL50 par voie orale n'a pas été déterminée, vraisembla­blement en raison de l'insolubilité du dioxyde de manga­nèse. La DL50 par voie sous-cutanée chez la souris est de 422 mg/kg.

    Chez le rat et le cobaye, l'administration intratrachéale de dioxyde de manganèse entraîne rapidement des modi­fications des épithéliums bronchique et alvéolaire, une infiltration intense des alvéoles et de leurs parois par des cellules mononucléaires, surtout des macrophages. Cette infiltration persiste longtemps après l'instillation (plus d'un mois chez le rat pour une dose de 10 mg, plus de 6 mois chez le cobaye pour une dose unique de 50 mg de produit). On observe aussi la formation de granulomes avec réaction à cellules géantes, ainsi qu'une fibrose.

    L'exposition de cobayes à une concentration atmosphé­rique de 22 mg/m3 de dioxyde de manganèse (87 % de particules respirables) pendant 24 h entraîne également un afflux de macrophages, mais sans modification his­tologique. L'exposition de souris à 70 mg/m3 (50 à 60 % de particules inférieures à 0,7 pm), 1 à 3 h/j, pendant 4 jours, provoque, au niveau des poumons, des infil­trations inflammatoires avec un œdème discret et une hyperémie, surtout marqués chez les animaux exposés sur des périodes de 3 h. Ces mêmes lésions, succédant à une exposition à 0,7 mg/m3 pendant 2 semaines, dispa­raissent après 2 mois, avec desquamation de l'épithélium bronchique.

    L'exposition à un aérosol de dioxyde de manganèse (par exemple à 109 mg/m3 pendant 3 h) provoque chez la sou­ris un affaiblissement de la résistance à l'infection par différents microorganismes tels que Klebsiella pneumoniæ, Diplococcus pneumoniæ, Salmonella typhimurium, virus grippal A.

    Il existe d'autre part une synergie entre le dioxyde de man­ganèse et le dioxyde de soufre quant aux effets sur les voies respiratoires, quel que soit le critère objectif retenu (pouvoir d'élimination des particules inertes, mobilisation des mononucléaires, indice d'irritation de l'épithélium).

    Toxicité subchronique, chronique [11-16]

    L’exposition répétée par inhalation provoque une atteinte du système nerveux, avec notamment un syndrome extrapyramidal, ainsi que de l’appareil respiratoire.

    La toxicité chronique du dioxyde de manganèse a fait l'objet de nombreuses expérimentations par inhalation et par voie parentérale ; dans ces conditions, le produit exerce chez l'animal des effets sur le système nerveux central - étudiés surtout chez le singe - et l'appareil res­piratoire.

    Ces effets n'ont pas été retrouvés lors des essais par admi­nistration orale.

    L'exposition de singes à 0,6 ou 3 mg/m3 de dioxyde de manganèse, pendant 95 périodes de 1 h réparties sur 4 mois, entraîne d'abord des alternances de clonies et de torpeur, des tremblements intenses, des mouvements de flexion-extension des membres supérieurs, des bâille­ments, une nervosité et une cyanose. Cinq mois après le début du traitement, les animaux présentent des tremblements de grande amplitude, une démarche incertaine et une parésie. Les examens histologiques montrent une atrophie du cortex cérébelleux, mais pas d'altération nette au niveau du noyau caudé ou du pallidum.

    Un tableau clinique évocateur d'un dysfonctionnement extrapyramidal proche de celui de la maladie de Parkinson a été observé chez le singe après injections intramuscu­laires ou sous-cutanées répétées (par exemple 6 injec­tions intramusculaires de 2 à 3 g à intervalle de 3 mois ou 9 injections sous-cutanées de 0,25 à 1 g à intervalle d'une semaine) ; les examens histologiques montrent une prolifération cellulaire et une destruction de neu­rones dans le noyau sous-thalamique et le pallidum, ainsi que des altérations diffuses au niveau de l'encéphale, du tronc cérébral et du cervelet. Une expérience réalisée chez des singes saïmiris (2 injections sous-cutanées de 0,2 g à intervalle de 5 semaines) a montré que les anomalies cli­niques (hypertonie musculaire et tremblements) et biochimiques (diminution de la dopamine et de la sérotonine dans le noyau caudé) peuvent apparaître avant que l'on puisse déceler des altérations histologiques au niveau des tissus nerveux.

    Une sclérose péribronchique et périvasculaire a été obser­vée chez le rat après instillations intratrachéales répétées (10 mg, 1 fois par mois pendant 4 mois, ou 10 à 30 mg en 6 à 10 doses réparties sur 7 mois et demi) ou après inhala­tions répétées (0,3 mg/m3, 5 à 6 h/j pendant 7 mois). Chez des singes exposés à 3 mg/m3, 22 h/j pendant 2 à 4 mois (diamètre particules < 1 µm), les examens radiographiques montrent des opacités pulmonaires et une accentuation de la trame vasculaire évocatrice de congestion pulmo­naire.

    D'autres effets chroniques ont été signalés (lésions dégé­nératives du foie et perturbations du métabolisme thy­roïdien chez le rat ; néphrite tubulaire interstitielle et anémie normochrome chez le lapin).

    Effets génotoxiques

    Aucune donnée n’est disponible chez l’homme à la date de publication de cette fiche toxicologique.

    Effets cancérogènes

    Aucune donnée n’est disponible à la date de publication de cette fiche toxicologique.

    Effets sur la reproduction [9, 11]

    Le dioxyde de manganèse produit un effet fœtotoxique.

    L'exposition de souris femelles à 49 mg/m3 de dioxyde de manganèse, 7 h/j, avant et pendant la gestation (de J - 75 à J + 19), provoque chez les nouveau-nés des anomalies de croissance pondérale et du comportement.

  • Toxicité sur l’Homme [10-18, 21-24]

    L’inhalation aiguë provoque une irritation des voies res­piratoires. L’exposition répétée peut être à l’origine de troubles neurologiques plus ou moins sévères (notamment syndrome extrapyramidal) et d’effets broncho­pulmonaires (pneumopathie manganique). Une irritation des muqueuses ORL est également rapportée. Des études insuffisantes ont montré une diminution de la fertilité et des risques d’avortements lors d’exposition au manganèse.

    Toxicité aiguë

    Il n'a pas été signalé, dans la littérature, d'intoxication aiguë liée à l'ingestion de dioxyde de manganèse.

    L'inhalation des poussières ou fumées d'oxydes de man­ganèse provoque une irritation intense avec alvéolite caustique.

    Toxicité chronique

    Une intoxication chronique liée à l'ingestion à long terme d'eau contaminée par des piles sèches a été rapportée : les symptômes étaient essentiellement neurologiques (léthargie, hypertonie musculaire, tremblements, troubles mentaux) ; ils étaient particulièrement marqués chez les personnes âgées. Sur les 16 personnes atteintes, 3 sont décédées dont l'une par suicide. L'examen du cerveau d'un des morts a révélé des modifications macroscopiques et microscopiques, notamment au niveau du pallidum, avec une teneur en manganèse 2 à 3 fois supérieure à la nor­male.

    D'une façon très générale, les intoxications chroniques au manganèse sont provoquées par l'inhalation prolongée de quantités importantes de poussières ou de fumées d'oxydes contenant des particules respirables (diamètre inférieur à 5 pm). Les signes toxiques apparaissent après plusieurs mois ou années d'exposition. Les troubles provoqués sont essen­tiellement nerveux et respiratoires.

    Troubles nerveux (manganisme chronique)

    On peut distinguer 3 phases dans cette pathologie :

    • une phase d'installation insidieuse et progressive, avec une symptomatologie peu précise (anorexie, asthénie, céphalées, troubles du sommeil et de la libido et troubles de la mémoire) ;
    • une phase clinique précoce marquée par des troubles psychiques, neurologiques et moteurs, avec l'apparition de manifestations extrapyramidales : apathie ou irritabilité, instabilité émotionnelle, paresthésies, exagéra­tion des réflexes tendineux, altération de la précision des mouvements, troubles de la parole et de la démarche, hypertonie musculaire de la face ;
    • la phase d'état où l'on retrouve un syndrome extra­pyramidal caractérisé par une démarche hésitante et spasmodique, une incoordination motrice, une hyperto­nie musculaire de la face et des membres inférieurs, une incertitude de l'écriture et des tremblements qui, contrai­rement à ceux de la maladie de Parkinson, surviennent au cours des mouvements intentionnels ; des signes psycho­logiques sont associés (apathie, rires et pleurs incontrôlés, irritabilité, hallucinations) ainsi que des troubles végéta­tifs (sudation, hypersalivation).

    Au tableau, peuvent s'associer une polyglobulie, une hyperthermie et une hyperthyroïdie.

    Si les sujets sont soustraits à l'exposition peu après l'appa­rition des signes neurologiques (2e phase), de nombreux symptômes régressent : il subsiste parfois des séquelles au niveau de la parole et de la démarche. Si, en revanche, l'exposition ne cesse qu'à la phase d'état, il n'y a pas de rémission : les lésions cérébrales sont irréversibles.

    Il existe de très grandes différences de sensibilité indi­viduelle en ce qui concerne cette pathologie, un petit nombre seulement de travailleurs sont atteints parmi ceux qui sont exposés à des concentrations excessives. Divers facteurs ont été évoqués pour expliquer une sen­sibilité particulière : éthylisme, infection chronique, dysfonctionnement hépatique ou rénal, déficience nutri­tionnelle (notamment anémie ferriprive).

    La dose minimale pouvant induire ces effets sur le sys­tème nerveux central n'est pas connue, mais des signes toxiques ont été observés pour des concentrations allant de 3 à 8 mg/m3 de dioxyde de manganèse.

    Des signes précliniques (tremblement des mains, dégra­dation du temps de réaction visuelle et de la mémoire audioverbale à court terme) ont été mis en évidence chez des ouvriers exposés moins de 20 ans à une concentration moyenne de 1 mg/m3 [21].

    Troubles respiratoires (pneumonie manganique)

    De nombreuses observations ont mis en évidence une augmentation de la morbidité et de la mortalité par atteinte putmonaire chez les travailleurs exposés au dioxyde de manganèse. Le tableau clinique est celui d'une inflammation alvéolaire aiguë avec dyspnée intense, toux et cyanose importante ; l'atteinte des voies respiratoires est totale. L'évolution vers un état de détresse respiratoire est possible et la mort peut survenir dans un état de col­lapsus. Il n'y a pas d'altération permanente du poumon de type fibrose.

    Une incidence plus élevée de bronchites aiguës et de maladies pulmonaires chroniques non spécifiques a été également signalée, en particulier quand l'exposition au manganèse se surajoute au tabagisme.

    Les données disponibles ne permettent pas d'établir de relation exposition/effets, mais il semble que les concen­trations en dioxyde de manganèse inférieures à 0,5 - 0,8 mg/m3 soient sans effet. Des signes précliniques (toux pendant la saison froide, dyspnée d'effort, épisodes de bronchite aiguë) ont été mis en évidence chez des ouvriers exposés moins de 20 ans à une concentration moyenne de 1 mg/m3 [21].

    Autres effets chroniques

    Les effets irritants sur les muqueuses se traduisent par une stomatite érythémato-ulcéreuse et une rhinite avec épistaxis.

    Une polyglobulie, une hyperthyroïdie et une hyperther­mie (probablement en rapport avec une atteinte des centres nerveux) ont été signalées, de même qu'une légère hypercalcémie ; ces troubles seraient cependant rares et proportionnels à la sévérité de l'intoxication.

    Une étude épidémiologique portant sur 369 ouvriers tra­vaillant à la fabrication d'alliages au manganèse a mis en évidence, en dehors d'une plus grande prévalence des maladies pulmonaires chroniques, une tension artérielle systolique moyenne plus faible, la tension diastolique n'étant pas affectée [22].

    Effets sur la reproduction

    Une étude réalisée auprès de 928 épouses de travailleurs employés dans les usines de traitement du manganèse a révélé des taux d'avortements spontanés et de mortinatalité supérieurs à ceux d'une population témoin appa­riée ; la signification de ce résultat est difficile à évaluer en l'absence notamment de données sur la profession de ces femmes [23]. Une étude par questionnaire portant sur 85 hommes exposés à des poussières de dioxyde et de sels de manganèse (concentration moyenne voisine de 1 mg/m3 pendant 8 ans) a montré un déficit significatif de fertilité pendant la période de leur exposition au métal [24].

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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