Toxicité aiguë
Le bisphénol A est peu toxique pour l’animal en exposition aiguë. Il provoque une irritation sévère des yeux et des muqueuses du tractus respiratoire supérieur mais n’est ni irritant ni sensibilisant pour la peau.
Le bisphénol A n'induit, chez l'animal, des effets aigus qu'à très forte dose (voir tableau I).
Voie | Espèce | DL50/CL50 |
Inhalatoire | Rat | > 170 mg/m3 |
Orale | Rat | 3200-5660 mg/kg |
Souris | 5200 mg/kg mâles 4100 mg/kg femelles |
Lapin | 2230 mg/kg |
Cutanée | Lapin | 3600 mg/kg |
Tableau I. DL50/CL50 du bisphénol A [2]
Après exposition par inhalation, les animaux ne présentent aucun signe de toxicité ; à l'autopsie, une légère inflammation de l'épithélium nasal et une légère ulcération du conduit oro-nasal ont été observées, réversibles en 14 jours. Après exposition par voie orale à des doses proches de la DL50, les animaux sont léthargiques et prostrés. À l'autopsie, on observe une congestion du foie, des reins, des poumons et du cerveau ainsi qu'un tractus gastro-intestinal hémorragique.
Irritation [13]
Le bisphénol A est sévèrement irritant pour l'œil du lapin et n'est pas irritant pour la peau. Les effets sur l'œil (opacité cornéenne, irritation de la conjonctive et de l'iris, chémosis), observés dès la première heure, persistent jusqu'à 28 jours après l'exposition.
De légers et passagers effets inflammatoires locaux sont observés dans le tractus respiratoire supérieur du rat après exposition à 170 mg/m3 pendant 6 heures. Le bisphénol A est un irritant sensoriel fort pour la souris et le rat ; la RD50 est respectivement de 684 et 959 mg/m3 [3].
Sensibilisation [13]
Un test de sensibilisation réalisé chez la souris (LLNA) ne met en évidence aucun potentiel sensibilisant, après application de 3, 10 ou 30 % de bisphénol A. De plus, aucune photosensibilisation aux UV-A n'est rapportée.
Toxicité subchronique, chronique
A la suite d’une exposition répétée par voie orale au bisphénol A, le foie et les reins sont les principaux organes cibles. Lors d’une exposition par voie inhalatoire, de l’hyperplasie et une inflammation sont rapportées au niveau des épithéliums du tractus respiratoire.
Chez le rat, à la suite d'une exposition répétée par inhalation (corps entier), sont observées une inflammation de l'épithélium olfactif nasal et une hyperplasie de l'épithélium du tractus respiratoire. Inflammation et hyperplasie sont légères à 50 mg/m3 (6h/j, 5j/sem pendant 13 semaines), n'augmentent pas en sévérité avec la concentration et sont totalement réversibles en 12 semaines. À partir de ces résultats, la NOAEL est de 10 mg/m3 [7].1 Chez la souris de fortes concentrations provoquent faiblesse générale et difficultés respiratoires ; à l'autopsie, des lésions hépatiques et rénales sont notées [13].1https://www.inrs.fr/publications/bdd/fichetox/fiche.html?refINRS=FICHETOX_279§ion=pathologieToxicologie#ancre_BiblioTexte
Par voie orale, chez le rat, on observe une baisse de poids corporel et une diminution du poids absolu de certains organes (foie, reins, glandes surrénales, rate, cerveau) après une exposition des animaux sur 3 générations à 0,001-0,02-0,3-5-50 et 500 mg/kg/j 13]2. Une dégénérescence des tubules rénaux est par ailleurs observée chez les femelles exposées à la plus forte dose. La NOAEL a été fixée à 50 mg/kg/j, bien que les effets sur les poids absolus des organes n'ont pas été retrouvés dans les 3 générations et ne suivent aucune relation dose-réponse. Chez la souris, la cible du bisphénol A est le foie (hypertrophie centrolobulaire, hépatocytes géants multi nucléés, surtout chez le mâle) à partir de 50 mg/kg/j pendant 13 semaines. Chez les animaux exposés à la plus forte dose (600 mg/kg/j), sont rapportées une diminution de poids corporel, une augmentation du poids absolu des reins et du foie ainsi qu'une néphropathie (uniquement chez les mâles). À partir de ces résultats, la NOEL a été fixée à 30 mg/kg/j. Chez le chien, la seule modification est une augmentation du poids relatif du foie ; la NOAEL est de 80 mg/kg/j, après 90 jours d'exposition.2https://www.inrs.fr/publications/bdd/fichetox/fiche.html?refINRS=FICHETOX_279§ion=pathologieToxicologie#ancre_BiblioTexte
Effets génotoxiques
Le bisphénol A n’est ni mutagène ni clastogène in vitro ou in vivo. Cependant, il perturbe le fuseau mitotique ou méiotique, induit une aneuploïdie et engendre des adduits à l’ADN. In vivo, une augmentation du nombre de micronoyaux, d’aberrations structurales et de dommages à l’ADN a été mise en évidence dans les cellules de moelle osseuse de souris.
In vitro, le bisphénol A n'est ni mutagène ni clastogène pour les cellules en culture. Des résultats négatifs sont obtenus dans les différents tests d'Ames réalisés, les essais d'échanges de chromatides sœurs ou d'aberration chromosomique, avec ou sans activation métabolique [3, 13]. En revanche, il produit 1 ou 2 adduits majeurs et plusieurs adduits mineurs avec l'ADN purifié (en présence de peroxydase) ou cellulaire (cellules embryonnaires de hamster syrien), provoque des cassures simple brin de l'ADN d'hépatocytes de rat en culture, induit une aneuploïdie (cellules avec 2 à 6N chromosomes) dans les cellules embryonnaires de hamster syrien, des effets sur le fuseau mitotique et des micronoyaux (cellules V79 hamster chinois) [3].
In vivo, deux adduits majeurs à l'ADN et plusieurs adduits mineurs ont été mis en évidence dans le foie du rat mais pas identifiés. Le bisphénol A provoque des perturbations dans la méiose des oocytes chez la souris (mauvais alignement des chromosomes sur le fuseau au cours de la métaphase de la 1re méiose) et une augmentation de l'aneuploïdie [3]. Les autres tests pratiqués ont donné des résultats négatifs (létalité récessive liée au sexe chez la drosophile ; létalité dominante chez le rat ; micronoyaux dans la moelle osseuse de la souris) [3]. Dans une étude récente, des rats ont été exposés à des concentrations croissantes de bisphénol A (de 2,4 µg/kg pc à 50 mg/kg pc), par voie orale, quotidiennement pendant 6 jours. Des augmentations significatives du nombre de micronoyaux dans les cellules de moelle osseuse, d'aberrations structurales des chromosomes et de dommages à l'ADN dans les lymphocytes sanguins ont été mesurées [14]. De plus, sont mis en évidence une augmentation du taux d'adduits à l'ADN (8-OHdG) dans le plasma, signe d'un stress oxydant, une hausse de la peroxydation lipidique ainsi qu'une diminution de l'activité GSH dans le foie. À partir de ces résultats, les auteurs concluent quant à l'activité génotoxique du bisphénol A, dont le stress oxydatif pourrait être un des mécanismes menant à la toxicité génétique.
Effets cancérogènes
Le bisphénol A n’est pas cancérogène par voie orale chez le rat et la souris ; toutefois, il induit une légère augmentation, non significative statistiquement, des cancers du système hématopoïétique et des glandes mammaires. Des effets sur la glande mammaire des petits sont observés lors d'expositions pré ou périnatales.
Le bisphénol A n'est pas cancérogène in vitro pour les cellules embryonnaires de hamster syrien dans le test de transformation cellulaire [3].
In vivo, le bisphénol A n'a pas montré d'activité cancérogène significative par voie orale chez le rat (0-1000-2000 ppm dans la nourriture soit 0-74-135 à 148 mg/kg/j pendant 103 semaines). On note une baisse de la prise de poids et de nourriture, une légère augmentation, non significative statistiquement, des leucémies dans les 2 sexes et de la fréquence des fibroadénomes de la glande mammaire chez les mâles. Chez la souris (0-1000-5000 ppm dans la nourriture soit 0-120-600 mg/kg/j chez le mâle et 0-5000-10000 ppm soit 0-650-1300 mg/kg/j chez la femelle pendant 103 semaines), seules sont observées une baisse de poids et une légère augmentation, non significative statistiquement, de l'incidence des lymphomes chez les mâles [3]. Aucune étude n'est disponible par inhalation ou par voie cutanée.
L'exposition des rates, pendant la gestation et la lactation, jusqu'à 120 mg/kg/j ne prédispose pas leur descendance à développer un cancer de la prostate [15].
Les études par voie orale, chez le rat, montrent que le bisphénol A n'exerce pas d'activité promotrice, jusqu'à des taux d'exposition relativement élevés, sur les cancers de la prostate, l'utérus, la thyroïde, les poumons, le foie, le thymus et l'œsophage [3, 15, 18, 19].
Dans des études qui, cependant, comportent certaines faiblesses méthodologiques, de relativement faibles doses de bisphénol A (administré en sous-cutané) augmentent l'incidence des lésions pré-néoplasiques et néoplasiques de la prostate induites par des hormones (œstradiol + testostérone) ainsi que le taux de lésions hyperplasiques et de carcinomes cribriformes de la glande mammaire induits par la N-nitroso-N-méthyle urée [20, 21].
Effets sur la reproduction [1, 10]
Les effets du BPA sur les organes reproducteurs mâles et femelles, liés à une exposition à l’âge adulte des rongeurs, se traduisent notamment par une diminution de la production de spermatozoïdes, une modification des concentrations en hormones sexuelles ou de la durée des cycles œstraux.
De nombreux effets sur le développement, variables en fonction de la période d’exposition, ont été mis en évidence. Les effets sur le système reproducteur femelle, le développement cérébral, le métabolisme lipidique, le système immunitaire et la glande mammaire chez les petits sont avérés suite à des expositions pré- ou périnatales. Des effets sur le système reproducteur mâle, le comportement maternel, la thyroïde et l’intestin sont aussi suspectés, notamment suite à des expositions à la puberté ou à l’âge adulte. Des controverses subsistent toujours concernant par exemple les potentiels effets neurocomportementaux ou sur la prostate.
Fertilité
Chez le rat, le bisphénol A n'induit aucun effet sur la fertilité dans une étude sur 2 générations à faible dose (gavage, 0,2-200 μg/kg/j) ou sur 3 générations (gavage, 50 mg/kg/j). A plus forte dose (500 mg/kg/j), toxique pour les mères (perte de gain pondéral de 13 % et dégénérescence tubulaire rénale), il réduit la taille des portées pour les 3 générations [3]. Dans cette même espèce, une exposition au BPA à faibles doses (0,2-2-20 µg/kg/j par voie orale) pendant 5 semaines à l’âge adulte entraîne une altération de la production spermatique. De même, chez des rats mâles exposés par gavage à 5 ou 25 mg/kg pc/j de BPA pendant 40 jours (PND* 50 à 90), une diminution de la production de spermatozoïdes a été mise en évidence ; une augmentation du nombre de spermatozoïdes anormaux a été observée seulement à la plus forte dose [22].
Des rats femelles âgés de 28 jours ont été exposés, pendant une semaine, à 10 - 40 ou 160 mg/kg pc/j de BPA, par injection intra-péritonéale (exposition pré-pubertaire). Une diminution à la fois du poids des ovaires et des concentrations sériques en progestérone est observée à partir de 40 mg/kg pc/j ; le nombre de follicules est quant à lui réduit dès 10 mg/kg pc/j [23].
Chez la souris, le bisphénol A (étude 2 générations, gavage, ≥ 600 mg/kg/j) provoque, en absence de toxicité parentale, une baisse de la taille des portées et du nombre de petits vivants par portée. Les mâles de cette génération présentent une baisse du poids de l'épididyme, en relation avec la dose, sans conséquence pour la fertilité [3].
Dans le rapport d’expertise collective de l’ANSES de 2011 [1], il est mentionné que les effets sur le système reproducteur femelle liés à une exposition à l’âge adulte (ex. nombre de sites d’implantation, remaniement histologique de la paroi utérine, morphologie du tractus génital,…) sont observés mais pour des doses bien supérieures au NOAEL retenu par l’EFSA pour établir sa DJT (i.e. 5 mg/kg pc/j). Toutefois, des études publiées depuis mettent en évidence l’apparition d’effets pour des concentrations inférieures :
- Des rats femelles adultes ont été exposés à 0,001 ou 0,1 mg de BPA/kg pc/j, pendant 90 jours, par gavage. Une diminution des concentrations sériques en œstradiol (E2) est mesurée pour ces 2 doses, accompagnée d’une dégénérescence des cellules ovariennes (atrésie folliculaire accrue et régression lutéale). Les concentrations sériques de testostérone sont diminuées alors que celles de l’hormone lutéinisante (LH) sont augmentées. La durée du cycle est aussi augmentée aux 2 doses [24]. Ces résultats démontrent une altération de l’activité stéroïdogène ovarienne, à l’origine d’une perturbation du cycle œstral chez les rongeurs adultes [25].
- A la suite d’une exposition de souris femelles durant leurs trois 1ers cycles (50 µg/kg pc/j, gavage), aucun des paramètres étudiés liés à l’ovulation n’est altéré. Par contre, le pourcentage d’ovocytes fécondés est diminué [26].
* PND : Post Natal Day
Développement
Les informations relatives aux effets sur le développement présentées ici sont issues des 2 rapports d’expertise collective de l’ANSES datant de 2011 et 2013 [1, 10]. Les effets sont classés par organe ou par système et selon le niveau de preuve relatif à chaque effet (avéré, suspecté, controversé) d’après les résultats des évaluations de l’ANSES. Les études publiées postérieurement aux travaux de l’ANSES ont été ajoutées pour chaque type d’effet, à l’exception de celles se rapportant aux effets déjà identifiés comme avérés. D’autres effets nouvellement documentés font l’objet d’un paragraphe séparé, mais n’ont pas fait l’objet d’une évaluation du niveau de preuve.
Les dernières évaluations de l'ANSES recensent l'ensemble des effets sur les organismes en développement (allant jusqu'à la période pubertaire), et sont rapportés le plus souvent à des doses inférieures au NOAEL de 5 mg/kg pc/j.
Le BPA peut affecter plusieurs fonctions physiologiques et systèmes (altérations de la fonction reproductive, du développement de la glande mammaire, des fonctions cognitives et du métabolisme,…) chez les rongeurs, par l’intermédiaire de perturbations endocriniennes. Bien que les étapes touchées soient spécifiques à chaque effet, la perturbation des voies œstrogéniques entrainant une activité œstrogèno-mimétique est commune et semble impliquée dans chacun des effets listés [27]. Quelques rares études ont aussi mis en évidence la capacité du BPA à se lier aux récepteurs nucléaires aux androgènes, avec pour effet une activité anti-androgénique modérée. Par ailleurs, de nombreux autres récepteurs semblent pouvoir être activés par le BPA [2728].
Effets sur le système reproducteur mâle
- Effets suspectés : effets sur le système reproducteur mâle (diminution des concentrations plasmatiques de testostérone, modification du comportement sexuel), consécutifs à une exposition pendant la période pubertaire.
- Des rats âgés de 4 - 5 semaines ont été exposés à 125 et 250 mg/kg pc/j de BPA, par gavage pendant 90 jours. Les atteintes testiculaires suivantes ont été rapportées : augmentation du poids des testicules à 125 mg/kg pc/j, diminution du nombre de spermatozoïdes à 250 mg/kg pc/j, diminution des concentrations sériques de testostérone et augmentation de celles de LH aux 2 doses, concomitante avec des dommages cellulaires au niveau des tubes séminifères (atrophie, congestion, vacuolisation des cellules de Sertoli, présence de débris cellulaires dans la lumière et dégénérescence) [29].
- Chez des souris mâles âgés de 4 semaines exposées par gavage à 100 – 300 ou 600 mg/kg pc/j de BPA pendant 56 jours, le poids des testicules est diminué à la plus forte dose et des effets sur la spermatogenèse sont observés au microscope dès 100 mg/kg pc/j (irrégularité de la lame basale des tubes séminifères, dommages au niveau des jonctions entre les cellules de Sertoli) [30].
- Effets controversés : effets sur le système reproducteur mâle suite à une exposition pendant les périodes d’exposition prénatale, néonatale et postnatale (lactation).
- A la suite d’une exposition durant toute la gestation (souris, 50-500-2500 mg/kg pc/j, gavage), les mâles de la génération F1 présentent, à l’âge adulte, une diminution des taux de testostérone sérique dès 50 mg/kg. A cette dose, les testicules présentent une diminution du nombre de cellules de Leydig et une vacuolisation des cellules de Sertoli ; les tubes séminifères sont plus irréguliers, avec une lumière plus importante [31].
- Des rates gestantes ont été exposées à 0-1-10 et 100 mg/kg pc/j de BPA, du 14ème au 21ème jour de gestation, par gavage. Chez leurs descendants mâles âgés de 21 jours, ont été observées : une diminution significative des taux sériques de testostérone (dès 1 mg/kg) et des hormones folliculo-stimulante (FSH) et lutéinisante (LH) (uniquement à 100 mg/kg pc/j), des atteintes des tubes séminifères (désorganisation aux 3 doses, atrophie à la plus forte dose), la présence d’un stress oxydatif (avec augmentation des espèces réactives de l’oxygène à 10 et 100 mg/kg pc/j) et une apoptose accrue aux 3 doses. A la plus faible dose, la densité spermatique et la motilité des spermatozoïdes sont diminuées et le taux de spermatozoïdes anormaux augmente[32].
Effets sur le système reproducteur femelle
- Effets avérés, à la suite d’expositions pré et postnatales : augmentation de la survenue de kystes ovariens, apparition d’hyperplasies de l’endomètre, avancement de l’âge de la puberté lors d’expositions prénatale et postnatale, allongement des cycles œstraux, effets sur l’axe hypothalamo-hypophysaire-gonadotrope (variations des taux d’hormones sexuelles et de l’expression des récepteurs de ces hormones).
Effets sur le cerveau et le comportement
- Effets avérés : modifications du profil de neurodifférenciation, altérations des systèmes aminergique et glutamatergique, modifications de l’expression des récepteurs aux œstrogènes α et β, et du nombre de neurones sensibles à l’ocytocine et à la sérotonine ; effets sur le développement cérébral en lien avec une exposition pré ou périnatale .
- Effets suspectés : modifications du comportement maternel en lien avec une exposition pré ou postnatale au BPA.
- Des rates gestantes ont été exposées par gavage à 5 µg/kg pc/j de BPA du 1er jour de la gestation jusqu’à la fin de la lactation, les nouveau-nés étant ensuite exposés de leur sevrage (PND21) à l’âge adulte (PND100). Une diminution du temps passé à s’occuper des nouveau-nés est rapportée chez les femelles de la génération F1 [33].
- Effets controversés : effets sur l’anxiété, le comportement exploratoire et le dimorphisme sexuel comportemental (i.e. féminisation comportemental des mâles issus de mères traitées), suite à une exposition pré ou périnatale.
- Aucun effet sur l’anxiété ou le comportement exploratoire n’est rapporté chez des rats, à la suite d’une exposition des mères, pendant la gestation et la lactation, à 2,5-25 ou 2500 µg/kg pc/j de BPA [34].
- Les activités motrices (reptation, retournement, redressement ou tremblement) ont été évaluées chez les nouveau-nés, à la suite d’une exposition au cours de la gestation (souris, gavage, du 5 au 18ème jour de gestation) à 2 – 20 ou 200 µg/kg pc/j de BPA. Pour toutes les doses, une augmentation des tremblements est observée, pour les 2 sexes, signe d’une hyperactivité motrice [35].
- Des effets anxiogènes et des modifications du comportement exploratoire sont observés, à la suite de l’exposition des mères pendant la gestation et/ou la lactation, à de faibles doses de BPA (< 120 µg/kg pc/j, méta-analyse de 12 études par gavage, chez le rat et la souris) [36].
Effets sur le métabolisme lipidique et glucidique et le système cardio-vasculaire
- Effets avérés : augmentation de la lipidémie, tendance à la surcharge pondérale et une activation de la lipogenèse, suite à une exposition pré, périnatale ou à l’âge adulte.
- Effets controversés : effets sur le métabolisme du glucose suite à une exposition pré ou périnatale.
- L'exposition de rates à 40 µg/mg pc/j de BPA par gavage, pendant la gestation et la lactation (génération F0), (les générations F1 et F2 n’ayant plus été exposées par la suite), a entraîné une intolérance au glucose chez les nouveau-nés mâles de la génération F2, plus marquée que chez les nouveau-nés femelles.
- Une exposition au BPA pré pubertaire (voie orale, PND 21 à 35 ; 0,25 – 2,5 – 25 ou 250 µg/kg pc/j), en plus d’une exposition périnatale (sous cutanée, à partir du 8ème jour de gestation jusqu’à la fin de la lactation), exacerbe les effets du BPA sur le poids corporel et la masse graisseuse des souris femelles à partir de 25 µg/kg pc/j ; chez les mâles, les différences semblent être moins importantes [37].
- Des études récentes indiquent que ces effets peuvent impliquer les voies des œstrogènes (comme ERα ou ERβ) ou d’autres hormones impliquées dans l’insulinorésistance et la lipogénèse [25]. De plus, le pancréas apparait désormais comme une cible potentielle du BPA, les mécanismes impliqués différant selon que l’exposition se produit in utero ou à l’âge adulte ; les effets morphologiques et fonctionnels rapportés étant à l’origine d’altérations de la synthèse et/ou de la sécrétion d’insuline [27, 38].
Effets sur la thyroïde
- Effets suspectés : effet sur la fonction thyroïdienne en lien avec une exposition néonatale (sur une période correspondant à la maturation finale de l’axe hypothalamo-hypophyso-thyroïdien).
- Des rates gestantes ont été exposées pendant la gestation à 20 ou 40 µg/kg pc/j de BPA (gavage, de GD1 à 20). Pour les 2 groupes, les concentrations sériques fœtales en thyroxine et triiodothyronine sont diminuées et celles de thyrotropine sont augmentées. Des altérations histopathologiques sont aussi observées au niveau de la thyroïde (prolifération de fibroblastes, hyperplasie, œdème ou dégénérescence) ; ces atteintes entrainent, notamment, la suppression de la sécrétion de l’hormone de croissance ou l’augmentation des niveaux en insuline et en facteur de nécrose tumorale [39].
Effets sur le système immunitaire
- Effets avérés : induction des lymphocytes T, et plus particulièrement des lymphocytes Th2, accompagnée de la surproduction des cytokines. Le déplacement observé de la réponse immunitaire est plutôt en faveur de l’induction d’un profil prédisposant à l’allergie (prolifération et activation de lymphocytes Th2 et synthèse de cytokines impliquées dans l’allergie).
Effets sur l’intestin
- Effets suspectés : effet pro-inflammatoire et diminution de la perméabilité intestinale dans la descendance femelle de mères traitées. Aucune nouvelle étude identifiée à la date de rédaction de la FT.
Effets sur la prostate
- Effets suspectés : lésions prostatiques de type PIN (néoplasie prostatique intraépithéliale), sans l’apparition d’adénocarcinome de la prostate, suite à une exposition néonatale. Aucune nouvelle étude identifiée à la date de rédaction de la FT
- Effets controversés : effets sur le poids de la prostate. Aucune nouvelle étude identifiée à la date de rédaction de la FT.
Effets sur le sein : cancérogénicité
- Effets avérés : accélération de la maturation architecturale de la glande mammaire à l’âge adulte, en lien avec une exposition pré ou périnatale ; développement de lésions hyperplasiques intracanalaires en lien avec une exposition pré ou périnatale.
- Effets suspectés : développement de lésions de type néoplasique (CIS ; carcinomes intracanalaires) après une exposition périnatale ; augmentation de la susceptibilité des glandes mammaires à développer ultérieurement des tumeurs mammaires (lors de co-expositions avec un agent cancérogène) suite à une exposition pré ou périnatale.
- A la suite d’une exposition du 6ème jour de gestation au PND 90 (rat, gavage, de 2,5 à 2700 µg/kg pc/j, puis 100 et 300 mg/kg pc/j), les nouveau-nés femelles présentent une hyperplasie des canaux à 2700 µg/kg pc/j et 100 mg/kg pc/j, accompagnée d’un nombre très limité d’adénocarcinomes mammaires (1 à la plus faible dose seulement) [40].
Ces modifications augmentent la susceptibilité des glandes mammaires aux substances chimiques cancérogènes et le nombre de carcinomes canalaires in situ chez les rats exposés au BPA [25, 41]. Des récentes études épigénétiques* (études in vitro) rapportent que des modifications dans l’expression de gènes dépendants des œstrogènes et de gènes impliqués dans l’embryogénèse et le développement post-natal par le BPA peuvent être associées au développement anormal de la glande mammaire et à sa susceptibilité accrue au cancer, et plus généralement aux effets sur la reproduction[25, 42].
Autres effets nouvellement documentés
- Dans une étude récente, des rates gestantes ont été exposées à 2,5 - 25 – 250 – 2500 et 25 000 µg/kg pc/j de BPA par gavage, du 6ème jour de gestation à la délivrance, par gavage ; leurs portées ont ensuite été exposées aux mêmes doses pendant 6 mois. La descendance femelle présente, à 21 jours, une augmentation de l’incidence des cardiomyopathies et de leur gravité dès 25 µg/kg pc/j [43].
- Des tumeurs hépatiques sont rapportées chez des souris exposées en période périnatale, via la nourriture, à 50 ng, 50 µg ou 50 mg/kg de nourriture (avec une relation dose réponse) [44].
- Des rates gestantes ont été exposées à 50 µg/kg pc/j de BPA, par gavage, durant toute la gestation et la lactation. Une augmentation des taux sériques d’ALAT est observée chez les descendants âgés de 15 et 21 semaines, de même qu’une augmentation du nombre d’hépatocytes en apoptose [45].
- Le BPA semble aussi être un facteur de risque neurodégénératif via une perturbation des voies de signalisation de l’insuline (100 µg/kg/j, injection sous-cutanée, du 6ème jour de gestation au PND 21), en contribuant à augmenter la présence de protéine tau et de protéine précurseur de l’amyloïde dans le cortex cérébral de souris exposées, [46].
- Des rates gestantes ont été exposées à 0-0,025-0,25-5 ou 50 mg/kg pc/j de BPA, du 7ème jour de gestation au 22ème jour après la naissance, par gavage. Un effet sur le développement sexuel prénatal a été observé, caractérisé par une diminution de la distance ano-génitale mesurée chez les nouveau-nés mâles à partir de 0,250 mg/kg, et chez les nouveau-nés femelles dès 0,025 mg/kg [47].
- Des rates gestantes ont été exposées à 0,1 et 1,2 mg/kg pc/j de BPA dans l'eau de boisson, du 6ème jour de gestation jusqu'au sevrage des petits. Aucune différence d'âge à la puberté ou de distance anogénitale à la naissance n'est observée, dans ces conditions d'exposition 3[48].
* Epigénétique : ensemble des modifications réversibles et héritables impliquées dans la modulation de l’expression des gènes, sans altération de la séquence nucléotidique.
3https://www.inrs.fr/publications/bdd/fichetox/fiche.html?refINRS=FICHETOX_279§ion=pathologieToxicologie#ancre_BiblioTexte
Effets pertubateurs endocriniens
Le BPA peut affecter de nombreuses fonctions physiologiques et systèmes par l’intermédiaire de perturbations endocriniennes, principalement oestrogèno-mimétiques voire anti-androgéniques. Par ailleurs, de nombreux autres récepteurs semblent pouvoir être activés par le BPA. Ces effets sont détaillés au niveau des rubriques « Effets sur la reproduction chez l'animal et chez l'homme ».
Le BPA a été identifié en 2017 comme substance très préoccupante par le Comité des états membres de l’Agence européenne des produits chimiques en raison de ses propriétés « perturbateur endocrinien » pour la santé humaine et l’environnement (voir la rubrique « Réglementation »).