Toxicité expérimentale
Le dioxyde de carbone est un gaz asphyxiant à partir de 30 % chez le rat ; sa diffusion très aisée à travers les membranes tissulaires est responsable de la rapidité d’apparition des effets sur le pH sanguin, les poumons, le cœur et le système nerveux central.
Aiguë et subchronique [26]
L’effet le plus important du CO2 s’exerce sur l’équilibre acide/base et les électrolytes. La période d’acidose non compensée est caractérisée, chez le cobaye (15 % CO2, 73 j), par une baisse du pH extracellulaire et urinaire, de la concentration plasmatique en phosphore inorganique, de l’excrétion pulmonaire de CO2 et de l’excrétion urinaire de bicarbonates, et par une augmentation de la concentration plasmatique de calcium et de l’excrétion urinaire de phosphore. Pendant la période de compensation, le pH extracellulaire retourne à la valeur normale, le taux de calcium plasmatique reste élevé et le taux de phosphore inorganique reste faible pendant 20 jours. Cet effet sur le calcium et le phosphore inorganique, associé à une calcification rénale, suggère une stimulation de la parathyroïde. Chez le rat (15 %, 11 j), on observe une augmentation de l’excrétion urinaire d’ions NH4+ et d’acides. À fortes concentrations, l’acidose respiratoire se développe plus rapidement et est compensée plus vite par des mécanismes homéostatiques (tampons sanguins, modifications respiratoires et compensation rénale) qu’à des concentrations plus faibles.
Les conséquences d’une exposition au CO2 sur le système nerveux central sont immédiates à forte concentration : excitation psychomotrice, inconscience et convulsions. Chez le singe, une stimulation de la zone corticale et subcorticale, accompagnée d’une augmentation de l’activité hypothalamique, a été montrée pour une exposition de 10 minutes à 30 % de CO2 ; si la concentration augmente, il apparaît un effet dépressif mis en évidence par une élévation du seuil de stimulation du cortex moteur.
Les effets pulmonaires semblent dus à l’acidose induite, plutôt qu’à une action directe du CO2. Ils sont immédiats et apparaissent à concentration plus faible que ceux sur le système nerveux central : accroissement de la ventilation minute, de la fréquence respiratoire, du volume courant et diminution de la conduction des voies respiratoires à partir d’une concentration de 5 %. La combinaison de ces effets peut entraîner une dyspnée, l’apparition d’une acidose respiratoire non compensée accompagnée d’œdème pulmonaire (rat, réversible en 7 j, et cobaye), de perte de surfactant entraînant une nécrose des cellules épithéliales bronchiolaires et d’atélectasie (affaissement des alvéoles pulmonaires, cobaye). Chez le singe, on note une stimulation de la fréquence respiratoire jusqu’à une concentration de 10 %, puis une dépression jusqu’à la mort de l’animal à un taux de CO2 supérieur à 50 %. La survie à des concentrations élevées est possible si l’exposition est progressive (augmentation de 0,12 à 0,5 % par min) et si le retour à l’air normal se fait par une diminution progressive de la concentration de CO2 (1 à 2 % par min).
Une réponse biphasique du même type a été observée sur le système cardiovasculaire du singe et du chien : augmentation de la fréquence cardiaque jusqu’à 10 % de CO2 puis diminution jusqu’à 35 - 40 % et arrêt cardiaque à des concentrations supérieures. Si la concentration de CO2 est augmentée progressivement, le singe survit jusqu’à 51 % de CO2. Le retour à l’air normal doit être progressif sous peine de troubles du rythme cardiaque, qui peuvent être mortels en 2 à 10 minutes. Une étude similaire chez le rat révèle des arythmies pendant l’exposition (50 - 70 % de CO2) qui s’amplifient si la correction de l’anomalie est trop rapide.
Une induction de l’activité des surrénales est mise en évidence par une excrétion augmentée d’adrénaline, de noradrénaline, de 17-OH-corticostéroïdes et de catécholamines plasmatiques à des concentrations de CO2 supérieures à 6 %. Des concentrations narcotiques (30 % dans l’air, 10 min) induisent chez le rat et le cobaye une baisse du cholestérol surrénalien et du nombre de lymphocytes et une augmentation du nombre d’éosinophiles et du poids des surrénales. En cas d’hypercapnie prolongée (cobaye, 15 %, 7 j), la stimulation corticale surrénalienne a lieu pendant la période d’acidose non compensée et disparaît avec la compensation. Si l’exposition est intermittente, il n’y a pas de compensation de l’acidose et pas de baisse de la réponse sympathosurrénalienne. La réponse de stress à l’hypercapnie représenterait donc un effet non spécifique dépendant du pH sanguin.
Le développement d’une tolérance a été observé lors d’expositions prolongées ; celle-ci se manifeste par une amplification de l’efficacité respiratoire, qui aboutit à une meilleure absorption d’oxygène et une excrétion de dioxyde de carbone plus efficace, et une normalisation de la fréquence cardiaque après une tachycardie initiale [26].
Le dioxyde de carbone gazeux n’est pas irritant pour la peau ; sous forme solide (carboglace) ou liquide, il peut provoquer des gelures cutanées ou oculaires [27].
Effets cancérogènes [26]
Une seule étude suggère un effet cancérogène de la carboglace par voie cutanée chez la souris.
La carboglace utilisée dans un test d’irritation chronique (déposée tous les jours sur la peau abrasée) provoque une irritation locale avec épaississement de la peau au site d’exposition, des papillomes (87 %) après 3 semaines et des carcinomes (7 %) après 240 jours. Les auteurs imputent ce développement à l’effet non spécifique d’un irritant froid.
II n’y a pas d’étude par inhalation.
Effets sur la reproduction [26]
Le dioxyde de carbone induit, chez le rat mâle, des modifications testiculaires sans effet sur la fertilité, et des modifications cardiaques et squelettiques chez le fœtus.
Chez le rat, le dioxyde de carbone induit suivant la concentration (2,5 - 5 - 10 % CO2 + 20 % O2 + azote qsp 100 %) et de la durée de l’exposition (1 à 8 h), des modifications dégénératives des testicules. Les effets histologiques majeurs sont des perturbations tubulaires : desquamation et perte de netteté luminale à partir de 5 % pendant 4 heures, sillons et vacuolisation à partir de 10 % pendant 4 heures. Ces modifications sont réversibles 36 heures après l’arrêt de l’exposition. Chez la souris (35 %, 3 fois 2 h), il affecte la maturation des spermatozoïdes en diminuant la surface de la tête ; il n’y a pas de corrélation établie avec une baisse de la fertilité.
Le dioxyde de carbone entraîne des malformations fœtales chez le rat (6 % CO2 + 20 % O2 + 74 % N2 pendant 24 h entre le 5e et le 21e jour de gestation) et le lapin (10 - 13 % CO2, 4 à 10 h, pendant 2 ou 3 j entre le 7e et le 12e jour de gestation). Chez le rat, il augmente la mortalité postnatale, les malformations cardiaques et celles du squelette. La plus forte incidence est observée après exposition des mères pendant le 10e jour de gestation. Chez le lapin, le dioxyde de carbone induit des malformations squelettiques assez diversifiées.