Pathologie - Toxicologie
-
Toxicocinétique - Métabolisme
Les chlorates sont bien absorbés par voie orale, distribués dans tout l’organisme avant d’être éliminés principalement dans les urines, inchangés ou sous forme de chlorures
Chez l'animal
Absorption
Les chlorates sont rapidement absorbés par voie orale : chez le rat, le pic plasmatique est atteint 30 min après l’ingestion de 0,065 mg/kg pc de chlorate de potassium radiomarqué [14].
Concernant le chlorate de sodium, l’absorption est comprise entre 88 et 95 % de la dose initiale administrée (rat, 3 mg/kg pc) [15]. Son absorption cutanée est lente : les flux de pénétration sont respectivement de 4,9 et 0,5 µg/cm²/heure suite à l’application, sur de la peau excisée de rat, de 150 µg/cm² ou 5 mg/cm² pendant 24 heures [4].
Aucune autre donnée n’est disponible.
Distribution
Une fois absorbés, les chlorates sont distribués dans tout l’organisme.
Métabolisme
Ils sont rapidement réduits en chlorures [15].
Excrétion
Le chlorate de potassium est éliminé principalement dans les urines (42 %) et dans une moindre mesure dans les fèces (2 à 4 %) en 72 heures. Dans les urines, 13 % de la dose administrée est excrétée sous forme de chlorate et 20 % sous forme de chlorure [16].
L’élimination plasmatique du chlorate de potassium est biphasique avec des demi-vies de 6 et 36,5 heures [17].
Chez l'Homme
Aucune étude de toxicocinétique n’est disponible chez l’Homme.
Seule une étude in vitro est disponible et montre que l’absorption cutanée du chlorate de sodium est lente : les flux de pénétration sont respectivement de 0,2 et 0,4 µg/cm²/heure suite à l’application, sur de la peau humaine excisée, de 150 µg/cm² ou 5 mg/cm² pendant 24 heures [4].
-
Mode d'actions [18]
Les chlorates sont de puissants oxydants à l’origine d’effets hématologiques, au niveau des érythrocytes. Les principaux effets sont une dénaturation de l’hémoglobine et une altération de la membrane cellulaire, conduisant à une hémolyse, et la formation de méthémoglobine. La catalyse de la méthémoglobine serait à l’origine de la néphrotoxicité observée.
La toxicité des chlorates de sodium et de potassium étant liée à l'ion chlorate et non aux ions sodium ou potassium, l’utilisation des données disponibles pour le chlorate de sodium est possible en l’absence d’informations concernant le chlorate de potassium.
-
Toxicité expérimentale
Toxicité aiguë [17]
La toxicité aiguë orale du chlorate de potassium est faible chez le rat et le chien ; elle est plus importante avec le chlorate de sodium. Les principaux effets sont hématologiques et rénaux. Ils sont faiblement irritants pour la peau et l’œil du lapin en cas d’application.
Pour le chlorate de potassium, la dose létale la plus basse par voie orale est de 7000 mg/kg chez le rat et de 1200 mg/kg chez le chien.
Pour le chlorate de sodium, la DL50 par voie orale chez le rat est supérieure à 5000 mg/kg pc et la dose létale la plus basse par voie orale chez le chien est de 600 mg/kg. Chez le chien, 1000 mg/kg pc de chlorate de sodium entrainent une méthémoglobinémie importante. Les autopsies des animaux ont révélé une congestion de la rate et une néphrite interstitielle chronique modérée. Le pic de méthémoglobine est observé 1 heure après une injection intraveineuse de 0,5 mg/kg pc.
Par voie cutanée, la DL50 est supérieure à 2000 mg/kg chez le lapin, pour les 2 chlorates.
Par inhalation chez le rat, la CL50 est supérieure à 5,59 mg/L pour le chlorate de sodium et supérieure à 5,51 mg/L pour le chlorate de potassium.
Irritation, sensibilisation [4]
Les chlorates de potassium et de sodium sont faiblement irritants en application sur la peau (2000 mg/kg de chlorate de sodium sous un pansement occlusif pendant 24 heures) et l’œil de lapin. L’instillation de chlorate de sodium est à l’origine d’une irritation oculaire légère à modérée, réversible entre 3 et 7 jours.
Concernant le chlorate de sodium, et par analogie avec le chlorate de potassium, aucun potentiel sensibilisant cutané n’est mis en évidence chez le cochon d’Inde.
Toxicité subchronique, chronique [19]
Suite à des expositions répétées aux chlorates, les principales atteintes sont thyroïdiennes et hématologiques.
Des rats ont été exposés pendant 3 semaines à du chlorate de sodium dans l’eau de boisson (0-20-35-75-170-300 mg/kg pc/j pour les mâles et 0-20-40-75-150-340 mg/kg pc/j pour les femelles) : seule une augmentation de l’incidence d'hypertrophie (minime à légère) des cellules folliculaires de la glande thyroïde a été rapportée chez tous les animaux à partir de 75 mg/kg pc/j. Dans les mêmes conditions, aucun effet n’a été observé chez la souris. Lorsque l’exposition s’est poursuivie pendant 2 ans (rat, 5-35-75 mg/kg pc/j pour les mâles et 5-45-95 mg/kg pc/j pour les femelles), les effets thyroïdiens suivants ont été rapportés :
- modification des concentrations en hormones thyroïdiennes chez les mâles et les femelles exposés aux deux plus fortes doses : diminution de la thyroxine (T4) et de la triiodothyronine (T3) et augmentation de la thyréostimuline (ou TSH : thyroid-stimulating hormone),
- augmentation significative de l’incidence d'hypertrophie des cellules folliculaires de la glande thyroïde pour tous les animaux exposés à ces 2 doses,
- foyers de minéralisation folliculaire observés chez la plupart des rats femelles.
En plus des effets thyroïdiens, les incidences de prolifération des cellules hématopoïétiques dans la rate des mâles recevant 75 mg/kg pc/j et d'hyperplasie de la moelle osseuse chez les mâles recevant 35 et 75 mg/kg pc/j étaient significativement supérieures à celles des témoins.
Chez la souris, seules les femelles ont présenté une augmentation significative de l’incidence d'hypertrophie des cellules folliculaires de la glande thyroïde à la plus forte dose (120 mg/kg pc/j) et d’hyperplasie de la moelle osseuse à toutes les doses (30-60 et 120 mg/kg pc/j) [19].
L’administration d’une forte dose de chlorate de sodium (1000 mg/kg pc/j) a entrainé une anémie avec diminution du nombre de globules rouges, de la concentration en hémoglobine et de l’hématocrite (rat, gavage, 0-10-100-1000 mg/kg pc/j, 3 mois) [17]. Aucun autre effet n’est rapporté.
Chez le chien (gavage, 0-10-60-360 mg/kg pc/j, 3 mois), le chlorate de sodium n’induit aucun effet [4].
Effets génotoxiques [4, 19]
D’après les données disponibles, les chlorates de sodium et de potassium ne sont pas génotoxiques.
In vitro
Les tests d’Ames réalisés avec le chlorate de potassium donnent des résultats négatifs, avec ou sans activation métabolique ; aucun autre test n’est disponible pour ce composé.
Concernant le chlorate de sodium, des résultats négatifs sont obtenus dans les tests suivants (avec et sans activation métabolique) :
- test d’Ames,
- mutation génique sur lymphocytes humains et cellules pulmonaires de hamster chinois,
- aberration chromosomique sur cellules ovariennes de hamster chinois,
- échange de chromatides sœurs sur cellules de hamster chinois et lymphocytes humains.
In vivo
Un seul test est disponible in vivo (micronoyaux dans les érythrocytes de moelle osseuse de souris) et donne des résultats négatifs (jusqu’à 2000 mg/L de chlorate de sodium dans l’eau de boisson, pendant 3 semaines).
Effets cancérogènes [19]
L’exposition au chlorate de sodium entraine le développement de tumeurs de la thyroïde chez le rat (mais non pertinentes chez l’Homme) ; aucune donnée n’est disponible concernant le chlorate de potassium.
Concernant le chlorate de sodium, l’étude du NTP a mis en évidence une augmentation de l’incidence des tumeurs de la thyroïde (adénomes et/ou carcinomes des cellules folliculaires) chez les rats mâles et femelles ; chez la souris femelle, une légère augmentation de l’incidence de tumeurs des ilots pancréatiques est observée mais, du fait de sa rareté, la conclusion concernant ces tumeurs est difficile (« equivocal finding »). Les animaux étaient exposés à 5-35-75 mg/kg pc/j (mâles) et 5-45-95 mg/kg pc/j (femelles), en mélange dans l’eau de boisson, pendant 2 ans.
Toutefois, le chlorate de sodium n’est pas considéré comme cancérogène pour l’homme compte tenu du mécanisme d’action impliqué (déséquilibre hormonal et non action directe sur la thyroïde). L’Homme s’avère moins sensible que les rongeurs à la perturbation de l'homéostasie des hormones thyroïdiennes, induite par des xénobiotiques non génotoxiques, et au développement de tumeurs épithéliales de la thyroïde après une exposition à long terme à ces agents [4].
Dans une étude d’initiation/promotion menée (27 semaines, substances mélangées dans l’eau de boisson), aucune augmentation significative du nombre de tumeurs rénales n’est observée chez des rats préalablement exposés à une nitrosamine [20].
Aucune donnée de cancérogénicité n’est disponible pour le chlorate de potassium.
Effets sur la reproduction [4]
Le chlorate de sodium, et par extrapolation le chlorate de potassium, n’engendrent aucun effet sur la reproduction et le développement.
Fertilité
Au cours d’une étude 2-générations, des rats ont été exposés à 0-10-70 et 500 mg/kg pc/j de chlorate de sodium par gavage. Les parents de la génération F0 présentaient une diminution du nombre de globules rouges et des concentrations en hémoglobine à 500 mg/kg pc/j. Concernant les parents des trois générations, des signes de toxicité ont été observés au niveau de la thyroïde des mâles et des femelles exposés à 500 mg/kg pc/j, caractérisés par une hyperplasie folliculaire et une hyperactivité légères à modérées ; des signes d’hyperactivité ont été aussi rapportés chez les mâles des générations F0 et F1 dès 70 mg/kg pc/j. Aucun effet sur les paramètres de la reproduction n’a été observé (accouplement, gestation ou fécondité).
Développement
Dans cette même étude 2-générations, aucun effet sur les portées et le développement pré- ou post-natal n’a été observé.
-
Toxicité sur l’Homme
En cas d’ingestion, les chlorates sont responsables d’intoxications aiguës graves voire mortelles, du fait de leurs propriétés méthémoglobinisante et hémolytique. Ils sont modérément irritants pour la peau et les muqueuses. L’exposition cutanée chronique peut provoquer une dermatite de contact d’irritation. Il n’y a pas de données disponibles chez l’Homme concernant d’éventuels effets génotoxiques, cancérogènes ou sur la reproduction.
Toxicité aiguë
Des cas d’intoxications aiguës graves, parfois mortelles, ont été rapportés dans un contexte d’ingestions accidentelles ou volontaires. Les effets systémiques observés sont la conséquence de l’hémolyse et de la formation de méthémoglobine, responsable d’hypoxie.
Rapidement après ingestion, apparaissent des signes d’irritation digestive (douleurs abdominales, nausées et vomissements) puis une cyanose cutanéo-muqueuse prédominant aux ongles, ailes du nez, pourtour des lèvres et des oreilles. La survenue d’autres symptômes est fonction du taux de méthémoglobinémie (cf Tableau 1). Au-delà d’un taux de 30 %, des symptômes cardio-respiratoires et neurologiques apparaissent, l’évolution peut être fatale.
La précipitation de l’hémoglobine dans les tubules rénaux et la toxicité directe des ions chlorates et chlorites provoquent une insuffisance rénale aiguë. Elle régresse lentement si le patient survit.
Le tableau peut aussi comporter une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD), une rhabdomyolyse et une cytolyse hépatique.
Tableau 1 [21]
Un seul cas d’intoxication en milieu professionnel a été publié à ce jour, concernant un jardinier exposé, par voies respiratoire et digestive, lors de la pulvérisation contre le vent, d’une solution concentrée de chlorate de sodium. Des signes d’irritation des voies aériennes supérieures étaient présents lors de la pulvérisation (toux et rhinorrhée) réalisée le matin ; le soir survenaient des signes d’irritation digestive (nausées, vomissements, douleurs abdominales) et le lendemain apparaissaient ictère et anurie. Au troisième jour, lors de l’hospitalisation, le tableau comportait cyanose, ictère, hémolyse, méthémoglobinémie à 57 % et insuffisance rénale aiguë. Le patient a notamment bénéficié d’une hémodialyse. L’évolution a été favorable : les bilans rénal et hépatique étaient normaux 4 mois après l’exposition [22].
Toxicité chronique
Les effets des chlorates dans le cadre d’expositions chroniques par voie respiratoire ne sont pas documentés. Toutefois, du fait des propriétés irritantes des chlorates sur les muqueuses, des signes d’irritation des voies aériennes supérieures sont possibles à la suite d’une exposition chronique par inhalation.
Le contact cutané prolongé avec le chlorate de sodium peut provoquer des dermatites de contact d’irritation. Il n’y a pas de cas rapporté de sensibilisation [23].
Effets génotoxiques
Aucune étude de génotoxicité chez des travailleurs n’a été identifiée à la date de publication de cette fiche.
Effets cancérogènes
Aucune étude de cancérogénicité chez des travailleurs n’a été identifiée à la date de publication de cette fiche.
Effets sur la reproduction
Aucune étude de toxicité pour la reproduction chez des travailleurs exposés au chlorate de sodium ou de potassium n’a été identifiée à la date de publication de cette fiche.
-
Interférences métaboliques
-
Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal