Toxicité aiguë [7, 9]
Lors d’une exposition aiguë, le styrène est essentiellement un irritant du tractus exposé.
L’ingestion de styrène à forte dose provoque chez le rat une irritation sévère de l’œsophage et de l’estomac.
Par inhalation (rat, cobaye, 2500 ppm/10 h), le styrène agit sur le système nerveux central : faiblesse et torpeur, puis incoordination, tremblements et coma ; la mort survient en 8 heures. Les effets sont sévères au niveau pulmonaire : irritation, congestion, œdème, hémorragie et infiltration leucocytaire.
Chez la souris, le styrène induit une irritation sensorielle avec une baisse de la fréquence respiratoire ; la RD50 est estimée entre 156 et 980 ppm selon la souche et la durée d’exposition. Il est également hépatotoxique, provoquant une augmentation de poids du foie (125 ppm, 6 h/j, 4 j) et une nécrose sévère des hépatocytes centrolobulaires (500 ppm/6 h).
L’application cutanée (500 ou 3000 mg/kg/j pendant 7 j) ne provoque aucun signe de toxicité locale ou systémique chez le rat.
Le styrène provoque, en application locale chez le lapin, une irritation cornéenne modérée avec des lésions réversibles et une légère irritation cutanée et, par inhalation, une irritation nasale.
Voie | Espèce | DL 50/CL 50 |
Orale | Rat | 1 000 - 5 000 mg/kg |
Souris | 316 mg/kg |
Inhalation | Rat | 2 770 - 6 000 ppm/4 h |
Souris | 4 940 ppm/2 h 9 500 mg/m3/4 h (≈ 2 230 ppm/4 h) |
Cobaye | 5 200 ppm/4 h |
Tableau I. DL 50/CL 50 du styrène.
Toxicité subchronique, chronique [7, 9]
En expositions répétées ou prolongées, le styrène est irritant et ototoxique.
Par voie orale chez le rat (1000 mg/kg/j, 5 j/sem., 28 j), le styrène est un irritant du tractus gastro-intestinal, provoquant la létalité ; à dose plus faible, il induit des modifications de poids des reins et du foie.
Par voie cutanée (pur, lapin, 20 applications, 4 sem.), c’est un irritant modéré avec légère nécrose.
Par inhalation, il provoque une irritation oculaire et nasale (rat, cobaye, ≥ 1300 ppm, 7 h/j, 7 mois), une augmentation de la susceptibilité à l’infection staphylococcique (rat, souris, 6,5 ppm, 4 h/j, 3 mois) ; le lapin et le singe ne présentent pas d’effet toxique à ces concentrations.
Le styrène est ototoxique chez le rat (300 ppm, 6 h/j, 5 j/sem., 4 sem.). Il provoque une perte auditive permanente essentiellement dans les fréquences moyennes (16 kHz) et moyennes-basses (3-4 kHz) ; les cellules ciliées externes de l’organe de Corti sont la cible principale. Cet effet ototoxique pourrait être potentialisé par l’éthanol qui altère le métabolisme du styrène. Lors d’expositions simultanées (rats, 6 h/j, 5 j/sem., 4 sem.) au styrène (750 ppm) et au bruit (97 dB), un effet synergique a été observé sur l’augmentation des seuils auditifs et des pertes cellulaires de la cochlée [10].
Effets génotoxiques [7, 11]
In vitro, le styrène est faiblement mutagène et clastogène après métabolisation ; in vivo, il induit des adduits à l’ADN et des échanges entre chromatides sœurs, à forte concentration après plusieurs expositions. Son métabolite principal, le styrène-7,8-oxyde, se fixe à l’ADN, est mutagène et clastogène.
Le styrène possède un certain potentiel génotoxique in vitro et in vivo (voir tableau II) ; son métabolite principal, le styrène-7,8-oxyde, est considéré comme responsable de ces effets. Les lésions à l’ADN ainsi que la génotoxicité sont influencées par un polymorphisme génétique qui agit sur la quantité et l’activité des enzymes de détoxication de l’oxyde de styrène (époxyde hydrolase et glutathion S-transférase).

Effets cancérogènes [7, 12, 25]
Le styrène est un cancérogène uniquement pour la souris (tumeurs pulmonaires) ; il n’y a donc qu’une évidence limitée d’un effet cancérogène du styrène chez l’animal bien que son métabolite principal (styrène-7,8-oxyde) soit considéré comme génotoxique et cancérogène pour l’animal. Depuis 2019, le CIRC (IARC) a classé le styrène dans le groupe 2A des agents porobablement cancérogènes pour l’homme.
L’effet cancérogène du styrène a été testé chez le rat et la souris, par voies orale, inhalatoire, intrapéritonéale et sous-cutanée (voir tableau III). Les lésions induites de l’ADN et la cytotoxicité pulmonaire sont les deux mécanismes possibles de l’effet cancérogène du styrène. Les différences de métabolisme entre espèces pourraient expliquer les différences de sensibilité. Les souris ont un taux de cytochrome P450 (2E1 et 2F2) plus important au niveau des cellules de Clara pulmonaires et synthétisent, localement, une quantité plus importante d’oxyde de styrène responsable de l’essor de la prolifération cellulaire.

Effets sur la reproduction [6, 7]
Des effets d'intensité variable sur le développement ont été mis en évidence selon les espèces animales. Par contre, aucun effet sur la fertilité chez le rat et n’est pas tératogène.
Fertilité [6]
Le styrène n’a montré aucune pathologie testiculaire par inhalation, jusqu’à 160 ppm chez la souris, 1000 ppm ou plus chez le rat, le lapin, le cobaye ou le singe. Par voie orale, il provoque, chez le rat (gavage, ≥ 400 mg/kg/j, 60 jours), une baisse du comptage spermatique et une modification des enzymes testiculaires et chez la souris (50mg/l dans l’eau de boisson, 4 sem.) une forte baisse du taux de testostérone plasmatique. Dans une expérience sur 3 générations (125-250 ppm dans l’eau de boisson), il n’a pas d’effet sur la capacité reproductrice du rat [13].
Développement [6]
Le styrène passe la barrière placentaire chez le rat et la souris ; chez le rat, la concentration sanguine fœtale atteint la moitié de celle du sang maternel. Chez le rat, les études par inhalation n’ont pas mis en évidence d’effets sur les paramètres de toxicité fœtale, classiquement examinés, en l’absence de toxicité maternelle et pour des doses pouvant atteindre 600 ppm. Toutefois, des retards neurologiques ou comportementaux ont été observés dans plusieurs études (non BPL et ne suivant pas les lignes directrices de l’OCDE), chez des animaux exposés à 300 ppm, sans toxicité maternelle concomitante. Une étude récente de reproduction sur 2 générations confirme ces résultats : les petits de la génération F2, exposés à la plus forte dose (500 ppm), présentent des signes de retard du développement postnatal avec une diminution du poids, un retard dans l’apparition des marqueurs de développement et de la séparation du prépuce et des atteintes du développement neuromoteur (baisse de l’aptitude à nager, léger retard dans l’activité motrice normale et diminution de la force d’agrippement des pattes antérieures). À cette dose, seule une légère toxicité maternelle est observée (légère diminution du poids et dégénérescence de l’épithélium nasal). Les nouveau-nés exposés à 150 ppm présentent seulement une diminution de leur poids pendant l’allaitement, sans aucune toxicité maternelle.
Par voie orale (≤ 300 mg/kg/j par gavage, du 6e au 15e jour de gestation), aucun effet sur le développement du rat n’est observé, même en présence de toxicité maternelle.
Des signes de toxicité pour le développement ayant été observés dans 3 études, le comité européen pour l'évaluation des risques (RAC) a conclu que le styrène devait être classé Repro 2, H361d.