Toxicité aiguë [48]
Les troubles gastro-intestinaux et neurologiques observés chez l'animal sont comparables à ceux constatés chez l'homme et ne seront pas développés dans ce paragraphe. Le potentiel irritant/corrosif est variable selon les composés.
Par voie orale, les DL50 sont très variables pour les différents composés de l'arsenic :
- composés pentavalents
- Pentaoxyde d’arsenic : 8 mg/kg pc chez le rat et 55 mg/kg pc chez la souris,
- Acide arsénique : de 48 à 100 mg/kg pc (souris),
Des effets toxiques gastro-intestinaux (diarrhée) et, à forte dose, une ataxie et des convulsions sont observés [48].
- composés trivalents
- pour le trioxyde de diarsenic, 20 mg/kg chez le rat et entre 34 et 50 mg/kg chez la souris,
- pour l’arsénite de sodium, 42 mg/kg pc chez le rat,
Des convulsions, vomissements , hémorragie gastro-intestinale sont observés [48].
Chez le rat, l’arsénite de sodium est toxique par voie percutanée (DL50 = 150 mg/kg pour un contact de 24 heures sous pansement occlusif). Chez le lapin, une DL50 de 1750 mg/kg pc a été déterminée pour une solution aqueuse d’acide arsénique à 75 % : à l’autopsie, des lésions cutanées, pulmonaires et gastro-intestinales ont été observées [5].
Une DL50 de 18,9 mg As/kg a été déterminée pour le trioxyde de diarsenic, suite à des instillations intra-trachéales chez le rat, sans aucun détail supplémentaire [49]. Des rats femelles ont été exposés à du trioxyde de diarsenic pendant 6 heures (25-50-100-150 ou 200 mg/m3). Aucune mortalité n’est observée à 25 et 50 mg/m3 ; à la dose suivante, tous les animaux étaient morts ou ont été sacrifiés [50].
Irritation, sensibilisation 1[48]11https://www.inrs.fr/publications/bdd/fichetox/fiche.html?refINRS=FICHETOX_192§ion=pathologieToxicologie#ancre_BiblioTexte
Les composés inorganiques de l’arsenic sont plus ou moins irritants ou corrosifs pour les yeux, la bouche, la gorge et les muqueuses gastro-intestinales.
Concernant le trioxyde de diarsenic, sa diffusion à travers la peau, et donc son action systémique, sont favorisées par sa causticité qui entraîne des lésions préalables de la barrière cutanée. Le trioxyde de diarsenic est très irritant pour les voies aériennes supérieures.
Par voie cutanée, des irritations ont été rapportées chez la souris, suite à des expositions à de l’arsénite de sodium (2,5 mg As/kg) [51].
En revanche, aucun effet n’est retrouvé chez le cobaye suite à une exposition à des solutions aqueuses contenant 4000 mg As/L sous forme d’arséniate [52]. Chez le lapin, l’application cutanée d’une solution aqueuse d’acide arsénique à 75 % est à l’origine de nécrose, ou d’érythème et œdème sévères : 100 % des animaux meurent dans les 24 heures suivant l’exposition [48]. Des effets corrosifs sont aussi rapportés au niveau oculaire. Le pentoxyde d’arsenic est à l’origine d’une irritation oculaire et, au niveau cutané, d’un érythème, ces effets étant exacerbés en présence d’humidité ou de sueur.
L’application cutanée d’acide monométhylarsonique chez le lapin induit une irritation modérée [53].
Toxicité subchronique, chronique
Les troubles observés chez l'animal, suite à l’exposition à l’arsenic ou ses dérivés inorganiques, autres que ototoxiques, sont comparables à ceux qui ont été constatés chez l'homme et ne seront pas développés dans ce paragraphe.
Effets ototoxiques
Chez la souris, l’administration d’arsénite de sodium (22,5 mg/L dans l’eau de boisson pendant 2 mois) entraine une élévation du seuil auditif et de la concentration en arsenic dans les liquides de l’oreille interne. Une expérimentation ex vivo a ensuite été réalisée pour déterminer l’origine de ces pertes : des lésions du ganglion spiral et des fibres auditives sont observées suite à l’exposition de l’organe de Corti en culture à 0,3 µg/mL d’arsenic pendant 48 à 72 heures[54]. L’Union européenne a classé en 2009 l’arsenic dans les composés avec de bonnes preuves d’ototoxicité [55, 56].
Effets génotoxiques [8]
In vitro, la majorité des tests de mutation génique, réalisés notamment sur bactéries, donne des résultats négatifs, contrairement aux tests réalisés sur cellules de mammifères qui mettent en évidence des aberrations chromosomiques, des échanges de chromatides sœurs ou des micronoyaux. In vivo, les composés trivalents et pentavalents de l’arsenic sont clastogènes par inhalation et par voie orale.
In vitro
Quasiment tous les tests de mutation génique réalisés sur bactéries, avec des composés inorganiques de l’arsenic trivalents et pentavalents, sont négatifs (sans activation métabolique). Ces mêmes tests, réalisés sur des cellules de mammifères en culture donnent aussi des résultats négatifs avec certains composés trivalents (trioxyde de diarsenic et arsénite de sodium ; cellules ovariennes, cellules embryonnaires et cellules V 79 de hamster) et pentavalents (cellules de lymphomes de souris, cellules embryonnaires de hamster - SHE).
En revanche, ces composés induisent des aberrations chromosomiques (surtout des coupures de chromatides), des micronoyaux et des échanges de chromatides sœurs dans de nombreux types cellulaires de mammifères (lymphocytes, leucocytes et fibroblastes humains, fibroblastes pulmonaires et cellules ovariennes de hamster chinois, cellules d’embryon de hamster syrien).
In vivo[7]
Par voie orale, la majorité des tests réalisés donne des résultats positifs : les composés inorganiques de l’arsenic induisent des aberrations chromosomiques, des échanges de chromatides sœurs et des micronoyaux dans de nombreux systèmes (lymphocytes ou cellules épithéliales humaines, cellules de la moelle osseuse de souris et de rats). Ainsi, des cassures à l’ADN sont rapportées, pour le trioxyde de diarsenic, dans un test des comètes réalisé chez la souris (unique dose orale de 0,13-0,27-0,54-1,08-2,15-4,30 ou 6,45 mg/kg pc) : une augmentation dose dépendante de la longueur des queues est mesurée à 24 et 48 heures dans les leucocytes (baisse à 72 h, traduisant un début de réparation) [57].2 De même, une augmentation dose dépendante des micronoyaux a été rapportée dans les cellules de moelle osseuse de souris, suite à des injections intra-péritonéales d’arsénite de sodium (0,5-2,5-5 ou 10 mg/kg pc) [58].2https://www.inrs.fr/publications/bdd/fichetox/fiche.html?refINRS=FICHETOX_192§ion=pathologieToxicologie#ancre_BiblioTexte
Par inhalation, l’incidence des aberrations chromosomiques est légèrement augmentée dans les cellules hépatiques de fœtus de souris gestantes, exposées à 22 mg As/m3 sous forme de trioxyde de diarsenic, du 9ème au 12ème jour de gestation[59].
Effets cancérogènes [60]
Les composés inorganiques de l’arsenic sont principalement à l’origine de tumeurs pulmonaires, quelle que soit la voie d’administration. L’arsenic est considéré comme un cancérogène transplacentaire ; ses composés possèdent des potentiels d’initiation, de promotion et de co-cancérogénicité.
Composés trivalents
Chez des souris gestantes exposées à de l’arsénite de sodium par voie orale, des tumeurs des poumons, du foie, des ovaires et des glandes surrénales sont observées chez les nouveau-nés, et plus rarement au niveau de l’utérus (une seule étude).
Le trioxyde de diarsenic induit :
- des adénomes, des lésions adénomatoïdes et des papillomes pulmonaires chez le hamster (instillation) ;
- des adénocarcinomes de l’estomac chez le rat (voie orale) ;
- des tumeurs pulmonaires chez les nouveau-nés, suite à une exposition maternelle pré et post-natale chez la souris (injections sous-cutanées).
Composés pentavalents
L’incidence des tumeurs pulmonaires est augmentée chez la souris (voie orale, arséniate de sodium) et chez le hamster (voie orale ou instillation intra-trachéale, arséniate de calcium).
L’acide diméthylarsinique (DMAV) induit des tumeurs pulmonaires chez la souris (voie orale), des carcinomes et des papillomes de la vessie chez le rat (voie orale). A contrario, des expositions chroniques à l’acide monométhylarsonique (MMAV) n’induisent aucune tumeur chez le rat ou la souris.
Plusieurs études ont par ailleurs mis en évidence le potentiel initiateur, promoteur ou co-cancérogène des composés inorganiques de l’arsenic et du DMAV au niveau de nombreux organes (vessie, peau, appareil reproducteur féminin, foie, poumons, reins ou thyroïde), suite à des expositions via l’eau de boisson ou transplacentaire.
Effets sur la reproduction [61]
Par voie orale, des effets sur les systèmes reproducteurs masculin et féminin ont récemment été mis en évidence. Les composés arsenicaux traversent la barrière placentaire chez l'animal.
Des effets tératogènes ont été rapportés, notamment des anomalies du tube neural, des anomalies squelettiques ainsi que des changements pulmonaires (morphologie et fonction), suite à des expositions in utero et via le lait maternel à l’arsénite de sodium. Par inhalation, des effets sur le développement ont été mis en évidence (pertes post-implantatoires et diminution du nombre de fœtus viables) mais en présence d’une toxicité maternelle sévère.
Fertilité [62]
Par voie orale, plusieurs études ont mis en évidence des effets sur les systèmes reproducteurs masculin (diminution du poids des testicules, de la spermatogenèse, de la motilité des spermatozoïdes, de la fertilité, changements histopathologiques au niveau des testicules et des épididymes) [63, 64, 65] et féminin (diminution du poids et de la taille de l’utérus, baisse des taux d’hormones – œstradiol, progestérone, FSH, LH – changements histopathologiques de l’utérus) [66, 67].
Chez les mâles, la plus faible dose entraînant des effets sur la reproduction est de 0,102 mg/L d’arsenic. Des rats ont été exposés à de l’eau contaminée en arsenic, pendant une à trois semaines : le poids des testicules était diminué de 10 à 28 %, le nombre de spermatozoïdes de 20 à 57 %, la motilité de 26 à 58 %. L’atrophie des testicules est liée à la dégénérescence des cellules de Leydig et germinales [65].
Chez les femelles, les effets sont observés à partir de 4 mg/L d’arsénite de sodium (rats, eau de boisson pendant 28 jours) et consistent en une diminution du poids moyen de l’utérus de 39 %, avec modifications histopathologiques [67]. Par gavage, les effets sont observés à 10 mg/kg d’arsénite de sodium (femelles rats immatures, traitement à partir du 12e jour post natal) : délai d'apparition de la puberté retardé d'environ 2 jours et modifications de la morphologie de la glande mammaire [68].
Par inhalation, des rats femelles ont été exposés à du trioxyde de diarsenic sans aucun effet sur les délais d’accouplement, le pourcentage d’accouplement ou l’indice de fertilité (de 0,2 à 8 mg As/m3, 6 h/j, 14 jours avant l’accouplement et jusqu’au 19e jour de gestation) [50].
Développement [62]
Chez la souris, des effets sur le développement ont été rapportés, notamment des anomalies du tube neural, des anomalies squelettiques et des diminutions de la fonction pulmonaire, suite à des expositions in utero et via le lait maternel à l’arsénite de sodium.
L'incidence d'anomalies du tube neural (exencéphalie) augmente en fonction de la dose chez des nouveau-nés dont les mères ont été exposées par gavage à 4,8–14,4 mg/kg d’arsénite de sodium, aux 7e et 8e jour de gestation. De même, les animaux présentaient des anomalies squelettiques axiales (sternèbres, côtes, vertèbres, os crâniens) [69].
Une administration orale unique de 20 mg/kg d’arsénite de sodium à la souris ou au hamster entre le 8e et le 12e jour de gestation est sans effet ; la dose de 40 mg/kg provoque des effets fœtotoxiques (réduction du poids, mortalité) et une faible incidence d’effets tératogènes (notamment exencéphalie et anomalies faciales), associés à une toxicité sévère chez les mères.
L'exposition gestationnelle et précoce à l'arsenic dans l'eau potable altère la fonction pulmonaire et sa morphologie. Une réactivité accrue des voies respiratoires a été rapportée suite à une exposition pendant la gestation à des concentrations en arsénite de sodium, dans l’eau potable, de 50 à 100 μg/L ; à la plus forte dose, une augmentation des muscles lisses et du collagène entourant les voies respiratoires a également été observée [70]. Une autre étude rapporte une diminution du volume thoracique, du nombre d'alvéoles et de la surface alvéolaire chez des souris exposées à 100 μg/L d'arsénite de sodium dans l'eau potable pendant la gestation [71, 72].
Par inhalation, une augmentation importante des pertes post-implantatoires, et donc une diminution du nombre de fœtus viables par portée, a été rapportée suite à une exposition à 20 mg/m3 de trioxyde de diarsenic, concentration à l’origine d’une mortalité maternelle élevée (rats, 6 h/j, 14 jours avant l’accouplement et jusqu’au 19e jour de gestation). Des rats femelles ont ensuite été exposés à des concentrations plus faibles comprises entre 0,2 à 8 mg As/m3 dans les mêmes conditions expérimentales. Aucune modification n’est mesurée concernant les résorptions fœtales, la mortalité fœtale, le poids fœtal ou l’incidence de malformations ; à la plus forte concentration, une légère toxicité maternelle est rapportée (râles, diminution de la prise de poids) [50].
Effets pertubateurs endocriniens [62]
Chez les femelles, l’administration de 4 mg/L d’arsénite de sodium (rats adultes, eau de boisson pendant 28 jours) diminue les taux de FSH et LH de 77 et 65 % [67]. L’exposition de rats femelles immatures (âgés de 28 jours) à 50-100 ou 200 mg/L d’arsénite de sodium (eau de boisson, pendant 28 jours) diminue les hormones sexuelles de manière dose-dépendante : baisse de l’œstradiol de 49 à 72 %, de la progestérone de 16 à 53 %, et de la FSH de 32 à 60 %, respectivement [66].