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Glutaraldéhyde

Fiche toxicologique n° 171

Sommaire de la fiche

Édition : Juillet 2018

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme [1, 15, 16]

    Le glutaraldéhyde pénètre bien dans la peau des animaux; il y reste en grande partie fixé aux protéines. La partie absorbée est transformée et excrétée en majorité dans l’air expiré, sous forme de CO2, ou dans l’urine.

    Chez l'animal

    Le métabolisme du glutaraldéhyde a été peu étudié; une expérimentation chez le rat et le lapin a été réalisée par voies intraveineuse (iv) et cutanée avec du 14C]-glutaraldéhyde:

    • après injection iv (0,2 ml (rat) ou 2,5 ml (lapin) d’une solution à 0,075 %), la majeure partie de la dose est excré­tée, dans les premières 24 heures, sous forme de 14CO2 (75 - 80 % chez le rat, 66 - 71 % chez le lapin). L’excrétion uri­naire du glutaraldéhyde ou de ses métabolites est plus faible : 7,3 - 8,4 % chez le rat et 15,5 - 16,9 % chez le lapin. Si la dose est augmentée (0,75 %), la proportion exhalée diminue avec une élimination urinaire et une rétention tissulaire augmentées, suggérant une saturation métabo­lique. La demi-vie d’élimination est de 9,6 - 12 heures chez le rat et 14,7 - 20,4 heures chez le lapin.
    • après application cutanée (0,2 ml (rat) ou 2,5 ml (lapin) d’une solution à 0,75 % ou 7,5 %), la pénétration est importante (jusqu’à 66 % chez le rat et jusqu’à 78 % chez
      le lapin) mais l’absorption semble plus faible (< 11% chez le rat et < 40 % chez le lapin) ; une grande proportion des molécules radiomarquées reste dans la peau (stratum corneum, base du poil et zones de nécrose) ou la carcasse, probablement fixée aux protéines.

    La pénétration cutanée a également été étudiée in vitro :

    • dans une première expérimentation, le glutaraldéhyde ne traverse pas la peau humaine prélevée sur la plante des pieds (stratum corneum épais), mais traverse le stratum corneum fin (poitrine et abdomen, 3,3 - 13,8 %) et l’épi­derme abdominal (2,4 - 4,4%);
    • dans une seconde, il est absorbé in vitro de façon simi­laire par la peau de rat, de souris, de cobaye, de lapin ou d’homme (< 1% de la dose déposée).

    Le glutaraldéhyde est métabolisé préférentiellement en CO2 probablement par une série d’oxydations, décarboxy­lations et hydrolyses (voir fig. 1); les métabolites urinaires détectés n’ont pas été identifiés.

    Schéma métabolique

  • Mode d'actions
  • Toxicité expérimentale [15, 16]
    Toxicité aiguë

    Le glutaraldéhyde est un irritant local fort quelle que soit la voie d’exposition ; c’est également un irritant respiratoire et un sensibilisant cutané.

    La toxicité par voie orale est inversement proportionnelle à la concentration de glutaraldéhyde dans l’eau; l’irrita­tion du tractus gastro-intestinal induite à plus forte concentration et la tendance du glutaraldéhyde à se polymériser en présence d’eau, ce qui diminue la quantité d’aldéhyde libre actif, pourraient en être la cause. Les animaux meurent en 1 à 3 jours; la souris semble plus sensible que le rat.

    Symptômes

    Les signes d’une toxicité par inhalation sont limités au tractus respiratoire et à une irritation oculaire (blépharos- pasme, larmoiements, écoulement nasal, respiration buc­cale et abdominale). Les vapeurs de glutaraldéhyde générées à haute température (60 °C) sont plus toxiques que celles générées à température ambiante qui n’en­gendrent pas de létalité chez les animaux.

    Après une exposition orale, les rats présentent une pilo- érection, des croûtes péri-oculaires et péri-nasales, des mouvements ralentis, une respiration rapide et des diar­rhées. À l’autopsie, on note une distension et une conges­tion de l’estomac avec des zones hémorragiques de la paroi, ainsi que de l’intestin grêle et un épaississement du pylore. À l’occasion, on observe également une congestion des surrénales, du foie, des reins, de la rate et des pou­mons.

    Après exposition cutanée, des effets locaux apparaissent chez le lapin : érythème, œdème, nécrose, desquamation et escarres. Il n’y a pas de toxicité systémique chez les sur­vivants; à l’autopsie, on note une congestion du foie, des reins, de la rate et des poumons.

    Irritation-Sensibilisation

    Les solutions à plus de 10 % de glutaraldéhyde sont irri­tantes pour la peau du lapin, provoquant érythème, œdème et nécrose disséminée ; celles à 45 ou 50 % provo­quent une inflammation locale sévère avec desquamation et nécrose.

    Les solutions à plus de 1 % de glutaraldéhyde provoquent, chez le lapin, des lésions cornéennes qui s’amplifient avec la concentration; l’inflammation de la conjonctive appa­raît à la concentration de 0,2 %.

    Chez la souris, le glutaraldéhyde induit une irritation respiratoire (RD50 = 13,9 ppm). Ce n’est pas un irritant respiratoire chez le cobaye.

    C’est également un sensibilisant cutané chez l’animal (test du gonflement de l’oreille et test du ganglion local chez la souris, test de maximisation chez le cobaye et la souris) ; il augmente, chez la souris, le taux des cytokines spécifiques d’une réponse allergique humorale et, à des concentrations > 10 %, le taux d’IgE.

    Voie

    Espèce

    DL50/CL50

    Solution dans l’eau à : 

    Inhalatoire

    Rat

    0,1-0,8 mg/l/4 h (24-192 ppm)

    Vapeurs : 96 (mâles) - 154 (femelles) mg/m3

    Aérosol : 350 (mâles) - 280 (femelles) mg/m3

     

     

     

    605-735 mg/kg

    45-50 %

     

    Rat

    409-500 mg/kg

    25%

     

     

    99-183 mg/kg

    1-15 %

    Orale

    Souris

    325-352 mg/kg

    110-130 mg/kg

    25 %

    2%

     

    Lapin

    125 mg/kg

    25 %

     

    Cobaye

    50 mg/kg

    ?

     

    Rat

    > 2000 mg/kg

     

    Cutanée

    Souris

    > 5840 mg/kg

     

     

    Lapin

    897-1432 mg/kg

    45-50 %

     

    2128-3045 mg/kg

    25%

    Tableau 2. DL50, CL50 [1, 3]

    Toxicité subchronique, chronique [17-20]

    Les effets d’une exposition prolongée ou répétée au gluta­raldéhyde sont essentiellement dus à l’irritation engendrée localement.

    Des rats et des souris ont été exposés au glutaraldéhyde par inhalation :

    • pendant 2 semaines (0 - 0,16 - 0,5 - 1,6 - 5 - 16 ppm, 6 h/j, 5 j/sem.) : les deux plus fortes concentrations sont létales pour les deux espèces, les animaux meurent en détresse respiratoire. À l’autopsie, on observe nécrose, inflamma­tion et métaplasie squameuse au niveau du nez et du larynx; aux plus fortes concentrations, des lésions sem­blables sont présentes dans la trachée et, chez le rat, dans les poumons et sur la langue.
    • pendant 13 semaines (0 - 0,0625 - 0,125 - 0,250 - 0,5­1 ppm, 6 h/j, 5 j/sem.): la plus forte concentration est létale pour la souris. Chez le rat, en dehors d’une perte de poids et d’une dyspnée, aucun signe clinique n’est observé. À l’autopsie, les lésions du tractus respiratoire sont semblables à celles observées lors de l’exposition pendant 2 semaines: lésions de l’épithélium respiratoire et olfactif chez le rat (NOAEL 0,125 ppm), métaplasie squameuse modérée de l’épithélium du larynx et des cornets du nez et inflammation suppurante de la partie antérieure de la cavité nasale chez la souris à 1 ppm, nécrose et inflammation aux concentrations inférieures. 
    • pendant 104 semaines (rats 0 à 0,75 ppm, souris 0 à 0,25 ppm, 6 h/j, 5 j/sem.) : les résultats sont semblables à ceux obtenus lors d’une exposition pendant 13 semaines.

    Des rats, exposés dans l’eau de boisson (0 - 50 - 250 - 1000 ppm, soit 0 - 4 - 17 - 64 mg/kg/j pour les mâles et 0 - 6 - 25 - ­86 mg/kg/j pour les femelles) pendant 104 semaines, présentent une réduction de la prise de poids, de nourri­ture et de boisson, avec pour conséquence une diminu­tion du volume urinaire et du poids des reins et une irritation gastrique à la forte dose. Des observations iden­tiques ont été faites chez la souris (jusqu’à 1000 ppm) et le chien (jusqu’à 250 ppm).

    Une exposition par voie cutanée n’induit, chez le rat (50­ - 100 - 150 mg/kg/j, 26 j), qu’une irritation locale et une légère baisse de poids [15].

    Effets génotoxiques [15, 16]

    Le glutaraldéhyde n’est pas génotoxique dans les tests pra­tiqués in vitro et in vivo.

    In vitro, les tests effectués avec le glutaraldéhyde ne mettent pas en évidence d’effet mutagène sur les souches bactériennes habituellement utilisées. Les études révèlent un taux faible ou nul de mutations ponctuelles, d’échange entre chromatides sœurs sur cellules ovariennes de hamster chinois ou de synthèse non programmée de l’ADN sur hépatocyte de rat.

    In vivo, le glutaraldéhyde n’induit pas de mutation létale récessive liée au sexe chez la drosophile ni de mutation létale dominante chez la souris. Il n’est pas clastogène (pas de micronoyaux ou d’aberrations chromosomiques) chez le rat ou la souris.

    Effets cancérogènes [15, 16]

    Le glutaraldéhyde n’est pas cancérogène pour l’animal.

    Les expositions à long terme (2 ans) de rats et de souris n’ont pas montré d’effet cancérogène du glutaraldéhyde chez ces animaux, en dehors d’une augmentation du taux de leucémies lymphoïdes chroniques (néoplasme spon­tané chez le rat) uniquement chez les femelles. Cet effet n’est pas considéré par les auteurs comme représentatif d’un effet cancérogène.

    Effets sur la reproduction [15, 16]

    Le glutaraldéhyde n’est pas toxique pour la reproduction ou le développement de l’animal à des doses non toxiques pour les mères.

    Les expositions à long terme n’ont pas montré d’effet du glutaraldéhyde sur l’appareil reproducteur des animaux. Dans le test de létalité dominante chez la souris, il n’y a pas de réduction de fertilité ou de modification de la via­bilité embryonnaire. 

    Dans une étude chez le rat, sur deux générations (50 - 100 -­ 250 ppm), le glutaraldéhyde ne provoque pas d’effet sur la reproduction malgré une baisse du poids parental.

    Des souris et des rats ont reçu, du 6e au 15e jour de gesta­tion, entre 16 et 100 mg/kg/j. À 50 et 100 mg/kg/j, on note des signes d’intoxication chez les femelles gestantes et dans les portées. Il n’y a pas de fœtotoxicité aux doses non toxiques pour les mères.

    Des lapins gavés avec 5 - 15 - 45 mg/kg/j du 7e au 19e jour de gestation présentent une toxicité maternelle et fœtale à la plus forte dose mais pas de malformation. Les NOAELs maternelle et fœtale sont de 15 mg/kg/j.

  • Toxicité sur l’Homme [21, 32]

    Les seuls effets actuellement décrits chez l’homme sont une irritation importante (peau, œil et voies respiratoires) ainsi que des allergies cutanée et respiratoire.

    Toxicité aiguë [2, 11, 16, 19, 21, 22]

    Le glutaraldéhyde est fortement irritant pour la peau, les yeux et les voies respiratoires. En cas de contact direct avec la peau ou de projection oculaire, les solutions aqueuses de glutaraldéhyde entraînent une irritation dont la sévérité est fonction de la concentration et de la durée de l’exposition. La peau peut prendre secondai­rement un aspect jaunâtre. Chez le volontaire sain, le seuil d’irritation cutané est de 0,2 %. La projection oculaire d’une solution dont la concentration dépasse 1 % peut entraîner une conjonctivite et des érosions cornéennes. Des lésions corrosives cutanées et oculaires peuvent sur­venir à des concentrations de l’ordre de 15 à 20 %.

    La détection olfactive du glutaraldéhyde, variable selon les individus, intervient pour des concentrations atmosphé­riques de l’ordre de 0,04 ppm. L’inhalation des vapeurs de glutaraldéhyde se traduit cliniquement par des signes d’irritation des voies respiratoires, pouvant survenir même lors d’expositions inférieures à 0,2 ppm, compre­nant une irritation du nez et de la gorge, une toux, une gêne respiratoire et une oppression thoracique. Des signes d’irritation oculaire sont généralement associés quand la concentration atmosphérique en glutaraldéhyde dépasse 0,3 ppm.

    Toxicité chronique [2, 3, 16, 22-30]

    Les symptômes les plus fréquemment rapportés par les salariés manipulant des solutions de glutaraldéhyde de façon chronique, en particulier en milieu de soins, sont des irritations des yeux, de la peau et des voies aériennes. D’autres manifestations telles que des nausées, des céphalées ou une asthénie ont aussi été signalées.

    Les contacts répétés de la peau avec des solutions de glu­taraldéhyde peuvent également entraîner une dermatite de contact d’irritation et/ou un eczéma de contact aller­gique. Les lésions se situent généralement au niveau du dos des mains, des doigts, des poignets et des avant-bras. Les vapeurs de glutaraldéhyde et les solutions utilisées sous forme de spray peuvent également provoquer une irritation et/ou un eczéma. Ces dermatites de contact aéroportées, plus rares, concernent classiquement la face et les zones découvertes. Toutes les variantes cliniques d’un eczéma peuvent être observées. Des essais cliniques chez des volontaires sains ont montré que la concentra­tion seuil de sensibilisation est de 0,5 %. Il n’y a pas de sensibilisation croisée au formaldéhyde, mais une sensibi­lisation simultanée aux deux substances est fréquente. Il n’existe pas de risque de photosensibilisation et/ou de phototoxicité au contact de solutions aqueuses de gluta­raldéhyde.

    Une rhinite, une rhino-conjonctivite et/ou un asthme allergiques peuvent enfin survenir en cas d’exposition chronique à des vapeurs ou à des aérosols de glutaraldéhyde. Le mécanisme physiopathologique de l’asthme reste cependant incertain. Il peut être la traduction d’une dysfonction réactive des voies aériennes consécutive aux effets irritants du glutaraldéhyde ou être en rapport avec un mécanisme immuno-allergique. L’existence d’un temps de latence entre le début de l’exposition et l’apparition des symptômes respiratoires, la présence de symptômes lors de faibles expositions et de réponses bronchiques retardées lors des tests de provocation spéci­fiques sont des arguments plutôt en faveur d’un méca­nisme de sensibilisation. Bien que des IgE spécifiques de conjugués glutaraldéhyde-protéine aient été mises en évi­dence chez des salariés exposés au glutaraldéhyde, la cor­rélation entre la présence de ces IgE et l’existence d’un asthme est faible.

    Effets cancérogènes [13, 30]

    Une étude épidémiologique de mortalité a été réalisée aux États-Unis chez 186 salariés ayant travaillé entre 3 et 7 ans dans une unité de production de glutaraldéhyde. La concentration moyenne en glutaraldéhyde dans l’atmosphère de travail était de 0,05 ppm avec des valeurs comprises entre 0,01 et 0,17 ppm. La durée de suivi des salariés était d’au moins 10 ans et le délai moyen par rap­port au début de l’exposition d’environ 20 ans. Aucune augmentation de la mortalité globale ni d’excès de cancer n’a été mise en évidence. Cette étude sur un nombre limité de sujets ne permet pas de conclure de façon défi­nitive sur un risque cancérogène du glutaraldéhyde.

    Effets sur la reproduction [13, 22, 30-32]

    Aucun excès de risque de fausse couche spontanée ou de malformation fœtale n’a été mis en évidence dans deux études finlandaises réalisées chez des infirmières ayant notamment manipulé, pendant leur grossesse, du glutaraldéhyde comme agent de stérilisation.

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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