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Acide formique

Fiche toxicologique n° 149

Sommaire de la fiche

Édition : Avril 2024

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme [19, 20]

    Après absorption par toutes les voies d'exposition, l'acide formique est soit incorporé dans les macromolécules cellu­laires, soit oxydé en CO2 et expiré, soit éliminé sous forme inchangée dans l'urine.

    Chez l'animal

    L'acide formique est absorbé par voies digestive, pulmo­naire et cutanée. Des travaux anciens ont également mis en évidence un passage transvésical. Sa distribution est mal connue.

    Il est le précurseur de nombreux acides aminés, de lipides et de glucides. Il est partiellement éliminé sous forme inchangée dans les urines. La proportion d'acide formique non métabolisé est variable selon les espèces (très faible chez le lapin et jusqu’à la moitié de la dose administrée chez le chien[6]) et d'autant plus importante que la quan­tité administrée est plus grande (chez le chien, 9 % pour une dose orale de 1 gramme et 65 % pour 5 grammes[7]). L'élimination urinaire de l'acide formique est lente ; en cas d'exposition répétée, le risque d'accumulation doit être pris en compte.

    Il est également oxydé, principalement dans le foie, en dioxyde de carbone et en eau, soit par un mécanisme impli­quant une peroxydation par une catalase, soit par une métabolisation dépendante de l’acide folique. Les demi-vies sanguines du formiate de sodium sont 12-23 minutes, 31­51 minutes et 55 minutes respectivement chez le rat, le singe et l’homme. Le taux d’oxydation en CO2, bien que dépendant de la dose, est de moitié moins important chez le singe que chez le rat ; ce dernier ayant un taux hépatique de tétrahydrofolate d’environ 60 % supérieur à celui du singe. Chez l’homme, l’enzyme, qui catalyse l’oxydation du formiate en CO2, a des propriétés identiques à celle du rat mais une activité plus faible, ce qui pourrait constituer un facteur supplémentaire d’accumulation et une toxicité aug­mentée de l’acide formique pour l’homme [7].

    L'acide formique est un inhibiteur de l’enzyme cyto­chrome oxydase mitochondriale ; il bloque ainsi l'utilisa­tion périphérique de l'oxygène et provoque, par métabolisme anaérobie, l’apparition d’une acidose. Il est le principal métabolite du méthanol et, pour la plupart des auteurs, il est responsable de la quasi-totalité des effets toxiques de cet alcool : acidose métabolique, encé­phalopathie et atteinte des voies optiques.

  • Mode d'actions
  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë

    L’intoxication systémique comprend des troubles neurologiques, cardiovasculaires, rénaux, oculaires, une acidose métabolique voire un effet méthémoglobinisant. C’est un caustique puissant, notamment responsable de troubles oculaires voire de cécité. 

    Voie

    Espèce

    DL50/CL50

    Orale

    Rat

    1100-1830 mg/kg

    Souris

    700-1 076 mg/kg

    Chien

    4 000 mg/kg

    Inhalatoire

    Rat

    15 000 mg/m3 pendant 15 min

    Souris

    6 200 mg/m3 pendant 15 min

    Tableau I : Toxicité de l'acide formique pour l'animal

     

    Le tableau de l'intoxication systémique varie selon les espèces et associe :

    • des troubles neurologiques : ataxie, somnolence, coma et convulsions ;
    • des troubles cardiovasculaires : vasoconstriction initiale, puis vasodilatation et collapsus cardiovasculaire ;
    • une atteinte rénale : diurèse augmentée ;
    •  une acidose métabolique entraînant dans un premier temps une compensation respiratoire qui se traduit par une hyperpnée, cette phase est suivie d’une dépression respiratoire d'origine centrale ;
    • des troubles oculaires chez le lapin et le chien (accumu­lation de formiate dans les cellules gliales de la rétine)[21].

    Des travaux anciens signalent également un effet méthémoglobinisant chez le chien (env. 50 mg/kg, voie orale) et le lapin (6 mg/kg, sous-cutané) ; cet effet dure environ 10 jours, puis disparaît lentement.

    L'acide formique est un caustique puissant, responsable de lésions sévères des tissus avec lesquels il entre en contact. Chez le lapin, l'administration orale de 2 mL d'une solution à 5,7 % provoque une irritation intense des muqueuses digestives, puis des ulcérations gastriques. Chez le cobaye, l'acide formique, administré à raison de 0,3 à 42 ppm pendant 1 heure, est plus irritant pour les voies respiratoires que l'aldéhyde formique aux mêmes concentrations.

    L'application sur la peau rasée de lapins est responsable d’une irritation légère à la dose de 610 mg et d'ulcérations sévères aux doses plus importantes.

    Une instillation dans l’œil du lapin d’une solution à 10 % produit une opacification blanche, locale, immédiate de la cornée qui régresse légèrement après 5 jours. Une goutte d'acide pur déposée sur la cornée du lapin produit une opacité immédiate locale ainsi qu’une opacification du cristallin, une inflammation de l’iris et des lésions de la chambre antérieure de l’œil. Chez le singe, l’administra­tion intraoculaire provoque le même type d’atrophie et de cécité que celui causé par une exposition au méthanol (œdème de la rétine et du nerf optique, puis atrophie de ce dernier)[19].

    Toxicité subchronique, chronique [20]

    L'acide formique, en administration répétée, a peu d'effet chez l'animal ; le tractus respiratoire supérieur est sa cible lors d'une administration par inhalation.

    Chez le rat, l'administration d'acide formique dans l'eau de boisson à des concentrations comprises entre 0,01 % et 0,25 % (soit environ 0,2 mL/kg/j) pendant 2 à 4 mois ne produit aucun effet cliniquement décelable ; à 0,5 % (0,36 mL/kg/j), une anorexie et un ralentissement de la croissance pondérale sont notés. Les mêmes effets sont observés chez des rats dont les aliments ou l'eau de bois­son contiennent 0,5 ou 1 % d'acide formique pendant 6 semaines.

    L'exposition de rats à 20 ppm d'acide formique, 6 heures par jour pendant 3 ou 8 jours, est responsable d'un dys­fonctionnement de certains systèmes enzymatiques hépatiques, rénaux ou cérébraux (enzymes de métabolisation, voie du glutathion...).

    L’exposition par inhalation de rats et de souris pendant 2 semaines (0-31-62,5-125-250-500 ppm, 6h/j, 5j/semaine) et 13 semaines (0-8-16-32-64-128 ppm, 6h/j, 5j/semaine) engendre des effets toxiques systémiques minimes :

    • les modifications hématologiques et biochimiques sont légères et révèlent une hémoconcentration ;
    • les lésions macro ou microscopiques sont limitées au tractus respiratoire supérieur et sont similaires aux effets induits par des produits chimiques irritants administrés par inhalation. Après 2 semaines, la toxi­cité est limitée aux passages du nez, au pharynx, au larynx et à la trachée (nécrose et inflammation aux deux plus fortes concentrations) ; la souris est plus sen­sible que le rat. Après 13 semaines, les effets sur le larynx, le pharynx ou la trachée ne sont plus visibles mais on note, au niveau de l’épithélium respiratoire et olfactif, une métaplasie squameuse (chez le rat) et une dégénérescence (pour les deux espèces) minimales. La NOAEL est de 64 ppm.

    Le manque d’effet systémique pourrait être lié à la faculté des rongeurs à métaboliser rapidement l’acide formique en CO2.

    Effets génotoxiques [20]

    L'acide formique, en solution tamponnée, n'est pas muta­gène in vitro ou in vivo.

    In vitro, l’acide formique, en solution tamponnée, n’est pas mutagène pour Salmonella typhimurium TA100, TA1535, TA97 ou TA98 avec ou sans activateurs métaboliques. Il n’induit pas d’échanges entre chromatides sœurs dans les cellules V79 de hamster chinois. En solution non tampon­née, il augmente le taux d’aberrations chromosomiques dans les cellules ovariennes de hamster chinois ; les auteurs parlent de faux-positif.

    In vivo, l'application quotidienne pendant 50 jours d'une solution à 8 % d'acide formique sur les oreilles de souris n'a pas induit d'anomalie in situ. Des résultats positifs ont été obtenus dans le test de létalité récessive liée au sexe chez la drosophile, uniquement avec des solutions non tamponnées.

    Effets cancérogènes [19]

    Il n'y a pas de test d'effet cancérogène de l'acide formique rapporté dans la littérature (2011).

    Un test d’effet promoteur après exposition cutanée (2 fois par semaine pendant 20 semaines) d’une solution d’acide formique à 8 % sur l’oreille de la souris prétraitée avec du diméthylbenzanthracène (1,5 %, une fois) a donné des résultats négatifs.

    Effets sur la reproduction

    L'acide formique n'a pas d'effet sur les organes de la repro­duction. Il est toxique pour les embryons en culture in vitro.

    Le sel de calcium, administré sur trois générations, n'est ni fœtotoxique ni tératogène.

    Il n’y a pas d’effet de l’acide formique sur les paramètres de la reproduction (mobilité spermatique, poids des testi­cules ou de l’épididyme, durée du cycle œstral) évalués chez la souris et le rat des deux sexes exposés par inhala­tion (0-8-16-32-64-128 ppm, 6h/j, 5j/semaine, pendant 13 semaines) [20].

    Au cours d'un essai ancien, l'administration sous forme de formiate de calcium (0,2 % dans l'eau de boisson) à des rats pendant 3 ans n'a provoqué aucun effet sur la crois­sance ou la fertilité des 5 générations obtenues [22].

    L'injection de 20 mg d'acide formique dans des œufs de poule fertilisés n'est ni fœtotoxique ni tératogène.

    Plusieurs essais in vitro, sur culture d’embryon de rat et de souris, ont montré une toxicité de l’acide formique (retard de croissance et de développement) et une augmentation des anomalies (neuropores antérieur et postérieur ouverts, anomalies de la queue, hypertrophie du péricarde et développement cardiaque retardé)[23].

    Une exposition des rates à 1 % d’acide formique dans l’eau de boisson, pendant 7 mois, engendrerait une diminution de la survie des petits de 50 à 67 % [20].

  • Toxicité sur l’Homme

    L’ingestion engendre des lésions caustiques du tube digestif et de possibles complications (sténose digestive, acidose,…). Lors d’inhalation, une atteinte pulmonaire avec œdème et syndrome de réactivité bronchique non spécifique est possible. Les projections provoquent des lésions caustiques cutanées, oculaires et respiratoires (pouvant conduire au décès). Il n’y a pas de donnée de cancérogénicité ou de reprotoxicité disponible chez l’Homme à la date de rédaction de cette fiche (2011).

    Toxicité aiguë [24-28]

    L'acide formique pur ou en solution concentrée est forte­ment corrosif. L'ingestion est immédiatement suivie de douleurs buccales, rétrosternales puis abdominales et de vomissements. L'examen de la cavité buccale et la fibros­copie œsogastroduodénale révèlent une irritation intense et des ulcérations plus ou moins étendues du tractus digestif supérieur. Le bilan biologique révèle une acidose métabolique due à la nécrose tissulaire et à l'inhibition de la cytochrome oxydase par l'acide formique. À cette phase précoce, des troubles hémodynamiques, une hémolyse et une atteinte rénale sont parfois notés. Les complications risquant de survenir les jours suivants sont : une hémor­ragie digestive, une perforation œsophagienne ou gas­trique, un choc (secondaire à une hémorragie digestive ou à une perforation), une acidose métabolique intense et/ou une coagulation intravasculaire disséminée (évo­quant une nécrose étendue ou une perforation), une détresse respiratoire (révélant un œdème pharyngé, une destruction du carrefour aérodigestif, une pneumopathie d'inhalation ou une fistule œsotrachéale). L'évolution ultérieure est dominée par le risque de constitution de sténoses digestives. Chez l'adulte, des intoxications sévères sont observées pour des prises supérieures ou égales à 30 grammes.

    Les projections cutanées d'acide formique pur sont responsables de lésions caustiques locales sévères si une décontamination n'est pas rapidement réalisée. De même, les projections oculaires peuvent produire des opa­cités cornéennes définitives. Au cours d’un accident, 42 personnes victimes de projection d’acide formique ont été suivies ; 12 patients ont présenté des brûlures cutanées sévères, 10 ont eu une opacité cornéenne résiduelle et 2 un glaucome secondaire. Une personne est morte d’un œdème pulmonaire[29].

    Un travailleur victime d’une projection d’acide formique chaud sur le visage a présenté une dyspnée ainsi que des troubles respiratoire et de la parole. Il est mort 6 heures après l’accident[7].

    L’inhalation d’un aérosol d’acide formique peut être à l’ori­gine d’un œdème pulmonaire et d’un syndrome de réacti­vité bronchique non spécifique [3, 30].

    Toxicité chronique [24, 25, 31]

    Une étude ancienne signale une irritation oculaire et des douleurs épigastriques chez des travailleurs exposés. Des ouvriers de l'industrie textile, travaillant dans un atelier où la concentration d'acide formique était de 15 ppm, ne se plaignaient que de nausées. Chez les travailleurs agricoles finlandais exposés à l'acide formique (0-99 mg/m3), les troubles respiratoires sont fréquents (l'exposition simulta­née au foin rend délicate l'interprétation de cette sympto­matologie).

    Liesivuori et coll retrouvent une augmentation de l’ammoniogenèse rénale et de l’excrétion urinaire de calcium chez des salariés agricoles effectuant de l’ensilage dans un local où l’acide formique était utilisé comme conservateur[32].

    Effets cancérogènes

    Aucune donnée n’est disponible chez l’Homme à la date de publication de cette fiche toxicologique (2011)

    Effets sur la reproduction [33]

    Aucune donnée n’est disponible chez l’Homme à la date de publication de cette fiche toxicologique (2011)

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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