Evolution de la dimension biomécanique des gestes des ébarbeurs lors de l’usage d’un cobot
Communication scientifique
- Résumé: Une des solutions proposées pour prévenir les troubles musculo-squelettiques (TMS) concerne les robots collaboratifs. Cette communication se propose dans une visée de prévention des TMS, d’analyser l’évolution d’une des dimensions du geste professionnel, celle biomécanique, en situation réelle de travail avec et sans usage d’un robot collaboratif.
Mots clés : robot collaboratif, troubles musculo-squelettiques, geste professionnel, posture
Problématique : La prévention des troubles musculo-squelettique (TMS) demeure prioritaire dans de nombreux pays. Le développement des gestes professionnels dans toutes leurs dimensions (biomécanique, cognitive, psychique et sociale) peut être une ressource pour la prévention des TMS quand les moyens (techniques et/ou organisationnels) de les construire sont présents. Les robots collaboratifs semblent être une des solutions possibles. Ils pourraient en effet avoir un retentissement positif sur l’ergonomie avec moins de sollicitation physique par exemple pour déplacer des objets lourds etc. (Peshkin & Colgate, 1999). Certains retours d’expérience de l’usage d’un robot d’assistance physique sans contention manipulé par l’opérateur (cobot) montrent qu’en dépit d’une diminution du port de charge pour les opérateurs, de nouvelles problématiques apparaissent avec l’usage de celui-ci comme des risques de choc, de coincement ou encore l’adoption de postures contraignantes par les utilisateurs (Jocelyn, Burlet-Vienney, Giraud, & Sghaier, 2017). Les gestes dans leur dimension biomécanique restent à interroger lors de l’usage d’un cobot, tout comme les autres dimensions des gestes (cognitive, psychique et sociale).
Objectif : L’objectif de cette communication est d’analyser, dans une visée de prévention des TMS, l’évolution des gestes professionnels dans leur dimension biomécanique lors de l’usage du cobot. Plus précisément, il se concentre sur l’analyse des postures adoptées par les opérateurs en situation réelle de travail lors du meulage manuel ou à l’aide d’un cobot.
Méthodologie : Une étude préliminaire a permis de caractériser l’activité d’ébarbage et de se concentrer sur la situation de meulage d’une surface plane d’environ 60x7cm dans un plan incliné par rapport à l’horizontale.
Les données ont été recueillies auprès de trois ébarbeurs volontaires à partir d’observations filmées à l’aide de trois caméras (une centrée sur l’opérateur et son outil de travail, une filmant le travailleur de dos et une autre le filmant de profil afin d’éviter les erreurs de parallaxe). Ces observations ont duré environ 2h consécutives pour chaque opérateur dans la situation manuelle et celle assistée par le cobot. Elles étaient focalisées sur l’angulation des articulations du dos et des membres supérieurs des ébarbeurs.
L’analyse des données a été réalisée sur la base d’un outil construit à partir de la norme européenne NF EN 1005-4 et des outils RULA et OREGE. Le post-codage réalisé sous le logiciel Captiv a concerné les zones de confort ou à risque de développement de TMS pour les articulations suivantes : cou, épaules, coudes, poignets et tronc. Le zéro de référence pour ces articulations sont les zéro anatomiques sauf pour les coudes où 0° correspondant aux avant-bras en flexion à 90°.
Résultats/Discussion : Les résultats montrent qu’il y a des différences au niveau des postures adoptées par les ébarbeurs entre la situation manuelle et celle assistée par le cobot. Lors du meulage manuel la moyenne de temps passé en flexion du cou (>20°) est supérieure à celle avec le cobot et inversement, celle en flexion du tronc (>60°) est supérieure avec l’usage du cobot. Vraisemblablement il existe une coordination entre la flexion du cou et celle du tronc : plus on fléchit la tête moins on fléchit le tronc (meulage manuel) et inversement lors du meulage avec le cobot. Ces différences pourraient être dues aux caractéristiques du cobot notamment l’amplitude du rayon de travail du bras du cobot.
Concernant les épaules, l’épaule droite est davantage en abduction (>60°) lors de la situation manuelle. De plus, les postures des ébarbeurs sont différentes avec le cobot car la moyenne du temps passé en antépulsion (>60°) pour les épaules est supérieure à celle calculée en situation manuelle. Cela pourrait être due au fait qu’en situation manuelle les mouvements réalisés sont plus amples tandis qu’avec le cobot ils sont limités par la longueur du bras.
Les postures sont également différentes au niveau des articulations des coudes puisqu’ils sont en flexion (10°-80°) en situation manuelle et en extension (30°-80°) en situation avec cobot.
Enfin la moyenne du temps passé en extension (0°-15°) pour le poignet gauche et en flexion (0°-15°) pour le poignet droit est supérieur dans la situation avec le cobot ce qui pourrait être due aux caractéristiques du cobot (conception des poignées avec gâchette, exigence sécurité).
Pour autant, les écarts types sont importants et révèlent la différence de stratégies individuelles élaborées par les ébarbeurs. Par exemple un des ébarbeurs n’est jamais en flexion du tronc pour réaliser le meulage avec le cobot. Il apparait également dans la situation avec le cobot que deux des ébarbeurs effectuent ponctuellement une torsion du cou (>45°) ce qui pourrait témoigner de la nécessité de rechercher des informations visuelles utiles à la réalisation de l’activité avec le cobot.
Conclusion : Cette étude permet de caractériser l’évolution de la dimension biomécanique du geste au travers l’analyse des postures adoptées par les ébarbeurs en situation réelle de travail. La différence des postures adoptées par les ébarbeurs est en lien avec l’évolution de leurs gestes professionnels. Ces gestes se construisent pour répondre à une configuration particulière de déterminants (positionnement du cobot, spécificité de la pièce, caractéristiques individuelles…). Il apparait alors nécessaire d’élargir l’analyse aux autres dimensions des gestes professionnels. Un nombre plus élevé d’ébarbeurs pourrait compléter les résultats pour comprendre l’articulation des différentes dimensions des gestes (biomécanique, cognitive, psychique et sociale) afin d’analyser l’effet de l’utilisation d’un cobot dans l’activité de l’opérateur et d’orienter la prévention des TMS.
Références :
Peshkin, M., Colgate, J., Wannasuphoprasit, W., Moore, C., Gillespie, B., & Akella, P. (2001). Cobot architecture. Robotics and Automation, IEEE Transactions on, 17, 377-390. doi:10.1109/70.954751
Jocelyn, S., Burlet-Vienney, D., Giraud, L., & Sghaier, A. (2017). Robotique collaborative : évaluation des fonctions de sécurité et retour d'expérience des travailleurs, utilisateurs et intégrateurs au Québec.
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Fiche technique
Fiche technique
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Année de publication
2020 -
Langue
Anglais -
Discipline(s)
Biomécanique - Ergonomie -
Auteur(s)
SCHOOSE C., CAROLY S., CUNY A., SAVESCU A. -
Référence
13/6/2021-VANCOUVER-IEA 2021 - The 21st Triennial Congress of the International Ergonomics Association
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Étude(s) de rattachement