Quels liens entre parcours professionnels, de santé et conditions de travail dans le décrochage en fin de vie active ? Les résultats d’une étude sur les risques de désinsertion professionnelle et leur prévention

En un peu plus d’une décennie, les risques de désinsertion se sont vu accorder une place d’importance dans les politiques de prévention des risques professionnels de nombreux pays anglo-saxons et de l’Union Européenne. Avec le vieillissement de la population active et l’augmentation des maladies chroniques, le nombre de salariés potentiellement vulnérables à ces risques est devenu de plus en plus conséquent. En France, plus particulièrement, les tensions sur le marché du travail (avec notamment un chômage de longue durée élevé chez les plus de 50 ans et les difficultés de retrouver un emploi pour les travailleurs avec une santé fragilisée) appellent à faire de la prévention de ces risques un enjeu tant en matière de santé au travail que d’emploi. D’un point de vue opérationnel, cela engage à déterminer, d’une part, les conditions de travail, de santé et de parcours professionnels susceptibles de conduire les salariés au retrait ou à l’exclusion de l’emploi, et d’autre part, celles favorisant le maintien en emploi, à tout âge et plus encore en fin de vie active. Dans cet objectif, l’Institut National de Recherche et de Sécurité a réalisé une étude sur la prévention du décrochage professionnel en deuxième partie de carrière conjuguant enquêtes statistiques d’envergure nationale et série d’entretiens auprès de salariés en décrochage professionnel. Sur le plan quantitatif, des analyses ont été menées sur les données de deux enquêtes : – l’enquête française « Santé et Itinéraire Professionnel » dont un échantillon de 483 individus considérés en décrochage a été extrait parmi 3116 personnes âgés de 45 à 61 ans, et – une enquête en ligne passée auprès de 19127 femmes de plus de 45 ans au chômage depuis plus d’un an. Pour ces deux enquêtes, un modèle statistique prédictif du décrochage a été construit montrant l’implication de l’état de santé perçue actuel, des conditions de travail passées, des parcours professionnels et des évènements de santé et (pour les femmes) de la vie familiale sur le décrochage professionnel. Les résultats ont été présentés lors des congrès 2021 et 2022 de l’AHFE. Un autre volet, qualitatif, de l’étude a été déployé par le biais d’entretiens biographiques réalisés auprès de 24 femmes âgées de 47 à 62 ans, de tous niveaux de diplôme et catégories socio-professionnelles, ayant principalement travaillé dans le secteur tertiaire. Ces femmes avaient en commun d’être considérées comme chômeuses de longue durée : toutes étant à la recherche d’un emploi depuis au moins un an jusqu’à trois ans d’inactivité. Les analyses de ces monographies ont permis notamment de mettre en évidence cinq types de patterns caractérisant les parcours conduisant à des décrochages professionnels. Même si les questions de santé sont présentes en filigrane dans la plupart des patterns, un pattern réunissant en proportion un plus grand nombre de femmes relève des relations de réciprocité entre conditions de travail, caractéristiques de l’emploi et santé dégradée. Il met en évidence les liens croisés entre ces différentes dimensions et comment la santé peut occuper une place centrale dans les processus de désinsertion. Au-delà de la présentation de ces patterns, et particulièrement de celui où la santé est un maillon essentiel du décrochage, le but de cette communication sera de mettre en discussion les résultats issus de l’exploitation de ces entretiens reprenant les parcours de vie des interviewées, et ceux tirés des enquêtes quantitatives. Il sera question de voir comment certaines formes d’articulation entre santé, travail et emploi présentent un potentiel de risque de décrochage en fin de vie professionnelle, de sorte à en tirer des leçons en matière de prévention de la désinsertion professionnelle