Réglementation
Les postes de travail qui impliquent la conduite de véhicules automobiles sont nombreux et variés. La conduite ou le transport peut, dans certains cas, être l'activité principale du salarié : chauffeur, livreur, ambulancier. La mission qui lui est confiée peut également impliquer des déplacements fréquents nécessaires à la bonne exécution du contrat de travail : commercial, technicien de service après-vente, visiteur médical…
Quelle que soit la situation, il appartient à l’employeur de mettre en œuvre toutes les mesures propres à garantir la santé et la sécurité de ces travailleurs, qu'ils se trouvent dans l'entreprise ou sur la route en mission au volant d'un véhicule.
Démarche d’évaluation du risque routier
L’article L. 4121-1 du Code du travail fait obligation à l’employeur d’assurer la sécurité de ses salariés.
Les principes généraux de prévention énumérés dans le Code du travail, doivent servir de guide à l’employeur pour atteindre cet objectif.
L’article L. 4121-3 précise que la mise en en œuvre d’une démarche de prévention implique une évaluation de tous les risques auxquels sont exposés les salariés compte tenu de la nature des activités de l’établissement, des procédés mis en œuvre, des équipements de travail utilisés… C'est à l'occasion de cette évaluation que l'employeur devra prendre en compte les risques auxquels sont exposés les salariés dans le cadre de l'activité de conduite et apprécier ses conséquences éventuelles.
À la suite de cette évaluation, l’employeur met en place les mesures de prévention qui lui semblent appropriées aux risques liés à la conduite automobile et qui viendront assurer la sécurité des déplacements : organisation du travail, choix de véhicules adaptés, organisation des déplacements, entretien et vérification du matériel, formation à la conduite et au métier, gestion des communications mobiles lors des déplacements, information des salariés, sensibilisation aux conséquences de certaines addictions par exemple.
Les résultats de l’évaluation du risque routier sont transcrits dans le document unique d’évaluation des risques prévu à l’article R. 4121-1.
Des conséquences juridiques et financières pour le salarié et l'employeur
Prise en charge au titre de la législation professionnelle de l’accident de la route
L’accident de la route peut être pris en charge au titre de l’accident de trajet (article L. 411-2 du Code de la Sécurité sociale) ou au titre de l’accident de travail (article L. 411-1 du Code de la Sécurité sociale).
Le Code de la Sécurité sociale considère comme accident du travail tout accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail quelle qu'en soit la cause.
Aux termes de cette définition, constitue un accident du travail l'accident de la route survenu au salarié alors qu'il est en mission et plus généralement l’accident de la route survenu à l’occasion du déplacement nécessaire à l’exécution du travail.
L’accident de trajet, lui, est celui qui se produit d’une part pendant le trajet normal d’aller et retour entre la résidence du salarié et son lieu de travail, ou d’autre part entre le lieu de restauration habituel du salarié et son lieu de travail.
L’accident de la route au travail ou l’accident de trajet sont tous deux pris en charge sur la base du Code de la Sécurité sociale. Le salarié n'a pas à prouver une faute quelconque de son employeur pour que son accident du travail / accident de la route soit indemnisé par la Sécurité sociale. La réparation est automatique mais forfaitaire.
Les prestations versées sont limitées, aux termes de l’article L. 431-1 du Code de la Sécurité sociale, à la couverture des frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et accessoires, frais liés aux appareillages et prothèses dentaires, frais nécessités par le traitement, la réadaptation fonctionnelle, la rééducation professionnelle, et au versement d'indemnités journalières de Sécurité sociale (en cas d'incapacité temporaire de travail) ou d'une rente ou une indemnité en capital (en cas d'incapacité permanente).
Lorsque le salarié d'une entreprise est victime d'un accident de la route lors de son travail, ces prestations destinées à l’indemniser sont inscrites au compte employeur de l'établissement. Le taux de cotisation accident du travail de l'entreprise augmentera en conséquence.
Le système forfaitaire d'indemnisation des accidents du travail exclut en principe pour la victime toute possibilité de former un recours en responsabilité civile de l’employeur dans les conditions de droit commun pour obtenir la réparation intégrale des préjudices subis.
Cependant, l’article L. 451-1-1 du Code de la Sécurité sociale permet, à titre dérogatoire et sous certaines conditions, à la victime d’un accident de la circulation qui est en même temps un accident du travail de se prévaloir de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la route (loi Badinter), pour obtenir la réparation complémentaire de son dommage auprès de l’assureur du véhicule. Il faut pour cela que l’accident soit survenu sur une voie ouverte à la circulation publique et qu’il ait impliqué un véhicule terrestre à moteur conduit par l'employeur, un préposé ou une personne appartenant à la même entreprise que la victime.
Cette situation est fréquente par exemple dans les entreprises de déménagement. L’accident de la route dont pourrait être victime le salarié passager du véhicule conduit par un collègue de travail ou son employeur donnera lieu à une réparation complémentaire au titre de la loi Badinter.
Responsabilités de l’employeur
La maîtrise des risques et en particulier du risque routier constitue, pour l'employeur, une véritable obligation juridique susceptible de mettre en jeu sa responsabilité.
Lorsqu’il met à la disposition d'un salarié un véhicule pour lui permettre d'exécuter son contrat de travail, l’employeur est tenu à son égard à une obligation de sécurité et il lui appartient de prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter de mettre en péril sa sécurité : maintien en état de conformité et de bon fonctionnement des véhicules en tant qu’équipements de travail, entretien des véhicules, choix des modes de déplacement les plus sûrs, gestion des communications, organisation du travail, pauses…
Si un défaut de mesures de prévention dans le domaine des déplacements routiers est à l'origine d'un accident de la route au travail, l’employeur sera personnellement mis en cause au niveau pénal.
Des poursuites pénales pourront notamment être engagées contre l'employeur pour homicide ou blessures involontaires (articles 121-3, 221-6, 222-19, R.625-2, R. 622-1 du Code pénal) si par ses manquements il a créé ou laissé créer une situation dangereuse ayant rendu possible la survenance de l'accident. Les juges rechercheront alors s'il a commis une faute d'imprudence, une faute de négligence ou s'il a consciemment fait prendre des risques au salarié. À titre d'illustration, un défaut d'entretien du véhicule conduit par le salarié ou une charge de travail excessive du conducteur, à l'origine de l'accident, pourraient caractériser une faute de l’employeur.
Parallèlement, l’employeur peut engager sa responsabilité civile à plusieurs degrés lorsque son salarié est en mission au volant d’un véhicule.
Si le salarié conducteur du véhicule est responsable d’un accident de la route et qu'il cause des dommages matériels ou corporels à un tiers, c'est à l'employeur qu'il incombera de réparer les dommages causés par son salarié. L’article 1384 du Code civil fait en effet peser sur lui l’obligation de réparer les dommages aux tiers, sur la route ou ailleurs, causés par ses salariés au moment où ils exécutent leur travail. En matière de conduite, si cette responsabilité est couverte par l'assureur du véhicule, les sinistres provoqueront la hausse des primes d'assurance réglées par l'entreprise.
En outre, une faute inexcusable de l'employeur (au sens de l'article L.452-1 du Code de la Sécurité sociale) pourra être retenue si un salarié est victime d’un accident de la route et qu’il s'avère que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience que le salarié était exposé à un danger et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Le salarié verra alors son dommage réparé, non plus de manière forfaitaire comme tout accident du travail, mais en fonction du préjudice réellement subi (majoration des indemnités par la caisse de Sécurité sociale sous forme de rente ou de capital et indemnisation des préjudices personnels). La caisse de Sécurité sociale récupérera ensuite les sommes supplémentaires versées à la victime auprès de l'employeur.
À titre d'illustration, une faute inexcusable pourrait être retenue contre l'employeur qui aurait omis de faire entretenir le véhicule conduit par le salarié et n'aurait pas ainsi pris les mesures de prévention nécessaires à la protection du salarié (Soc. 31 octobre 2002, n°00-18.359).
Responsabilité du salarié
Le salarié est considéré sur la voie publique comme tout conducteur et c'est sur lui que pèse l'obligation de respecter les règles de conduite du Code de la route : interdiction de téléphoner au volant, respect des limites de vitesse, respect des feux de signalisation… L’article L.121-1 du Code de la route rappelle en effet que c’est le conducteur du véhicule (sauf exception) qui est responsable pénalement des infractions commises par lui dans la conduite dudit véhicule.
Le salarié conducteur pourra également voir sa responsabilité pénale recherchée comme tout un chacun s'il est à l'origine d'un accident corporel (blessures ou homicide involontaires). Une faute d’imprudence ou de négligence ou un manquement à une obligation de sécurité ou de prudence de la part du conducteur devra avoir été la cause immédiate ou déterminante du dommage (art. 121-3 al. 3, 221-6-1, 222-19-1, 222-20-1 du Code pénal)
Enfin, l’article L. 4122-1 du Code du travail rappelle qu’il a une obligation de sécurité qui lui appartient en propre et qu’il doit, à la mesure des instructions, consignes et formations reçues, prendre soin de sa propre sécurité et de celles des autres. Il a en ce domaine des obligations réelles qui peuvent justifier une sanction disciplinaire s'il ne respecte pas les consignes données. Ainsi, par exemple, le salarié qui, en état d’ébriété au volant d’un véhicule automobile, transporte un collègue de travail expose celui-ci à un danger qui peut justifier une sanction disciplinaire pouvant aller, dans certains cas, jusqu’au licenciement.
Pour en savoir plus
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Ressources INRS
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Article de revue 02/2021 | TS823page44
Utilisation d'un véhicule au travail : obligations d'entretien et responsabilités
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Article de revue 03/2024 | TS857page44
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Autres ressources