Substance revue par les experts de l'INRS (2020).
Intégration des effets ototoxiques (Coates et al., RST 165, 2021), 2021.
Généralités
Identification
-
N° CAS
7439-97-6
Fiches associées dans les autres bases de données
-
FicheTox
-
Métropol
-
Biotox
Valeurs limites d'exposition professionnelle (VLEP)
-
Nature
réglementaire contraignante -
VLEP-8h
- 0,02 mg/m³
-
Mentions
Peau (ACGIH)
Classifications
-
Mentions de danger CLP
- H300
- H310
- H314
- H330
- H341
- H360D
- H361f
- H372
- H410
-
Catégories
- M1A
- M1B
- M2
- R1A
- R1B
- R2
-
CIRC
3 -
ACGIH
- A4
-
DFG
- Cancérogène : 3B
- Reprotoxique : D
Toxicocinétique et métabolites
Eléments de toxicocinétique
Chez l'Homme (INRS FT 55, CNESST)
Le mercure et ses composés minéraux sont majoritairement absorbés par voie pulmonaire (Hg° env 80% principalement via alvéoles) ; l’absorption par voie orale est faible mais variable selon le composé (Hg° très faible, 0,01 %).
Après absorption, le mercure présent dans le sang est distribué dans l’organisme, principalement dans le cerveau, mais aussi au niveau de l’appareil digestif et des poumons. Le mercure traverse les barrières hémato-encéphalique et placentaire. Passage dans le sang et distribution dans les organes très rapides : 10 min après la fin de l'exposition, 30 % seulement du Hg retenu restent dans le poumon.
Il subit des réactions d’oxydoréduction dans les milieux biologiques et est éliminé majoritairement dans les urines et l’air expiré.
Après une exposition courte, 7 % du mercure retenu sont éliminés dans l'air expiré, 2,5 % sont excrétés dans l'urine et 9 % dans les fèces dans les 3 jours qui suivent. Après une exposition prolongée, l'excrétion urinaire égale l'excrétion fécale.
Demi-vie biologique (volontaires) : 58 jours pour l'ensemble de l'organisme, 1,7 jour dans les poumons, 3,3 jours dans le sang, 21 jours pour l'ensemble de la tête et 64 jours dans les reins ; au niveau du cerveau, elle est de plusieurs années,
T½ biologique chez des volontaires : ensemble du corps (58 j), poumons (1,7 j), sang (3,3 j), reins (64 j), cerveau (plusieurs années).
Chez l'animal (INRS FT 55, CNESST)
Chez le chien, par voie pulmonaire, le taux d'absorption du mercure inorganique divalent est estimé à 45 %. Le mercure élémentaire (Hg°), absorbé par voie pulmonaire, est transporté par voie sanguine puis est distribué dans tout l'organisme, principalement dans le cerveau. Chez le rat, Hg° franchit la barrière placentaire et s'accumule chez le foetus.
Hg inorganique (Hg2+), de plus faible liposolubilité, traverse moins les barrières hémato-encéphalique et placentaire par rapport à Hg°.
Chez la souris, les niveaux de mercure mesurés chez les foetus sont environ 4x plus élevés après une exposition à des vapeurs de Hg° qu'à la suite d'une exposition à du HgCl2 ; chez les foetus de rats, ils sont 10 à 40x plus élevés.
Elimination : Après inhalation, 10 à 20 % du mercure est retrouvé dans l'air expiré ; il est aussi détecté dans le lait maternel. La rétention chez les jeunes rats est plus importante que chez les rats plus âgés.
Le mercure et ses composés mercureux, absorbés par voies orale et percutanée, sont principalement éliminés dans les urines.
Les nourrissons absorbent le mercure plus facilement. En effet, Yoshida et al. (1989) ont mesuré des concentrations sanguines de mercure 64 % plus élevées dans le sang de nouveaux-nés comparativement à leurs mères (exposition de cobayes mères et nouveaux-nés à 8 à 10 mg/m³ de vapeurs de mercure métallique pendant 2 heures)
Métabolites
Métabolisme similaires chez l'homme et l'Animal.
Le Hg° est rapidement oxydé en Hg2+ dans les érythrocytes par la voie H2O2-catalase. Des études chez l'animal suggèrent que le foie, le cerveau et d'autres tissus, jusqu'à un certain point, pourraient constituer des sites d'oxydation. Dans les érythrocytes, la voie métabolique peroxyde d'hydrogène-catalase peut être saturée lorsque la concentration de mercure métallique est élevée (CNESST 2020).
Homme : Hg° passe très facilement à travers toutes les barrières membranaires (pulmonaire, érythrocytaire, cérébrale, placentaire...). À l'intérieur des cellules, il est oxydé en Hg2+ par la catalase ; au niveau de l'intestin, les sels mercuriques Hg2+ peuvent être méthylés par la flore microbienne. En raison de leur grande affinité pour les groupements thiols, les ions Hg2+ se fixent d'abord sur les protéines, puis sur la cystéine et le glutathion intracellulaires (INRS FT 55).
Effets toxiques
Classe toxicologique | Effet toxique | Conditions expérimentales |
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Atteintes cutanées | Autres atteintes cutanées | CLP H314 |
Atteintes du système nerveux central | Autres atteintes du système nerveux central | INRS FT 55 (2014) - Homme, exposition continue 8 h/j, 5j/sem, pendant une année - Le seuil d'action se situerait vers 0,06 à 0,1 mg/m3 pour les symptômes neurologiques non spécifiques, de 0,1 à 0,2 mg/m3 pour les tremblements. Les études épidémiologiques réalisées aux États-Unis et au Canada ont mis en évidence une bonne corrélation entre la concentration du mercure dans l'atmosphère et les symptômes observés : la corrélation est hautement significative pour la perte de poids, l'inappétence, l'insomnie et les tremblements ; les signes neurologiques apparaissent pour des concentrations plasmatiques de l'ordre de 200 à 500 μg/L.
SCOEL (2007) - Homme, méta-analyse - NOAEL à 35 µg/g créat (éq à 24,5 µg/m3) pour les effets comportementaux
Fields et al (2017) - à partir de 20 µg/L en Hg° urinaire : performances réduites lors des tests neurocomportementaux de tremblement, de dextérité manuelle et de vitesse motrice. (Facteur de conversion choisi dans cet article : 1,4 g créatinine/L urine, 20 µg/L urinaire, env. = 14 µg Hg°/g créatinine et 9,8 µg/m3) |
Atteintes rénales et de l'appareil urinaire | Atteintes rénales | SCOEL (2007)
- Homme, NOAEL estimé à 35 µg/m3 : élevation des marqueurs protéiques dans les urines ; ces élévations indiquent le début d'une toxicité rénale manifeste.
- Expositions répétées chez l'animal, inhalation de vapeur de mercure élémentaire : toxicité rénale observée chez le lapin à 0,86 mg/m3 et chez le rat à 3 mg/m3. |
Sensibilisants | Sensibilisation de la peau - dermatite de contact | SCOEL (2007) - Hg° et Hg2+, Homme, pas de données d'exposition - Les vapeurs de mercure élémentaire induisent des dermatites non allergiques et allergiques.
MAK (2011) - Un certain nombre de résultats supplémentaires sur la sensibilisation et les réactions allergiques de contact au mercure ou aux composés inorganiques du mercure chez l'Homme ont été publiés, confirmant la sensibilisation de contact du mercure et de ses composés inorganiques.
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Atteintes oculaires | Irritation des yeux | CLP H314
ATSDR 1999, CNESST 2020 homme, inhalation de 1 à 3 mg/m3 : conjonctivite et sensation de brûlures |
Atteintes du système nerveux périphérique | Neuropathie périphérique | Roos et al (2012) - Souris, 4h à 0,5 mg/m3 en Hg° - dépôts de mercure observés dans le cytoplasme des neurones moteurs de la moelle épinière ; une diminution de la force de préhension est rapportée chez ces animaux, ainsi qu'une atrophie des axones.
Levine et al (1982) -18 salariés d'une entreprise exposés à des vapeurs de mercure élémentaire, âge moyen 31 ans, aucun antécédent d'alcoolisme, de diabète ou d'atteintes neurologiques |
Atteintes du système reproducteur masculin | Atteintes de la fertilité masculine | CLP H361f
Henriques et al (2019) Revue des publications entre 1975 et 2017 Effets sur systèmes reproducteur et endocrinien masculin |
Atteintes du système reproducteur féminin | Atteintes de la fertilité féminine | CLP H361f
Henriques et al (2019) - Revue des publications entre 1975 et 2017 - Effets sur les systèmes reproducteur et endocrinien féminin
Davis et al (2001) ds CNESST (consulté en 2020) - Rates, Hg° 0, 1, 2, 4 mg/m³; 2h/j, pendant 11 jours - Atteinte de la fertilité, allongement significatif du cycle oestral aux deux plus fortes doses (avec diminution significative du poids corporel à la plus forte dose)
SCOEL (2007) Conclusion sur les effets du mercure élémentaire : Les études sur les travailleuses exposées ne montrent aucune preuve claire d'un quelconque effet. Les études à effet positif possèdent trop de faiblesses pour permettre une conclusion claire. Les données animales disponibles concernant les effets sur le développement suggèrent certains effets à des concentrations plutôt plus élevées.
Conclusions sur les effets du mercure inorganique : Les données disponibles provenant des expérimentations animales sont principalement liées au chlorure mercurique et montrent des effets à des doses plus élevées, ce qui peut entraîner une toxicité maternelle. |
Atteintes sur le développement du fœtus, de l’embryon et/ou de l’enfant | Atteinte de la descendance | H360D
Danielsson et al (1993) ds CNESST - Rates, Hg° 1,8 mg/m3, 1 à 3h/j, jours de gestation 11 à 14 et 17 à 20. - Pas de toxicité maternelle Changements neurocomportementaux : hypoactivité à l'âge de 3 mois et hyperactivité à 14 mois. Les résultats suggèrent aussi une relation dose-réponse concernant un retard d'apprentissage à l'âge de 4 mois et un retard d'adaptation à un nouvel environnement à l'âge de 7 mois. |
Atteintes du système immunitaire | Atteinte du système immunitaire | Silbergeld et al (2005) et Bjorklund et al (2020) Les résultats décrits par Silbergeld et al suggèrent que le mercure agit en tant que co-facteur de la maladie auto-immune, augmentant les risques et la sévérité des effets cliniques en présence d'autres événements déclencheurs, qu'ils soient génétiques ou acquis.
Bjorklund et al apporte des précisions sur les mécanismes d’action et donne quelques exemples de pathologies en lien avec l’auto-immunité et l’exposition au mercure métal, mercure inorganique et organique.
Warfvinge et al (1995) - 6 groupes de souris génétiquement modifiées (sensibles au mercure, SJL/N (H-2s)) exposés à des vapeurs de mercure de 0,3 à 1 mg Hg/m3, 0,5 à 19 h/j, 5 j/sem, pendant 10 semaines - Augmentation des anticorps sériques IgG antinucléaires |
Atteintes du système auditif | Atteinte cochléaire | Coates et al. 2021 article publié dans RST 165 (mars 2021) |
Atteintes du système auditif | Atteinte du nerf auditif | Coates et al. 2021 article publié dans RST 165 (mars 2021) |
Effets cancérogènes et/ou mutagènes | Effets mutagènes | H341 |
Bibliographie
ATSDR - Toxicological profile for mercury. 1999.
Bjorklund et al. - Mercury-induced autoimmunity: Drifting from micro to macro concerns on autoimmune disorders. Clin Immunol. 2020 ; 213 : 108352.
CNESST - Répertoire toxicologique, consulté en 2020.
Danielsson et al. - Behavioural effects of prenatal metallic mercury inhalation exposure in rats. Neurotoxicol Teratol. 1993 ; 15 : 391-396.
Davis et al. - Mercury vapor and female reproductive toxicity. Toxicol Sci. 2001 ; 59 : 291-296.
FT N°55 - INRS, 2014.
Henriques et al. - Exposure to mercury and human reproductive health: A systematic review. Repr Toxicol. 2019 ; 85 : 93-103.
Fields et al. - Mercury-induced motor and sensory neurotoxicity: systematic review of workers currently exposed to mercury vapor. Crit Rev Toxicol. 2017 ; 47(10) : 815-848.
Levine et al. - Elemental mercury exposure: peripheral neurotoxicity. B J Ind Med. 1982 ; 39 : 136-139.
Mercury and inorganic compounds - MAK documentation. 2011.
Recommendation from the SCOEL for elemental mercury and inorganic divalent mercury compounds. SCOEL/SUM/84. 2007
Roos PM et Dencker L - Mercury in the spinal cord after inhalation of mercury. Basic Clin Pharmacol Toxicol. 2012 ; 111 : 126-132
Silbergeld et al. - Mercury and autoimmunity: implications for occupational and environmental health. Toxicol Appl Pharmacol. 2005 ; 207 : 282-292.
Warfvinge et al. - Systemic automimmunity due to mercury vapor exposure in genetically susceptible mice: dose-response studies. Toxicol Appl Pharmacol. 1995 ; 132(2) : 299-309.