Valeurs limites d’exposition professionnelle (VLEP)
Arguments de détermination de la VLEP [10]
Dans les années 1960, une méthode de référence internationale, utilisant la microscopie optique à contraste de phase (MOCP) est choisie par l’Organisation Mondiale de la Santé. Les caractéristiques des fibres à prendre en compte pour la mesure de la concentration des fibres dans l’air sur les lieux de travail ont alors été définies : toute particule solide, naturelle ou artificielle, allongée à bords parallèles ayant un diamètre inférieur à 3 µm, une longueur supérieure ou égale à 5 µm et un rapport longueur sur diamètre supérieur à 3.
L’Afsset (Agence française de sécurité sanitaire, de l'environnement et du travail ; devenue Anses) a publié en 2009 un rapport sur les risques pour la santé des fibres courtes et des fibres fines d’amiante, non prises en compte par la réglementation jusqu’alors. Dans ce rapport, l’agence a indiqué la nécessité de réévaluer la VLEP fixée pour les fibres d’amiante en s’appuyant notamment sur les éléments suivants :
- « étant donné que toutes les variétés minéralogiques de fibres d’amiante connues et commercialisées sont susceptibles d’induire un cancer chez l’Homme par inhalation, il n’y a pas lieu de les différencier en vue de la recommandation d’une valeur limite d’exposition professionnelle ».
- « étant donné que la limite de 5 µm de longueur pour différencier une fibre courte (L < 5 µm) d’une fibre longue (L > 5 µm) ne repose pas sur des données scientifiques d’innocuité démontrée, la cancérogénicité des fibres courtes d'amiante, même si elle reste difficilement appréciable, ne peut pas être exclue » [11].
- « en l’état actuel des données disponibles et au regard de la cancérogénicité avérée des fibres d’amiante chez l’Homme, la toxicité de ces fibres s’exerce selon un mécanisme d’action sans seuil ».
- « l'effet des fibres d’amiante étant cumulatif et aucune toxicité aiguë n’ayant été mise en évidence dans la nombreuse littérature consultée, l’Afsset recommande la fixation de la prochaine VLEP de l’amiante sur une durée de 8h correspondant à une journée classique de travail ».
- « la valeur de VLEP sur 8h de 10 fibres/L (0,01 f/mL) est la plus basse actuellement retenue par la réglementation de nombreux pays européens. L’Afsset considère que cette valeur peut constituer pour la France une étape pertinente dans le progrès vers la réduction du risque d’exposition à l’amiante. Cependant, pour ce puissant cancérogène sans seuil, l’Afsset recommande de retenir une valeur cible de 0,03 f/L qui correspond à un niveau de risque de 10-6 selon le modèle retenu ».
- « étant donné le potentiel cancérogène des fibres fines d’amiante, celles-ci sont à inclure pour la mesure des niveaux d’empoussièrement en milieu de travail. Une modification des techniques de métrologie actuellement utilisées est alors indispensable. L’Afsset recommande d’adapter la méthode par microscopie électronique à transmission analytique (META) (directe ou indirecte) pour une application en milieu professionnel ».
Les effets critiques retenus alors pour la détermination de la VLEP sont le cancer broncho-pulmonaire et le mésothéliome.
L’article R. 4412-100 du Code du travail fixe la concentration moyenne en fibres d’amiante dans l’air inhalé par un travailleur à 10 fibres/L sur 8 heures de travail. Cette mesure est réalisée par microscopie électronique à transmission analytique (META), méthode indirecte, selon la norme NF X 43-050 [12] et par prélèvement individuel selon la norme NF X 43-269 [13].
Tableau des VLEP [14 à 16]
Pays | Concentration moyenne en fibres d’amiante | Méthodes de détermination | Commentaires |
France | 10 fibres/L sur 8 heures | Microscopie électronique en transmission analytique (META) | |
Union européenne | 0,1 fibre/cm3 sur 8 heures (soit 100 fibres/L) | Microscopie optique à contraste de phase (MOCP) - ou méthode équivalente | Jusqu'au 20 décembre 2025 au plus tard |
0,01 fibre/cm3 sur 8 heures (soit 10 fibres/L) | MOCP - ou méthode équivalente, ou plus précise | Du 21 décembre 2025 au plus tard au 20 décembre 2029 | |
| Microscopie électronique - ou méthode équivalente, ou plus précise | À compter du 21 décembre 2029 | |
Pays-Bas | 0,002 fibre/cm3 sur 8 heures, (soit 2 fibres/L) | Microscopie électronique à balayage analytique (MEBA) | |
Danemark | 0,003 fibre/cm3 sur 8 heures, (soit 3 fibres/L) | MEBA | |
Allemagne, Suisse, Finlande | 10 fibres/L sur 8 heures | MEBA |
- Valeur de gestion du Code de la santé publique
Le Code de la santé publique fixe un seuil de 5 fibres/L visant à gérer le risque de dégradation des matériaux amiantés de la liste A (flocages, calorifugeages et faux-plafonds) dans les immeubles bâtis, nécessitant le déclenchement de travaux si ce seuil est dépassé.
Cette valeur est prise comme référence dans le Code du travail pour l’analyse de l’état initial avant le démarrage des travaux, la surveillance environnementale des chantiers de désamiantage, l’analyse de restitution avant le retrait des confinements et l’analyse de fin de chantier. Elle est également prise en compte par le propriétaire, après la réalisation de travaux de retrait de matériaux de la liste A et de matériaux de la liste B (notamment les parois verticales intérieures, planchers, plafonds, canalisations et éléments extérieurs) à l’intérieur des bâtiments, avant la restitution des locaux concernés par les travaux, à des occupants. Les listes des matériaux susceptibles de contenir de l’amiante (listes A, B et C) sont détaillées à l’annexe 13-9 du Code de la santé publique.
Ces mesurages sont effectués par des prélèvements et des analyses réalisées par META selon la norme NF X 43-050 [12].
Méthodes d’évaluation de l’exposition professionnelle [7, 12 à 19]
- Détection dans les matériaux
L’identification des fibres d’amiante dont le rapport longueur sur largeur est supérieur à 3 et la longueur est supérieure à 0,5 µm dans les matériaux s’effectue conformément à l’Arrêté du 1er octobre 2019 modifié, relatif aux modalités de réalisation des analyses de matériaux et produits susceptibles de contenir de l’amiante, aux conditions de compétences du personnel et d’accréditation des organismes procédant à ces analyses. Il se rapporte aux matériaux et produits :
– (1) manufacturés, dans lesquels de l’amiante a été délibérément ajouté lors de la fabrication ou de la mise en œuvre ;
– (2) bruts, dans lesquels de l’amiante est naturellement présent par nature pétrographique des roches et produits minéraux ;
– (3) manufacturés, dans lesquels de l’amiante est naturellement présent dans un ou plusieurs de ses composants en raison de la nature pétrographique des roches et produits minéraux.
Chaque couche, le cas échéant, d'un matériau doit être préparée et analysée séparément. Les techniques analytiques utilisées sont l’observation en lumière polarisée, selon la méthode HSG 248 Asbestos : the analysts' guide [17], associée ou non à la microscopie électronique à transmission analytique, selon les parties pertinentes de la norme NF X 43-050 [12].
Lorsque l’analyse au microscope optique à lumière polarisée (MOLP) ne permet pas de conclure à la présence d’amiante, un complément d’analyse est à réaliser par microscopie électronique à transmission analytique (META).
- Détection dans l’air
Les fibres d’amiante en suspension dans l’air sont prélevées sur des membranes filtrantes, à l’aide de cassettes conductrices de l’électricité de diamètre 37 mm, en position ouverte. En milieu de travail, des pompes portables de débit 3 L/min sont utilisées pour les prélèvements individuels, réalisés conformément à la norme NF X 43-269 [13]. En mesurage d’ambiance, les règles de prélèvements sont définies par la norme NF X 43-050 [12], à l’aide de pompes fixes de débit de 5 à 7 L/min, selon l’échantillonneur utilisé.
Les concentrations en milieu de travail sont déterminées par META, en méthode indirecte, selon la norme NF X 43-050, conformément à l’Arrêté du 14 août 2012 modifié relatif aux conditions de mesurage des niveaux d’empoussièrement, aux conditions de contrôle du respect de la valeur limite d’exposition professionnelle aux fibres d’amiante et aux conditions d’accréditation des organismes procédant à ces mesurages. Elles sont exprimées en fibres par litre (f/L). Les fibres prises en compte sont celles de longueur L > 5 µm, de diamètre D < 3 µm, de rapport longueur sur diamètre (L/D) > 3. La META permet d’identifier la nature des fibres observées et de comptabiliser les plus fines d’entre-elles dont le diamètre est de l’ordre de 0,02 µm.
En « santé publique », les concentrations d’amiante dans l’atmosphère des immeubles bâtis et dans l’environnement sont déterminées par microscopie électronique à transmission analytique, méthode indirecte, les prélèvements et les analyses sont réalisés selon la norme NF X 43-050, conformément à l’Arrêté du 19 août 2011 modifié relatif aux modalités de réalisation des mesures d’empoussièrement dans l’air des immeubles bâtis. Elles sont exprimées en fibres par litre (f/L).
Les fibres courtes d’amiante, FCA (longueur L ≤ 5 µm, diamètre D < 3 µm, rapport L/D > 3), ne sont jamais prises en compte dans les mesures, ni en réglementation « santé publique », ni en réglementation « santé au travail » (cf. § Généralités). Toutefois, dans son avis de 2009 [10], l’Afsset recommandait l’adoption d’un seuil de gestion fixé à 50 f/L pour les fibres courtes d’amiante, soit 10 fois la valeur actuelle du seuil de gestion en santé publique fixé à 5 f/L pour les fibres réglementaires, ce qui pourrait constituer un indicateur de dégradation de certains matériaux amiantés dans les bâtiments comme les dalles vinyle amiante par exemple. En outre, dans son avis publié en 2022 [11], l’ANSES, au vu des nouvelles données disponibles recommandait, en particulier, de mesurer les fibres courtes d'amiante dans les environnements professionnels dans le but de documenter une base de données pour les différents processus, cette base de données pouvant notamment contribuer à l’établissement d’un seuil de gestion pour les fibres courtes (FCA). Ces recommandations ont été complétées par un avis en 2024 [18]. L’ANSES confirme les conclusions de 2022 : « malgré des difficultés d’interprétation, les données chez l’humain vont dans le sens d’un effet sanitaire des FCA. Les quelques nouvelles données expérimentales confirment que les FCA ont des effets biologiques propres ». L’agence recommande, en matière de prévention des risques professionnels, notamment de veiller à ce que les niveaux d’exposition aux fibres longues et aux FCA soient les plus bas possibles ; d’établir, une fois des données métrologiques obtenues, une VLEP visant à limiter les expositions professionnelles aux FCA et à mettre en œuvre des mesures de prévention ; et que des études complémentaires et spécifiques aux FCA soient menées sur l’efficacité des moyens de protection collective.
-
Prélèvements surfaciques (lingette)
A ce jour, il n'existe pas de relation directe unique entre l'amiante échantillonné sur une surface et la concentration de fibres d’amiante en suspension dans l’air susceptible d’être générées par le réentraînement de la poussière.
Ces prélèvements ne sont pas normalisés et ne sont pas prévus réglementairement ni par le Code de la santé publique, ni par le Code du travail. La Direction générale du travail, DGT, dans le cadre de son Question/Réponse Métrologie amiante de 2024 [19], rappelle que les tests surfaciques permettent seulement d'établir la présence d'amiante sur une surface donnée. Ils peuvent ainsi servir de comparatif, avant et après une opération de nettoyage, par exemple pour indiquer qu’un matériau a été pollué (sans que l’on sache s’il est émissif). La DGT précise les limites suivantes de l'utilisation de ce type de support, pour la recherche d'amiante : il ne constitue pas une méthode utilisable dans le cadre d’une mission de repérage avant travaux et ne saurait se substituer aux modalités réglementaires et normatives de contrôle des empoussièrements d'amiante.