Toxicité aiguë [1, 26, 27, 31]
Le sulfate de diméthyle est toxique par inhalation et par voie orale. Corrosif pour la peau et les yeux, il est également sensibilisant.
La DL50 par voie orale se situe entre 106 et 440 mg/kg chez le rat ; elle est de 140 mg/kg chez la souris. La CL50 a été estimée chez le rat entre 45 et 168 mg/m3/4 h, chez la souris à 280 mg/m3/4 h et chez le cobaye à 165 mg/m3/1 h. La DL50 déterminée après injection intra-péritonéale chez la souris est d’environ 75 mg/kg. Les expositions orales ou par injection provoquent des crampes, des convulsions, des difficultés respiratoires ainsi que de graves lésions du foie et de l’estomac. La mort survient alors dans les 10 à 24 heures. L’inhalation provoque une insuffisance respiratoire aiguë, accompagnée d’une inflammation sévère et d’hémorragies du poumon. Des atteintes du rein et de la rate ont également été observées chez la souris, le rat et le cochon d’Inde après inhalation de 393 mg/m3 pendant 17 à 26 minutes.
Chez le lapin, alors qu’un contact limité à 15 minutes est capable de créer une forte irritation de la peau, une nécrose se développe après une application prolongée de 20 heures et persiste au moins 8 jours. Une très forte irritation est de même observée sur l’œil du lapin par application locale et sur les voies respiratoires du rat par inhalation.
Des données positives, limitées au test du ganglion lymphatique chez la souris (LLNA), amènent à considérer cette substance comme sensibilisante.
Toxicité subchronique, chronique [1, 19, 26, 28, 30]
L’inhalation chronique provoque de graves inflammations des voies respiratoires.
L’inhalation de 0,5 à 7,9 mg/m3 de sulfate de diméthyle pendant 2 semaines provoque, dans deux études dès 0,5 mg/m3, des lésions de l’épithélium nasal chez le rat, de type atrophie et ulcération ; des hypertrophies, hyperplasies et métaplasies des muqueuses des voies respiratoires sont observées à la fin de la période d’exposition. La prolifération cellulaire est attestée par une synthèse d’ADN 4 fois plus importante dans l’épithélium nasal des rats traités que chez les animaux non traités.
Des rats et des cochons d’Inde, exposés à 2,6 mg/m3 de sulfate de diméthyle pendant 4 mois, présentent des troubles nerveux, une dégénérescence graisseuse du foie, une atteinte rénale, une inflammation chronique des bronches et une modification de divers paramètres hématologiques. Seule l’inflammation des bronches persiste après une période de réversibilité. Une concentration de 0,28 mg/m3 ne semble induire aucun de ces signes. Cependant, la qualité discutable de cette étude incite à considérer ces données avec prudence.
Des données de toxicité chronique peuvent être tirées des études de cancérogenèse. Parmi 27 rats exposés à 55 mg/m3 pendant une heure, 5 fois par semaine pendant 19 semaines, 12 morts précoces dues à une forte inflammation nasale ou à une pneumonie, sont décrites. De même, dans un groupe de 20 rats exposés à 16 mg/m3, pendant 19 semaines, on dénombre également quelques morts liées à une nécrose des muqueuses nasales.
Effets génotoxiques [4, 24 à 26, 28, 30]
La génotoxicité, liée au caractère alkylant de la substance, est démontrée dans de nombreuses études in vitro et in vivo.
Le sulfate de diméthyle provoque différents types de lésions génotoxiques :
- des mutations géniques avec ou sans activation métabolique sur des bactéries, des champignons, sur des insectes, des plantes ou des cellules de hamster en culture ;
- des lésions de l’ADN mises en évidence par une induction de sa réparation chez les bactéries, par une synthèse non programmée d’ADN dans les hépatocytes de rat et les fibroblastes humains en culture et par la génération de cassures transitoires ou permanentes dans l’ADN ;
- des anomalies chromosomiques (échanges de chromatides-sœurs) in vitro, dans différents systèmes cellulaires (fibroblastes pulmonaires et cellules ovariennes de hamster, fibroblastes humains) ; aberrations chromosomiques in vivo dans les cellules de la moelle osseuse de rat et de souris.
Le sulfate de diméthyle est un alkylant monofonctionnel. Il réagit avec l’ADN par méthylation en N7 de la guanine ou en N3 de l’adénine. Un modèle pharmacocinétique a montré que la formation d’adduits à l’ADN dans la cavité nasale serait 7 fois plus importante chez le rat que chez l’Homme. Cependant, les conditions utilisées pour mettre en évidence ces adduits (fortes doses et temps d’exposition courts) sont trop éloignées des conditions des études de cancérogenèse pour pouvoir établir un lien entre la méthylation de l’ADN par le sulfate de diméthyle et les cancers observés.
Effets cancérogènes [1, 25, 26]
Le rat, la souris et le hamster, exposés essentiellement par inhalation, développent des sarcomes au site de contact et des tumeurs du système nerveux.
Les rats, exposés 15 mois à l’inhalation de 0,5 mg/m3, développent des sarcomes de la cavité nasale avec de possibles métastases. À 16 mg/m3, 5 fois/sem. pendant 19 semaines, parmi 20 rats traités, on dénombre un carcinome de la cavité nasale, une tumeur bénigne du nerf olfactif et une tumeur maligne du trijumeau. À 55 mg/m3, 1 h/j, 5 fois/sem. pendant 19 semaines, parmi 15 survivants, sont observés 3 carcinomes de la cavité nasale, un gliome du cervelet et un lymphosarcome du thorax avec métastases pulmonaires ; la mortalité est élevée du fait de l’effet nécrosant du sulfate de diméthyle sur la cavité nasale et les poumons.
Une étude de qualité médiocre, menée sur la souris, n’a mis en évidence aucun excès de cancers à la suite de l’application cutanée de 0,1 mg de la substance pendant un an.
Par voie sous-cutanée (8 mg/kg, 1 fois/sem., 394 j), le sulfate de diméthyle induit, chez le rat, le développement de sarcomes au site d’injection (7 animaux/11 dont 3 avec métastases). Les mêmes effets sont obtenus après une injection unique de 50 mg/kg (7 rats/15).
Par voie intraveineuse, après administration unique ou répétée, aucun effet cancérogène n’a été mis en évidence chez le rat ; cependant, une injection de 20 mg/kg à des rates gestantes au jour 15 de gestation induit des tumeurs chez 7/59 nouveau-nés (3 du cerveau, 1 de la thyroïde, 2 du foie et 1 de l’utérus), se développant plus d’un an après l’exposition.
Effets sur la reproduction [19 à 23, 26, 29, 34]
A ce jour, les données disponibles ne permettent pas d’évaluer de manière adéquate les effets sur la fertilité du sulfate de diméthyle. Concernant les effets sur le développement, aucun effet sur les embryons ou les fœtus de rats n’est rapporté ; chez la souris, les atteintes observées semblent liées à une exposition spécifique pendant les premières heures de l’embryogenèse (mais par voie intra-péritonéale, non usuelle).
Fertilité
Aucune étude n’est disponible concernant les effets sur la fertilité du sulfate de diméthyle par voie orale, cutanée ou respiratoire. Une seule étude par voie intra-péritonéale a été réalisée chez la souris femelle, par injection d’une unique dose de 75 mg/kg, un jour avant l’accouplement avec des mâles non traités : une diminution légère mais significative de la taille des portées, du nombre de nouveau-nés et de portées par femelle est rapportée. Selon les auteurs, ces anomalies seraient associées à une légère diminution du nombre de petits follicules [20].
Développement
Dans certaines études, dont seuls des résumés sont disponibles, des pertes pré- et post-implantatoires, après inhalation de 21 mg/m3 de la substance tout au long de la période de gestation chez la souris (J1 à J18) ont été observées. Les fortes doses utilisées pourraient être toxiques pour les mères. Toutefois, le peu d’informations sur les protocoles mis en œuvre et les résultats obtenus limitent leur interprétation [34].
Des données plus récentes ne confirment pas ce type d’effet chez le rat, lorsque les rates sont exposées de 0,5 à 7,9 mg/m3 de sulfate de diméthyle (du 7e au 16e jour de gestation, 6 h/j, uniquement par le nez). Aucune augmentation du nombre de malformations ou de variations n’est observée [19].
Cependant, une exposition unique de 25 mg/kg par injection intra-péritonéale chez la souris montre que les 25 premières heures de la formation du zygote sont les plus sensibles à l’effet toxique. Ce traitement, administré 1 à 25 heures après l’accouplement, induit une augmentation des pertes pré- et post-implantatoires. Jusqu’à 30 % des fœtus survivants sont porteurs d’anomalies de développement (non décrites). La toxicité maternelle n’est pas rapportée par les auteurs [23].