Pathologie - Toxicologie
Les wollastonites commerciales contiennent une fraction alvéolaire et les fibres présentent des caractéristiques de longueur et de diamètre similaires à celles de fibres reconnues pathogènes. Elles se présentent sous forme de fibres qui ont les mêmes caractéristiques physico-chimiques (densité, alcalinité…) mais avec des caractéristiques dimensionnelles différentes. Le ratio longueur/diamètre varie de 3/1 à 5/1 pour les « poudres » (fibres courtes) et jusqu’à 15/1 à 20/1 pour les « aciculaires » (aiguilles longues) avec les intervalles de moyenne suivants : wollastonite poudre (L=9,6 - 24,5 µm ; ∅=2,5 - 6,7 µm), wollastonite aciculaire (L=10 - 90 µm ∅=2,5 - 6,2 µm)[1].
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Toxicocinétique - Métabolisme
Chez l'animal
Biopersistance :
La biopersistance des fibres est un des facteurs responsables de la cancérogénicité . Les fibres biopersistantes telle que la crocidolite ou l’amosite (amiantes) provoquent des tumeurs chez l’animal dans les études expérimentales, alors que celles dont la biopersistance est faible ne sont pas cancérogènes chez l’animal (cas de certaines fibres de verre…etc.) [13].
Warheit et al.[14]ont étudié la biopersistance de la wollastonite chez le rat mâle par inhalation d’aérosols de fibres (835 f/ml, 114 mg/m3, diamètre 0,2-3,0 µm), 6 h/jour pendant 5 jours suivie par une période d’observation de 6 mois. Les résultats montrent que les fibres ont été rapidement éliminées avec une demi-vie inférieure à 1 semaine et que l’inflammation est transitoire.
L’équipe de Muhle a réalisé des expérimentations chez le rat femelle par instillation intra-trachéale de 2 mg/animal de différentes wollastonites, ayant ou non reçu un traitement de surface. L’estimation des demi-vies d’élimination pour les fibres non traitées de longueur supérieure à 5 µm était de 15 à 21 jours [15]en accord avec les résultats précédents de cette équipe, soit 10 à 18 jours [16, 17]. Les auteurs [16] ont estimé que « la dissolution relativement rapide des échantillons testés devrait minimiser les effets associés à l’inhalation de ces fibres ». Dans ce même article, ils n’avaient pas observé de différence de demi-vie avec les échantillons de fibres traitées en surface.
Les études de biopersistance in vivo montrent que la wollastonite est rapidement épurée des poumons avec des demi-vies de moins d’une semaine après inhalation à 10-21 jours après instillation intra-trachéale. Ces demi-vies sont plus rapides que pour de nombreuses autres fibres minérales dont les fibres minérales artificielles pour lesquelles les études long terme par inhalation chez l’animal sont négatives.
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Mode d'actions
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Toxicité expérimentale
Toxicité expérimentale
La plupart des études mécanistiques (in vitro ou in vivo) montre que la wollastonite peut être responsable d'effets potentiellement néfastes (cytotoxicité, inflammation, prolifération des cellules mésothéliales) mais ces effets sont transitoires et significativement moins sévères que ceux produits par l’amiante [2]. Les études qui ont été publiées depuis l’expertise de l’IARC [2] n’en remettent pas en cause les conclusions [1]. Ainsi dans leur revue générale de la littérature, Maxim et McConnell [1] estimaient qu’ : « Après considération de tous les éléments, la preuve la plus convaincante de la probable absence de caractère cancérogène et fibrogène de la wollastonite provient de l’absence d’étude épidémiologique ou animale adéquate et positive ainsi que sa très faible biopersistance».
Selon le IARC [2] “les études chez l’animal [de toxicité pulmonaire in vivo] ont démontré que les fibres de wollastonite avaient une faible biopersistance et induisaient une réponse inflammatoire transitoire par rapport aux différentes formes d’amiante”. Certaines de ces études ont été réalisées avec de fortes administrations de wollastonite par inhalation ou instillation intra-trachéale capables d’induire une bronchiolite fibrogranulomateuse probablement obstructive. A noter cependant l’étude de Tatrai et al. conduite par instillation intra-trachéale chez le rat mâle d’une wollastonite d’origine chinoise (44 % fibres >20 µm de longueur, 41 % de fibres de diamètre <1 μm). 1 mois après l’instillation (1 mg/animal), les animaux ont développé une inflammation légère ne progressant pas ultérieurement contrairement aux animaux exposés à la crocidolite qui ont développé une inflammation très intense s’aggravant à 3 et 6 mois post-exposition (fibrose modérée à sévère). Les auteurs ont attribué cette très légère inflammation à la faible biopersistance de la wollastonite [18].
Cette conclusion a été récemment appuyée par les travaux de Hurbankova et coll.[19] qui ont exposé des rats F344 par inhalation oro-nasale à 0, 30 ou 60 mg/m3 pendant 1h, tous les 2 jours sur une période de 6 mois. Aucun signe inflammatoire n’a été mis en évidence dans le liquide de lavage broncho-alvéolaire aux trois concentrations testées.
Effets génotoxiques
In vitro, la wollastonite induit des transformations morphologiques de cellules embryonnaires de hamster syrien alors que des résultats négatifs on été observés dans un test d'aberration chromosomique sur cellules de hamster chinois ou dans un test d'observation de polyploïdie sur une culture de cellules pulmonaires de hamster chinois [2].
Une autre étude in vitro, utilisant un modèle de cellules endothéliales humaines en petits îlots dans une matrice de culture des fibroblastes (Angio-Kit) a permis de caractériser un effet angiogénique susceptible de contribuer au développement de pathologies telles qu'athérosclérose ou cancer [20].
Effets cancérogènes
La majorité des études animales réalisée avec la wollastonite sont négatives en terme de fibrose et de cancer, quelque soit la voie d’administration : intrapleurale, intrapéritonéale, intra-trachéale et inhalatoire.
Dans l’étude de McConnell et al. [21], les rats mâles ont été exposés par inhalation (10 mg/m3 (360 f/mL dont 54 f/mL de longueur ≥ 5 µm, diamètre ≤ 3 µm et rapport longueur/diamètre ≥ 3), 6h/jour, 5j/semaine pendant 12 ou 24 mois). Les résultats ne montrent aucune augmentation du nombre de tumeurs chez les rats exposés à la wollastonite comparés au groupe témoin négatif, et contrairement au groupe exposé au chrysotile (1000 f/mL). Les experts de l’IARC[2] ont estimé que cette étude était particulièrement pertinente en regard du mode d’administration par inhalation mais manquait de puissance statistique du fait de la faible concentration en fibres longues de wollastonite (> 5 µm).
Pott et al. [22, 23] ont administré à des rats femelles, 5 injections par voie intrapéritonéale (une par semaine pendant 5 semaines) de 20 mg de wollastonite. Les rats ont été observés pendant 130 semaines. Aucune tumeur abdominale (0/54), mésothéliome ou sarcome, n’a été trouvée chez les animaux exposés à la wollastonite comparés à ceux exposés au chrysotile (30/36). Muhle et al. ont réalisés 2 injections intrapéritonéales de 30 mg de wollastonite par rat femelle; Un groupe témoin a été traité avec 3 mg de crocidolite; Les animaux ont été observés pendant 130 semaines; La wollastonite n’a provoqué aucune tumeur abdominale (0/50) contrairement à la crocidolite (32/50) [15].
Dans une autre étude, Adachi et al. ont administré par voie intrapéritonéale (pendant 1 semaine) 2 mg ou 20 mg de wollastonite par rat femelle. Les fibres présentaient une longueur et un diamètre géométrique moyen, respectivement de 10,5 µm et 1,0 µm. Les animaux ont été sacrifiés à différentes dates durant les deux ans de l’étude. Aucune augmentation de l'incidence de mésothéliome chez le groupe wollastonite comparé aux autres groupes de rats exposés notamment au chrysotile ou à des fibres céramiques réfractaires (9 types de fibres testés au total sur 330 rats, étudiés pendant 2 ans) n'est retrouvée [24].
Une exception, parmi ces résultats négatifs, est l’étude chez le rat de Stanton et al. [25], cité dans la revue de l'IARC [2]. Des groupes de 30 à 50 rats femelles, suivis pendant deux ans, ont reçu une administration intrapleurale d’échantillons de fibres de différentes compositions et caractéristiques granulométriques de wollastonite, de crocidolite ou de trémolite dispersées dans de la gélatine (40 mg/animal) ; 4 échantillons de wollastonite (longueur > 4 µm ; diamètre < 2,5 µm) ont été testés. Cette étude montre une incidence de sarcomes pleuraux de 5/20 (25%) ; 2/25 (8%) ; 3/21 (14%) et 0/24 en fonction des échantillons de wollastonite (l’incidence des groupes crocidolite était de 14/29 et des groupes contrôle « matériaux non fibreux » de 17/615 (2,8%)). Cette étude présente deux limitations importantes qui ne permettent pas de conclure à la cancérogénicité de la wollastonite : 1) les auteurs soulignent le manque d’information sur la composition et la pureté des fibres de wollastonite, l’absence de fibre de wollastonite d’un diamètre inférieur ou égal à 0,25 µm et d’une longueur supérieure à 8 µm (fibres les plus susceptibles d’induire des sarcomes) ; 2) la possibilité que les échantillons de wollastonite aient été contaminés avec des amphiboles de l’amiante et que la technique d’administration avec inclusion dans la gélatine ait augmenté la biopersistance de la wollastonite.
En résumé, hors l’étude de Stanton qui montre des limitations importantes, aucune preuve de cancérogénicité chez le rat in vivo n’a été démontrée que ce soit par inhalation ou par voie intrapéritonéale. Depuis l’expertise de l’IARC [2], aucune étude n’a démontré un effet cancérogène de la wollastonite chez l’animal.
Effets sur la reproduction
Aucune donnée n’est disponible chez l’animal à la date de publication de cette fiche toxicologique.
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Toxicité sur l’Homme
Les données sur la toxicité des fibres de wollastonite chez l’homme sont peu nombreuses. Il n’existe pas de donnée sur de possibles effets irritants cutané ou oculaire lors d'expositions professionnelles. L'exposition chronique à la wollastonite peut entrainer des anomalies de la fonction respiratoire. Il n’existe pas d’information suffisante pour conclure, notamment sur de possibles effets cancérogènes.
Toxicité aiguë
Aucune donnée sur la toxicité aigüe ou le caractère irritant cutané ou oculaire et/ou sensibilisant de la wollastonite n’est disponible à la date de publication de cette fiche toxicologique.
Toxicité chronique [1-3, 26-31, 34, 35]
Des études ont été menées en 1976, 1982, et en 1990, dans des mines et usines de traitement de wollastonite aux Etats-Unis à Willsboro.
En 1976, une étude (citée dans[2] et[26]) a été menée auprès de 104 hommes ayant été exposés à la wollastonite pendant au moins un an, à partir de 1952 . Les particules fibreuses de wollastonite présentaient un diamètre médian de 0,22 µm et une longueur moyenne de 2,5 µm. Le nombre de fibres, comptées par microscopie optique à contraste de phase (MOCP), était en moyenne de 0,3 fibre/cm3 dans la mine, et 23,3 fibres/cm3 dans l’usine. La prévalence des symptômes de bronchite chronique était plus élevée dans le groupe des travailleurs exposés (23%) que chez les travailleurs non exposés aux poussières, sans association avec la durée d’exposition. Des cas de pneumoconiose ont été observés chez 4 travailleurs exposés à la wollastonite. Aucune pathologie restrictive n’a été mise en évidence sur les radiographies ou les épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR) réalisées.
En 1982, une étude a été réalisée sur 108 hommes (102 travailleurs actuels et 6 anciens salariés), incluant une partie de la population de la précédente étude[28]. L'exposition cumulée aux poussières a été estimée (mg-ans/m3). Trois cas de pneumoconiose ont été retrouvés chez les travailleurs exposés à la wollastonite mais aucune progression significative des anomalies radiologiques n’a été mise en évidence depuis les radiographies de 1976 et aucune atteinte pleurale n’a été notée. Chez les travailleurs les plus fortement exposés à la poussière, une diminution significative du débit de pointe, du VEMS et du rapport VEMS/CVF comparativement aux travailleurs moins exposés a été montrée. Cette atteinte était indépendante de l’âge, de la taille et du statut tabagique. Les auteurs concluent que l'exposition à long terme à la wollastonite peut altérer la capacité ventilatoire. L'analyse des données pour les travailleurs exposés déjà suivis en 1976 a montré que les paramètres fonctionnels respiratoires avaient significativement diminué entre 1976 et 1982, sans qu’il soit possible d’établir une dose-réponse. Par ailleurs, une possible co-exposition à des poussières de quartz est notée[2, 3, 26, 28, 31].
En 1990, une étude a été menée chez 112 travailleurs (tous ont bénéficié de radiographies thoraciques et 110 EFR). Des anomalies sur la radiographie thoracique et des atteintes modérées de la fonction pulmonaire ont été rapportées chez quelques travailleurs (sans autre précision). Aucun effet sans relation significative avec l'intensité ou de la durée de l’exposition [26].
En 1983, une étude clinique a été menée auprès de 46 hommes exposés à la wollastonite dans une carrière finlandaise de calcaire et de wollastonite et une usine de flottation utilisée pour la purification finale de la wollastonite. Il existait une co-exposition potentielle à la calcite et à l’amiante. La durée moyenne de l'exposition à la wollastonite était de 22,8 ans[29]. Les concentrations moyennes de poussières totales variaient de 0,3 à 67 mg/m3 et celles des fibres de wollastonite allaient de 5,1 à 33 fibres/cm3 (MOCP) ou de 2,6 à 52 fibres/cm3 (microscopie electronique). Les radiographies thoraciques ont révélé une fibrose pulmonaire chez 14 travailleurs et un épaississement pleural bilatéral chez 13 travailleurs. La durée moyenne d'exposition était de 22 ans (10-35 ans) pour les salariés présentant une fibrose pulmonaire et de 18,8 ans (14-30 ans) pour les travailleurs sans fibrose pulmonaire. Aucune relation entre les anomalies radiologiques et l’intensité de l’exposition n’a été mise en évidence [2, 26, 29].
Une étude de suivi [27] de l'étude précédente s’est intéressée à 49 travailleurs (40 hommes et 9 femmes). Quarante des 46 salariés de l’étude de Huuskonen [29] ont été inclus. La durée moyenne d'exposition des travailleurs était de 25 ans. Les mesures ultérieures ont indiqué des concentrations de fibres allant de 0,04 à 3,4 fibres/cm3 pour la wollastonite et de 0,09 à 1,2 fibres/cm3 pour la calcite. Des fibres de trémolite (asbestiformes) ont également été observées dans certains échantillons de poussières en suspension dans l'exploitation minière de calcite (0,1 fibres/cm3 dans le concassage secondaire). Neuf travailleurs, dont cinq avaient été exposés à l'amiante (« possible » ou « probable » exposition), présentaient des plaques pleurales. Aucune association entre la survenue de plaques pleurales ou d’une fibrose pulmonaire n’a été mise en évidence avec l’exposition à la wollastonite. Deux travailleurs avaient de petites opacités pulmonaires irrégulières, à la radiographie thoracique, sans fibrose parenchymateuse. Aucune fibre ou corps de wollastonite n’a été retrouvé dans les lavages broncho alvéolaires (LBA) réalisés chez 4 salariés. Au moment des LBA, l’exposition de 2 salariés avait cessé depuis plus de 5 ans et trois d’entre eux présentaient des plaques pleurales bilatérales. Des fibres de crocidolite, anthophyllite ou chrysotile et des corps asbestosiques ont été identifiés dans le LBA de 3 des 4 travailleurs. L’analyse des tissus pulmonaires de 2 salariés ayant travaillé plus de 25 ans dans la mine n’a pas retrouvé de wollastonite ; en revanche, des fibres de trémolite, d’anthophyllite et de crocidolite ont été retrouvées[1, 2, 26, 27].
Effets cancérogènes
Une étude de mortalité a été réalisée auprès de 192 hommes et 46 femmes, employés pendant une durée minimale de 1 an, dans une carrière finlandaise de wollastonite entre 1923 et 1980. L'étude n'a pas révélé d’excès de décès toutes causes confondues. L’étude n’a pas mis en évidence d'excès de mortalité par cancer (comparé au taux de mortalité par cancer de la population générale finlandaise), ni d’excès de décès par tumeurs malignes, par cancers bronchiques ou par maladies cardio-vasculaires. Les travailleurs étaient co-exposés à d'autres matériaux (notamment de la calcite et de la silice), et les habitudes tabagiques de la cohorte n’ont pas été évaluées. Le IARC a estimé que cette étude présentait une faible puissance statistique. De plus, selon les auteurs, l’estimation des expositions à la wollastonite en milieu de travail, fondées sur les niveaux d'exposition au moment de l’étude, sous-estimaient probablement le niveau d'exposition des années antérieures [1 à 3, 26, 34].
En 1997, le IARC a classé la wollastonite naturelle dans le Groupe 3 (l'agent est inclassable quant à sa cancérogénicité pour l'homme) sur la base d’indications de cancérogénicité insuffisantes chez l'homme et chez l'animal de laboratoire. Depuis ce travail d’expertise, les études parues ne remettent pas en cause ces conclusions [2].
Effets sur la reproduction
Aucune donnée n’est disponible chez l'homme à la date de publication de cette fiche toxicologique.
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Interférences métaboliques
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Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal