Pathologie - Toxicologie
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Toxicocinétique - Métabolisme
Le diamètre moyen des fibres étant important, leur dépôt dans la zone alvéolaire est faible. Chez le rat par instillation intratrachéale, les fibres de cellulose sont plus bio persistantes que les fibres céramiques. Un phénomène de division de ces fibres en fibrille est admis mais reste très limité.
Chez l'animal
Le diamètre moyen des fibres de cellulose étant important, le nombre de fibres pouvant se déposer dans le poumon profond et plus précisément dans la zone alvéolaire (fraction alvéolaire) est faible. Muhle et coll. (1997) [13] ont montré chez le rat par instillation intratrachéale (2 mg) que les fibres de cellulose étaient plus bio-persistantes que des fibres céramiques. En effet, un an après l'administration, les fibres de cellulose s'étaient divisées et les auteurs n'avaient pas constaté leur dissolution. Cette bio-persistance très élevée a été critiquée sur la base d'une dose excessive en fibres alvéolaires induisant un phénomène de surcharge pulmonaire diminuant la clairance normale des fibres inhalées et posant des problèmes en terme de transposition des résultats à l'homme (Levy, 1995 [14] ; DOH, 1998 [15] ; Harrison et coll., 1999 [16], Warheit et coll., 2001 [17]). Il a été cependant admis que ces fibres pouvaient se diviser en fibrilles, mais ce phénomène a été considéré comme très limité (DOH, 1998 [15]).
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Mode d'actions
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Toxicité expérimentale
Toxicité expérimentale
Les fibres de cellulose ont donné lieu à très peu d'études expérimentales malgré des applications diverses et variées. Une fibrose pulmonaire est induite par l’instillation intratrachéale de fortes concentrations de cellulose. Un effet tumorigène est observé lors d’études réalisées par des voies non extrapolables à l’homme ; seule une étude à long terme par inhalation de fibres alvéolaires permettrait de confirmer ou non cet effet.
Toxicité aiguë
L'équipe de Tatrai a conduit plusieurs études de toxicité respiratoire (cf. ci-dessous) par instillation intratrachéale de 15 mg de produit. Il est à noter qu'une telle dose entraîne vraisemblablement une surcharge pulmonaire et excède les capacités normales d'épuration des poumons.
Tatrai et Ungvary (1992) [18] ont administré par instillation intratrachéale chez le rat mâle 15 mg de poussière de paprika (constituée de cellulose à environ 20 %) ou de la poudre de cellulose (5 rats par groupe). Selon les auteurs, les deux traitements ont conduit à des effets de sévérité comparable. Un extrait, sans fibre, de poussière de paprika n'ayant entraîné aucun effet histologique, les auteurs concluaient que les effets dus à la poussière de paprika pouvaient, au moins en partie, être attribués aux fibres de cellulose.
La même équipe (Tatrai et coll., 1995 [19]) a administré selon le même protocole à des rats mâles 15 mg de poussière de bois de pin, 15 mg de poudre de cellulose pure ou 15 mg d'extrait global de poussière de bois de pin exempt de fibre. Ils observaient des effets pulmonaires similaires dans les deux premiers cas (alvéolobronchiolite fibrosante), pas dans le troisième.
Ces travaux ont été prolongés (Tatrai et coll., 1996 [20]) en examinant les effets sur des rats d'une instillation intratrachéale unique de cellulose (15 mg/animal) tamisée, puis traitée pour recueillir la fraction la plus fine. Une alvéolite granulomateuse fibrosante a été mise en évidence, accompagnée d'un accroissement de la production d'IgA dans le liquide de lavage broncho-alvéolaire. La fibrose progressait modérément dans le temps.
Après injection de 15 mg de cellulose par voie intratrachéale chez le rat (Adamis et coll., 1997 [21]), un œdème interstitiel et des signes d'inflammation étaient relevés dès le premier jour. Par la suite et jusqu'à 7 jours, la réaction inflammatoire persistait dans les alvéoles et les bronches ainsi que dans le parenchyme. Le suivi histologique à 1 mois montrait une bronchioalvéolite fibreuse.
Au cours d'une étude expérimentale de type aiguë réalisée par le National Toxicology Program (NTP) (2006) [22], la fraction respirable (fibres et particules) d'un échantillon de cellulose pour isolation a été administrée par instillation intratrachéale à des rats mâles F344. La dose était de 5 mg/kg de poids corporel (p.c.), choisie sur la base des résultats d'une pré-étude pour une légère réponse inflammatoire. Les rats ont été suivis durant 28 jours. Le protocole était complété par deux groupes témoins : un groupe témoin « particules » recevant du dioxyde de titane et un groupe témoin « véhicule » recevant du tampon phosphate. Les liquides de lavage broncho-alvéolaires (LLBA) ont été analysés 1, 3, 7, 14 et 28 jours après l'instillation ; une analyse histopathologique des poumons a été réalisée aux 14e et 28e jours après le traitement. Les auteurs ont observé dans le LLBA que la cellulose pour isolation provoquait un afflux de cellules inflammatoires plus important que le TiO2 ainsi qu'une augmentation du taux de protéines et concluaient à une réaction inflammatoire légère. Ces variations n'étaient plus significatives au 14e jour. L'analyse histologique au 28e jour a montré que, contrairement au TiO2, la cellulose pour isolation provoquait une légère augmentation des fibrilles de collagène associée avec des nodules granulomateux. Au total, ces résultats montraient une toxicité pulmonaire minimale.
Irritation, sensibilisation
La poudre de cellulose Cellulon™, qui présente de fortes similitudes avec la cellulose microcristalline, n'a pas montré d'effet irritant sur l'œil et la peau du lapin (Schmitt et coll., 1991 [27]). Aucune donnée n'a été trouvée sur l'évaluation du potentiel sensibilisant de la cellulose.
Conclusion sur les études de toxicologie expérimentale
L'expertise collective réalisée par l'INSERM sur les « Effets sur la santé des fibres de substitution à l'amiante » (1999) [2] signalait essentiellement le caractère pro-inflammatoire des fibres de cellulose et évoquait une étude qui avait relevé une augmentation du nombre de tumeurs non statistiquement significative après injection intrapéritonéale (Rosenbruch et coll., 1992 [28]). Peu de travaux expérimentaux ont été réalisés depuis. Ils confirment que les fibres de cellulose ne peuvent être considérées comme inertes du point de vue de leurs effets potentiels sur le système pulmonaire, mais leur nocivité semble cependant réduite en particulier du fait de leur grande taille et de la très faible part de fibres respirables dans l'aérosol (Morgan et coll., 2004 [31]). Les fibres alvéolaires de cellulose peuvent provoquer chez l'animal des réactions pulmonaires : fibrose et granulomes. Elles semblent capables de se diviser en fibres plus fines qui contribuent à accroître leur bio-persistance. Elles induisent la production d'espèces réactives de l'oxygène. L'injection intrapéritonéale à forte dose montre une tumorigénicité, mais très inférieure à celle de la crocidolite. Cet effet tumorigène n'est observé qu'au cours d'études conduites par des voies non extrapolables à l'homme ; seule une étude à long terme par inhalation de fibres alvéolaires permettrait de confirmer ou non cet effet.
Toxicité subchronique, chronique
Milton et coll. (1990) [23] ont instillé par voie intratrachéale dans les poumons de hamsters des poussières de cellulose pure stérilisée (0,75 mg/100 g p.c., 2 fois/semaine, pendant 6 semaines). Leur objectif était de vérifier si la poussière de cellulose, utilisée comme contrôle lors d'expériences rapportées par d'autres, était réellement assimilable à une poussière inerte. Une fibrose apparaissait avec cette forte charge pulmonaire (au total, environ 3 mg/g de poumon). Les animaux ainsi traités présentaient une compliance réduite (estimée entre 60 et 70 % de la capacité pulmonaire totale), des granulomes (présence de fibres de cellulose) et un épaississement parenchymateux (tous éléments révélateurs d'une fibrose histologiquement apparente).
Hadley et coll. (1992) [24] rapportent une étude de toxicité de la cellulose commerciale utilisée pour l'isolation dans le bâtiment, après broyage partiel pour parvenir à une fraction d'environ 35 à 40 % de particules alvéolaires pour le rat. Ils ont exposé par inhalation des groupes de rats Wistar à 100, 500 et 2 000 mg/m3, 6 heures/jour, 5 jours/semaine, pour un total de 21 expositions. Ils ont observé des pathologies pulmonaires doses dépendantes : infiltrations macrophagiques de l'interstitium, zones avec alvéolite et hyperplasie épithéliale, granulomes avec dépôts de collagène dans l'interstitium péribronchiolaire à la plus forte concentration.
Warheit et coll. (1998) [25] ont exposé des rats à un aérosol de fibres de cellulose 6 heures/jour, 5 jours/semaine pendant 2 semaines, à deux concentrations cibles : 300 et 575 fibres/mL de longueur moyenne comprise entre 10 et 13 µm. Pour le groupe le plus exposé, la clairance des fibres était modérée à lente avec une valeur d'environ 50 % de la charge pulmonaire initiale après 3 mois. Les fibres ont produit une inflammation pulmonaire modérée et transitoire qui revenait aux valeurs des rats témoins 10 jours après la fin de l'exposition.
L'étude de Cullen et coll. (2000) [26] avait pour objectif de tester les effets inflammatoires d'un échantillon de fibres de cellulose dans deux modèles animaux : d'une part, chez la souris, par injection intrapéritonéale (IP) et d'autre part, chez le rat, par inhalation.
L'expérimentation chez la souris comprenait l'injection IP de fibres de cellulose ou de fibres de crocidolite, ces dernières étant les témoins positifs. Les doses, de 104 à 108 fibres, provoquaient dans la cavité intrapéritonéale un recrutement marqué de cellules inflammatoires présentant un pic 24 heures après l'injection. La crocidolite était beaucoup plus active que la cellulose pour une même dose exprimée en nombre de fibres. L'expérimentation par inhalation consistait à exposer des rats à un aérosol de fibres alvéolaires de cellulose 5 jours/semaine pendant 3 semaines à une concentration de 1 000 fibres/mL. L'inhalation a induit une réponse pulmonaire inflammatoire précoce, mise en évidence par le lavage broncho-alvéolaire, avec un pic 24 heures après le début de l'inhalation, qui ensuite déclinait progressivement en dépit d'une exposition poursuivie pendant 13 jours. Les résultats de ces expérimentations ont conduit les auteurs à conclure que la cellulose était moins inflammatoire que la crocidolite. Il n'y pas de donnée de toxicité chronique publiée chez l'animal, à notre connaissance.
Effets génotoxiques
La poudre Cellulon™ ne produisait pas d'effet génotoxique dans plusieurs systèmes expérimentaux (Schmitt et coll., 1991 [26]) : test d’Ames sur 5 souches (avec et sans activation métabolique) ; test de synthèse non programmée d’ADN sur hépatocytes de rats ; test des aberrations chromosomiques et test de mutagenèse HGPRT sur cellules ovariennes de hamster chinois (avec et sans activation métabolique).
Effets cancérogènes
Aucune étude de cancérogenèse long terme par inhalation n'a été publiée.
Rosenbruch et coll. (1992) [28] ont montré la survenue de cancers dans la cavité abdominale de rats auxquels avait été injectée 20 mg de cellulose par voie intrapéritonéale (la dimension des fibres n'était pas précisée). Néanmoins, l'incidence de ces cancers n'était pas significativement différente des témoins.
Cullen et coll. (2002) [29] ont injecté des fibres respirables de cellulose pure par voie intrapéritonéale chez le rat. Les doses totales administrées étaient de 106, 107, 108 et 109 fibres de longueur supérieure à 5 µm en 3 injections séparées d'une semaine (109 fibres injectées correspondent à 115 mg). Les résultats de cette étude montrent que des hautes concentrations de fibres de cellulose sont capables de produire des tumeurs lorsqu'elles sont injectées par voie intrapéritonéale chez le rat. Deux mésothéliomes ont été observés pour les concentrations 107 et 108 fibres WHO (1 par groupe de dose), mais étant donné la survenue de mésothéliomes spontanés dans cette souche de rats, les auteurs n'étaient pas certains qu'ils étaient en relation avec le traitement. La dose la plus forte en fibres de cellulose (109 fibres WHO), induisait des sarcomes locaux (plutôt que des mésothéliomes) chez 9 animaux sur 50. Par comparaison, la même dose en fibre de crocidolite (109 fibres WHO) induisait des mésothéliomes chez 22 animaux sur 26 (21/26 à 108 fibres, 14/50 à 107 fibres, 4/50 à 106 fibres).
Effets sur la reproduction
En 1972, la US-FDA concluait que la cellulose n'induisait pas d'effets toxiques pour la reproduction sur la base des résultats d'une étude d'administration par voie orale sur 3 générations chez le rat (30 % dans l'alimentation) (cité dans la revue générale d’Anderson et coll., 1992 [30]). Les études ultérieures précisaient une absence d'effet en reprotoxicité et en toxicité du développement chez le rat et la souris.
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Toxicité sur l’Homme
Les données sur la toxicité des fibres de cellulose chez l’homme sont peu nombreuses. Les expositions professionnelles peuvent donner lieu à des effets sur les muqueuses oculaires et des voies aériennes (irritation, altérations des fonctions respiratoires).
Toxicité aiguë
Dans une étude américaine réalisée sur 23 salariés appliquant des matériaux d'isolation à base de fibres de cellulose, les symptômes rapportés dans un questionnaire médical remis aux travailleurs avant, pendant et après chaque poste de travail comprenaient une toux, une respiration sifflante, ainsi que des signes d'irritation du nez, de la gorge et des yeux. 43 % de l'effectif alléguaient au moins un symptôme au cours de l'étude [32].
Toxicité chronique
Dans la plupart des études épidémiologiques publiées [2, 32 à 36], il existe des limites à l'interprétation des données : puissance statistique et caractérisation des expositions insuffisantes, co-expositions (présence d'une fraction non fibreuse, autres types de fibres, sulfates, silicates...), autres facteurs de confusion non pris en compte (tabagisme), effet « travailleur sain » dans les études transversales.
L'ensemble des études, réalisées principalement dans le secteur de la fabrication du papier, permet toutefois de mettre en évidence une prévalence plus élevée de signes d'irritation des voies aériennes supérieures, de bronchite chronique et d'asthme, ainsi que des altérations de certains paramètres spirométriques (diminution du VEMS et de la CVF) chez les salariés exposés aux poussières de papier constituées majoritairement de fibres de cellulose. Il n'existe cependant pas toujours de corrélation entre ces troubles et les niveaux d'exposition.
Les risques de fibrose pulmonaire, de cancer ainsi que de mésothéliome ne sont pas évaluables au vu des études disponibles. Si ces risques existent, ils sont vraisemblablement très faibles comparativement à ceux en rapport avec les expositions à l'amiante.
Un cas de protéinose alvéolaire pulmonaire a été publié [33] concernant une femme de 35 ans exposée à des poussières provenant de l'isolant du système de ventilation de son domicile. Les poussières contenaient des fibres de cellulose, mais également de nombreuses autres substances inorganiques (silicates, talc...). Les auteurs concluent à l'existence d'un lien entre la pathologie et l'exposition aux fibres de cellulose en raison de la mise en évidence de ces mêmes fibres à l'examen microscopique du tissu pulmonaire après biopsie transbronchique et du fait de l'amélioration de la symptomatologie à l'arrêt de l'exposition. Le niveau d'exposition de la patiente n'est pas connu.
Des cas d'allergies cutanées (urticaires et eczémas de contact) ont été rapportés chez des salariés dans l'industrie du papier. Il n'a pas toujours été possible de déterminer l'agent responsable des lésions. Cependant, de nombreuses substances connues pour leur potentiel sensibilisant sont utilisées lors de la fabrication de la pâte à papier. Il n'y a pas de données permettant d'incriminer les fibres de cellulose elles-mêmes dans la survenue de ces pathologies.
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Interférences métaboliques
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Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal