Toxicité aiguë [20 à 23]
Les effets aigus sont proportionnellement liés à la conversion de l’hémoglobine en méthémoglobine, avec une atteinte neurologique pouvant entrainer la mort des animaux par anoxie tissulaire. Le nitrite de sodium est un irritant faible pour la peau et modéré pour l’œil.
La DL50 orale est de 85 - 200 mg/kg chez le rat, 175 - 214 mg/kg chez la souris, et 186 mg/kg chez le lapin. Par inhalation la CL50 est de 5,5 mg/m3/4h chez le rat.
Si la conversion de l'hémoglobine en méthémoglobine, sous l'action du nitrite de sodium, est assez complète les animaux peuvent mourir d'anoxie tissulaire ; les signes cliniques (principalement cyanose, avec peu ou pas d'hémolyse) sont observables à partir de 20 % d'hémoglobine convertie et empirent avec
l'augmentation du taux de méthémoglobine : à 60 %, les animaux sont désorientés et abattus, au-delà de 70 %, apparaissent ataxie, hypersalivation, arrêt cardiaque, arythmie et mort.
Chez le lapin, le nitrite de sodium est peu ou pas irritant pour la peau et modérément irritant pour l'œil (surtout la conjonctive). Il n'y a pas de test de sensibilisation disponible.
Toxicité subchronique, chronique [20, 23]
Les effets observés sont liés aux effets hématologiques. Des atteintes hépatiques, spléniques et du pré-estomac sont également notées chez le rat et la souris après exposition par voie orale.
La survie des rats et des souris, exposés à long terme au nitrite de sodium, n'est pas affectée. Les animaux présentent une baisse de poids et une réduction de la prise de poids, liées dans les premières semaines à une baisse de la consommation d'eau ou de nourriture.
Chez le rat (600 à 10 000 ppm dans l'eau de boisson ou 0,2 à 0,5 % dans la nourriture, jusqu'à 2 ans), les signes cliniques, cyanose et coloration brunâtre des membranes muqueuses et de la peau, sont essentiellement dus aux effets hématologiques :
- diminution du nombre des érythrocytes pendant 8 semaines sans relation dose-effet, stabilisation pendant 28 semaines puis retour lent à la normale, atteinte après an d'exposition ;
- diminution concomitante du taux d'hémoglobine, du volume globulaire moyen et de l'hématocrite ;
- augmentation en fonction de la dose, du taux de méthémoglobine, plus importante chez les femelles que chez les mâles, sans atteindre un niveau létal ;
- augmentation de la concentration globulaire moyenne en hémoglobine qui pourrait être due à une réticulocytose.
Chez la souris (600 à 5000 ppm dans l'eau de boisson, jusqu'à 2 ans), la cyanose et la coloration brunâtre de la peau et des muqueuses ne sont pas observées ; le taux de méthémoglobine réductase, plus élevé chez la souris que chez le rat, pourrait en partie expliquer cette différence. Cependant, on note, chez la souris, une augmentation du poids relatif de la rate et de l'hématopoïèse extramédullaire splénique, une dégénérescence et une nécrose des hépatocytes, et un dépôt d'hémosidérine dans le foie et la rate.
L'exposition au nitrite de sodium dans l'eau de boisson induit une augmentation du taux d'hyperplasie de l'épithélium du pré-estomac chez les rats mâles et femelles et de l'estomac glandulaire chez les souris mâles.
Effets génotoxiques [23]
Certains tests de génotoxicité réalisés in vitro et in vivo sont positifs.
In vitro, le nitrite de sodium donne des résultats variables :
- dans le test d'Ames : ils sont positifs, avec et sans activation métabolique, avec les souches TA92, TA94, TA100, TA1530, TA1535 de S. typhimurium et avec E. Coli, ambigus avec les souches TA98 et TA1537 de S. typhimurium et négatifs avec les souches TA97, TA1536 et TA1538 de S. typhimurium ;
- dans les tests de lésion de l'ADN : ils sont positifs avec S. cerevisiae, douteux avec les cellules de lymphome de souris et négatifs avec les cellules V79 de hamster ;
- les tests de mutagenèse et de cytogénétique (aberrations chromosomiques, échanges entre chromatides sœurs) sont positifs avec les cellules de mammifères ;
- les cellules embryonnaires de hamster syrien sont transformées à partir d'une dose de 3 mg/L.
Certains tests ont été réalisés par exposition transplacentaire chez le hamster. Les cellules embryonnaires en culture ne présentent pas d'aberration chromosomique mais les tests de mutagenèse et de micronoyaux sont positifs quand les mères sont exposées par gavage à des doses supérieures ou égales à 70 mg/kg et 125 mg/kg respectivement.
In vivo, le nitrite de sodium provoque des aberrations chromosomiques dans la moelle osseuse de souris (à partir de 500 ppm dans la nourriture), de rat (300 mg/kg) et de lapin (1,7 à 46,7 mg/kg/j dans l'eau de boisson, 3 mois). Administré dans l'eau de boisson de rates gestantes (1,25 g/l, 5e au 18e jour de gestation) ou non gestantes, il induit des aberrations chromosomiques dans la moelle osseuse des adultes et dans le foie des embryons ; l'effet est plus important dans les cellules hépatiques embryonnaires que dans les cellules médullaires adultes [24]. Par voie intra-péritonéale, il provoque des échanges entre chromatides sœurs dans la moelle osseuse de souris (25-200 mg/kg).
Le test de mutation létale récessive liée au sexe chez la drosophile est positif pour une dose de 0,02 M dans la nourriture.
L'exposition des souris par gavage (150 mg/kg) entraîne l'apparition de micronoyaux dans les érythrocytes alors que ce test est négatif par voie intra-péritonéale (200 mg/kg).
En revanche, il n'occasionne ni translocation héritable, malgré l'induction d'anomalies de la tête spermatique, ni létalité dominante, ni synthèse non programmée de l'ADN, chez la souris.
Effets cancérogènes [22, 23]
Le nitrite de sodium provoque des tumeurs dont le site et la nature varient selon l'espèce et le sexe (pré-estomac, foie, glande mammaire). Il agit également comme promoteur de cancérogénèse avec développement de tumeurs du pré-estomac chez le rat et la souris et diminue la survenue de certains cancers chez le rat.
Le nitrite de sodium est un cancérogène faible chez le rat, nécessitant une période d'exposition supérieure à 2 ans. Il n'y a pas d'indications de cancérogénicité chez le rat mâle, exposés à des doses allant jusqu'à 3 g/l dans l'eau de boisson ou 5 % dans la nourriture pendant 2 ans ; si le traitement est prolongé, on note, chez les rats femelles, une augmentation du taux de papillomes squameux du pré-estomac, de néoplasmes hépatocellulaires ou de fibroadénomes de la glande mammaire.
Chez la souris mâle (0,75 à 3 g/l dans l'eau de boisson pendant 2 ans), il n'y a pas de développement tumoral ; en revanche, la souris femelle développe des papillomes à cellules squameuses ou des carcinomes du pré-estomac.
De plus, on observe une augmentation du taux d'hyperplasie épithéliale du pré-estomac (souris mâles et femelles) et de l'estomac glandulaire (souris mâles uniquement).
En présence de substances cancérogènes (à des doses non actives), le nitrite de sodium se comporte comme promoteur de cancérogenèse avec développement de néoplasmes du pré-estomac chez le rat et la souris. Dans l'estomac, le nitrite de sodium serait transformé par les sucs gastriques en HNO2 qui se dimériserait en N2O3, intermédiaire réactif se liant aux amines et amides secondaires pour former des composés N-nitroso cancérogènes [25].
Une réduction du taux spontané des lymphomes, leucémies et tumeurs des cellules interstitielles testiculaires, accompagnée d'une augmentation du temps de latence et d'une hyperplasie testiculaire interstitielle, est significative, chez le rat, à partir de 0,5 % de nitrite de sodium dans la nourriture.
Effets sur la reproduction [18, 20]
Le nitrite de sodium traverse la barrière placentaire chez l'animal. L’administration sous cutanée provoque des avortements spontanés. Il est également fœtotoxique lors d’expositions pré et post-natales.
Le nitrite de sodium n'a pas d'effet sur la fertilité du rat mâle. Il y a de légères modifications testiculaires à l'observation histopathologique sans liaison directe avec l'exposition.
Chez les femelles, la mesure de la fertilité, de la taille moyenne des portées vivantes, du poids des petits et de leur viabilité, des paramètres du cycle œstral après la mise bas, et de l'histopathologie des ovaires et de l'utérus ne permet pas la mise en évidence d'un effet sur la reproduction. En revanche, le nitrite de sodium pourrait affecter la production de lait ; cette baisse de production est liée à une réduction de la prise de poids post natale, quand les mères sont exposées à 245 mg/kg/j pendant la gestation et la lactation.
Le nitrite de sodium traverse la barrière placentaire chez le rat ; le taux sanguin augmente chez le fœtus avec une latence de 20 minutes après celui des mères. L'augmentation de la concentration sanguine de nitrite est suivie d'une augmentation du taux de méthémoglobine avec une cinétique identique chez les mères et les fœtus. La dose seuil pour le passage transplacentaire est 2,5 mg/kg. Les rats et les souris gestantes sont plus sensibles aux effets des nitrites après exposition aiguë ou chronique (100 % létalité à 60 mg/kg) que les animaux non gestants qui survivent à cette dose. Le nitrite de sodium ne passe pas dans le lait maternel.
Chez la souris, après traitement pendant toute la période d'organogenèse, avec des doses orales allant de 20 à 243 mg/kg/j, il n'y a pas d'indication d'effets toxiques selon les mesures de viabilité fœtale, de poids, du sex-ratio, des fréquences de malformations externes ou squelettiques, et des paramètres de croissance ou de viabilité postnatale.
Chez le cobaye déficient en acide ascorbique, l'administration de nitrite de sodium par voie sous-cutanée (45 mg/kg, dernière semaine de gestation), induit des avortements spontanés sans anomalie macroscopique des fœtus.
Chez le rat il n'y a pas d'études menées après des expositions prénatales uniquement. Suite à une exposition pré- et postnatale, on observe une augmentation de la létalité postnatale et une diminution de la croissance et de l'activité motrice, une baisse des paramètres hématologiques (taux d'hémoglobine, nombre d'érythrocytes et volume globulaire moyen) en relation avec la dose et une modification du comportement social et du taux de corticostérone libérée en réponse au stress. L'effet d'un déficit en fer a été objectivé par le développement d'une anémie microcytaire, durant la 2e semaine après la mise bas. Un apport de fer diminue ou supprime toutes les modifications postnatales.
Les nouveau-nés sont particulièrement sensibles à la méthémoglobinémie étant donné que le taux de cytochrome-b5 réductase érythrocytaire est considérablement réduit à la naissance (environ 50 %) et n'atteint sa valeur normale que très lentement [19].