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Isocyanate de méthyle

Fiche toxicologique n° 162

Sommaire de la fiche

Édition : 2014

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme

    Quelle que soit la voie d’exposition, l’isocyanate de méthyle est rapidement absorbé et distribué dans l’orga­nisme. Dans les deux sexes, il est principalement retrouvé dans les poumons, l’appareil digestif, la rate et les reins ; chez les femelles, il se distribue aussi dans l’utérus et tra­verse la barrière placentaire. Deux métabolites principaux ont été identifiés dans la bile et dans l’urine, principale voie d’élimination.

    Chez l'animal
    Absorption

    Quelle que soit la voie d'exposition, l'isocyanate de méthyle est rapidement absorbé mais aucune donnée quantitative n'est disponible ; l'ACGIH lui attribue la men­tion « peau », en raison d'un passage percutané significa­tif [5, 6]. À la suite d'une exposition par inhalation à 0,5 - 5 ou 15 ppm d'isocyanate de méthyle radiomarqué pendant 1 à 6 heures, la radioactivité est rapidement détectée dans le sang de cobayes [7].

    Distribution

    Une fois absorbé, l'isocyanate de méthyle se lie aux pro­téines présentes dans les tissus, le plasma et la mem­brane érythrocytaire [5]. Des adduits à l'hémoglobine ont été observés chez le rat et le lapin[8].

    Chez le cobaye, après 1 à 6 heures d'exposition par inha­lation, la radioactivité diminue progressivement et n'est plus décelable au bout de 3 jours. Cette diminution est plus rapide dans l'urine que dans la bile. Chez les mâles, la radioactivité est retrouvée principalement dans les pou­mons, le sternum, le tractus digestif, la rate et les reins, avec des niveaux maximum atteints en 2 heures ; après 24 heures, elle n'est plus détectée qu'au niveau des pou­mons et dans le sang. Chez les femelles, après 2 heures d'exposition, les taux les plus élevés de radioactivité sont localisés dans les poumons, les fœtus, la rate, l'utérus et les reins ; 24 heures après, elle est retrouvée dans les pou­mons, la rate et les fœtus[5, 7].

    L'isocyanate de méthyle traverse la barrière placentaire [9].

    Métabolisme

    Les métabolites suivants ont été identifiés chez le rat : le S-(N-méthylcarbamoyl)glutathion dans la bile (après administration d'isocyanate de méthyle par voie intra­veineuse) et la S-(N-méthylcarbamoyl)-N-acétylcystéine dans l'urine (après administration par voie intrapérito­néale) [5].

    Excrétion

    À la suite d'une exposition par inhalation à 0,47 ppm d'isocyanate de méthyle radiomarqué, pendant 6 heures, la radioactivité est détectée dans les urines et la bile des cochons d'inde exposés. La quasi-totalité de l'isocyanate de méthyle absorbé (93-98 %) est excrétée via les urines, en 3 jours.

  • Mode d'actions
  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë

    L’isocyanate de méthyle est extrêmement toxique par inhalation et affecte principalement les voies respiratoires. Une baisse de poids est aussi rapportée ainsi que des effets au niveau des reins, du foie et du sang. L’isocyanate de méthyle est extrêmement irritant au niveau du tractus res­piratoire ; il est aussi à l’origine de graves dommages ocu­laires et cutanés. C’est également un sensibilisant cutané.

    Par inhalation, les CL50 suivantes ont été déterminées : 171 ppm chez le rat après 15 minutes d'exposition, 5,4 et 6,1 ppm respectivement chez le cochon d'inde et le rat après 6 heures d'exposition [5]. Chez le rat, une exposi­tion à 10 ppm pendant 2 heures entraîne une obstruction des voies respiratoires, non réversible en 13 semaines. Quatre mois après cette exposition, des changements dans l'électrocardiogramme et une hypertrophie du ven­tricule droit sont apparus [11]. À la suite d'expositions à 4,6 ppm (rat) et 8,4 ppm (souris) pendant 6 heures, les voies respiratoires supérieures présentent des foyers de nécrose et d'érosion des cellules épithéliales (larynx et trachée) ; au niveau des poumons, alvéolite, hémorragie et inflammation sont observées [12]. Une prolifération du tissu conjonctif situé sous l'épithélium respiratoire est rapportée après une exposition à 10 ppm pendant 2 heures ; au cours des 2 années suivantes, une invasion progressive des voies respiratoires est mise en évidence chez ces rongeurs [13]. Des rats et des souris exposés à 10 et 30 ppm pendant 2 heures présentent une nécrose sévère de la muqueuse nasale ; toutefois, en 3 mois, les cellules épithéliales et olfactives se sont régénérées [14].

    À la suite d'une exposition à 0,15 - 0,6 et 3,1 ppm d'iso­cyanate de méthyle, 2 fois 4 jours, 6 heures par jour, aucune mortalité n'est observée. Chez les rats exposés à la plus forte dose, les effets suivants sont rapportés : diminution du gain de poids, baisse de la saturation en oxygène de 26 % (par rapport aux témoins) seulement chez les mâles, diminution du poids absolu des poumons et lésions microscopiques au niveau du tractus respira­toire, atteignant les bronchioles (inflammation, nécrose de l'épithélium, métaplasie épidermoïde et hyperplasie) [10, 15]. Ces lésions précoces diminuent d'intensité au niveau des voies aériennes supérieures dans les 85 jours suivant l'exposition ; chez les mâles, une maturation des tissus fibreux se produit et des bouchons muqueux appa­raissent dans les bronchioles et les alvéoles de certains animaux [10].

    Par voie orale, des DL50 comprises entre 71 mg/kg et 140 mg/kg ont été déterminées pour le rat ; par voie cuta­née, elles sont comprises entre 220 et 1800 mg/kg (lapin) [16, 17].

    Chez le rat, l'administration de fortes doses d'isocyanate de méthyle par inhalation (465 ou 930 ppm, 30 minutes, soit respectivement 1 et 2 fois la CL50) ou par voie sous-cutanée (164 ou 328 mg/kg, soit respectivement 0,5 et 1 fois la DL50) induit une sévère hyperglycémie, une acidose lactique, une augmentation du taux d'urée dans le sang et une diminution de l'activité de la cholinestérase plas­matique [18]. Ces deux voies d'exposition entraînent les mêmes modifications histologiques au niveau des viscères (congestion, foyers de nécrose hépatocellulaire, dégénéres­cence rénale). En ce qui concerne les poumons, les lésions observées diffèrent selon la voie d'exposition : nécrose éosi­nophile de l'épithélium bronchique avec œdème alvéolaire par inhalation, atteinte de l'endothélium et pneumopathie interstitielle par voie sous-cutanée [19].

    À la suite d'une administration sous-cutanée de 328 mg/kg d'isocyanate de méthyle, des lapines présentent une augmentation de la concentration en hémoglobine, de l'hématocrite, du nombre de leucocytes et des taux de protéines totales plasmatiques, d'urée et de cholestérol [20].

    Irritation, sensibilisation

    L'isocyanate de méthyle est un irritant sévère des voies respiratoires [6]. Chez la souris, des RD50 (concentra­tion diminuant de 50 % la fréquence respiratoire) de 1,3 et 2,9 ppm ont été estimées pour l'irritation sensorielle [5, 21, 22]. En ce qui concerne l'irritation pulmonaire, une RD50 de 1,9 ppm a été déterminée chez des souris exposées via un cathéter intratrachéal [21]. La substance entraîne des lésions graves au niveau des bronchioles et, dans le cas d'une exposition à une concentration suffi­sante (65 ppm), est à l'origine d'œdèmes pulmonaires [23, 24].

    Au niveau cutané, l'isocyanate de méthyle pur est à l'origine d'hémorragies et d'œdèmes au niveau du site d'application [6]. Son application sur l'oreille de lapins pendant 30 minutes entraîne œdème et érythème éten­dus à l'oreille entière, évoluant en nécrose et perforation [6].

    Au niveau oculaire, des érosions de l'épithélium cornéen sont observées à partir de 21 ppm [23].

    L'isocyanate de méthyle est un sensibilisant cutané [2].

    Toxicité subchronique, chronique

    L’administration de doses répétées d’isocyanate de méthyle n’a pas été étudiée. Toutefois, une unique expo­sition s’avère suffisante pour induire une atteinte pulmo­naire permanente.

    Aucune étude subchronique ou chronique n'est dispo­nible pour l'isocyanate de méthyle. Seuls les effets à long terme, consécutifs à une exposition aiguë, ont été étu­diés. Ainsi, une augmentation de l'incidence des fibroses pulmonaires est observée 2 ans après une exposition de 2 heures à 10 ppm d'isocyanate de méthyle, chez le rat et la souris [13]. Chez le cochon d'inde, exposé à 19 ou 37 ppm d'isocyanate pendant 3 heures, une obstruction progressive des poumons est rapportée un an après [25].

    Effets génotoxiques

    In vitro, l’isocyanate de méthyle n’induit aucune muta­tion génique mais affecte la structure des chromosomes. In vivo, aucun effet n’est rapporté.

    In vitro, des résultats négatifs sont obtenus au cours d'un test d’Ames standard ou sur urine de rats exposés [5] et d'un essai de mutation létale récessive liée au sexe chez la drosophile [5, 27]. Un essai de mutation génique réa­lisé sur cellules de lymphome de souris s'avère positif : les auteurs en concluent que le potentiel génotoxique de l'isocyanate de méthyle provient de sa liaison aux protéines nucléaires [27]. Aberrations chromosomiques, échanges de chromatides sœurs et polyploïdie sont mis en évidence dans des fibroblastes de hamster, avec ou sans activation métabolique [26, 28].

    L'isocyanate de méthyle peut déréguler les voies cellu­laires de réponses aux dommages à l’ADN et être ainsi à l'origine d'interruption des cycles cellulaires et d'apop­tose, dans des cellules de mammifères [29, 30].

    In vivo, aucune induction de micronoyau ou d'aberration chromosomique n'est mise en évidence dans les cellules de moelle osseuse de souris exposées par inhalation [31, 32].

    Effets cancérogènes

    Les rares données publiées ne permettent pas de juger d’un effet cancérogène de l’isocyanate de méthyle.

    Dans une étude où des rats et des souris ont été expo­sés par inhalation pendant 2 heures à 0, 1, 3 ou 10 ppm d'isocyanate de méthyle et suivis pendant 2 ans, aucune tumeur n'a été constatée chez les souris et les rates. Un excès de tumeurs des glandes surrénales et du pancréas a été observé chez les rats mâles. Toutefois, l'augmentation de l'incidence des tumeurs était faible et il n'y avait pas de relation dose-effet [33, 39].

    Effets sur la reproduction

    À la suite d’une exposition in utero, d’importantes toxici­tés embryonnaire et fœtale sont rapportées. L’isocyanate de méthyle diminue le taux de survie néonatal et a des effets tératogènes. Par ailleurs, des effets au niveau des systèmes reproducteurs mâle et femelle sont aussi rappor­tés. Toutefois, une partie de ces effets sur la fertilité et le développement sont observés à des doses pouvant entraî­ner une toxicité chez les animaux exposés.

    Fertilité

    Des dommages réversibles aux testicules (atteintes des cellules de Sertoli et diminution du nombre de spermato­zoïdes) sont rapportés chez des rats exposés à 1,60 mg/L d'isocyanate de méthyle pendant 8 minutes. Dans le même temps, les animaux exposés présentent une dimi­nution de la prise de poids, des difficultés à respirer et une dyspnée importante [34]. Une forte perturbation du cycle œstral est observé chez des souris femelles exposées 3 heures à 9 ppm, en présence d'une diminution de la croissance pondérale ; une diminution des taux de fécon­dation et de gestation est aussi notée [36].

    Au cours d'une étude deux générations chez la souris, aucune incidence sur la fertilité n'a été mise en évidence ; la dose sans effet est de 3 ppm [35].

    Développement

    Chez des souris gestantes, exposées à 1 ppm d'isocyanate de méthyle 6 heures par jour, du 14e au 17e jour de gesta­tion, le nombre de morts fœtales augmente ; à 3 ppm, le nombre de nouveau-nés par portée diminue et une dimi­nution du taux de survie néonatale est constatée. Ces effets sont observés en l'absence de toxicité maternelle : aucun effet sur la croissance pondérale des femelles ou la durée de gestation n'est rapporté [6, 35]. À la suite d'une exposition à 9 ou 15 ppm, pendant 3 heures, au 8e ou 14e jour de gestation, 75 à 80 % des fœtus sont morts chez les femelles ayant survécu (15 ppm : 100 % mortalité maternelle ; 9 ppm : 40 % mortalité maternelle). Chez les fœtus, l'incidence d'anormalités viscérales augmente ; le poids moyen, la taille du squelette, et le poids moyen du placenta, diminuent [36]. La distinction entre une fœto-toxicité induite par la toxicité maternelle ou par un effet direct de la substance sur le fœtus est difficile à réaliser [6]. L'administration conjointe d'isocyanate de méthyle et de dexaméthasone destinée à prévenir l'œdème pulmo­naire n'a pas limité la toxicité fœtale : cette dernière est donc partiellement indépendante de la toxicité mater­nelle [10].

    Chez le rat, des effets tératogènes ont été observés à la suite d'accouplements entre femelles exposées (0,212 - 0,265 ou 0,353 ppm, 30 min avant l'accouplement) et mâles non exposés : anomalies des membres, syndactylie, thrombose, gonflement du foie, fente palatine et côtes irrégulières, uniquement pour les deux groupes les plus exposés. Le taux de résorption est aussi légèrement aug­menté, de manière dose-dépendante [37].

  • Toxicité sur l’Homme

    La plupart des données sur la toxicité de l’isocyanate de méthyle chez l’homme ont été publiées à la suite de l’ac­cident industriel survenu à Bhopal (en Inde) en 1984 et concernent les effets sur les populations environnantes. Très peu d’informations sont disponibles concernant les effets sur les travailleurs exposés. L’isocyanate de méthyle est très irritant pour le tractus respiratoire, les yeux et la peau. Il n’y a pas de donnée sur son potentiel sensibilisant, bien que cet effet soit très probable du fait de la toxicité de classe des isocyanates. Des effets sur le développement fœtal sont également suspectés. Les données sont insuffi­santes pour évaluer le potentiel cancérogène de l’isocya­nate de méthyle chez l’homme.

    Toxicité aiguë [4, 38-40]

    L'isocyanate de méthyle est extrêmement irritant pour les muqueuses respiratoires et oculaires. La sévérité et la réversibilité de ces effets sont fonction du niveau et de la durée de l'exposition.

    Lors de l'accident industriel de Bhopal, les principaux effets observés sur les populations environnantes concer­naient l'appareil respiratoire (toux, détresse respiratoire), les yeux (sensation de brûlure, larmoiement, photo­phobie, ulcérations cornéennes) et le système digestif (nausées, vomissements). Ils témoignent du pouvoir extrêmement irritant de l'isocyanate de méthyle. Les nombreux décès constatés dans les heures et les jours suivant l'exposition étaient consécutifs à la survenue d'un œdème pulmonaire et d'une défaillance cardio-respira­toire. Des séquelles pulmonaires (troubles fonctionnels respiratoires associés à des anomalies radiologiques) et oculaires (opacités cornéennes, cataractes) ont été obser­vées chez les survivants de l'accident.

    L'exposition de volontaires à des vapeurs d'isocyanate de méthyle pendant 1 à 5 minutes a entraîné une irritation des yeux, du nez et de la gorge, ainsi qu'un effet lacry­mogène à la concentration de 2 ppm. Les effets d'irrita­tion des muqueuses, jugés sévères à la concentration de 4 ppm, étaient insupportables à 21 ppm. La concentration de 0,4 ppm n'entraînait aucun symptôme d'irritation [41].

    Les projections oculaires peuvent produire de sévères brû­lures pouvant laisser des séquelles [42, 43].

    Les projections cutanées peuvent produire une irritation de la peau en cas de contact prolongé [44].

    Bien qu'aucun cas de sensibilisation cutanée ou respira­toire n'ait été publié à ce jour dans le cadre des exposi­tions à l'isocyanate de méthyle, les nombreuses données existantes sur le potentiel sensibilisant des substances de la classe des isocyanates rendent ce type d'effet très probable.

    Toxicité chronique [40]

    Les données sont très limitées.

    Une étude réalisée sur une période de 10 ans chez 431 employés d'une usine de production d'isocyanate de méthyle n'a pas mis en évidence d'effet significatif sur la fonction pulmonaire. Cependant, les résultats sont à prendre avec précaution compte tenu des limites métho­dologiques de l'étude et du manque d'information sur les niveaux d'expositions des travailleurs [44].

    Effets génotoxiques [40]

    Une augmentation de la fréquence des aberrations chro­mosomiques et des échanges de chromatides sœurs a été mise en évidence dans les lymphocytes circulants de sujets exposés lors de l'accident industriel de Bhopal, par rapport à une population non exposée [45, 46]. La portée de ces études est cependant limitée, notamment du fait de l'absence de donnée sur les niveaux d'exposition ainsi que sur l'existence potentielle de nuisances associées.

    Effets cancérogènes

    Il n'y a pas d'étude publiée dans le cadre d'expositions chroniques en milieu professionnel.

    Les potentiels effets cancérogènes de l'isocyanate de méthyle n'ont pas été évalués par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC).

    Effets sur la reproduction [47]

    Une étude réalisée sur 638 femmes enceintes au moment de l'accident industriel de Bhopal et exposées à l'iso­cyanate de méthyle a mis en évidence des taux d'avor­tements spontanés et de mortalité néonatale élevés, respectivement de 49,4 % et 12,1 %, mais pas d'excès de malformations chez les nouveau-nés. Toutefois, les don­nées disponibles (en particulier le manque d'information sur la toxicité maternelle) ne permettent pas de détermi­ner si les effets constatés correspondent à un effet direct de l'isocyanate de méthyle sur le fœtus ou l'embryon ou à une conséquence de l'état de santé maternel [48].

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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