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Aldicarbe

Fiche toxicologique n° 153

Sommaire de la fiche

Édition : 1997

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme [1, 4-6, 13]

    Bien absorbé par voies orale, cutanée et respiratoire, l'aldicarbe est distribué largement dans l'organisme. Métabolisé au niveau hépatique, il est éliminé avant tout dans les urines et à un moindre degré dans les fèces.

    Chez l'animal

    L’aldicarbe est absorbé rapidement par voie digestive (par le biais d'aliments). En milieu professionnel, il est absorbé princi­palement par voies cutanée mais aussi respiratoire (poussières ou aérosols) et oculaire.

    Chez le rat, l'absorption digestive est rapide et quasi-complète puisque 90 % de la dose administrée par voie orale sont retrouvés dans l’urine. Le passage percu­tané de l’aldicarbe en solution aqueuse ou organique a été démontré chez le rat et le lapin. Chez le rat, après administration orale (0,4 mg/kg, dose unique), l'aldicarbe se distribue dans l’ensemble des tissus, notamment dans ceux du fœtus.

    Chez le rat, l’aldicarbe est transformé en quasi-totalité par les enzymes microsomiales hépatiques par le biais d'une S-oxydation, en sulfoxyde et sulfone d’aldicarbe, Puis l’aldicarbe et ses métabolites sont détoxifiés par hydrolyse en oximes et nitriles.

    La principale voie d’excrétion de l'aldicarbe et de ses métabolites est urinaire, tandis qu’une faible quantité est éliminée dans les fèces ou exhalée sous forme de dioxyde de carbone. Il ne s'accumule pas dans l’organisme.

    Chez le rat, environ 80 % d’une dose orale unique sont éliminés dans les urines et 5 % dans les fèces, dans les 24 h qui sui­vent l'administration. L'excrétion biliaire est faible mais supérieure à l'excrétion fécale, ce qui indique un cycle entérohépatique.

    Les principaux métabolites urinaires sont le sulfoxyde, le nitrile sulfoxyde et l’oxime sulfoxyde d’aldicarbe. Une faible quantité d’aldicarbe, d’oxime et de sulfone d’aldi­carbe se retrouvent dans les urines.

    Surveillance Biologique de l'exposition

    La surveillance biologique de l'exposition à l'aldicarbe, fondée sur la détermination de l’activité des cholinestérases du sang, est délicate. En effet, la réactivation rapide des cholinestérases impose de réaliser le pré­lèvement sanguin et son analyse dans les 4 heures qui suivent l'exposition.

    Le dosage des cholinestérases intraérythrocytaires (ou cholinestérases vraies) est le meilleur reflet de l’activité cholinestérasique du système nerveux central. Il est nécessaire de définir une valeur de référence avant toute exposition. Seule une variation de plus de 20 % par rapport à cette valeur devra être prise en considé­ration pour apprécier une éventuelle intoxi­cation.

    Les cholinestérases plasmatiques (ou pseudocholinestérases) sont plus sensi­bles mais moins spécifiques, car augmen­tées dans certaines pathologies hépati­ques, lors de prises médicamenteuses, d’infections, etc.

    La détection des métabolites urinaires, quoique intéressante pour la surveillance biologique, n'est pas de pratique cou­rante ; les données chez l’homme sont insuffisantes pour proposer des valeurs de référence.

  • Mode d'actions [1, 2, 6]

    L’aldicarbe et ses deux métabolites, le sul­foxyde et la sulfone d'aldicarbe, sont des inhibiteurs des cholinestérases. Ils provo­quent rapidement une inhibition réversible (en quelques minutes à 6 heures, le plus souvent en 2 heures) de l'activité acétyl­cholinestérase du système nerveux et des tissus, par le biais d'une carbamylation. Cette enzyme, localisée principalement dans le tissu nerveux à la jonction neuro­musculaire et dans les érythrocytes, est responsable de l’hydrolyse spécifique de l’acétylcholine.

    L’inhibition conduit à l'accumulation de ce médiateur :

    • au niveau des fibres postganglionnaires du système nerveux parasympathique et des fibres préganglionnaires du système nerveux autonome avec, pour conséquen­ces, un syndrome muscarintque et un syn­drome nlcotinlque ;
    • au niveau de la jonction neuromusculaire et des synapses interneuronales du sys­tème nerveux central avec, pour consé­quences, des effets musculaires et neuro­logiques.

    L’aldicarbe et ses mélabolites provoquent également une inhibition, sans consé­quence directe sur le plan toxicologique, des pseudocholinestérases localisées dans le plasma, le foie et l’Intestin et res­ponsables de l’hydrolyse d’une variété d’esters endogènes e! exogènes.

  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë [2]

    Les effets sont les mêmes que chez l'homme et apparaissent à faible dose. L'aldicarbe n'est pas irritant ni sensibilisant.

    L’aldicarbe est très toxique. Chez le rat, la DL50 par voie orale est comprise entre 0,3 et 0,9 mg/kg, Par voie cutanée, la DL50 dépend du véhicule utilisé : chez le lapin, elle est de 5 mg/kg dans du propylèneglycol et de 32 mg/kg dans l'eau ; chez le rat, elle est de 3 mg/kg dans du xylène.

    Les rats résistent mieux à une exposition à des vapeurs ou un aérosol d'aldicarbe qu'à une exposition à des poussières (100% de mortalité chez le rat exposé 5 min à 200 mg/m3 de poussières d'aldicarbe),

    Si l'intoxication aigue n’entraîne pas la mort des animaux, on observe une récu­pération spontanée et complète des effets cholinergiques dans les 6 heures.

    Chez le lapin, l’aldicarbe n’est pas irritant pour la peau tandis que sur l'œil, il entraîne une irritation transitoire limitée à la conjonctive. Chez le cobaye, l'aldicarbe n'a pas montré de propriété sensibilisante.

    Toxicité subchronique, chronique [2, 14]

    Chez l'animal, l'aldicarbe provoque une inhibition des cholinestérases ainsi que des effets immunosuppresseurs.

    L'application d'aldicarbe sur la peau abrasée du lapin (5, 10 et 20 mg/kg/j, 6 h/j, 15 j) a entraîné une perte de poids et une diminution de l’activité des cholinestérases plasmatiques aux deux plus fortes doses.

    Chez le rat, l'administration dans la nour­riture de 0,3 mg/kg/j pendant 2 ans n’a pas montré d’effet antichollnestérasique. Chez le chien, aucun effet anticholinestérasique n'est observé à la dose de 0.1 mg/kg/j administré dans la nourriture pendant 2 ans ; une autre étude montre l’inhibition des cholinestérases plasmatiques a partir de 0,05 mg/kg/j administré dans la nourri­ture pendant un an.

    Des propriétés immunosuppressives de mécanisme non encore clairement établi ont été attribuées à l’aldicarbe. La sup­pression expérimentale des réponses humorales dépendantes des lymphocytes T ne serait que le résultat d’une action indirecte de l'aldicarbe liée à la présence de récepteurs cholinergiques à la surface de certaines sous-populations lymphocy­taires.

    Effets génotoxiques [2, 15, 16]

    Il induit des réactions génotoxiques dans quelques systèmes in vitro et in vivo sur des cellules somatiques. Les tests sur cellules germinales sont négatifs.

    In vitro, l'aldicarbe n'est pas mutagène dans le test d'Ames sur bactéries.

    In vitro, l’aldicarbe induit des mutations géniques ponctuelles sur les cellules de lymphome de souris mais pas sur les cel­lules ovariennes de hamster chinois, des aberrations chromosomiques et des échanges de chromatides sœurs sur lym­phocytes humains. Par contre, il ne provo­que pas de synthèse non programmée d'ADN sur hépatocytes de rat ni de cassu­res d'ADN sur fibroblastes humains.

    In vivo, des effets clastogènes après injec­tion intrapéritonéale sont constatés sur les cellules de moelle osseuse de rat mais pas sur celles de souris, Le test de dominance létale chez le rat par voie orale est négatif.

    Effets cancérogènes [2]

    Les tests réalisés ne montrent pas de potentiel cancérogène.

    Chez la souris, l’application cutanée d’une solution d’aldicarbe (0,125 %, 2 fois/sem, 28 mois) n'entraîne pas de développement de papillomes et de carcinomes cutanés. L'administration dans la nourriture (doses : 0,1, 0,3, 0,7 mg/kg/j, 18 mois ; concentra­tions : 2 et 6 ppm, 2 ans) ne modifie pas l'incidence des tumeurs.

    Chez le rat, l’administration dans la nour­riture (doses: 0,005, 0,025, 0,05, 0,10, 0,30 mg/kg/j, 2 ans ; concentrations : 2 et 6 ppm, 2 ans) ne provoque pas d’augmen­tation de l’incidence des tumeurs.

    Effets sur la reproduction [2]

    Il n'y a pas de donnée suffisante pour juger d'un effet sur la fertilité. L'aldicarbe peut avoir des effets sur le développement en présence d'une forte toxicité maternelle.

    L'aldicarbe passe la barrière placentaire chez le rat. Aucune anomalie de la repro­duction attribuable à l’aldicarbe n'a été signalée dans trois études conduites sur 3 générations chez le rat après administra­tion dans la nourriture à des doses com­prises entre 0,05 et 0,7 mg/kg/j.

    L’impact de l’aldicarbe sur le fœtus du rat est incertain. En effet, l’administration par gavage à des rates (0,125, 0,25 et 0,5 mg/kg/j, jour 6 à 15 de gestation), a produit une fœtotoxicité avec réduction du poids des fœtus, retard d'ossification et ecchy­moses sur le tronc, mais avec une toxicité maternelle aux deux plus fortes doses.

    Chez le lapin, l’administration par gavage (0,1, 0,25, 0,50 mg/kg/j, jour 7 à 27 de gestation) a entraîné une diminution du nombre des implantations et du nombre des fœtus viables : toutefois, ces anoma­lies étaient dans la fourchette des valeurs historiques.

  • Toxicité sur l’Homme

    Puissant inhibiteur des cholinestérases, l'aldicarbe provoque des troubles digestifs ainsi que des signes neurologiques (système nerveux central et végétatif), ces effets sont généralement réversibles rapidement mais peuvent être mortels. Lors d'expositions répétées, on peut noter des effets neurologiques et immunologiques. On ne dispose pas de donnée sur d'éventuels effets cancérogènes ou sur la fonction de reproduction.

    Toxicité aiguë [1-3, 5-7, 12]

    L’aldicarbe, puissant inhibiteur des chollnestérases, est un pesticide extrêmement dangereux. Les effets d’une surexposition peuvent être graves mais réversibles. Plu­sieurs cas d’intoxication, dont certains mortels, ont été décrits en milieu profes­sionnel, le plus souvent par pénétration cutanée du produit : ils sont liés pour la plupart à des erreurs de manipulation ou au non-respect des mesures de protection individuelle. Les cas rapportés d’intoxica­tion accidentelle dans la population géné­rale sont principalement dus à la consom­mation de cucurbitacés traités par de l’aldicarbe.

    Quelle que soit la voie de pénétration, l’intoxication par l’aldicarbe est responsa­ble de symptômes de type cholinergique. Ils associent à des degrés variables des signes d’intoxication muscarinique et nicotinique. Parmi les signes d’intoxication muscarinique, les troubles digestifs (nau­sées, vomissements, hypersalivation, crampes abdominales, diarrhées) sont les premiers à apparaître, ils doivent entraîner un arrêt immédiat de l’exposition ; s'y associent asthénie, myosis, hyperlacrymation, sueurs profuses, mictions involontai­res, bradycardie, hypotension, dyspnée, douleurs thoraciques. Les signes nicotiniques regroupent faiblesse, fasciculations et crampes musculaires, mouvements involontaires.

    Deux types de symptômes font la gravité de ce tableau : les troubles respiratoires parfois de type asthmatiforme, souvent accompagnés d'encombrement bronchi­que, voire d’œdème bronchioloalvéolaire ; les troubles neurologiques associant vision trouble, tremblements, crampes musculai­res ainsi que des signes de souffrance du système nerveux central tels une confu­sion, des convulsions, une ataxie, une paralysie des muscles respiratoires ou même un coma.

    Ces symptômes disparaissent dans la majorité des cas en moins de 24 heures, plus rapidement lors d’administration d’atropine, exceptionnellement plus lente­ment[7].

    Toxicité chronique [1, 2, 5, 8-11]

    Les effets de l'exposition chronique à l'aldicarbe sont peu documentés. Des contacts cutanés répétés ou prolongés avec le pro­duit peuvent entraîner des dermatoses irri­tatives.

    Lors d'ingestions répétées d’eaux contami­nées par de l’aldicarbe, ont été rapportés des troubles neurologiques et des anoma­lies immunologiques isolées sans manifes­tation clinique associée, intéressant les lymphocytes T (augmentation des lympho­cytes CD8, baisse du rapport CD4/CD8). Cependant, aucune relation avec l’exposi­tion à l'aldicarbe n'a pu être clairement établie.

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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