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Triéthanolamine

Fiche toxicologique n° 148

Sommaire de la fiche

Édition : 2014

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme

    Que cela soit par voie orale ou cutanée, la triéthanola­mine est rapidement absorbée ; de très faibles quantités sont ensuite distribuées dans l’organisme. Son élimination est quasiment complète sous forme inchangée via l’urine. Aucune étude n’est disponible par inhalation.

    Chez l'animal

    Chez le rat, la triéthanolamine est rapidement absorbée par voie orale, avec un taux d'absorption supérieur à 60 %, 65 minutes après administration [7]. De même par voie cutanée, le pic sanguin est atteint 2 heures après l'appli­
    cation de 1 000 ou 2 000 mg/kg, respectivement chez le rat et la souris ; l'absorption est quasiment complète en 24 heures [17].

    Après administration par voie cutanée ou intraveineuse chez le rat et la souris, la triéthanolamine est distribuée dans de nombreux organes (cœur, reins, foie, poumons et rate) mais une faible quantité est retrouvée dans ces organes à 24 heures (< 1 % après administration intravei­neuse chez la souris) et 72 heures de l'administration (< 1 % après administration intraveineuse chez le rat et la souris et cutanée chez le rat). L'élimination est rapide, principale­ment urinaire et majoritairement sous forme inchangée (95 %). Ainsi, 72 heures après l'administration par voie intraveineuse de 3 mg/kg de poids corporel à des rats et des souris femelles, respectivement 98 et 62 % de la dose administrée sont détectés dans les urines, alors que 0,6 et 27,6 % sont retrouvés dans les fèces. Une faible quantité de triéthanolamine sous forme glucuronoconjuguée est détectée dans les urines (entre 1 et 3 %)[7]. Moins de 1 % de la dose initiale est mesurée dans l'air expiré [1].

  • Mode d'actions
  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë [1, 8]

    La toxicité aiguë de la triéthanolamine est faible, quelle que soit la voie d’exposition. Les principaux effets obser­vés sont liés à son pouvoir irritant et s’accompagnent d’atteintes neurologiques, hépatiques et rénales. La triéthanolamine est un irritant cutané, respiratoire et ocu­laire. Aucun pouvoir sensibilisant n’est observé.

    La DL50 par voie orale est comprise entre 4 000 et 11 000 mg/kg chez le rat, entre 5 000 et 8 000 mg/kg chez le cobaye. Quelle que soit l'espèce, les principaux symptômes observés sont digestifs : irritation intense du tractus gastro-intestinal avec distension, hyperé­mie, hémorragies et diarrhées violentes ; ils sont liés, en grande partie, à l'alcalinité du produit. Ils s'accompagnent de troubles neurologiques (excitation puis somnolence, spasmes musculaires) et d'atteintes hépatiques et rénales mises en évidence par les examens biologiques et histo­logiques.

    Les quelques essais d'inhalation réalisés montrent que les rats survivent à 8 heures d'exposition à une atmosphère saturée en triéthanolamine.

    La DL50 par voie percutanée est supérieure à 2 000 mg/ kg chez le lapin, dose pour laquelle aucune mortalité n'est observée.

    Irritation, sensibilisation

    Au niveau cutané, l'irritation reste modérée même si l'on utilise le produit pur ; les solutions à 5 ou 10 % ne sont pas irritantes pour la peau du rat ou du lapin. L'instillation de triéthanolamine pure dans l'œil du lapin provoque une légère irritation.

    Aucun potentiel sensibilisant n'est mis en évidence chez le cobaye (test de maximisation GPMT) [10].

    Toxicité subchronique, chronique

    Les essais de toxicité chronique réalisés par voie orale chez le rat et le cobaye ont mis en évidence une néphrotoxicité et une hépatotoxicité. Par inhalation, une inflammation du larynx et une augmentation du poids des reins sont observées. Par voie cutanée, les lésions inflammatoires sont les principaux effets rapportés ; le poids du foie et des reins est aussi augmenté, mais seulement aux plus fortes doses.

    Chez le rat, l'addition dans l'eau de boisson de 2 % de trié­thanolamine (2 500 à 2 800 mg/kg pc/j), pendant 14 jours, n'entraîne aucun effet[17]. À la dose de 1 000 mg/kg pc/j pendant 69 semaines, le taux de mortalité des animaux est augmenté, surtout chez les femelles (42 % contre 16 % chez les témoins) ; une néphropathie chronique, une minéralisation et une nécrose des papilles rénales sont rapportées [18].

    Administré via la nourriture pendant 28 jours, la triéthano­lamine entraîne une hausse du poids des reins dès 500 mg/ kg pc/j, ainsi qu'une augmentation du poids du foie et un retard de croissance pondérale, à la plus forte dose (2 250 mg/kg pc/j). Des atteintes hépatiques (infiltrats et stéatose) et rénales (atteinte tubulaire) apparaissent aussi chez des rats et des cobayes recevant la triéthanolamine à des doses allant de 200 à 1 600 mg/kg pc/j (via la nourri­ture), sur une période de 60 à 120 jours[7].

    Par inhalation, l'exposition de rats et de souris à des concentrations variant de 125 à 2 000 mg/m3, 6 h/j, 5 j/ semaine, pendant 2 semaines, est à l'origine d'une légère inflammation de la muqueuse laryngée, d'une légère diminution du poids et d'une augmentation du poids des reins, dès la première dose[17]. Exposés à des concentra­tions inférieures pendant 20 jours (20-100-500 mg/m3), seule une inflammation minime de la muqueuse laryn­gée est observée, dès 20 mg/m3 [19].

    Par voie cutanée, les principaux effets observés sont des lésions inflammatoires chroniques, localisées au site d'application. Ainsi, chez la souris, à la suite de 37 appli­cations successives de 50 pL à des dilutions variables (10, 33 et 100 % dans l'acétone), une légère hyperplasie de l'épiderme est observée ; aucune mortalité ou toxicité systémique n'est notée [20]. L'application du produit pur, 5 j/semaine, pendant 2 semaines, chez le rat (doses de 140 à 2 250 mg/kg pc/j) et chez la souris (doses de 210 à 3 370 mg/kg pc/j), est à l'origine d'une inflammation chronique avec nécrose cutanée ; aucune lésion hépa­tique ou rénale n'a été observée. Seule l'administration de fortes doses (2 000 mg/kg pc/j chez le rat et 4 000 mg/kg pc/j chez la souris) pendant 13 semaines entraîne, en plus d'une acanthose, une augmentation du poids du foie et des reins[21].

    Effets génotoxiques [7]

    Lors de la réalisation de tests in vitro et in vivo, la triétha­nolamine n’a pas montré de potentiel mutagène, clastogène ou aneugène.

    In vitro, les essais de mutagénèse réalisés sur plusieurs souches de Salmonella typhimurium et Escherichia coli, avec ou sans activation métabolique, se sont tous révé­lés négatifs. La triéthanolamine n'induit pas de recom­binaison génétique sur Saccharomyces cerevisiae, ni d'aberrations chromosomiques ou d'échanges de chro- matides sœurs sur les cellules ovariennes, pulmonaires ou embryonnaires de hamster chinois, ni d'altération du matériel génétique sur les cellules hépatiques de rat. Les résultats sont également négatifs dans un test de syn­thèse non programmée de l’ADN (sur culture d'hépato­cytes de rat).

    In vivo, l'application cutanée de triéthanolamine pendant 13 semaines n'augmente pas le nombre de micronoyaux observés dans les cellules sanguines des souris exposées.

    Effets cancérogènes

    À la suite d’une administration via l’eau de boisson ou d’une application cutanée, aucun effet cancérogène n’est mis en évidence. L’administration via la nourriture de triéthanolamine est à l’origine d’une augmentation du nombre de lymphomes du thymus chez la souris.

    Sur plusieurs essais de cancérogénèse réalisés avec la triéthanolamine pure, un seul a donné un résultat positif malgré une durée d'exposition plus courte que celle pré­conisée pour une étude de cancérogénèse (64 semaines) :

    • chez la souris, l'addition du produit dans la nourri­ture, à la concentration de 0,03 % ou de 3 % pendant 64 semaines a provoqué une augmentation significative de la fréquence des tumeurs au niveau de différents organes, faible pour les tumeurs bénignes ou malignes dans les deux sexes (+ 8 %), plus nette pour les lymphomes du thy­mus chez les femelles aux 2 doses testées (+ 32 %)[22] ;
    • une autre étude chez la souris ne montre pas d'augmen­tation de l'incidence des cancers après administration de triéthanolamine dans l'eau de boisson â des concentra­tions de 1 % ou 2 % pendant 78 semaines [23] ;
    • chez le rat, l'administration du produit dans l'eau de boisson à la concentration de 1 à 2 % pendant 2 ans n'a pas entraîné d'augmentation significative du nombre de tumeurs primitives par rapport à un groupe témoin [18] ;
    • chez le rat, l'application cutanée répétée du produit (en solution dans l'acétone, pendant 103 semaines, 0-32­63-125 mg/kg pc/j pour les mâles et 0-63-125-250 mg/ kg pc/j pour les femelles) ne met en évidence aucun effet cancérogène [21] ;
    • chez la souris, l'application cutanée répétée du produit (en solution dans l'acétone, pendant 103 semaines, 0-200­630-2 000 mg/kg pour les mâles et 0-100-300-1 000 mg/ kg pour les femelles) augmente la fréquence d'apparition de plusieurs types de tumeurs hépatiques (chez les mâles, adénome, hépatoblastome, carcinome ; chez les femelles, adénome et carcinome). Toutefois, il est impossible d'in­terpréter ces résultats, les souris étant infectées par une bactérie hépatique (Helicobacter hepaticus), connue pour induire le développement de tumeurs hépatiques[21].
    Effets sur la reproduction

    Par voie cutanée, aucun effet sur la fertilité ou le dévelop­pement n’est mis en évidence. Par contre, l’administration par voie orale de triéthanolamine diminue le nombre d’im­plantations, la taille des portées et augmente la fréquence des pertes post-implantatoires.

    Fertilité [21]

    Aucun effet sur la motilité, la morphologie ou le nombre de spermatozoïdes n'est rapporté chez des rats et des sou­ris exposés respectivement jusqu'à 2 000 et 4 000 mg/kg pc/j, par voie cutanée (en solution dans l'acétone), pen­dant 13 semaines.

    Après administration par voie orale, dans le test décrit ci- dessous, on observe une réduction du nombre d'implan­tations suggérant un effet sur la fertilité.

    Développement

    Des rats mâles et femelles ont reçu par gavage 100, 300 ou 1 000 mg/kg pc/j de triéthanolamine, pendant 5 semaines pour les mâles (2 semaines avant l'accouple­ment + 2 semaines pendant la période d'accouplement + 1 semaine) et pour les femelles, depuis avant l'accou­plement, jusqu'au 4e jour de lactation. Chez les animaux exposés à la plus forte dose, une diminution du nombre d'implantations et de la taille moyenne des portées est observée, ainsi qu'une augmentation de pertes post- implantatoires[1].

    Chez des rates, à la suite de l'application cutanée de 500 mg/kg pc/j de triéthanolamine en solution dans l'acétone, 10 semaines avant l'accouplement, pendant la gestation et la lactation, la croissance et la survie des nou­veau-nés ne sont pas affectées. Une étude similaire, réali­sée chez des souris femelles exposées à 2 000 mg/kg pc/j, ne met en évidence aucun effet sur le développement des nouveau-nés[17].

  • Toxicité sur l’Homme

    La triéthanolamine est faiblement irritante pour la peau et modérément irritante pour les yeux. C’est un sensibilisant cutané et possiblement respiratoire. Les données chez l’homme ne permettent pas de conclure quant à la cancérogénicité de la triéthanolamine. Aucune donnée de génotoxicité ou de toxicité pour la reproduction n’est disponible.

    Toxicité aiguë

    Du fait de la faible pression de vapeur de la triéthanola­mine, une exposition significative par voie respiratoire paraît peu probable (en dehors de situations exposant à des aérosols de préparations contenant de la triéthanola­mine) et le principal risque en milieu professionnel est la contamination cutanée ou oculaire par contact direct[3]. À une concentration inférieure à 5 %, la triéthanolamine n'a généralement pas d'effets irritants cutanés [7]. Une étude clinique, visant à évaluer l'usage de biomarqueurs du potentiel irritant, a comparé 4 tensioactifs dont la triéthanolamine [24]. Différents paramètres sont étu­diés après application de tests épicutanés occlusifs avec les tensioactifs à concentrations croissantes (0 à 100 % pour la triéthanolamine lors de la phase de criblage puis 765 μmol/cm2 en moyenne lors de la phase de provo­cation) sur l'avant-bras de volontaires : score visuel de l'érythème, mesure de la perte d'eau transépidermique, quantification de médiateurs pro-inflammatoires (acide arachidonique, eïcosanoïdes, Il-1α) dans le liquide obtenu par création d'une dépression séparant l'épiderme du derme. Ces tests montrent peu ou pas d'effets irritants de la triéthanolamine.

    La triéthanolamine est modérément irritante pour les yeux.

    Toxicité chronique

    Quelques rares publications anciennes rapportent des cas de dermatite de contact allergique professionnelle à la trié­thanolamine liés à l'exposition aux fluides de coupe [25, 26]. Les études des dermatoses professionnelles, chez des ouvriers exposés aux fluides de coupe aqueux, réalisées dans les années 90 et 2000, montrent que la triéthanola­mine est rarement responsable d'une sensibilisation de contact et ne semble pas un allergène de contact majeur dans ce secteur d'activité malgré son utilisation relative­ment large dans les fluides de coupe aqueux[27-29]. Plusieurs cas de dermatite de contact allergique à la triéthanolamine utilisée comme émulsifiant dans de nombreux produits cosmétiques (émollients, crèmes de protection solaire) et des médicaments topiques sont décrits [30-35].

    Une équipe allemande a analysé les données des tests épicutanés réalisés dans une série de 85 098 patients tes­tés avec la triéthanolamine à 2,5 % dans la vaseline entre 1992 et 2007[36]. Parmi eux, 323 patients (0,4 %) ont des tests positifs. Dans beaucoup de cas, le profil des réactions indique un léger potentiel irritant plutôt qu'une vraie réponse allergique. Aucune exposition en particulier n'a été identifiée comme associée à un risque augmenté de sensibilisation à la triéthanolamine. Les rares cas de sensi­bilisation à cette substance observés dans cette série sont induits de façon sporadique par des produits cosmétiques ou des préparations pharmaceutiques topiques conte­nant de la triéthanolamine. Le risque de sensibilisation à cette substance semble très faible.

    Une seule publication rapporte deux cas d'asthme profes­sionnel chez des salariés de l'industrie métallurgique expo­sés à des huiles de coupe contenant de la triéthanolamine [37]. Les symptômes (essoufflement, toux, constriction tho­racique, rhinite) sont rythmés par le travail. Le test de pro­vocation bronchique avec l'huile de coupe chauffée entraîne une chute immédiate (et persistante 20 heures après chez l'un des sujets) du débit expiratoire de pointe. Une réponse similaire est obtenue chez l'un des salariés avec l'huile de coupe non chauffée (alors que le test avec une huile de coupe sans triéthanolamine est négatif) et chez le deuxième salarié avec de la triéthanolamine pure non chauffée.

    Effets génotoxiques

    Aucune donnée n'est disponible chez l'homme.

    Effets cancérogènes

    La triéthanolamine et la diéthanolamine sont utilisées comme additifs des fluides de coupe aqueux. De nom­breuses études ont évalué le risque de cancer chez les ouvriers exposés aux fluides de coupe mais aucune ne spécifie une exposition à la triéthanolamine en particu­lier. Le CIRC a revu les publications mentionnant l'usage d'éthanolamines comme additifs ou l'exposition à des fluides de coupe aqueux principalement. La triéthanolamine a été évaluée en 2000 comme inclassable quant à sa cancérogénicité pour l'homme sur la base de preuves inadéquates chez l'homme et chez l'animal (groupe 3)[7]. Il est à noter que l'interaction entre les éthanolamines et les nitrites, autres composants des fluides de coupe, pour­rait conduire à la formation de N-nitrosodiéthanolamine, cancérogène présumé chez l'homme (catégorie 1B dans l'Union européenne et groupe 2B du CIRC).

    Effets sur la reproduction

    Aucune donnée n'est disponible chez l'homme.

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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