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Chlorure d'hydrogène (ou acide chlorhydrique) et solutions aqueuses

Fiche toxicologique n° 13

Sommaire de la fiche

Édition : Février 2019

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme [3, 6]

    L’absorption, la distribution et l’excrétion du chlorure d’hy­drogène sont identiques chez l’homme et l’animal. Après inhalation ou ingestion, il est rapidement dissocié en ions H+ et Cl- ; ces derniers entrent dans le pool corporel, l’excé­dent est éliminé dans l’urine.

    Chez l'animal

    Les vapeurs de chlorure d'hydrogène ou les gouttelettes (aérosol/brouillard) de ses solutions aqueuses peuvent être inhalées et provoquer des effets locaux sur le tractus respiratoire supérieur ; une pénétration plus profonde peut se produire lors d'une ventilation plus importante. Le chlorure d'hydrogène se dissocie rapidement et l'anion Cl- entre dans le pool corporel des électrolytes. L'acidité de la paroi muqueuse du tractus respiratoire peut être partiel­lement neutralisée par l'ammoniaque corporelle.

    Les effets locaux des solutions aqueuses sont surtout dus à l'ion H+ (dépôt local de protons, modification du pH) plus qu'à l'anion Cl-. L'acide chlorhydrique est un constituant normal du suc gastrique où il joue un rôle physiologique important ; l'estomac est adapté aux variations d'acidité. Après ingestion, seule la membrane muqueuse du tractus gastro-intestinal est lésée. Des défenses naturelles immé­diates contre les modifications de pH sont apportées par des solutions tampons ; la régulation du pH dépend, en dernier recours, des poumons (excrétion de CO2) et des reins (régénération de bicarbonate par une excrétion de protons dans l'urine) ; les ions Cl- excédentaires sont éli­minés dans l'urine.

  • Mode d'actions
  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë [3]

    Le chlorure d’hydrogène, ou ses solutions aqueuses, sont corrosifs ou irritants selon la concentration ; ils induisent des effets locaux sur la peau, les yeux et le tractus gastro­-intestinal, après exposition directe à une dose suffisam­ment élevée.

    Voie

    Espèce

    DL50/CL50

    Orale

    Rat

    238 - 277 mg/kg (sol à 3,3 %)

    700 mg/kg

    Lapin

    900 mg/kg

    Inhalation

    (gaz)

    Rat

    23,7 - 60,9 mg/L/5 min

    5,7 - 7,0 mg/L/30 min

    4,2 - 4,7 mg/L/60 min

    Souris

    20,9 mg/L/5 min

    3,9 mg/L/30 min

    1,7 mg/L/60 min

    Lapin

    Cobaye

    6,5 mg/L/30 min [6]

    Inhalation

    (aérosol)

    Rat

    45 mg/L/5 min

    5,7 - 8,3 mg/L/30 min

    Souris

    16,5 mg/L/5 min

    2,1 - 3,2 mg/L/30 min

    Cutanée

    Lapin

    > 5 010 mg/kg

    Tableau 1 : Toxicité aiguë du chlorure d'hydrogène.

    Les signes cliniques d'une exposition au gaz ou à l'aérosol sont une baisse de la fréquence respiratoire (chez la souris à partir de 99 ppm, soit 148 mg/m3 [6]), une irritation et/ou une corrosion des yeux (opacification et érosion de la cornée) et de la peau (en particulier, ulcération du scrotum) ; les animaux meurent, rapidement après l'expo­sition, par arrêt respiratoire (emphysème alvéolaire, atélectasie et œdème des poumons).

    Administré par voie orale, l'acide chlorhydrique provoque, chez le rat, une ulcération de l'estomac, une inflammation aiguë de l'intestin, une décoloration du foie et une hyperémie des poumons. Des lésions sévères et une per­méabilité aux ions H+ augmentée ont été observées dans l'œsophage de lapins après perfusion avec des solutions d'acide chlorhydrique (40 à 80 mmoles/l). Une œsophagite est observée chez le chat traité par cet acide (pH 1 à 1,3) pendant 1 heure.

    Des souris, exposées à 304 ppm (453 mg/m3) 6 h/j pen­dant 3 jours, sont moribondes et présentent une exfoliation de l'épithélium respiratoire et érosion, ulcération et nécrose de l'épithélium olfactif. Aucune modification patholo­gique des paramètres respiratoires n'est provoquée chez le cobaye par une exposition à 15 mg/m3, 2 h/j, 5 j/sem pendant 7 semaines.

    Irritation

    Des concentrations comprises entre 3,3 % et 17 % sont irri­tantes pour la peau ; au-delà, elles sont corrosives.

    Sur l'œil, des concentrations supérieures à 3,3 % provoquent une irritation grave ; les symptômes peuvent inclure rou­geurs, gonflements, douleurs et larmes. Une exposition prolongée, ou à concentration bien plus forte, induit une opacité cornéenne, une ulcération et une diminution de la vision avec risque d'altération permanente. La sévérité de l'irritation est liée à la durée du traitement (les larmes ont un effet tampon et diluant). Chez le lapin, 0,1 ml d'une solution aqueuse à 10 % provoque une altération perma­nente de la vision ; la concentration non irritante est 0,33 %.

    L'acide chlorhydrique est un irritant respiratoire pour la souris ; la RD50 est de 309 ppm (460 mg/m3), 6 h/j pen­dant 3 jours.

    Sensibilisation

    Le test de maximisation chez le cobaye (induction et déclenchement : solution à 1 %) et le test de gonflement de l'oreille de la souris (induction 1 %, déclenchement 5 %) donnent des résultats négatifs.

    Toxicité subchronique, chronique [3]

    Une exposition à long terme confirme les effets irritants de l'acide chlorhydrique ou de ses solutions aqueuses.

    Des rats et des souris sont exposés à 0-10-20 et 50 ppm, 6 h/j, 5 j/sem pendant 90 jours ; les souris exposées à 50 ppm présentent une baisse de la prise de poids et de nourriture ainsi qu'une baisse du poids du foie (mâle) ; les rats diminuent la prise de nourriture à 20 et 50 ppm et perdent du poids (mâles, 50 ppm). Aucune modification des paramètres sanguins ou urinaires n'a été notée. Des modifications inflammatoires des lèvres et des cavités nasales ont été observées (rats > 10 ppm, souris > 20 ppm). La NOAEL est de 20 ppm chez le rat et la souris si on excepte l'irritation locale.

    Une exposition à 10 ppm, 6 h/j, 5 j/semaine pendant toute la durée de la vie induit chez le rat des effets sur le tractus respiratoire supérieur : rhinite, hyperplasie épithéliale ou squameuse et métaplasie squameuse de la muqueuse nasale, hyperplasie du larynx et de la trachée [8].

    Des rats ont été exposés à 280-1250 mmol/kg de nourri­ture (10,2-45,6 mg/kg de nourriture) pendant 7 à 12 semaines. À la plus forte dose, les animaux présentent une baisse de poids, de prise de nourriture, du pH sanguin, de la longueur du fémur et du taux de cendres dans les os.

    L'acidification de l'eau de boisson par l'acide chlorhydrique jusqu'à pH 2 provoque, chez le rat exposé pendant 21 semaines, une baisse du volume de l'urine et du taux de protéines urinaires [9].

    Effets génotoxiques [3, 6]

    L’acide chlorhydrique n’est pas mutagène in vitro. In vivo, il donne des résultats positifs dans un test.

    In vitro, les tests bactériens (test d’Ames S. typhimurium, recombinaison mitotique S. cerevisiae et E. coli, mutation reverse E. coli) donnent des résultats négatifs. Les tests non bactériens donnent des résultats positifs à forte dose (aberrations chromosomiques et échanges entre chromatides sœurs cellules ovariennes de hamster chinois, avec ou sans activateurs métaboliques, pH = 5,3 - 5,5 ; mutations géniques cellules de lymphome de souris, dose cyto­toxique) et négatifs à plus faible dose et pH plus élevé (≈ 6,3). Les résultats positifs sont considérés comme un artéfact dû au pH faible.

    In vivo, des résultats positifs sont obtenus dans un test de létalité récessive liée au sexe chez la drosophile par inha­lation de vapeurs ou en nourrissant les larves avec la solu­tion aqueuse.

    Effets cancérogènes [3, 6]

    L’acide chlorhydrique n’est pas cancérogène pour l’animal.

    L'exposition de rats par inhalation à 10 ppm de chlorure d'hydrogène gazeux, 6 h/j, 6 j/sem, pendant 128 semaines, n'augmente ni la mortalité ni l'incidence des tumeurs malignes chez les animaux traités, malgré l'augmentation de l'hyperplasie dans le larynx et la trachée.

    L'exposition de souris par voie cutanée (3 - 5 % acide chlor­hydrique, 25 à 46 semaines) n'induit pas l'apparition de tumeur maligne.

    En exposition combinée (6 h/j, 5 j/sem, 128 semaines), le chlorure d'hydrogène (9,9 ppm, soit 14,8 mg/m3) mélangé avec du formaldéhyde (15,2 ppm, soit 18,7 mg/m3) induit, chez le rat, des carcinomes de la muqueuse nasale de façon identique au formaldéhyde seul. Le taux de tumeurs totales est légèrement plus élevé chez les animaux expo­sés au mélange réalisé avant la chambre d'inhalation que chez ceux exposés au mélange dans la chambre d'inhala­tion ou au formaldéhyde seul. Les auteurs suggèrent la formation d'agents alkylants par réaction entre les deux composés [8].

    Effets sur la reproduction [6]

    Les effets de l’acide chlorhydrique sur la reproduction ne se manifestent qu’à des concentrations toxiques pour les mères.

    Des rates, exposées au chlorure d'hydrogène (450 mg/m3 pendant 1 heure), soit 12 jours avant l'accouplement, soit au 9ième jour de gestation, présentent une létalité importante (30 %) et, chez les survivantes, une perturbation de la fonction pulmonaire (baisse de la saturation en oxygène) et rénale (augmentation de l'excrétion de protéines et de chlorures). La mortalité postnatale est augmentée et la fonction rénale des petits de sexe masculin perturbée (augmentation de la diurèse et baisse de l'excrétion de protéines) si l'exposition est faite pendant la gestation ; le poids des petits est plus faible quand la mère a été expo­sée avant l'accouplement. Dans les deux cas, on observe une augmentation de la sensibilité pulmonaire.

  • Toxicité sur l’Homme

    Le chlorure d’hydrogène et ses solutions aqueuses sont caustiques et peuvent provoquer, en cas d’exposition à une concentration suffisante, des brûlures chimiques de la peau, des yeux et des muqueuses respiratoire et digestive. Les effets d’une exposition chro­nique sont également de type irritatif. Dans une évaluation récente (2012), le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé les brouillards d’acides inorganiques forts dans le groupe 1 des substances cancérogènes pour l’homme.

    Toxicité aiguë [10-14]

    En milieu professionnel, les principales voies d'exposition sont les voies respiratoire et cutanée.

    La contamination cutanée ou oculaire (projection de solu­tions d'acide chlorhydrique ou exposition au chlorure d'hy­drogène gazeux, à des vapeurs ou des aérosols d'acide) entraîne localement des brûlures chimiques dont la gravité est fonction de la concentration de la solution, de l'impor­tance de la contamination et de la durée du contact. Selon la profondeur de l'atteinte cutanée, on peut observer un érythème chaud et douloureux, la présence de phlyctènes ou une nécrose. L'évolution peut se compliquer de surinfec­tion, de séquelles esthétiques ou fonctionnelles. Au niveau oculaire, la symptomatologie associe une douleur immé­diate, un larmoiement, une hyperhémie conjonctivale et souvent un blépharospasme. Des lésions séquellaires sont possibles : adhérences conjonctivales, opacités cornéennes, cataracte, glaucome, voire cécité.

    L'exposition par inhalation au chlorure d'hydrogène gazeux, à des vapeurs ou des aérosols de solutions aqueuses d'acide chlorhy­drique provoque immédiatement des signes d'irritation des voies respiratoires. Dans un rapport compilant les signes subjectifs d'irritation en fonction du niveau d'expo­sition au chlorure d'hydrogène chez des ouvriers effec­tuant du décapage d'acier, les auteurs ont observé l'absence d'effet irritatif à des concentrations de 3 à 4,5 mg/m3, un début d'irritation rapidement régressive à 5,2 mg/m3 et une irritation faible des voies aériennes pour des expositions de l'ordre de 7 à 11 mg/m3. Le chlorure d'hydrogène gazeux étant très hydrosoluble, il est rapide­ment dissous et provoque des lésions des voies aériennes supérieures. Quant à la pénétration dans l'arbre respira­toire des brouillards d'acide et la localisation initiale des lésions, elles dépendent notamment de la taille de l'aéro­sol. La symptomatologie observée comprend : rhinorrhée, éternuements, sensation de brûlure nasale et pharyngée, toux, dyspnée, douleur thoracique. La survenue d'un œdème laryngé ou d'un bronchospasme peut d'emblée engager le pronostic vital. À l'arrêt de l'exposition, la symptomatologie régresse le plus souvent, mais un œdème pulmonaire lésionnel peut survenir de façon retardée, jusqu'à 48 heures après l'exposition. Secondaire­ment, la surinfection bactérienne est la complication la plus fréquente. L'hypersécrétion bronchique et la desqua­mation de la muqueuse bronchique en cas de brûlure étendue sont responsables d'obstructions tronculaires et d'atélectasies. À terme, des séquelles respiratoires sont possibles : asthme induit par les irritants (en particulier, syndrome de dysfonctionnement réactif des voies aériennes ou syndrome de Brooks), sténoses bronchiques, bronchec­tasies, fibrose pulmonaire.

    L'ingestion d'une solution concentrée d'acide chlorhy­drique est suivie de douleurs buccales, rétrosternales et épigastriques associées à une hypersialorrhée et des vomissements fréquemment sanglants. L'examen de la cavité bucco-pharyngée et la fibroscopie œsogastroduodénale permettent de faire le bilan des lésions caustiques du tractus digestif supérieur. Le bilan biologique révèle une acidose métabolique et une élévation des enzymes tissulaires, témoins de la nécrose tissulaire, une hyper­leucocytose, une hémolyse et une hyperchlorémie. Des complications peuvent survenir à court terme : perfora­tion œsophagienne ou gastrique, hémorragie digestive, fistulisation (fistule œsotrachéale ou aorto-œsophagienne), détresse respiratoire (révélant un œdème laryngé, une destruction du carrefour aérodigestif, une pneumopathie d'inhalation ou une fistule œsotrachéale), état de choc (hémorragique, septique...), coagulation intravasculaire disséminée (évoquant une nécrose éten­due ou une perforation). L'évolution à long terme est dominée par le risque de constitution de sténoses digestives, en particulier œsophagiennes ; il existe également un risque de cancérisation des lésions cicatricielles du tractus digestif.

    Toxicité chronique [3, 7, 14, 15]

    L'exposition répétée au chlorure d'hydrogène gazeux, à des vapeurs ou des aérosols de solutions aqueuses peut entraîner des effets irritatifs :

    • dermatite d'irritation et conjonctivite ;
    • ulcérations de la muqueuse nasale et orale, épistaxis, gingivorragies ;
    • érosions dentaires (des érosions dentaires ont été obser­vées chez 34 des 38 ouvriers, décapeurs dans une usine de galvanisation ; l'évaluation de l'exposition montrait qu'ils étaient exposés à l'acide chlorhydrique à une concentra­tion supérieure à 5 ppm pendant plus d'un quart de leur temps de travail [16] ; on peut noter l'absence de groupe témoin et le faible effectif des salariés ne permettant pas d'analyser une éventuelle relation dose-effet) ;
    • bronchite chronique.
    Effets cancérogènes [7]

    Dans une récente évaluation, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a considéré que les données étaient suffisantes concernant le lien entre exposition aux aérosols d'acides inorganiques forts et risque de cancer du larynx mais limitées pour pouvoir affirmer une associa­tion causale avec le cancer bronchique. Même s'il semble plausible que la diminution locale du pH en rapport avec l'inhalation d'acides inorganiques forts puisse provoquer des dommages cellulaires et une prolifération réaction­nelle, aucun mécanisme n'est formellement identifié comme étant à l'origine des cancers observés.

    Effets sur la reproduction

    Il n'y a pas de donnée humaine permettant d'évaluer les effets de l'exposition au chlorure d'hydrogène sur la repro­duction (fertilité, développement). De tels effets ne sem­blent pas plausibles dans les conditions d'exposition professionnelle [15].

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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