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Triéthylamine

Fiche toxicologique n° 115

Sommaire de la fiche

Édition : Mise à jour 2015

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme

    La triéthylamine est bien absorbée par voies digestive, respiratoire et cutanée. Elle est partiellement métabolisée au niveau hépatique et la substance et son métabolite sont éliminés par voie urinaire.

    Chez l'animal

    L’expérimentation animale démontre que la triéthylamine est absorbée facilement à partir du tractus gastro-intestinal ou du tractus respiratoire comme par voie percutanée.

    La toxicocinétique et le métabolisme du produit ont été récemment étudiés chez l’homme dans le cas de l’inhalation. Cinq sujets ont été exposés 4 à 8 heures à des concentrations de produit comprises entre 2,5 et 12,5 ppm [14].

    Les points suivants ont pu être établis :

    • la fraction de produit absorbée est très importante (80 % du produit inhalé)
    • le taux plasmatique du produit baisse rapidement après la fin de l’exposition (demi-vie : 3,2 heures) ;
    • la seule biotransformation mise en évidence est une oxydation en N-oxyde de triéthylamine, vraisemblablement sous l’action d’une mono-oxydase flavine-dépendante : il n’y a pas de déalcoylation ;
    • une fraction seulement de l’amine est oxydée (24 % en moyenne avec de larges variations interindividuelles) ;
    • la triéthylamine et son métabolite sont éliminés dans les urines dont ils ne sont pas des constituants normaux (contrairement à l’éthylamine) ;
    • il existe une très bonne corrélation entre la concentration atmosphérique inhalée et le taux urinaire du produit 2 heures après la fin de l’exposition.

    En présence de nitrite ou d’un autre agent nitrosant, la triéthylamine peut donner naissance à de la diéthylnitrosamine considérée comme cancérogène. Aucune preuve n’a été apportée de l’existence d’une telle réaction dans l’estomac, même dans le cas d’un apport de nitrite exogène.

    L’action exercée par la triéthylamine sur le système nerveux central est liée, au moins en partie, à son activité inhibitrice vis-à-vis de la monoamine-oxydase cérébrale impliquée dans la régulation du taux cérébral de sérotonine [15].

    Surveillance Biologique de l'exposition

    La triéthylamine étant facilement absorbée par voies respiratoire mais aussi cutanée, une surveillance biologique peut être utile.

    Le dosage de la triéthylamine dans les urines en fin de poste et fin de semaine de travail a été proposé pour la surveillance biologique des salariés exposés, mais elle n’est pas de pratique courante. Une bonne corrélation a été montrée avec l’intensité de l’exposition de la journée. Pour la triéthylamine urinaire, il n’existe pas de valeur biologique de référence pour la population professionnellement exposée [16].

  • Mode d'actions
  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë [15, 17-24]

    Les effets aigus sont liés au caractère alcalin de la substance qui provoque de graves troubles digestifs, respiratoires et une irritation de la peau et des muqueuses oculaires. Certains effets sont irréversibles.

    La DL50 par voie orale chez le rat est comprise entre 460 et 590 mg/kg ; elle est de 545 mg/kg chez la souris et de 415 mg/kg chez le lapin. Par voie percutanée, la DL50 chez le lapin est de 570 mg/kg.

    Par inhalation, pour une exposition de 4 heures, la plus faible concentration létale chez le rat, comme chez le cobaye, est de 1 000 ppm ; chez le cobaye, elle est supérieure à 2 000 ppm pour une exposition de 30 minutes.

    Chez la souris, pour une exposition de 2 heures, la CL50 est comprise entre 1 500 et 2 500 ppm.

    Les symptômes observés aux doses létales sont essentiellement dus à l’alcalinité du produit se traduisant par une irritation intense :

    • du tractus gastro-intestinal dans le cas de l’administration orale (vomissements, diarrhées hémorragiques, foyers nécrotiques au niveau des muqueuses gastriques et intestinales) 
    • du tractus respiratoire (rhinorrhée, dyspnée, trachéite, bronchite, pneumonie et éventuellement oedème pulmonaire) et des yeux (larmoiement, conjonctivite, oedème et opacité de la cornée) dans le cas de l’inhalation.

    Le pouvoir irritant du produit sur les muqueuses des voies respiratoires se traduit chez la souris par une bradypnée : la concentration qui diminue de 50 % la fréquence respiratoire est de 156 ppm (éthylamine : 151 ppm) [23].

    À ces signes irritatifs sont associés, quelle que soit la voie d’administration, des effets systémiques : excitation motrice puis apathie, convulsions, paralysies, hyperémie des extrémités. À l’autopsie, on met en évidence des lésions diffuses des poumons, du foie et des reins.

    Localement, 500 mg de produit appliqués sur la peau du lapin sous pansement occlusif maintenu pendant 24 heures provoquent une irritation légère (lésions de grade 2 sur 10). Chez la souris, l’immersion de la queue dans la triéthylamine entraîne, en 15 à 30 minutes, la mort des animaux.

    La triéthylamine est particulièrement irritante pour l’oeil : une goutte de liquide pur instillée dans l’oeil du lapin provoque des lésions cornéennes extrêmement sévères (lésions de grade 9 sur 10) ; l’action du produit est très rapide.

    Toxicité subchronique, chronique [15, 17-19, 25]

    L’inhalation répétée de faibles concentrations peut induire des lésions pulmonaires, cardiaques, hépatiques et rénales.

    Chez le rat, l’administration orale de triéthylamine à la dose de 55 mg/kg/jour pendant 2 mois et demi entraîne un retard de croissance et une augmentation du taux hépatique d’acide ascorbique. La dose de 10 mg/kg/jour, administréependant 6 mois, est responsable de modifications marquéesdes réflexes conditionnés ; à 1 mg/kg, on constate encoredes modifications mineures de ces réflexes.

    Chez le lapin, l’administration orale du produit, à la dosede 6 mg/kg/jour, pendant 7 mois, ne modifie ni l’activité hépatique de synthèse protéique, ni l’activité cholinestérasique du sérum ; on note seulement, après 3 à 4 mois detraitement, des perturbations du métabolisme hépatiquedes hydrates de carbone.

    Chez des lapins exposés 7 heures par jour, 5 jours par semaine, pendant 6 semaines, à une concentration atmosphériquede 100 ppm de triéthylamine, on observe des lésions pulmonaires sévères (oedème avec hémorragies, bronchopneumonie), des lésions de la cornée (multiples érosions ponctuées, oedème) et des lésions cardiaques, hépatiques et rénales (pour les 3 organes : hyperémie, oedème, dégénérescence marquée avec nécrose cellulaire) ; celles-ci sont plus fréquentes et plus prononcées qu’elles ne le sont, dans ces mêmes conditions, avec l’éthylamine ou la diéthylamine. À 50 ppm, tous les animaux présentent des signes d’irritation pulmonaire (bronchite modérée, léger épaississement des parois vasculaires) et des lésions de la cornée ; on note des lésions hépatiques légères (atteintes dégénératives du parenchyme).

    Effets génotoxiques [15, 20]

    Les données sont insuffisantes pour juger de ces effets.

    La seule étude publiée sur ce sujet signale des mutations génomiques (perte de chromosomes au cours de la division cellulaire) chez des rats exposés en continu pendant 1 mois à une concentration de 0,25 ppm. Elle est insuffisante pour l’évaluation d’un éventuel potentiel génotoxique du produit.

    Effets cancérogènes [15]

    Les données sont insuffisantes pour juger de ces effets.

    Un régime alimentaire, contenant 0,5 % de chlorhydrate de triéthylamine et 0,5 % de nitrite de sodium, administré pendant un an à des rats, n’a provoqué chez eux ni atteinte toxique ni affection tumorale. Ce résultat semble démontrer qu’il n’y a pas dans l’organisme une formation significative de nitrosamine à partir de ces 2 composés puisque, chez la même souche d’animaux, la diéthylnitrosamine administrée par voie orale à la dose quotidienne de 0,6 mg/kg induit des tumeurs hépatiques en 355 jours.

    Effets sur la reproduction [15, 18]

    La triéthylamine entraîne des perturbations de la fertilité chez les femelles. Elle est embryotoxique et tératogène sur l’oeuf de poulet.

    L’administration par voie orale de triéthylamine à des lapines gestantes, à la dose quotidienne de 2,3 mg/kg, les 3 premiers jours de gestation, entraîne des perturbations de la fertilité.

    Chez l’embryon de poulet de 3 jours, le produit est fortement embryotoxique (DL50 : 0,16 mg/oeuf) et l’on constate une incidence importante de malformations, principalement des défauts des yeux, du squelette et du cerveau.

  • Toxicité sur l’Homme

    L’inhalation provoque une irritation des muqueuses oculaires et respiratoires parfois sévères. On peut voir apparaître des troubles visuels. Le contact avec la peau peut provoquer des brûlures et le contact avec les yeux de graves lésions irréversibles. Des dermatoses allergiques ont été rapportées. On ne dispose pas de données sur les effets cancérogènes ou la toxicité pour la reproduction chez l’homme.

    Toxicité aiguë [17, 26]

    Une exposition brève à de fortes concentrations de vapeurs de triéthylamine provoque chez l’homme :

    • une irritation sévère des muqueuses oculaires (larmoiement, conjonctivite, oedème de la cornée) ;
    • une irritation sévère des muqueuses respiratoires (rhinite, toux, détresse respiratoire) ;
    • des symptômes systémiques (céphalées, nausées, asthénie, anxiété, mydriase).

    Tous ces troubles sont réversibles en fin d’exposition, le retour à la normale pouvant toutefois être assez long si l’exposition a été forte : en particulier une photophobie et un inconfort oculaire peuvent persister quelques jours.

    Après une exposition de quelques heures à une concentration trop faible pour entraîner des symptômes d’apparition immédiate, on peut voir apparaître un trouble visuel différent, relativement spécifi que de la triéthylamine et des amines tertiaires, qui se traduit par une vision brumeuse et bleutée (comme à travers une fumée de cigarette) et la perception de halos autour des points lumineux. Ce trouble, que n’accompagnent pas forcément un oedème cornéen ni une baisse de l’acuité visuelle, a été assez fréquemment observé dans des ateliers de fabrication de mousses de polyuréthanes et dans des fonderies où les concentrations en triéthylamine étaient comprises entre 3 et 10 ppm [26 à 28]. Des essais sur volontaires [29] ont permis de préciser le seuil d’action du produit :

    • la concentration de 2,5 ppm semble sans effet, même après 8 heures d’exposition ;
    • à 4,5 ppm, le trouble visuel apparaît après 4 à 6 heures d’exposition, l’oedème cornéen après 8 heures seulement ; il n’y a pas de baisse de l’acuité visuelle ;
    • à 8,5 ppm, le trouble commence après 2 heures d’exposition, il s’accompagne d’un léger oedème cornéen ;
    • à 12 ppm, le trouble débute après 1 heure d’exposition, l’oedème cornéen est marqué et il y a une légère baisse de l’acuité visuelle.

    Tous ces effets sont réversibles en quelques heures après la fin de l’exposition : ils ne laissent pas de lésion permanente, mais ils gênent la vision et accroissent ainsi les risques d’accident. L’oedème, qui n’apparaît que dans la zone de la cornée exposée, semble dû à une action directe des vapeurs sur les cellules épithéliales, aboutissant à une augmentation de la teneur en eau du tissu et à son épaississement.
    Le contact direct avec la peau peut provoquer des dermites, éventuellement des brûlures, s’il est prolongé.
    Les projections oculaires sont particulièrement redoutables car elles entraînent des lésions sévères qui peuvent être irréversibles. Selon l’importance et la durée du contact, les brûlures cornéennes vont d’une lésion superficielle avec oedème (dépoli épithélial) sans séquelle grave, à des lésions profondes laissant une ulcération très longue à cicatriser et une perte totale de sensibilité.

    Toxicité chronique [17, 26]

    L’exposition répétée à la triéthylamine est susceptible de provoquer des allergies cutanées (dermatoses eczématiformes) ou respiratoires (asthmes).

    Aucun autre effet systémique à long terme n’a été rapporté.

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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