Pathologie Guide de lecture
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Nom de la maladie
Mélioïdose
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Synonyme
- Maladie de Whitmore
Transmission
Mode de transmission
La mélioïdose se transmet par 3 voies :
- Transcutanée : contact sur peau lésée avec une source environnementale : milieu naturel contaminé (eaux, sols) ou inoculation par des végétaux contaminés ; inoculation à l’occasion d’une blessure en laboratoire ;
- Aérienne : inhalation d’aérosols contaminés (en laboratoire, manipulation de colonies bactériennes ou d’échantillons biologiques, générant des aérosols, sans mesures de protection) ;
- Digestive : ingestion d’eau ou de nourriture contaminée.
Des cas exceptionnels de suspicion de transmission sexuelle ou de transmission par allaitement sont décrits, ainsi que des cas d’infections néonatales.
En dehors de ces cas, il est considéré qu’il n’y a pas de transmission interhumaine à partir d’un sujet infecté. Cependant, une contamination peut avoir lieu au sein de la filière de soins :
- des cas nosocomiaux liés à l’utilisation d’un fibroscope mal désinfecté après utilisation chez un patient atteint de mélioïdose ont été rapportés à La Réunion (5) ;
- la manipulation par les soignants de pus ou d’urines infectés, pouvant contenir de grandes quantités de la bactérie, est considérée comme une exposition si les précautions standard d'hygiène n'ont pas été respectées (port de gants).
Période de contagiosité
Pas de contagiosité inter-humaine (sauf cas très particuliers cf. supra).
La maladie [2, 5]
Incubation
2-21 jours (moyenne de 9 jours), jusqu’à plusieurs années en raison d’infections latentes pouvant se réactiver.
Clinique
Grand polymorphisme des aspects cliniques, allant de la séroconversion asymptomatique à des formes septicémiques fulgurantes et lui valant le surnom de « la grande imitatrice ». Les formes cliniques dépendent de la voie d’infection (inoculation, inhalation et ingestion), de la charge bactérienne, de la virulence de la souche et des facteurs de risques associés. La répartition de ces présentations cliniques est différente entre les enfants et les adultes.
- Formes aiguës :
- pneumonie, syndrome de détresse respiratoire aigüe, pleurésie ;
- septicémie ;
- infection cutanée (suite à inoculation ou contact avec une plaie) : pustules, abcès, ulcérations… ;
- abcès profond, pouvant toucher tous les organes y compris le cerveau ;
- arthrites septiques, ostéomyélites ;
- infection urinaire, prostatite ;
- parotidite suppurée (Thaïlande), otite.
- Formes chroniques : pulmonaires, ganglionnaires ou cutanées, évoluant à bas bruit et pouvant mimer une tuberculose ou une sarcoïdose.
- Formes latentes : la mélioïdose peut également rester latente (probable persistance de la bactérie dans les macrophages) et devenir symptomatique très tardivement, plusieurs années après l’exposition initiale.
Entre 7 et 20 % des patients développent une recrudescence ou une récurrence (rechute ou ré-infection) en fonction des études et des traitements (en particulier la durée de la phase d’éradication).
En France, une étude récente montre que le taux de létalité est de 23,8 %. Il est plus élevé dans les territoires d’outre-mer qu’en métropole (9). Dans le reste du monde, la létalité globale varie de 9 à 70 % selon les études, les traitements et la zone géographique (2). Une étude australienne récente montre une létalité à 6,8 % alors qu’elle est proche de 40 % en Thaïlande (10).
Diagnostic
- Culture de la bactérie à partir des échantillons correspondant au tableau clinique (hémocultures, prélèvements pulmonaires, pus, urines...) ;
- PCR spécifique, sur ces mêmes échantillons.
En pratique, tout laboratoire de microbiologie médicale peut se retrouver confronté fortuitement à des cultures de B. pseudomallei et obtenir une identification présomptive. Dès cette étape, il doit mettre en place des mesures de biosécurité adaptées, particulièrement pour la manipulation des cultures, ou transférer le matériel biologique vers un autre laboratoire disposant d’un confinement adapté.
Par contre, toute recherche ciblée devrait être confiée à un laboratoire de microbiologie disposant d’un laboratoire de sécurité biologique de niveau 3. Les confirmations moléculaires pour des échantillons d’origine humaine peuvent être effectuées dans certains centre hospitalo-universitaires, hôpitaux d’instruction des armées ou à l’Institut de Recherche Biomédicale des Armées (IRBA).
Traitement
Traitement d’attaque : durée en fonction de la forme clinique et de la gravité : au minimum 14 jours (2, 10).
Ceftazidime intraveineux (de 50 mg/kg/j jusqu'à 2 g/kg/j) pendant 2 à 4 semaines ou méropénème (de 25 mg/kg/j jusqu’à 1 g/kg/j). Possibilité d’associer le triméthoprime-sulfaméthoxazole pour certaines formes : mélioïdose cutanée, ostéomyélite ou arthrite septique, atteinte du système nerveux central et abcès profonds.
Traitement d’entretien : durée en fonction de la forme clinique et de la gravité : au minimum 12 semaines (10).
Trimethoprime-sulfaméthoxazole pendant 3 à 6 mois, en deux prises par jour, per os. De nombreux effets secondaires nécessitent un changement de traitement pendant cette phase d’éradication (30 %). Le traitement alternatif est l’association amoxicilline-acide clavulanique (11).
Populations à risque particulier
Terrain à risque accru d'acquisition
Diabète, imprégnation alcoolique, insuffisance rénale chronique, pathologie pulmonaire chronique, cancer, thérapie immunosuppressive, cardiopathie rhumatismale ou insuffisance cardiaque congestive (2, 3).
La part des facteurs de risques est différente selon si le patient est originaire d’une zone d’endémie (80 % de facteurs de risques associés) ou s’il s’agit d’individus non habituellement exposés (37,5 % de facteurs de risques) (6).
Terrain à risque accru de forme grave
Immunodéprimé, pour les formes aigües, mais surtout pour les tableaux chroniques.
Cas particulier de la grossesse
Cas décrits d’avortements ou d’accouchements prématurés – transmission materno-fœtale (12).
Immunité et prévention vaccinale
Immunité naturelle
La maladie est peu immunisante et en cas de réexpositions, des réinfections avec une souche différente sont possibles. Elles représenteraient 25 % des récurrences.
Cependant, les récurrences sont principalement liées à des rechutes (75 % des récurrences) : celles-ci peuvent survenir dès la première année, mais peuvent être observées des dizaines d’années après. Le risque de rechute semble être lié au protocole d’antibiothérapie suivi (molécules, durée) et à son observance.