Prévention de TMS dans l’industrie de la découpe de viande : analyse quantitative et qualitative du pouvoir de coupe du couteau
Communication scientifique
Introduction. L’industrie de la découpe de viande reste un secteur très touché par la problématique des troubles musculosquelettiques (TMS) (InVS 2007). La prévention de ces maladies multifactorielles à composante professionnelle demeure d’actualité, surtout dans le cadre de relations de sous-traitance. Des études antérieures ont mis en évidence que le pouvoir de coupe du couteau est un des déterminants des facteurs de risque de TMS dans ce secteur (Claudon and Marsot 2003; McGorry, Dowd et al. 2003). Il est lui-même influencé par l’entretien du couteau et son organisation (Vézina, Prevost et al. 1999). Les opérations d’entretien peuvent être réalisées : par les opérateurs de découpe eux-mêmes ou par des opérateurs spécialement désignés à affûter les couteaux de tous les opérateurs qui utilisent des couteaux (affûteurs). Dans un contexte de sous-traitance, l’organisation de l’entretien peut faire intervenir des salariés avec des employeurs différents qui travaillent sur le même site de production. Des divergences de point de vue sur la qualité de coupe des couteaux sont constatées surtout dans ce contexte. Celles-ci pourraient être dues aux critères d’évaluation différents.
L’objectif de l’étude présentée était : (1) d’évaluer objectivement le pouvoir de coupe du couteau et (2) d’identifier et de discuter des critères subjectifs d’évaluation du pouvoir de coupe du couteau en fonction du métier et du mode d’organisation de l’entretien du pouvoir de coupe du couteau en situation de sous-traitance.
Méthodologie. Le recueil de données a mobilisé trois sites de découpe de viande incluant trois modes d’organisation en sous-traitance de l’affûtage des couteaux. Une approche mixte, articulant une méthodologie quantitative et qualitative, a mobilisé 28 opérateurs de découpe et 7 affûteurs et a combiné : (1) des évaluations quantitatives du pouvoir de coupe du couteau (utilisant un banc de mesure) réalisées avant et après des opérations d’affûtage et avant et après des opérations d’affilage à plusieurs moments de la journée de travail et (2) des entretiens semi-directifs individuels et en binôme intra et inter-métier menés sur la base des évaluations quantitatives et des montages vidéo de leur activité de travail.
Résultats. L’évaluation quantitative du pouvoir de coupe des couteaux a montré que la force nécessaire pour couper un matériau étalon, après les opérations d’affûtage, était comprise dans un intervalle de 20N à 40N (valeur considéré comme limite à partir de laquelle il est nécessaire de ré-affûter) avec une moyenne de 33,4N. Les analyses ont également montré que le pouvoir de coupe des couteaux était significativement influencé par le mode d’organisation de l’affûtage. De même, il a été mis en évidence que 20% des couteaux coupaient moins bien après affûtage qu’avant. L’analyse du pouvoir de coupe des couteaux prenant en compte les opérations d’affilage a montré, qu’en général, les opérations d’affilage améliorent le pouvoir de coupe des couteaux. Néanmoins, 18% des couteaux coupaient moins bien après affilage qu’avant.
L’analyse des entretiens individuels et en binôme avec les opérateurs de découpe et les affûteurs ainsi que le suivi de l’activité des affûteurs ont permis d’identifier des critères communs et des critères propres au métier d’opérateur et d’affûteur. Des critères physiques, visuels, auditifs et de productivité ainsi que des déterminants des opérations d’entretien du couteau ont été identifiés. Ces critères et ces déterminants dépendaient du métier et de l’organisation des opérations d’affûtage.
Conclusion. Cette approche mixte a montré que l’entretien du couteau et son organisation sont rendus complexes en situations de sous-traitance. De même, elle a mis en avant la complémentarité de ces deux méthodes d’évaluation du pouvoir de coupe du couteau. Ainsi l’évaluation quantitative du pouvoir de coupe du couteau a dépassé son rôle d’apport de connaissance et est devenue outil de discussion lors des entretiens en binôme permettant aux opérateurs de découpe ou aux affûteurs de se soustraire du discours accusateur et de construire ensemble une vision du « couteau qui coupe » à travers des critères d’évaluation subjectifs du pouvoir de coupe du couteau. Ces deux types d’évaluation méritent d’être pris en compte pour une prévention appropriée des TMS dans l’industrie de la découpe de viande.
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Fiche technique
Fiche technique
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Année de publication
2019 -
Langue
Français -
Discipline(s)
Biomécanique - Ergonomie -
Auteur(s)
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Référence
8/11/2022-HAMMAMET-4ème Congrès Francophone sur les TMS 2020
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