Recours à l’intérim : quelle réglementation en santé et sécurité au travail ?
Le salarié intérimaire est employé par une entreprise de travail temporaire pour réaliser une mission au sein d’une entreprise utilisatrice. Cette relation tripartite fait l’objet d’une règlementation spécifique dans le Code du travail, lequel contient notamment des dispositions particulières visant à préserver la santé et la sécurité des salariés intérimaires.
Peut-on recourir à des salariés intérimaires pour tout poste de travail ?
Le recours au travail temporaire est très encadré par le Code du travail. Ainsi, seules les entreprises de travail temporaire (ETT) sont autorisées à mettre à disposition d’entreprises dites utilisatrices (EU) des salariés intérimaires. Les entreprises utilisatrices, quant à elles, ne peuvent faire appel à ces salariés que dans des cas précis.
Cas de recours à l’intérim
Le Code du travail prévoit expressément les cas dans lesquels une EU peut faire appel à des salariés intérimaires. Il est ainsi possible, par exemple, d’embaucher des salariés intérimaires pour :
- remplacer un salarié, en cas d’absence, de suspension de son contrat de travail, de départ définitif précédant la suppression du poste de travail après consultation du comité social et économique s'il existe ;
- pallier un accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ;
- occuper des emplois à caractère saisonnier.
Quel que soit le motif de recours au travail temporaire, celui-ci ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.
Travaux interdits et dérogations
Les EU ont interdiction de faire appel à des salariés intérimaires (ou à des salariés en CDD) pour effectuer des travaux les exposant aux agents chimiques dangereux ou aux rayonnements ionisants parmi lesquels :
- l’amiante : opérations d'entretien ou de maintenance sur des flocages ou calorifugeages ; travaux de confinement, de retrait ou et de démolition ;
- les poussières de métaux durs (ex. cobalt et carbure de tungstène) ;
- les rayonnements ionisants : travaux accomplis dans les zones exposant à une certaine dose de rayonnement ;
- les travaux de désinsectisation des bois (pulvérisation du produit, trempage du bois, empilage ou sciage des bois imprégnés, traitement des charpentes en place), et des grains lors de leur stockage.
Le Code du travail liste ainsi 27 produits ou types de travaux pour lesquels il est interdit de recourir à des travailleurs temporaires.
Il existe cependant une possibilité, pour les EU qui souhaiteraient faire appel à des salariés intérimaires sur ce type de postes, de demander une dérogation à l’inspection du travail.
Cette demande est adressée, préalablement à l’affection du poste, au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Elle est accompagnée de l’avis du CSE et du médecin du travail.
À qui incombe l’obligation de formation des salariés intérimaires ?
Obligation générale de formation et d’information
Les salariés intérimaires doivent bénéficier, dès leur arrivée au sein de l’entreprise utilisatrice, d'un même niveau de protection en matière de sécurité et de santé au travail que les autres salariés de l'entreprise utilisatrice.
L’ETT, en tant qu’employeur de l’intérimaire, doit s’assurer que l’intérimaire dispose des formations nécessaires pour occuper l'emploi faisant l’objet de sa mission. L’ETT doit donc, si besoin faire passer à l’intérimaire les formations afférentes à ce poste (Caces, formation au risque électrique, etc.).
L’EU, quant à elle, est responsable des conditions d’exécution du travail, elle doit donc, dès l’accueil de l’intérimaire lui dispenser une formation pratique et appropriée au poste. Cette formation vise notamment : les modes opératoires du poste, les gestes les plus sûrs, les conditions de circulation dans l’entreprise, les règles d’exécution du travail, ou la conduite à tenir en cas d’accident.
Formation renforcée à la sécurité
Les salariés intérimaires affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité bénéficient d'une formation renforcée à la sécurité ainsi que d'un accueil et d'une information adaptés dans l'entreprise dans laquelle ils sont employés.
L’obligation de formation renforcée à la sécurité porte sur l’EU qui accueille l’intérimaire.
La liste des postes de travail concernés est établie par l’EU, après avis du médecin du travail et du CSE s'il existe.
À noter Le Code du travail prévoit que la faute inexcusable de l’employeur est présumée établie dès lors qu’un salarié intérimaire (en CDD ou stagiaire) affecté à un poste présentant un risque particulier pour sa santé et sa sécurité n’a pas bénéficié d’une formation renforcée à la sécurité. Attention : Selon le cas d’espèce les juges peuvent considérer qu’un poste était à risque particulier (bien que non identifié comme tel par l’EU) et donc reconnaitre la faute inexcusable de l’EU en cas d’absence de formation renforcée à la sécurité. |
Autorisation de conduite et habilitation électrique
Comme indiqué précédemment, l’obligation de formation incombe à l’employeur du salarié, à savoir l’ETT, c’est donc à elle de s’assurer de la formation à la conduite d’engin ou au risque électrique.
En revanche, concernant la délivrance de l’autorisation de conduite ou de l’habilitation électrique, c’est à l’EU de délivrer au salarié intérimaire ces documents après s’être assurée que toutes les conditions sont remplies et que ce salarié dispose des connaissances du lieu de travail et des instructions à respecter sur son site.
Qui fournit les équipements de protection individuelle aux salariés intérimaires ?
Les équipements de protection individuelle (EPI) sont fournis par l’EU.
Toutefois, certains EPI personnalisés, définis par convention ou accord collectif de travail, peuvent être fournis par l’ETT. Cela peut être le cas des chaussures de sécurité et des casques.
Dans tous les cas, les salariés temporaires ne doivent jamais supporter la charge financière des EPI et leur niveau de protection devra toujours être équivalent à celui des salariés permanents.
Enfin, la nature des EPI à utiliser doit être inscrite dans le contrat de mise à disposition (qui lie les deux entreprises) et retranscrite dans le contrat de mission (qui lie l’intérimaire à l’ETT).
À qui incombe le suivi de santé des salariés intérimaires ?
Les obligations relatives au suivi de santé des salariés intérimaires incombent à l’ETT.
Cependant, dans l’hypothèse où le salarié intérimaire serait affecté en cours de mission à un poste à risque nécessitant un examen médical d’aptitude alors cette obligation sera à la charge de l’EU (voir « Santé des intérimaires : quelles modalités de suivi ? »).
Quels sont le rôle et la responsabilité de chacune des entreprises en cas d’accident de travail ou de maladie professionnelle ?
La déclaration d’accident du travail
En cas d’accident de travail d’un salarié intérimaire, l’entreprise utilisatrice devra compléter une information préalable à la déclaration d’accident de travail (Cerfa n° 60-3741). Ce document, reprenant notamment les circonstances de l’accident, doit être adressé dans les 24 heures à l’ETT, employeur de la victime, à l’inspection du travail et au service prévention de la Carsat.
L’ETT, quant à elle, dès lors qu’elle est informée de la survenance d’un accident (par l’intérimaire ou par l’EU) est tenue d’établir dans les 48 heures une déclaration d’accident de travail (Cerfa n° 14463*03) qu’elle adresse à la CPAM dont relève son salarié. Elle est également tenue de remettre à son salarié intérimaire une feuille d’accident de travail (Cerfa n° 11383*02) lui permettant de bénéficier de la gratuité des soins lié à son accident.
Coût de l’accident de travail ou de la maladie professionnelle via le taux AT/MP de l’entreprise
Le 7 juillet 2024 est paru au journal officiel de la République Française le décret n° 2024-723 visant à modifier les règles d’imputation du coût des AT/MP et la répartition entre ETT et EU.
Ce décret entrera en vigueur pour la détermination du taux AT/MP à compter de l'année 2026, ce qui implique que cette nouvelle répartition s’applique sur les AT/MP survenus en 2024.
Il convient donc de distinguer les situations en fonction de la date de survenance des AT/MP.
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Accident ou maladie survenu avant le 1er janvier 2024
Le coût des AT/MP survenus avant le 1er janvier 2024 est porté en majeure partie par l’ETT.
En effet, seul les cas les plus graves dans lesquels l’intérimaire accidenté décède ou garde des séquelles importantes (avec l’attribution d’un taux d’incapacité permanente partielle de 10 % ou plus) vont impacter l’EU via son taux de cotisation AT/MP.
Dans ce cas, l’EU verra imputé sur son relevé de compte employeur (servant de base de calcul au taux AT) un tiers du montant correspondant à la rente allouée, les 2/3 restants seront imputés sur le compte de l’ETT.
- Accident ou maladie survenu à compter du 1er janvier 2024
À compter de 2024, le coût de l’ensemble des accidents et maladies dont sont victimes des salariés intérimaires est porté à part égale entre l’EU et l’ETT. Cette nouvelle répartition concerne aussi bien les dépenses liées à l’incapacité temporaire de travail (nombres de jours d’arrêt) qu’à l’incapacité permanente partielle ou la rente décès.
Références juridiques
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Articles L. 1251-5 et suivants du Code du travail : cas de recours autorisés et interdits à l’intérim
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Article D. 4154-1 et suivants du Code du travail : travaux interdits et dérogations
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Article L. 4141-2 du Code du travail : obligation générale de formation et d’information
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Article L. 4142-2 et articles L. 4154-2 et suivants du Code du travail : formation renforcée à la sécurité et présomption de faute inexcusable
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Article L. 1251-23 et L. 1251-43 du Code du travail : fourniture des EPI et inscription au contrat
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Article R. 4625-2 et suivants du Code du travail : modalités de suivi applicables aux travailleurs temporaires
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Articles L. 412-4 et suivants, article R.412-1 et article L.441-2 du Code de la sécurité sociale : déclarations en cas d’accident du travail
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Article L. 241-5-1 du Code de la sécurité sociale : partage du coût des accidents du travail et des maladies professionnelles
Voir aussi
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publications 04/2020
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dossier 07/2022
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Focus juridique 08/2020