Prévenir les risques liés aux poussières
Lorsqu’elles sont inhalées, les poussières peuvent entraîner des risques plus ou moins graves pour la santé des travailleurs exposés. Les solutions de prévention à mettre en place doivent prendre en compte la nature de ces poussières.
En milieu professionnel, les poussières peuvent être produites par de multiples procédés : broyage de minéraux, manipulation de produits pulvérulents comme la farine ou le sucre, usinage du bois ou d’autres matériaux…
Ces poussières, en fonction de la taille des particules qui les constituent, peuvent être inhalées et pénétrer plus ou moins profondément dans le système respiratoire et s’y déposer. Elles peuvent ainsi provoquer des effets néfastes pour la santé, quelle que soit leur nature. On distingue cependant les poussières dites sans effet spécifique (PSES) qui, dans l’état actuel des connaissances, ne peuvent provoquer que des surcharges pulmonaires, de celles qui entraînent des pathologies spécifiques, comme la silice cristalline, qui est à l’origine de la silicose et de cancers pulmonaires.
La prévention des risques générés par les poussières est partie intégrante de la prévention des risques chimiques en entreprise. Elle s'appuie sur les principes généraux de prévention et repose notamment sur une identification de la nature des poussières générées dans l’entreprise, quelle que soit son activité, et sur une évaluation des risques.
De plus, la réglementation prévoit des dispositions spécifiques pour les poussières d’agents chimique cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR), comme les poussières de plomb, et pour celles issues de procédés cancérogènes, comme les poussières de bois. Plus les poussières sont dangereuses, plus les règles de prévention à respecter pour protéger les travailleurs sont strictes.
De quoi parle-t-on ?
Les poussières sont les particules solides constituant certains aérosols rencontrés en milieu de travail. Ces aérosols sont générés principalement lors de la manipulation de matériaux pulvérulents (poudres, pellets…), lors de procédés mécaniques mettant en œuvre des matériaux solides (concassage, broyage, perçage, ponçage…). Ils peuvent également résulter de la remise en suspension (du fait d’écoulements d’air, de vibrations…) de particules déposées sur les surfaces.
La dénomination de poussière s’applique à tous les matériaux, y compris les nanomatériaux. On trouve des poussières minérales (calcaire, silice, verre, amiante, oxydes et autres composés de différents métaux…), métalliques (acier au carbone, acier inoxydable, zinc, cuivre, bronze…) ou organiques (bois, farine, coton, matières plastiques, déjections de volailles…).
Les autres catégories d’aérosols retrouvés en atmosphères de travail sont par exemple les fumées (émissions de moteurs diesel, de hauts fourneaux, lors de l’épandage de bitumes…), les brouillards (huile, fluides de coupes…) et les bioaérosols (bactéries, moisissures, virus, composés et fragments microbiens).
Le domaine de taille des particules de poussières s’étend de quelques dizaines de nanomètres (10-2 µm) à 100 µm. Cette dernière valeur étant la limite supérieure communément admise pour définir un aérosol.
Comme pour toutes les catégories d’aérosols, les poussières peuvent être inhalées et pénétrer plus ou moins profondément dans le système respiratoire. 0n distingue, en lien avec des effets potentiels sur la santé, trois fractions d’aérosols :
- la fraction inhalable : fraction des particules de l’aérosol présentes dans la zone respiratoire ayant une probabilité d’être inhalées par le nez ou par la bouche ;
- la fraction thoracique : fraction des particules de l’aérosol qui sont inhalées et qui pénètrent dans l’arbre respiratoire au delà du larynx. Les particules d’un diamètre aérodynamique de 10 µm ont une probabilité de pénétration de 50 % ;
- la fraction alvéolaire : fraction des particules de l’aérosol qui sont inhalées et qui pénètrent l’arbre respiratoire au delà des bronchioles non ciliées. Les particules d’un diamètre aérodynamique de 4 µm ont une probabilité de pénétration de 50 %.
Les fractions granulométriques utilisées dans le domaine de la protection de l’environnement
Dans le domaine de l’environnement il existe d’autres fractions granulométriques que celles utilisées en hygiène du travail, dont les définitions sont données dans le Code de l’environnement :
- PM10 ou Particulate Matter de 10 µm : particules passant dans un orifice d'entrée calibré […], avec un rendement de séparation de 50 % pour un diamètre aérodynamique de 10 µm ;
- PM2,5 ou Particulate Matter de 2,5 µm : particules passant dans un orifice d'entrée calibré […], avec un rendement de séparation de 50 % pour un diamètre aérodynamique de 2,5 µm.
Les concentrations en particules dans l’air extérieur sont réglementées au niveau européen et font également l’objet de recommandations de l’Organisation mondiale de la santé.
Effets sur la santé
Les poussières, du fait de leur grande diversité (nature chimique, taille et forme des particules…), peuvent avoir des effets sur la santé très variés. On distingue habituellement les poussières qui, dans l’état actuel des connaissances, sont considérées comme étant sans effet spécifique ou à faible toxicité (carbonate de calcium, silice amorphe, alumine, acier au carbone, polyéthylène…) de celles qui sont connues pour causer des pathologies particulières (silice cristalline, bois, farine, plomb…).
Les poussières sans effet spécifique (PSES), lorsqu’elles se déposent dans les voies respiratoires, peuvent dépasser les capacités d’épuration du poumon lors d’expositions à des concentrations élevées de poussières pendant de longues durées. On parle alors de surcharge pulmonaire. À long terme, des pathologies respiratoires telles que des bronchopneumopathies chroniques obstructives (BPCO) ou des fibroses pulmonaires peuvent en résulter.
Les pathologies pouvant être causées par certaines poussières peuvent toucher soit les voies respiratoires, soit d’autres organes lorsque la dissolution des particules entraÎne le passage dans l’organisme de substances dangereuses. On peut citer par exemple :
- les poussières de silice cristalline, qui peuvent entraîner la silicose et des cancers pulmonaires ;
- les poussières de bois, qui peuvent causer des cancers naso-sinusiens ;
- les poussières de farine, qui peuvent provoquer des asthmes ;
- les poussières de plomb ou de ses composés, qui peuvent causer le saturnisme par passage du plomb dans le sang.
Risques d'explosion
Les poussières combustibles (farine, sucre, bois, métaux…) sont susceptibles de former avec l’air des nuages explosifs. Pour qu’il y ait un risque d’explosion, il est nécessaire que la concentration en poussières dépasse une certaine valeur, en général plusieurs dizaines de grammes par mètre cube d’air. Des concentrations aussi élevées peuvent être atteintes lors d’opérations courantes telles que le déchargement de produits pulvérulents, le décolmatage de filtre, etc.
Pour en savoir plus, consultez le dossier web INRS "Explosion sur le lieu de travail".
Démarche de prévention
Évaluer les risques causés par les poussières
Comme pour toute démarche de prévention, la prévention des risques liés aux poussières débute par une évaluation des risques. Celle-ci doit notamment prendre en compte :
- la dangerosité des poussières susceptibles d’être présentes aux différents postes de travail ;
- les niveaux d’exposition aux poussières aux postes de travail concernés.
Supprimer les risques causés par les poussières
Il est d’abord nécessaire de chercher à substituer les produits dangereux par d’autres qui le sont moins ou qui sont moins émetteurs de poussières.
Cela peut par exemple être réalisé lors de la fabrication de produits (peintures par exemple) en utilisant des poudres en suspension dans l’eau plutôt que des poudres sèches.
Réduire l’exposition à un niveau aussi bas que possible en utilisant des moyens de prévention collective
Cela peut être fait :
- en captant les poussières à la source sur les machines d’usinage du bois, les engins de rabotage de chaussées, les machines portatives comme les scies circulaires pour la découpe du bois sur chantier… ;
- en abattant les poussières par pulvérisation d’eau, sur les tronçonneuses utilisées pour la découpe de bordure de trottoirs par exemple.
Réglementation
L’exposition aux poussières relève notamment des dispositions du Code du travail relatives à la prévention du risque chimique.
On appelle agent chimique dangereux (ACD) tout agent chimique considéré comme dangereux selon la classification européenne, c’est-à-dire les substances et mélanges qui répondent aux critères de classification relatifs aux dangers physiques, aux dangers pour la santé ou aux dangers pour l'environnement définis à l'annexe I du règlement CLP (règlement (CE) n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 modifié), mais aussi comme tout agent chimique qui, bien que ne satisfaisant pas aux critères de classement, en l'état ou au sein d'un mélange, peut présenter un risque pour la santé et la sécurité des travailleurs en raison de ses propriétés physico-chimiques, chimiques ou toxicologiques et des modalités de sa présence sur le lieu de travail ou de son utilisation, y compris tout agent chimique pour lequel des décrets prévoient une valeur limite d'exposition professionnelle (article R. 4412-3).
Au regard de cette définition, même si la substance qui la compose n’est pas classée ACD au niveau européen, une poussière peut être soumise aux dispositions applicables aux ACD (articles R. 4412-1 à R. 4412-57).
Pour en savoir plus, consultez le dossier web INRS "Réglementation de la prévention des risques chimiques".
Des valeurs limites d’exposition professionnelle réglementaires contraignantes ou indicatives sont fixées pour certaines poussières (prévues respectivement aux articles R. 4412-149 et R. 4412-150). C’est en particulier le cas des poussières de silice cristalline, de bois ou de plomb.
De plus, certaines poussières sont soumises aux dispositions spécifiques aux agents chimiques CMR (articles R. 4412-59 à R. 4412-93). Sont définis comme CMR par le Code du travail les substances ou mélanges classés CMR de catégorie 1A ou 1B par le règlement CLP et les substances ou mélanges, ou encore les procédés définis comme cancérogènes par arrêté (par exemple, travaux exposant à la poussière de silice cristalline alvéolaire issue de procédés de travail).
Les dispositions du Code du travail relatives à l’aération et à l’assainissement des locaux de travail prennent également en compte les poussières, notamment en fixant des concentrations à ne pas dépasser pour les locaux à pollution spécifique (article R. 4222-10). Ces concentrations sont fixées depuis 1er juillet 2023 à 4 mg/m3 et à 0,9 mg/m3, en moyenne sur 8 heures, pour respectivement les poussières totales (ou inhalables) et alvéolaires. Ces valeurs avaient été proposées par l’Anses dans une expertise publiée en novembre 2019.
Pour les mines et carrières, la valeur pour les poussières alvéolaires, qui s’applique en extérieur, reste fixée à 5 mg/m3.
Pour en savoir plus
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Dossiers et pages web INRS
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Brochures et articles INRS
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Brochure 10/2021 | ED 6441
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Article de revue 01/2005 | PR 16
Valeurs limites "poussières totales et alvéolaires" : nécessité d'une ré-évaluation
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Brochure 01/2017 | ED 6263
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Article de revue 05/2024 | TS859page12
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Liens utiles