Description clinique de la maladie indemnisable (juillet 2012)
I. Dermatites irritatives
Définition de la maladie
L’irritation cutanée regroupe par définition toutes les lésions non immunologiques subies par la peau au contact de différents agents physicochimiques. Les lésions sont extrêmement variées.
En dermatologie, on parle d’irritation mais aussi de causticité et/ou corrosion. Ces derniers mots désignent une irritation majeure entraînant souvent des séquelles cicatricielles visibles (brûlures chimiques).
En cas d’irritation, les lésions épidermiques observées au microscope sont variées (nécrose cellulaire, vésicules, eczéma, œdème). Il existe aussi des altérations physiologiques de la peau, en particulier une sécheresse cutanée.
Diagnostic
Les dermatoses provoquées par le formol peuvent aller de la simple dermatite d’irritation à l’ulcération localisée. Ses propriétés volatiles sont responsables d’irritation au visage plus particulièrement (dermite d’irritation aéroportée).
Les dermites d’irritation se traduisent par un aspect inflammatoire de la peau avec rougeur (érythème), picotement, sensation de cuisson et développement de placards érythémato-squameux sur la surface cutanée au contact avec la substance irritante dans les heures qui ont précédé le début de l’éruption. Les lésions sont généralement limitées aux zones de contact sans «atteinte à distance». Si l’effet caustique est toujours collectif, l’effet irritant l’est plus ou moins.
Les tests épicutanés sont négatifs et souvent inutiles.
Aux mains, les dermites d’irritation ont un aspect stéréotypé : atteinte du dos des mains et des doigts, limites de l’érythème nettes. L’érythème, en fonction de la chronicité, devient squameux, hyperkératosique.
Le diagnostic entre dermite d’irritation et eczéma n’est pas toujours simple (voir tableau comparatif) et nécessite une collaboration entre médecins du travail et dermatologues, en particulier dans les centres de dermatologie professionnelle.
L’ulcération est la suite logique d’une lésion irritative non prise en charge.
Le caractère irritant du formol peut entraîner une hyperkératose sous-unguéale. On a aussi décrit un ramollissement de la lame unguéale (formolinonychie) avec coloration brune chez les manipulateurs de pièces anatomiques formolées.
Evolution
De manière habituelle, une dermite d’irritation aiguë apparaît dans les heures qui suivent le contact ; elle disparaît rapidement après la cessation du contact.
Séparées de manière artificielle des dermites d’irritation aiguës, les dermites d’irritation chronique sont consécutives de l’application répétée plusieurs fois par jour d’irritants ubiquitaires. Si les signes subjectifs sont le plus souvent une sensation de picotement ou de brûlure, les signes objectifs associent l’érythème à des signes d’atteinte épidermique (sécheresse, hyperkératose, crevasses et ulcérations).
Traitement
Outre l’éviction ou la réduction des contacts responsables, le traitement de l’irritation et de l’ulcération est essentiellement local : crème, pommade ou onguents seront utilisés en fonction de la sécheresse de la peau. L’utilisation d’un corticostéroïde faible est habituellement conseillée, en particulier dans la phase aiguë.
Facteurs de risque
Les dermites d’irritation sont habituellement multifactorielles.
Enfin, si l’effet irritant est le plus souvent «collectif», il peut être individuel en fonction des facteurs qui modulent l’intensité de la réaction d’irritation (nature de la molécule, concentration, fréquence des contacts, environnement occlusif, température ambiante, état d’irritabilité de la peau).
II. Eczéma
Définition de la maladie
Les manifestations eczématiformes liées au formol ont été décrites dès 1931.
Les dermatoses provoquées par le formol peuvent aller de la simple dermatite d’irritation à l’eczéma de contact généralisé. Le formol fait partie des allergènes les plus fréquemment rencontrés (vêtements, shampoings, cosmétologie, colles, conservateurs, désinfection…).
Le terme dermite eczématiforme, s’il est classiquement utilisé en cas d’eczéma allergique, peut médicalement couvrir l’ensemble des eczémas et réactions eczématiformes liés à l’irritation et à l’allergie.
Un eczéma se définit comme une inflammation superficielle de la peau accompagnée de prurit et caractérisée par une éruption polymorphe formée d’érythème, de vésicules, de croûtes et de desquamation.
Diagnostic
Le diagnostic est avant tout clinique et doit tenir compte de plusieurs critères : la clinique, l’anamnèse et l’obtention de tests épicutanés (ou autres) positifs.
La clinique retrouve les différentes lésions citées dans la définition qui se succèdent généralement en 4 phases (phase d’érythème prurigineux, plus ou moins œdémateux ; phase de vésiculation ; phase de suintement ; phase de régression).
L’eczéma se traduit toujours, sur le plan anatomo-pathologique, par une «spongiose» (distension œdémateuse des espaces intercellulaires des kératinocytes) associée à l’«exocytose» (migration dans l’épiderme de cellules inflammatoires d’origine sanguine).
Sur le plan clinique, l’eczéma de contact allergique peut se présenter sous différents aspects :
- l’eczéma aigu érythémato-papulo-vésiculeux accompagné de prurit,
- l’eczéma «sec» érythémato-squameux,
- l’eczéma lichénifié est en général un eczéma ancien, très prurigineux.
Selon la topographie, l’eczéma de contact prend des aspects différents :
- la peau de la face réagit précocement,
- l’eczéma des mains et des doigts est le plus fréquent (dos des mains et des doigts).
L’anamnèse doit être minutieuse (chronologie des faits, sièges des premières lésions, évolutivité). Elle doit rechercher des facteurs professionnels (gestes, produits, action éventuelle de l’arrêt de travail…), vestimentaires, cosmétiques, médicamenteux…, mais aussi le rôle possible des substances liées à l’activité non-professionnelle ou aux activités de loisirs (jardinage, bricolage, entretien…).
L’anamnèse, aussi précise que possible, ne peut fournir que des indices de présomption. Elle doit être confirmée ou infirmée par la réalisation de tests épicutanés.
Les tests épicutanés visent à reproduire «un eczéma en miniature» en appliquant la substance suspecte sur une zone limitée de la peau (habituellement le dos). Ils doivent être réalisés par des personnes ayant l’habitude d’interpréter les résultats afin de valider les critères de pertinence du test et d’imputabilité de la substance. Le test au formaldéhyde fait partie de la batterie standard.
Le diagnostic différentiel se fait surtout avec la dermite d’irritation (voir tableau comparatif). Il convient de signaler qu’un eczéma de contact allergique peut se greffer sur une autre dermatose préexistante.
Le diagnostic étiologique :
Les manifestations cutanées liées au formol peuvent se rencontrer quelque soit la concentration du produit. Ses propriétés volatiles sont responsables de dermatites (irritation ou allergie) au visage. On parle alors de dermatite aéroportée.
Les eczémas vestimentaires étaient assez fréquents. L’utilisation de tests épicutanés trouve ici toute sa place.
Sur le plan clinique, les eczémas de contact au formol peuvent donner un aspect lymphomatoïde ou un aspect d’érythème polymorphe.
Par ailleurs, le formol peut provoquer des manifestations urticariennes, ainsi que des atteintes unguéales.
Evolution
Si l’agent causal est supprimé, l’eczéma disparaîtra, surtout si une thérapeutique appropriée est mise en place.
Si le contact est maintenu, les récidives seront régulières avec possibilité d’extension de l’atteinte cutanée (atteinte sur l’ensemble du corps) pouvant entraîner des tableaux plus graves.
Traitement
Le traitement comporte en priorité l’éviction des agents responsables. Toute autre thérapeutique est vouée à l’échec si une telle éviction ne peut se réaliser.
Le traitement local doit répondre aux règles générales du traitement des eczémas compresses humides froides et pâte à l’eau à la phase aiguë, suintante ; préparations contenant un corticostéroïde aux phases subaiguë et chronique.
Facteurs de risque
Une peau irritée, agressée, sèche, ayant perdu ses fonctions «barrière» physiologiques évoluera plus facilement vers l’eczéma de contact en fonction de l’environnement.
III. Rhinite
Définition de la maladie
La rhinite professionnelle traduit une sensibilisation acquise des voies respiratoires supérieures vis-à-vis d’un allergène inhalé présent dans l’environnement professionnel. Les mécanismes physiopathologiques, encore mal connus, s’apparentent à ceux décrits pour l'asthme sans toutefois que les deux pathologies soient superposables. La rhinite pouvant précéder l'apparition d'un asthme professionnel, son diagnostic est un élément important de prévention secondaire.
Diagnostic
Le diagnostic de rhinite doit être évoqué devant un tableau associant de façon variable éternuements, rhinorrhée et obstruction nasale. On peut également observer un prurit nasal et plus rarement épistaxis, croûtes, surinfection et troubles olfactifs. Une conjonctivite, une toux spasmodique ou un asthme peuvent se voir de façon contemporaine ou à distance. L’origine professionnelle est suspectée devant la rythmicité des symptômes avec apparition au travail et amélioration pendant les périodes de repos. La présence de plusieurs cas dans une même entreprise a également une bonne valeur d’orientation. L’interrogatoire doit de toute façon être précis pour faire décrire les conditions de travail et les produits manipulés.
Le mécanisme physiopathologique de la rhinite liée au formaldéhyde n’est pas univoque ; il peut être d’ordre irritatif ou allergique : dans ce cas la rhinite peut s’accompagner d’une élévation des IgE spécifiques. Les prick-tests ne sont pas indiqués.
En cas de rhinite allergique au formaldéhyde, il peut exister une réaction croisée avec le glutaraldéhyde.
Evolution
Une prise en charge précoce permet habituellement une guérison sans séquelles. Si l'exposition est poursuivie, la rhinite peut se pérenniser et évoluer vers un asthme au pronostic plus sombre.
Traitement
Le traitement symptomatique de la rhinite associe antihistaminiques, corticoïdes locaux, décongestionnants… Sur le lieu de travail, l'exposition doit être réduite au niveau le plus bas possible. Une éviction totale vis-à-vis de la substance responsable est parfois nécessaire.
IV. Asthme
Définition de la maladie
C'est un asthme au sens strict, mais induit par l'inhalation d'allergènes présents sur les lieux de travail.
Diagnostic
L'expression clinique de l'asthme professionnel n'a rien de spécifique. Elle se manifeste par des crises dyspnéiques avec sibilances. Les troubles respiratoires peuvent débuter dès les premiers mois d'exposition, mais la période de latence peut durer plusieurs années.
Plusieurs types de réactions asthmatiques ont été identifiés :
- précoce survenant dans les minutes ou l'heure qui suit l'exposition,
- tardive survenant de 4 à 12 heures après l'exposition, se manifestant par des crises vespérales ou nocturnes,
- mixte, associant les 2 types précédents.
Le diagnostic d’asthme professionnel repose sur :
- l'identification d'allergènes au poste de travail ;
- la chronologie des symptômes par rapport aux périodes d'exposition à la nuisance, en particulier recherche d'une amélioration clinique durant les congés et les arrêts de travail, d'une aggravation lors de la reprise de l'activité professionnelle exposante. Pour un asthme débutant, ce profil d'oscillations rythmées par les expositions est typique. Toutefois, 2 cas difficiles sont à évoquer : l'asthme vieilli qui a tendance à perdre cette chronologie et les expositions intermittentes aux nuisances responsables ;
- la recherche de plaintes similaires chez les collègues de travail ;
- les examens allergologiques (tests cutanés et recherche d'immunoglobulines spécifiques) peuvent être un appoint diagnostique. Ils ne sont pas toujours réalisables et doivent être interprétés en fonction de leur sensibilité et spécificité ;
- les épreuves fonctionnelles respiratoires :
- la spirométrie de base permet de confirmer le diagnostic d'asthme si elle met en évidence un syndrome obstructif réversible. Si elle est normale, il faut réaliser une recherche d'hyperréactivité bronchique non spécifique par test à la métacholine en milieu spécialisé ;
- la spirométrie répétée au cours de l'activité professionnelle (spirométrie étagée) a l'avantage de mesurer la variation de la fonction respiratoire en situation réaliste ;
- la débitmétrie en recueil échelonné permet un enregistrement sérié des débits expiratoires ; c'est un examen fonctionnel simple, peu coûteux, bénéficiant d'un recueil automatisé des données, utilisable en médecine du travail ;
- les tests de provocation spécifiques ne peuvent être pratiqués qu'en milieu hospitalier spécialisé.
Dans le cadre de l’exposition au formaldéhyde, le mécanisme physiopathologique n’est pas univoque ; il peut être d’ordre irritatif ou allergique : dans ce cas l’asthme peut s’accompagner d’une élévation des IgE spécifiques. Les prick-tests ne sont pas indiqués.
En cas d’asthme allergique au formaldéhyde, il peut exister une réaction croisée avec le glutaraldéhyde.
Evolution
La gravité des formes évolutives dépend de la symptomatologie présentée, de l’intensité de l’hyperréactivité bronchique, de l’existence d’un syndrome obstructif de base, de l’importance du traitement nécessaire.
L’éviction est le plus souvent conseillée. Lorsque les mesures de prévention permettent de limiter l’exposition au niveau le plus faible possible, le maintien au poste sous surveillance médicale très rapprochée peut parfois être proposé.
Traitement
Le traitement de crises d'asthme professionnel est un traitement symptomatique sans spécificité.
La prévention de leurs récidives suppose une intervention sur le poste de travail avec suppression de la nuisance en cause ou réduction au niveau le plus bas possible. Une éviction totale vis-à-vis de la substance responsable est parfois nécessaire.