Toxicité aiguë
Le monoxyde de carbone provoque une baisse d'activité, un coma plus ou moins profond puis la mort des animaux. L'hypoxie est la cause d'une hypotension, de tachycardie, d'une vasodilatation, puis d'une hyperglycémie et des lésions cérébrales et cardiaques souvent irréversibles.
Les CL5O sont respectivement de 2070 et 2800 mg/m3/4 h chez le rat et la souris (animaux morts pendant l’exposition, avec un taux de HbCO compris entre 50 et 80 % chez le rat). Chez le cobaye, elle est de 6550 mg/m3 dans les mêmes conditions (taux de HbCO compris entre 57 et 90 %). Les animaux présentent une baisse de l’activité motrice après 10 à 12 minutes, un coma léger après 30 minutes et une perte totale de conscience après 1 à 2 heures [31].
L’action toxique majeure du monoxyde de carbone résulte de l’hypoxie provoquée par la conversion de l’oxyhémoglobine en carboxyhémoglobine. La saturation de l’hémoglobine par le monoxyde de carbone varie selon les espèces [29] et le rythme respiratoire. Les principaux symptômes sont une hypotension, une hypothermie et une tachycardie initiale [32]. Leur sévérité est fonction de l’espèce et du pourcentage sanguin de carboxyhémoglobine. Des taux de carboxyhémoglobine jusqu’à 10 % (exposition à 50 - 70 mg/m3) ne conduisent pas à des modifications hématologiques, cardiaques ou cérébrales [29]. Au-delà de 20 % apparaît, au niveau cardiovasculaire, une augmentation du débit cardiaque, consécutive à l’accroissement du volume systolique et à la tachycardie ainsi qu’une vasodilatation périphérique accompagnée d’une diminution de la résistance vasculaire. Au niveau sanguin, on observe une hémoconcentration et une acidose lactique [33]. L’inconscience et la mort surviennent lorsque la carboxyhémoglobinémie atteint 50 à 80 % [33].
Après la fin de l’exposition, apparaissent une hyperglycémie et un déficit neurologique corrélé à la présence de lésions cérébrales, principalement au niveau de la substance blanche [32]. Ces lésions se manifestent comme des œdèmes et sont fonction de la présence combinée de l’hypotension, de l’hypoxémie et/ou de l’acidose sanguine [34]. La réversibilité des modifications induites par le monoxyde de carbone dépend de la dose inhalée.
Une concentration élevée de glucose sanguin augmente le déficit neurologique et la létalité chez le rat [35]. Chez le singe, le monoxyde de carbone (100 ppm) augmente l’étendue d’une ischémie myocardique induite.
Des études récentes montrent une activation et une prolifération des cellules microgliales (cellules immunitaires du système nerveux central, à pouvoir phagocytaire) et une augmentation de l’expression de plusieurs marqueurs immunologiques, au niveau du cerveau de rats exposés à 2000 ppm pendant 40 minutes puis à 3000 ppm pendant 20 minutes [36].
Chez le rat adulte, une exposition à de fortes concentrations de monoxyde de carbone (500 à 1500 ppm, < 10 h) potentialise une perte auditive liée au bruit, de manière irréversible [37]. Des effets similaires ont aussi été observés chez le lapin (700 ppm, 9,5 h/j pendant 5 jours) [38].
Irritation, sensibilisation
Le monoxyde de carbone n’est pas irritant [27].
Toxicité subchronique, chronique [26]
L'exposition répétée au monoxyde de carbone conduit à une augmentation du nombre d'hématies et une hyperviscosité sanguine qui induisent une cardiomégalie. Le monoxyde de carbone favorise l'athérosclérose d'animaux nourris avec un régime riche en graisses.
Le monoxyde de carbone n’a pas d'effets toxiques cumulatifs. Des phénomènes cardiovasculaires compensatoires se développent suite à des expositions répétées plus ou moins longues : effets hémodynamiques (dès 7,5 % HbCO), effets hématologiques (dès 9 % HbCO), hypertrophies cardiaques (12-58 % HbCO) et arythmies (2.6-12 % HbCO).
Après les modifications observées lors d’une intoxication aiguë, une polycythémie apparaît en 3 à 5 jours, ayant pour conséquence une hypervolémie et une hyperviscosité sanguine sans modification du volume plasmatique (rats adultes, 500 ppm en continu pendant 42 jours ; HbCO 40 %). Les taux d’hématocrite, d’hémoglobine, le nombre d’érythrocytes et la concentration cellulaire en hémoglobine augmentent tout au long de l’exposition, les taux les plus importants étant mesurés après 30 et 42 jours d’exposition. L’augmentation de la viscosité entraîne un retour aux environs de la normale de la pression sanguine et de la résistance périphérique. Une cardiomégalie se développe après quelques jours dans les deux ventricules, plus importante pour le ventricule droit, et dans l’atrium. Après 5 à 6 semaines d’exposition, le débit et la fréquence cardiaques ainsi que le volume systolique sont légèrement supérieurs à la normale. La pression artérielle et la résistance périphérique restent en dessous de la normale [39].
Dans une étude plus ancienne, l’augmentation du taux d’hémoglobine est observée chez des rats dès 100 ppm de monoxyde de carbone pendant 30 jours (HbCO 9,25 %) [40].
Après l’arrêt de l’exposition, certains effets apparaissent et persistent plusieurs semaines : résistance périphérique et pression artérielle élevées, probablement dues à la forte viscosité sanguine en absence de vasodilatation périphérique, volume systolique diminué, tachycardie ; la polycythémie et la cardiomégalie s’installent progressivement pendant les 20 ou 30 jours suivants [41].
L’exposition au monoxyde de carbone (environ 15 % carboxyhémoglobinémie pendant 10 semaines) favorise la fixation du cholestérol sur les artères, contribuant ainsi au développement d’athérosclérose [11].
Effets génotoxiques
Si les tests réalisés in vitro sont négatifs, certains tests in vivo sont positifs.
In vitro
Les tests d’Ames, réalisés sur E. coli et S. typhimurium, et un test de mutation génique sur cellules de mammifères (lymphome de souris) ont donné des résultats négatifs, avec et sans système d’activation métabolique [6].
In vivo
L’exposition de souris gestantes au monoxyde de carbone induit, dans les cellules sanguines des mères et des fœtus, une augmentation des échanges entre chromatides sœurs et des micronoyaux (0, 1500, 2 500 et 3500 ppm, 10 min au 5, 11 et 16 jour de gestation ou 0, 500 ppm, 1 h/j, 1er au 6e, du 7e au 13e ou du 14e au 20e jour de gestation) [42].
Au contraire, un test de micronoyau réalisé chez le rat (exposition pendant 28 jours, concentrations non disponibles) donne des résultats négatifs [6].
Effets cancérogènes
Il n'y a pas de donnée sur les effets cancérogènes du monoxyde de carbone chez l'animal à la date de publication de la fiche.
Effets sur la reproduction
Le monoxyde de carbone provoque des effets tératogènes ainsi qu'une importante foetotoxicité (altération notamment du système nerveux).
Fertilité
Aucun effet sur le taux de gestation n’est observé suite à une exposition en continu à 50 ppm de monoxyde de carbone (uniquement souris mâles ou souris mâles et femelles, 2 semaines avant l’accouplement).
Développement
Le fœtus est plus sensible que la mère à l’hypoxie induite par le monoxyde de carbone, son taux de carboxyhémoglobine à l’équilibre est plus élevé (10-15 % de plus que dans le sang maternel) et la dissociation de l’oxyhémoglobine moins aisée, ce qui empêche la libération d’oxygène de la mère au fœtus et de l’hémoglobine fœtale aux tissus fœtaux. La capacité de diffusion placentaire augmente avec l’âge gestationnel en fonction du poids fœtal [43].
Chez le rat, de nombreuses études ont mis en évidence l’effet d’une exposition au monoxyde de carbone pendant la gestation sur le poids des fœtus, avec des LOAEC comprises entre 60 ppm (HbCO maternelle 15 %, exposition continue pendant toute la gestation) et 600 ppm (HbCO maternelle 30 %, exposition 2 h/j) [26].
Suite à une exposition pendant la gestation, le monoxyde de carbone perturbe le développement du système nerveux central. Différents effets sont rapportés au niveau :
- du contrôle de la fonction respiratoire, avec une réponse anormale à l’asphyxie et hypercapnie (cobayes, 200 ppm, 10 h/j, GD 23 ou 25 à GD 68, HbCO maternelle 8,5 %) ;
- du comportement, avec une diminution de l’activité motrice et des réponses aux stimulations, altérations du réflexe de redressement ou de l’apprentissage (rats, dès 60 ppm en continu, toute la gestation, HbCO maternelle 15 %) ;
- des niveaux de dopamine et norépinéphrine dans différentes régions du cerveau (rats, 60 ppm en continu, toute la gestation, HbCO maternelle 15 %) ;
- du développement du cervelet, en lien avec le stress oxydatif induit (rats, 25 ppm) [44] ;
- du développement du système auditif (rats, dès 12,5 ppm, en continu du GD 8 à 20-22).
Des effets sur le système nerveux périphérique sont observés chez des nouveau-nés, suite à une exposition pendant la gestation (rats, dès 75 ppm, en continu, GD 0-20, HbCO maternelle 7,3 %) : diminution de la myélinogenèse et de la conduction nerveuse au niveau des nerfs sciatiques.
Des effets cardiaques (augmentation du poids et cardiomyopathies, dès 60 ppm chez le rat), immunologiques (modifications fonctionnelles des macrophages spléniques, rats, dès 75 ppm) et hématologiques (diminution de l’hématocrite et de l’hémoglobine, rats, dès 250 ppm) sont aussi rapportés chez des nouveau-nés suite à des expositions pendant la gestation.
Une exposition postnatale pendant 32 jours induit une cardiomégalie et une tachycardie persistantes à l’âge adulte [45].
Neurotoxicité
L'exposition répétée conduit à des lésions au niveau du système nerveux central.
Le monoxyde de carbone stimule l’augmentation du débit sanguin cérébral à des taux variables selon les régions (le faible flux du sang dans le cortex, expose celui-ci au risque d'hypoxie en priorité) et diminue la vitesse de conduction nerveuse pendant et après l’exposition. Les lésions histologiques se présentent comme un œdème généralisé, une vacuolisation et une démyélinisation. Elles sont fonction de l’hypotension et de l’acidose lactique alors que le taux de carboxyhémoglobine, la durée de l’exposition ou l’hémoconcentration ne jouent qu’un faible rôle [34].