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Trioxyde de chrome

Fiche toxicologique n° 1

Sommaire de la fiche

Édition : Mai 2019

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme [5, 14, 15]

    La voie respiratoire est la voie principale d’absorption du trioxyde de chrome. Son action sur la peau est surtout locale. La toxicité du trioxyde de chrome résulte de son pouvoir corrosif et des espèces réactives générées lors de sa réduction.

    Chez l'animal

    Les données ont été établies à partir d’études chez le rat, la souris, le cochon d’Inde et le lapin. Vingt à trente pour cent du chrome hexavalent (VI) passent dans la circulation sanguine après absorption par voie respiratoire. L’absorp­tion est faible par voie cutanée (1 - 4 %) et par voie orale (2 - 9 %); l’absorption gastro-intestinale diminue avec la quantité de nourriture ingérée; elle est limitée par la réduction du chrome VI en chrome III dans l’estomac. Le chrome VI est transporté par les hématies qui le réduisent principalement en chrome III ; il est en partie stocké dans les globules rouges, en partie distribué dans tout l’orga­nisme y compris le placenta. Après exposition chronique, le chrome VI s’accumule dans les poumons, la rate (où sont détruites les hématies en fin de vie), les intestins, les reins, le foie et les testicules.

    De 20 à 70 % de la dose administrée sont éliminés sous forme réduite (Cr III) par les urines ou les fèces ; cette voie devenant prépondérante en cas d’absorption per os.

    Chez l'Homme

    Chez l’Homme, son absorption digestive est faible. En milieu professionnel, l’absorption se fait surtout par inha­lation.

    Surveillance Biologique de l'exposition

    En raison de la réduction rapide du chrome hexavalent en chrome trivalent après absorption, les dosages de chrome sanguin et urinaire reflètent la quantité totale de chrome absorbé

    Elles ne sont pas spécifiques des expositions professionnelles au chrome VI car elles intègrent également les expositions au chrome III (inhalation et/ou alimentation) et au chrome métal (chrome élémentaire, chrome 0).

    Le dosage du chrome urinaire, prélèvement fait en fin de poste de travail et fin de semaine, est un bon indicateur de l'exposition récente de la semaine mais également de l'exposition ancienne à toutes les formes de chrome (VI, III et métal). Des prélèvements en début et fin de poste permettent une bonne évaluation de l'exposition de la journée au chrome soluble. Même après plusieurs mois d'arrêt d'exposition, la chromurie peut rester supérieure aux valeurs de la population générale.

    Le dosage du chrome sur sang total ou sur sérum en fin de poste et fin de semaine refléterait pour le chrome sérique l'exposition récente (des deux jours précédents) et pour le chrome sanguin total l'exposition à long terme mais également l'exposition récente au chrome. Ce paramètre est très sensible et bien corrélé au chrome urinaire.

    Le dosage du chrome intraérythrocytaire serait spécifique de l'exposition au chrome hexavalent. En l’absence de donnée suffisante, ce dosage ne peut être proposé en routine. 

    Des valeurs biologiques d’interprétation en population professionnellement exposée ont été établies pour le chrome urinaire.

  • Mode d'actions [17]

    Le chrome VI est un oxydant fort et diffuse facilement à travers les membranes. Il détruit ainsi les cellules épithé­liales des voies respiratoires, de la peau, ou des voies digestives exposées. Au cours de sa réduction intracellu­laire en chrome III, des dérivés réactifs de l’oxygène peu­vent être produits. Ces composés très réactifs sont susceptibles d’engendrer diverses réactions cytotoxiques en cascade comme la lipoperoxydation.

  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë [5, 14, 15]

    La toxicité aiguë du trioxyde de chrome résulte essentiellement de son caractère corrosif.

    L’inhalation, l’ingestion et l’absorption percutanée de tri­oxyde de chrome sont létales pour différentes espèces animales (souris, rat, lapin). Elles provoquent de graves lésions des tissus exposés, des saignements et ulcérations, une cyanose et une détresse respiratoire. La CL50 par inhalation est évaluée à 217 mg/m3 chez le rat exposé à un aérosol pendant 4 heures. Les DL50 par voie orale se situent entre 52 et 113 mg/kg chez le rat, entre 135 et 175 mg/kg chez la souris et à 57 mg/kg chez le cochon d’Inde. La DL50 par voie cutanée est évaluée à 55 mg/kg chez le rat.

    Le trioxyde de chrome est très irritant à corrosif chez le lapin, propriété attendue en raison de son faible pH. Les composés solubles du chrome VI induisent une sensibili­sation cutanée chez la souris et le cochon d’Inde; on observe des réactions croisées avec le chrome III qui sem­blent montrer que celui-ci constitue l’haptène final.

    Toxicité subchronique, chronique [5, 14, 15, 18]

    L’exposition chronique au chrome VI, par inhalation, provoque inflammations et ulcérations.

    Soumise à l’inhalation répétée de trioxyde de chrome (1,8 et 3,6 mg/m3 Cr VI) pendant au moins 8 mois, la souris développe des symptômes dus aux propriétés irritantes voire corrosives de la substance: ulcérations, perforation du septum nasal, inflammation de la muqueuse nasale, du pharynx, prolifération de cellules épithéliales de la tra­chée, emphysème.

    Des signes équivalents sont observés chez le rat dès la pre­mière semaine d’exposition ; ces signes peuvent régresser après plusieurs semaines. L’atteinte pulmonaire s’accom­pagne d’une réaction inflammatoire, mise en évidence par une mobilisation des macrophages alvéolaires. Une dose sans effet toxique de 0,7 mg/m3 a été mise en évidence chez le rat.

    Les autres voies d’exposition n’ont pas été étudiées chez l’animal.

    Effets génotoxiques [5, 14, 15]

    Le trioxyde de chrome est mutagène dans plusieurs modèles d’études in vitro. Il est classé par l’Union européenne, comme d’autres composés hydrosolubles du chrome VI, mutagène catégorie 2.

    Les données disponibles concernent essentiellement d’au­tres composés solubles du chrome VI et démontrent leur génotoxicité. Le trioxyde de chrome, pour sa part, donne des résultats positifs dans les tests suivants :

    • tests de réplication d’ADN in vitro : diminution de la fidélité de la réplication;
    • tests bactériens de mutations ponctuelles (chez E.coli ou S. typhimurium) ;
    • tests de mutations ponctuelles cellules mammifères en culture ;
    • tests cytogénétiques (micronoyau, échange de chroma- tides sœurs) sur cellules de rongeurs en culture.

    Le trioxyde de chrome déclenche une réponse SOS chez E.coli, qui pourrait contribuer à la mutagenèse induite par les adduits à l’ADN formé par le Cr VI, bloquant la machi­nerie de réplication. Certains facteurs du système de réparation des mésappariements seraient également impliqués [12].

    Effets cancérogènes [5, 14, 15]

    Des tumeurs induites par le trioxyde de chrome ont été mises en évidence par inhalation chez le rat et par administration intrabronchique chez la souris. Le trioxyde de chrome est classé dans la catégorie 1 (1A) des cancérogènes par l’Union européenne et dans le groupe 1 par le CIRC.

    De nombreux animaux inhalant le trioxyde de chrome de façon chronique présentent une inflammation voire une hyperplasie des voies respiratoires. Quelques études chez la souris exposée pendant 6 à 12 mois à une inhalation de 1,8 à 13 mg/m3 de Cr VI montrent des cas de papillome nasal et d’adénomes pulmonaires. L’implantation intra­bronchique de 1 à 130 mg de Cr VI chez le rat induit le développement de quelques métaplasies bronchiques et quelques carcinomes.

    La formation de tumeurs au site d’injection après admi­nistration intrapleurale ou intramusculaire chez le rat est peu pertinente en raison du type de voies choisies dans ces études.

    Effets sur la reproduction [5, 14, 15, 20]

    Le trioxyde de chrome peut altérer la fertilité et provoquer des signes d’embryotoxicité (résorptions fœtales et retard de développement) chez les rongeurs.

    Dans une étude subchronique, l’administration de 10 ou 20 mg/kg de trioxyde de chrome à des rats modifie la qua­lité et le nombre de leurs spermatozoïdes. Les tubules séminifères adoptent une morphologie anormale.

    Chez le hamster, l’injection intraveineuse de 2,6 mg Cr Vl/kg provoque retards de développement, hydrocé­phales et fentes palatines. Puis, à partir de 3,9 mg Cr Vl/kg, dose toxique pour la mère, s’ajoutent des troubles de l’os­sification et des résorptions fœtales.

    Une étude chez la souris, traitée par 5,2 à 10,4 mg Cr/kg par voie sous-cutanée, rapporte des effets embryo- et foetotoxiques, des retards de développement et une aug­mentation de l’incidence des fentes palatines. Ces obser­vations ne surviennent cependant qu’à 10,4 mg/kg, dose toxique pour la mère.

  • Toxicité sur l’Homme [5, 14, 15]

    Les intoxications aiguës se traduisent par une irritation importante de la peau et des muqueuses (oculaires, respiratoires et digestives). Les contacts répétés avec la peau produisent des ulcérations, et l'inhalation des lésions des voies aériennes (rhinite, laryngite, pharyngite bronchites). Quelques cas d'asthme sont rapportés de même que des tubulopathies rénales. L'exposition aux dérivés du chrome VI est susceptible de provoquer des cancers bronchiques. Les effets sur la reproduction ne sont pas documentés.

    Toxicité aiguë

    L’inhalation d’aérosols détermine une irritation des muqueuses respiratoires, notamment de la muqueuse nasale où peuvent apparaître des ulcérations, mais aussi pulmonaire entraînant douleurs thoraciques, toux, dysp­née et cyanose. Les niveaux précis d’exposition engen­drant ces effets ne sont pas déterminés.

    L’ingestion accidentelle est responsable de lésions caus­tiques du tube digestif pouvant se traduire par des brûlu­res bucco-oesophagiennes avec parfois œdème de la glotte, des vomissements sanglants, de violentes douleurs épigastriques et un syndrome dysentérique. Ce dernier entraînant d’importants désordres hydroélectriques est la cause principale d’un collapsus cardiovasculaire. Dans les jours qui suivent, on peut observer une insuffisance rénale par atteinte tubulaire ainsi que, dans quelques cas, une hépatite cytolytique et une hémolyse. Des cas mor­tels ont été décrits.

    Par contact avec la peau, le trioxyde de chrome provoque des brûlures sévères. Dans certains cas, on a pu observer des atteintes systémiques avec atteinte rénale et décès mais uniquement lorsque la peau est fortement lésée soit par l’acidité, soit par des brûlures thermiques.

    L’atteinte oculaire, dans des atmosphères chargées d’aéro­sols, se traduit habituellement par des conjonctivites, mais les projections de poussières ou de solutions concen­trées peuvent entraîner des lésions sévères de la cornée (œdème, opacification).

    Toxicité chronique

    Le contact répété avec la peau et les muqueuses et l’inha­lation chronique d’atmosphères chargées d’aérosols de trioxyde de chrome entraînent des pathologies connues depuis longtemps.

    Au niveau cutané, on observe des ulcérations caractéris­tiques (pigeonnaux), peu étendues mais profondes, qui siègent surtout sur la face dorsale des mains ou sur la face latérale des doigts; leur guérison est lente et laisse sou­vent des cicatrices rétractiles. Elles peuvent survenir à n’importe quel endroit du corps où il y a un contact cutané avec le chrome. On note également des dermites eczématiformes.

    Au niveau des voies respiratoires, des atrophies, des ulcé­rations de la muqueuse nasale sont fréquentes, surtout en cas d’hygiène personnelle insuffisante avec apport du chrome au niveau du nez par les doigts. Elles aboutissent souvent à des perforations de la cloison. C’est pourquoi dans l’industrie de l’électrométallurgie, des cas ont été observés pour des niveaux atmosphériques très faibles (inférieur à 0,004 mg/m3 de trioxyde de chrome). On peut observer également des rhinites chroniques avec saigne­ment de nez, des laryngites et des pharyngites et aussi des ulcérations bronchiques et des bronchites rebelles.

    De rares cas d’asthme ont été décrits lors d’exposition à du chrome VI, dont plusieurs dans le cadre d’usine d’électrolyse.

    ll est possible enfin de rencontrer des effets digestifs (œsophagites, gastro-entérites, ulcères gastroduodénaux) et des néphrites tubulaires. Les atteintes rénales semblent survenir aux mêmes niveaux d’exposition que les attein­tes pulmonaires.

    Effets génotoxiques

    Quelques études ont été conduites chez des travailleurs exposés au chrome VI chez lesquels les lymphocytes circu­lants ont été isolés et examinés à la recherche d’aberra­tions chromosomiques, de micronoyaux, d’échanges de chromatides sœurs et de modifications du nombre de chromosomes. En général, dans les études bien menées, les résultats sont négatifs y compris dans les entreprises d’électrolyse. Certaines donnent des résultats positifs mais il s’agit pour la plupart d’études de qualité médiocre.

    Effets cancérogènes

    Plusieurs études épidémiologiques menées dans l’indus­trie de la production des chromates et des pigments à base de chromate ont démontré que celle-ci comporte un risque accru de cancer pulmonaire, sans que les composés responsables n’aient pu être identifiés. Des études chez les ouvriers de l’électrolyse (plaqueurs), qui sont principa­lement exposés au trioxyde de chrome, rapportent égale­ment une augmentation des cancers pulmonaires, sans qu’il soit possible d’établir une relation dose-réponse claire.

    Le trioxyde de chrome est considéré comme les autres composés du chrome (VI) cancérogène pour l’homme par le CIRC (groupe 1) [21].

    Effets sur la reproduction

    Quelques études ont été publiées chez des femmes exposées professionnellement au chrome; leur qualité ne permet pas d’en tirer de conclusion utilisable.

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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