Description clinique de la maladie indemnisable (décembre 2007)
I. Troubles cardiaques aigus
Définition de la maladie
L’hyperexcitabilité ventriculaire ou supraventriculaire (auriculaire) se manifeste par des troubles du rythme cardiaque qui sont des perturbations de l'automatisme électrique du cœur.
Les hydrocarbures halogénés (en particulier trichlorométhane, 1,1,1-trichloroéthane, trichlo), en intoxication aiguë, provoquent des troubles du rythme cardiaque du type tachycardie, extrasystoles ventriculaires ou fibrillation ventriculaire. Il s'agit d'une toxicité myocardique directe. Une toxicité cardiaque (arythmie), pour de faibles expositions, reste discutée.
Le libellé du tableau traduit un éventail d'états pathologiques, allant de symptômes discrets à un état grave, voire mortel.
Diagnostic
Le diagnostic positif est évoqué sur la clinique. Il est confirmé par l'électrocardiogramme.
Il existe de multiples causes de troubles du rythme et le diagnostic étiologique peut nécessiter de nombreux examens complémentaires.
Les troubles du rythme liés aux hydrocarbures halogénés n'ont pas de spécificité, mais sont exceptionnels en milieu professionnel. Le diagnostic étiologique repose sur la notion d'exposition aiguë aux solvants, éventuellement confirmée par biométrologie, et l’absence d’autre étiologie.
Evolution
Les troubles du rythme disparaissent après cessation de l'exposition. L'évolution peut être soit bénigne soit gravissime, avec risque de décès rapide en cas de fibrillation ventriculaire.
Traitement
Il repose sur la soustraction au risque aussi précoce que possible. Il est ensuite symptomatique.
Facteurs de risques individuels
Les troubles du rythme sont favorisés par l’administration de certains médicaments (dérivés adrénergiques).
Estimation du risque en fonction de l’exposition
Les troubles du rythme ne se voient que lors d'intoxications aiguës.
II Hépatites aiguës cytolytiques
Définition de la maladie
Une hépatite cytolytique se définit comme une affection du foie avec destruction (cytolyse) des cellules hépatiques. Elle peut s'accompagner ou non d'un ictère (coloration jaune plus ou moins intense de la peau et des muqueuses). La rédaction du tableau demande explicitement de faire le diagnostic différentiel avec les hépatites virales A, B et C et les hépatites alcooliques. Le diagnostic positif de l’hépatite aiguë cytolytique due aux hydrocarbures halogénés est un diagnostic d’élimination porté après que les causes les plus habituelles d’hépatite aiguë aient été éliminées.
Certains hydrocarbures halogénés (en particulier trichlorométhane, 1,2-dibromoéthane, 1,2-dichloropropane, 1,1-dichloroéthylène) sont des toxiques hépatiques constants. Le trichlo et le perchlo, lorsqu’ils sont purs, ne sont pas hépatotoxiques (toutefois, il n’existe des exigences de pureté que pour les produits à usage domestiques).
Ces atteintes hépatiques sont souvent associées à des atteintes rénales.
Diagnostic
Le diagnostic positif est évoqué sur la clinique en cas d'ictère. Il est confirmé par la biologie par le dosage des transaminases lors d'un bilan hépatique.
Il existe de multiples causes d'hépatite cytolytique et le diagnostic étiologique peut nécessiter de nombreux examens complémentaires. Les causes les plus fréquentes sont virales, toxiques (alcool, médicaments) ou auto-immunes.
L’hépatite cytolytique par exposition professionnelle aux hydrocarbures halogénés est actuellement rare, habituellement anictérique, et n'a aucune spécificité. Le diagnostic étiologique repose sur la notion d'exposition aiguë, éventuellement confirmée par biométrologie, et la négativité des autres examens.
Evolution
L'hépatite régresse habituellement sans séquelles, après cessation de l'exposition. Les formes graves, d’évolution éventuellement fatale, sont exceptionnelles.
Traitement
Il repose essentiellement sur la soustraction au risque. Le traitement est ensuite symptomatique.
Estimation théorique du risque en fonction de l’exposition
Ces effets aigus sont dose-dépendants et apparaissent pour des expositions variables selon le dérivé. L’hépatite cytolytique correspond en général à une exposition aiguë accidentelle.
III. Néphropathies tubulaires
Définition de la maladie
Une néphropathie tubulaire ou tubulopathie est une maladie rénale due à des lésions des tubules rénaux, pouvant aller jusqu’à la nécrose tubulaire. Le tubule est l’élément anatomique faisant suite au glomérule et constituant avec lui le néphron. La tubulopathie des hydrocarbures halogénés est plutôt aiguë et régresse après arrêt de l’exposition selon les termes du tableau.
Diagnostic
Il s’agit d’une insuffisance rénale aiguë, avec oligo-anurie. Le diagnostic recherche les autres causes possibles qui sont très nombreuses. La présence d’une maladie rénale chronique, de causes d’insuffisance rénale aiguë d’origine pré ou post rénale sont à rechercher.
Evolution
L’évolution d’une tubulopathie est très variable en fonction de sa cause. Celle de la tubulopathie des hydrocarbures halogénés prévue au tableau est régressive, puisqu’il s’agit d’une condition de sa prise en charge comme maladie professionnelle.
Traitement
Outre le traitement symptomatique, l’éviction est le traitement étiologique.
IV. Polyneuropathie
Définition de la maladie
Le terme de polyneuropathie (affection touchant plusieurs territoires nerveux) doit être entendu comme polyneuropathie symétrique distale, ou polynévrite. C’est une affection atteignant des nerfs périphériques. Elle se distingue des multinévrites (atteinte simultanée de plusieurs troncs nerveux) par la symétrie des troubles et leur prédominance distale, sans systématisation tronculaire ou radiculaire (des troncs et des racines). Les atteintes concernent les fibres sensitives, motrices et végétatives des nerfs.
Diagnostic
Le diagnostic de polynévrite est d’abord clinique. Les symptômes sont sensitvo-moteurs. Le début est insidieux, avec volontiers une fatigabilité à la marche, car la plupart des polyneuropathies atteint les membres inférieurs, des crampes, des douleurs nocturnes. Le déficit moteur est distal, bilatéral et symétrique et prédomine sur la loge antéro-externe de la jambe. L’atteinte sensitive se marque par des douleurs, spontanées, à la pression, au contact. On relève une hypoesthésie superficielle, des troubles de sensibilité de position. Les réflexes ostéo-tendineux achilléens sont abolis, des troubles trophiques sont retrouvés.
Le diagnostic positif de polyneuropathie est complété par les données de l’électro-myogramme.
Le diagnostic différentiel se fait avec les multinévrites, les polyradiculonévrites et les nombreuses étiologies de polyneuropathies (carentielles, toxiques, dégénératives, para-néoplasiques).
Evolution
Elle dépend en partie de la précocité du diagnostic et de l’importance de l’intoxication. L’arrêt ne l’exposition ne permet pas la guérison.
Traitement
Le traitement de la polyneuropathie associe l’éviction de tous les facteurs toxiques pour les nerfs périphériques, un traitement symptomatique et des prises vitaminiques.
V. Neuropathie trigéminale
Définition
La neuropathie (ou névrite) trigéminale est un terme générique donné à toute pathologie du nerf trijumeau (5ème paire de nerfs crâniens), assurant la plus grande partie de la sensibilité de la face, quelle qu'en soit l'étiologie et la symptomatologie. La souffrance des fibres nerveuses se traduit principalement par une diminution (hypoesthésie) ou une perte (analgésie) de la sensibilité dans son territoire. Une branche de ce nerf est aussi motrice. Des parésies faciales ont été décrites lors d’exposition au dichloroacétylène.
Diagnostic
Le diagnostic positif est évoqué sur la clinique et confirmé par examens complémentaires.
Il existe diverses causes de neuropathie trigéminale et le diagnostic étiologique nécessite des examens complémentaires biologiques et morphologiques pour déterminer la cause inflammatoire, traumatique, tumorale ou toxique.
Le diagnostic étiologique de la névrite trigéminale due aux hydrocarbures halogénés repose sur la notion d’exposition aiguë ou chronique (éventuellement confirmée par biométrologie), la prédominance clinique de signes d'hypoesthésie dans le territoire du trijumeau et l'exclusion d'une autre cause.
Evolution
La neuropathie trigéminale se stabilise ou peut plus ou moins régresser après cessation de l'exposition.
Traitement
Il repose sur la soustraction au risque. Le traitement est ensuite symptomatique.
Estimation théorique du risque
Quelques cas de névrites trigéminales ont été décrits, il y a plus de 30 ans, après exposition prolongée à des hydrocarbures halogénés, essentiellement après exposition au trichloréthylène. Elles étaient très vraisemblablement dues à des impuretés ou des composés de dégradation.
Des hypoesthésies, confirmées par examens complémentaires, ont été décrites après de fortes expositions. Selon certains auteurs, la névrite du trijumeau serait un signe précoce de l'exposition chronique excessive au trichloréthylène.
VI. Neuropathie optique rétrobulbaire
Définition de la maladie
La neuropathie (ou névrite) optique est un terme générique donné à toute pathologie du nerf optique (2ème paire de nerfs crâniens), quelle qu'en soit l'étiologie et la symptomatologie. Rétrobulbaire signifie que l’atteinte se situe en arrière du globe oculaire. La souffrance de ces fibres nerveuses se traduit par une diminution de l'acuité visuelle, des troubles de la vision des couleurs et une amputation localisée du champ visuel (scotome central ou champ visuel en canon de fusil), en principe bilatéraux et d’apparition progressive.
Diagnostic
Le diagnostic positif est évoqué sur la clinique et confirmé par l'examen ophtalmologique (avec fond d’œil, test de la vision des couleurs, champ visuel, potentiels évoqués visuels).
Il existe de multiples causes de neuropathie optique et le diagnostic étiologique, orienté par le fond d’œil, nécessite des examens complémentaires biologiques et d’imagerie, pour éliminer les causes inflammatoires (sclérose en plaque) ou toxiques (tabac, alcool, médicaments, autres substances industrielles).
La neuropathie optique rétrobulbaire due aux hydrocarbures halogénés n’ayant pas de spécificité, son diagnostic étiologique repose sur la notion d’exposition aiguë ou chronique, éventuellement confirmée par biométrologie et la négativité des autres examens.
Evolution
La neuropathie optique rétrobulbaire se stabilise ou peut régresser plus ou moins partiellement, après cessation de l'exposition.
Traitement
Il repose sur la soustraction au risque. Le traitement est ensuite symptomatique et d’efficacité limitée.
Estimation théorique du risque en fonction de l’exposition
Les névrites optiques après exposition aux hydrocarbures halogénés, ont été essentiellement décrites après exposition au trichloréthylène, il y a plus de 30 ans. Elles étaient très vraisemblablement dues à des impuretés ou des composés de dégradation.
VII Anémies hémolytiques
Définition de la maladie
L’anémie se définit comme une diminution de la quantité d’hémoglobine contenue par unité de volume de sang, inférieure à 13g/100ml chez l’homme et à 12g/100ml chez la femme, sans augmentation du volume plasmatique. L’anémie de type hémolytique est due à une destruction toxique directe des hématies (hémolyse)
L’anémie hémolytique aiguë survient le plus souvent après une latence de quelques heures par rapport à la contamination cutanée par le 1,2-dichloropropane : elle se traduit par une pâleur, une cyanose et un ictère cutanéomuqueux et est accompagnée d’un malaise général avec douleurs abdominales, douleurs lombaires, état d’anxiété et, parfois, fièvre.
Il existe une émission d’urines rouges. Cette anémie hémolytique est facilitée par la fragilisation des globules rouges due à un déficit congénital en glucose 6 phosphate déshydrogénase.
Diagnostic
La biologie montre un effondrement de l’hématocrite, la présence d’hémoglobine libre dans le sang, l’existence d’hématies vides au frottis sanguin («ghosts» ou hématies fantômes), une élévation de la bilirubine libre dans le sang, une hémoglobinurie.
Evolution
L’évolution peut se faire vers l’anurie.
Traitement
Le traitement consiste en une exsanguino-transfusion et en un traitement symptomatique des désordres métaboliques et de l’anurie.
VII. Aplasies ou hypoplasies médullaires
Définition de la maladie
L’aplasie est l’arrêt de la production, par la moelle osseuse, des éléments constitutifs du sang (globules rouges, globules blancs et plaquettes). L’hypoplasie est la réduction de cette production.
L'anémie se définit comme une diminution de la quantité d'hémoglobine contenue par unité de volume de sang, inférieure à 13 g/100 ml chez l'homme et de 12g/ 100 ml chez la femme, sans augmentation du volume plasmatique.
La leucopénie se définit comme une baisse des leucocytes inférieure à 4.109/litre.
La thrombopénie se définit comme un nombre de plaquettes (ou thrombocytes) inférieur à 5.109/litre.
Une thrombopénie isolée et modérée s'observe dans les formes classiques de la maladie.
Diagnostic
Les signes cliniques révélateurs sontclassiquement ceux de la thrombopénie (hématomes, purpura voire hémorragies graves) et de l'anémie (pâleur de la peau et des conjonctives, asthénie, dyspnée).
Les examens biologiques :
- l'anémie est de type normochrome, normocytaire, non régénérative,
- la leucopénie porte essentiellement sur les polynucléaires neutrophiles. Dans le cas de l'exposition au benzène, il s'agit plutôt d'une leuconeutropénie même si une étude récente a montré que la baisse du nombre absolu de lymphocytes (< à 1,5. 109/litre ) était le marqueur le plus sensible,
- la thrombopénie est variable. Les tests d'évaluation de la coagulation primaire (temps de saignement, test du lacet) sont peu sensibles donc peu réalisés en pratique courante.
Les examens de la moelle osseuse révèleront une moelle pauvre avec une prédominance de lymphocytes. La présence de mégacaryocytes, d'érythroblastes et de myélocytes est un facteur de bon pronostic.
Evolution
Il s'agit d'une atteinte de la moelle qui peut revêtir des aspects polymorphes selon l'intensité de l'exposition au 2-bromopropane, la durée mais également les susceptibilités individuelles.
Les perturbations hématologiques progressives (anémie, leuconeutropénie, thrombopénie) sont généralement réversibles mais peuvent se fixer si l'exposition est prolongée ou plus importante.
L'évolution de la dépression médullaire peut se faire vers l'aggravation ou secondairement vers la leucose ou un syndrome myélodysplasique.
Traitement
Pour les anomalies hématologiques discrètes, l'éviction du 2-bromopropane permet dans la majorité des cas une normalisation.
Le traitement sera symptomatique en cas de dépression médullaire plus sévère : l'apport d'éléments figurés du sang se fera à la demande (transfusion sanguine en cas d'hémoglobine <8g/100ml et plaquettes <20 109/l). Les transfusions doivent toujours être réalisées avec des produits sanguins phénotypés, irradiés et déleucocytés.
Les facteurs de croissance hématopoïétiques (G-CSF et GM-CSF) peuvent être utilisés en association.
Les greffes de moelle osseuse ont des indications particulières.
VIII Manifestations d’intoxication oxycarbonée
Définition de la maladie
L’intoxication chronique par l’oxyde de carbone (CO) forme un tableau clinique associant des céphalées, de l’asthénie, des vertiges et des nausées. Il s’agit d’une association de signes banals, subjectifs, non mesurables, pouvant ne pas être tous présents en même temps, ou à des degrés différents, chez tous les individus. L’intoxication au CO chronique, à de faibles teneurs, ne présente ainsi pas d’aspect cliniquement caractéristique. Si la présence de plusieurs individus se plaignant des mêmes symptômes peut orienter le diagnostic, il peut aussi l’égarer vers d’autres pistes erronées, alimentaires ou psychosomatiques.
Diagnostic
L’intoxication professionnelle par l’oxyde de carbone prévue dans le tableau de maladies professionnelles est à différencier de l’intoxication aiguë par l’oxyde de carbone qui peut être un accident du travail ou entrer dans le cadre du tableau n°64. Il s’agit là d’un tableau plus chronique, s’étalant sur des durées pouvant aller jusqu’à des semaines, avec des symptômes moins prononcés, sans perte de connaissance ni coma.
Le diagnostic est aidé par la connaissance de l’exposition et fait par la constatation de l’élévation du taux d’oxyde de carbone sanguin à un niveau supérieur à 15 ml par litre de sang et de la présence d’une carboxyhémoglobinémie supérieure à sa valeur physiologique (peu différente de 0,3 % chez le non fumeur non exposé).
Evolution
L’évolution est favorable après traitement, pouvant cependant laisser des céphalées et une asthénie plus persistantes.
Traitement
Le traitement repose sur la soustraction au risque et sur l’oxygénothérapie.
Facteurs de risque
Facteurs d’exposition
L’indemnisation concerne les intoxications résultant du métabolisme du dichlorométhane
Facteurs individuels
Le tabagisme peut au moins perturber le diagnostic de l’intoxication chronique à de faibles niveaux.