Pathologie - Toxicologie
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Toxicocinétique - Métabolisme [5]
Le N,N-diméthylformamide est bien absorbé par toutes les voies de pénétration chez l’animal comme chez l’Homme. Il est métabolisé dans le foie et rapidement excrété dans l’urine essentiellement sous la forme du métabolite N-(hydroxyméthyl)-N-méthylformamide (HMMF).
Chez l'animal
Absorption
Chez l'animal, l'absorption du N,N-diméthylformamide est importante par voie orale (chez le rat, > 60 % de la dose), par inhalation et par voie cutanée (57 mg/cm2/8 h sous forme liquide par la queue chez le rat). L'absorption cutanée des vapeurs peut, dans certains cas, excéder l'absorption pulmonaire.
Distribution
Après absorption, le N,N-diméthylformamide se distribue essentiellement dans le sang, le foie et les reins. Sa demi-vie plasmatique est de 1 à 2 heures chez le singe, après exposition par inhalation [18]. Chez la rate gestante, une dose de 100 mg/kg administrée par voie orale au 12e ou au 18e jour de gestation traverse la barrière placentaire ; entre 0,5 et 4 heures après l'exposition, l'utérus, le placenta, les embryons et le liquide amniotique contiennent 1,5 % de la dose, cette valeur décline rapidement à moins de 0,1 % après 24 heures. Le taux de N,N-diméthylformamide ou de ses métabolites dans l'embryon ou le fœtus est semblable à celui du plasma maternel [19]. Le passage transplacentaire a également été montré après exposition par inhalation.
Métabolisme
Le N,N-diméthylformamide est métabolisé dans le foie ; la voie métabolique majeure est une oxydation par les mono-oxygénases à cytochrome P450. Le cytochrome spécifique de cette réaction est le P450 2E1.
L'oxydation mène à un certain nombre de métabolites (cf. fig. 1) qui sont excrétés dans l'urine sous forme libre ou conjuguée. Le métabolisme est saturable : des rats et des souris exposés par inhalation (250 - 500 ppm pendant 6 heures) présentent une augmentation de la concentration plasmatique en N-(hydroxyméthyl)-N-méthylformamide (HMMF) qui n'est pas en relation avec la concentration d'exposition (8 et 28 fois respectivement) alors que la concentration plasmatique en N-méthylformamide baisse. À très forte concentration (> 6000 mg/m3/4 h), le N,N-diméthylformamide est capable d'inhiber son propre métabolisme en inhibant la déformylation du HMMF en NMF.
Une exposition prolongée (6 h/j, 5 j/sem, 2 sem) augmente la capacité des animaux à métaboliser le N,N-diméthylformamide. Le singe présente également une saturation du métabolisme mais sans baisse du taux de N-méthylformamide. Ces différences de métabolisme entre espèces peuvent être à l'origine des différences de toxicité.
Une interaction métabolique a été montrée entre le N,N-diméthylformamide et l'éthanol : le DMF inhiberait l'alcool et l'aldéhyde deshydrogénases, provoquant une augmentation de la concentration plasmatique en éthanol et acétaldéhyde.
Schéma métabolique
Excrétion
La transformation et l'excrétion du DMF sont rapides chez le rongeur : 83 % de la dose de 14C]-DMF, injectée par voie intrapéritonéale (i.p.) chez la souris, sont retrouvés dans l'urine en 24 heures. Cette excrétion comprend 5 % de DMF inchangé, 56 % de HMMF (décomposé en NMF au cours du dosage) et 18 % de composés non identifiés. Chez le rat (injection i.p., 1 ml [14C]-DMF/kg), 70 % des molécules radiomarquées injectées sont éliminées dans l'urine en 72 heures, dont 10,5 % de DMF inchangé, 35 % de HMMF ou NMF, 3,5 % de HMF et environ 20 % de métabolites non identifiés. La N-acétyl-S-méthylcarbamoyl-cystéine (AMCC) est dosée à un taux de 1 à 5 % dans l'urine de souris, de hamster et de rat, 72 heures après une exposition par voie i.p. La quantité excrétée est inversement proportionnelle à la dose d'exposition [20].
Après exposition orale (100 mg/kg), le rat excrète 60 - 70 % de la dose dans les urines en 48 heures et 3 - 4 % dans les fèces [19].
Après exposition unique par inhalation chez le chien (87 mg/m3/6 h ou 6 015 mg/m3/3 h) ou le rat (63 mg/m3/ 6 h ou 513 mg/m3/3 h), l'excrétion urinaire de NMF après 24 heures est fonction de la concentration : nulle à la faible concentration et présente à forte concentration ainsi que la molécule inchangée. Après exposition répétée du rat (63 mg/m3 (6 h/j, 5 j/sem pendant 4 semaines) ou du chien (177 mg/m3, 6 h/j, pendant 5 jours), le taux de NMF excrété est constant pendant l'exposition, avec une quantité de DMF inchangé très faible [6].
Chez l'Homme
Le N,N-diméthylformamide est absorbé par voie pulmonaire (60 à 90 % de la quantité inhalée), par voie cutanée de façon rapide et parfois très importante (jusqu'à 40 % en fonction de la température et de l'hygrométrie) mais aussi par voie digestive. La demi-vie sanguine du DMF est de 1 - 2 heures. Il est métabolisé comme chez l'animal et excrété dans l'urine avec une demi-vie d'élimination totale d'environ 23 heures [4]. Une faible proportion du DMF absorbé est éliminée sous forme inchangée dans les urines (0,3 à 1,5 %) et dans l'air expiré (2 à 28 % selon les auteurs). Tous les métabolites sont éliminés dans les urines : après une exposition à 30 mg/m3, l'élimination urinaire se partage en 0,3 % de composé parental, 22,3 % de HMMF + NMF, 13,2 % de HMF et 13,4 % de AMCC avec des demi-vies d'élimination de 2, 4, 7 et 23 heures respectivement. Après des expositions répétées (30 mg/m3, 8 h/j pendant 5 jours), l'élimination urinaire, 16 heures après la dernière exposition, est composée d'environ 14 % de HMMF, 32 % de HMF et 54 % d'AMCC. Le N-méthylformamide urinaire s'accumule tout au long de la semaine s'il existe une exposition cutanée associée.
La biotransformation du N,N-diméthylformamide est diminuée par l'administration préalable d'éthanol. Une moindre métabolisation du produit a été mise en évidence chez les buveurs consommant en moyenne 66,5 g d'éthanol par jour.
Surveillance Biologique de l'exposition
Le dosage du NMF total (N-méthylformamide formé dans l'organisme + N-méthylformamide provenant de la dégradation du N-hydroxyméthyl-N-méthylformamide au cours de l'analyse) dans les urines de fin de poste de travail est le reflet de l'exposition du jour même. Cet indicateur est bien corrélé avec les concentrations atmosphériques de DMF, sauf en cas de pénétration percutanée associée ; il est spécifique, absent des urines des sujets non exposés.
Le dosage de la N-Acétyl-S-(N-méthylcarbamoyl)cystéine (AMCC) dans les urines en fin de poste et fin de semaine de travail est le reflet de l'exposition moyenne des jours précédents, surtout utile lors d'une exposition cutanée prédominante. L'AMCC semble un meilleur marqueur biologique que le NMF car il est très sensible et davantage lié à l'apparition d'effets toxiques.
Des valeurs biologiques d’interprétation (VBI) pour le milieu de travail sont proposées par différents organismes pour ces deux indicateurs.
Des données plus limitées sont disponibles pour d’autres indicateurs biologiques d’exposition au DMF.
Les dosages urinaires en fin de poste de travail du DMF, bien corrélé à l'intensité de l'exposition et du formamide ont également été proposés. Le DMF urinaire ne représente qu'une faible fraction de la dose absorbée et le formamide est retrouvé dans les urines de sujets non professionnellement exposés. Le dosage des adduits N-méthylcarbamoyl à l'hémoglobine (NMHb) dans le sang est un indicateur sensible, bien correlé à l'exposition et aux effets toxiques du DMF, utile pour apprécier l'exposition au DMF des mois précédents. Chez les sujets non professionnellement exposés, les concentrations sont voisines de 1,8 nmol/g Hb.
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Toxicité expérimentale [5]
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Toxicité sur l’Homme