Toxicité aiguë [1 à 4, 7, 10]
L’abamectine est très toxique par ingestion et par inhalation. L’organe cible est le système nerveux. Elle n’est pas irritante par contact cutané ni oculaire et n’est pas un sensibilisant cutané.
Toxicité systémique
L'abamectine est très toxique par voie orale chez le rat. La DL50 obtenue par administration dans de l'huile de sésame est de 8,7 et 12,8 mg/kg chez le mâle et la femelle respectivement. Dans un véhicule aqueux, l'abamectine est moins toxique avec une DL50 de l'ordre de 200 mg/kg. Dans une étude de neurotoxicité aiguë chez le rat, l'administration d'abamectine par gavage (doses testées 0 - 0,5 - 1,5 et 6 mg/kg) induit des troubles neuromusculaires aux deux plus fortes doses ainsi qu'une baisse de l'activité motrice à la plus forte dose. La dose sans effet néfaste observé fixée dans cette étude est de 0,5 mg/kg.
Dans des études exploratoires menées chez des souris CF-1 au génotype connu concernant le gène abcb1a codant pour l'expression de la P-gp, la DL50 de l'abamectine par voie orale est de 28 mg/kg pour les souris homozygotes (abcb1a +/+), 14 mg/kg chez les hétérozygotes (abcb1a +/-) et de 0,3-0,4 mg/kg chez les homozygotes déficientes (abcb1a -/-). Les mêmes signes de neurotoxicité sont observés quel que soit le génotype mais à des doses plus élevées en fonction de l'expression de la P-gp.
L'abamectine est également très toxique par inhalation chez le rat. La CL50 est comprise entre 0,034 et 0,051 mg/L.
Les DL50 par voie cutanée sont supérieures à 330 mg/kg (dose maximale testée) et 2 000 mg/kg chez le rat et le lapin respectivement. Aucune mortalité n'est observée dans les deux études.
Quelle que soit la voie d'exposition, des troubles neurologiques (tremblements et ataxie) sont observés. Par inhalation, le système respiratoire est également touché.
Irritation
L'abamectine n'est irritante ni pour la peau ni pour les yeux du lapin.
Sensibilisation
L'abamectine ne présente pas de propriétés sensibilisantes pour la peau dans un test de Magnusson et Kligman réalisé chez le cobaye.
Toxicité subchronique, chronique [1 à 4, 7, 10]
Dans les études expérimentales relatives à la toxicité subchronique et chronique de l’abamectine, le système nerveux est le principal organe cible chez toutes les espèces testées. Les relations dose-réponse observées présentent une forte pente (i.e. une faible augmentation de la dose provoque des effets importants).
La toxicité subchronique de l'abamectine a été évaluée après administration répétée par voie orale, chez le rat et le chien.
Dans une étude combinée de toxicité subchronique et de neurotoxicité chez le rat, l'administration par gavage de 0 - 0,4 - 1,6 et 4 mg/kg/j d'abamectine dans de l'huile de sésame a entraîné à la plus forte dose des signes cliniques neurologiques marqués : tremblements, troubles de la démarche, baisse de l'activité et de la stabilité, diminution des réflexes de redressement et d'écartement des membres postérieurs.
Au cours de la septième semaine, une baisse du poids corporel est observée chez tous les animaux, accompagnée d'une aggravation des signes cliniques qui a conduit à leur sacrifice. L'analyse histo-pathologique a mis en évidence une inflammation et des ulcérations de l'estomac.
Chez le chien, l'administration par gavage d'avermectine B1α dans de l'huile de sésame pendant 18 semaines (doses testées 0 - 0,5 - 2,4 et 8 mg/kg/j) provoque aux trois plus fortes doses une augmentation de la mortalité, des troubles neurologiques marqués (ataxie, tremblements, mydriase et ptyalisme) ainsi qu'une baisse du gain de poids corporel et des lésions histologiques du foie.
Dans une étude d'un an chez le chien, l'administration de 0 - 0,25 - 0,5 et 1 mg/kg/j d'abamectine via l'alimentation provoque également des troubles neurologiques (mydriase) à partir de 0,5 mg/kg/jour. À la plus forte dose, une baisse du poids corporel et une augmentation de la mortalité sont également observées.
Les doses sans effet néfaste observé fixées dans les études de toxicité subchronique par voie orale sont de 1,6 mg/kg/j chez le rat et de 0,25 mg/kg/j chez le chien.
Dans une étude exploratoire chez le singe rhésus, l'administration unique par gavage d'abamectine à des doses croissantes toutes les 2 à 3 semaines provoque des vomissements à partir de 2 mg/kg, une diminution du réflexe pupillaire à partir de 6 mg/kg et une mydriase à partir de 24 mg/kg.
Dans une étude complémentaire réalisée chez des souris de souches CF-1 et CD-1, l'administration de 0,8 mg/kg/j d'abamectine pendant 4 jours induit une toxicité importante chez 17 % des souris CF-1 (dyspnée, décubitus latéral, tremblements, coma). Les analyses immunohistochimiques révèlent que chez ces souris sensibles, aucune P-gp n'est exprimée dans le cerveau ni dans l'intestin grêle.
Concernant les études de toxicité chronique par voie orale, une étude de deux ans chez le rat (doses testées 0 - 0,75 - 1,5 et 2 mg/kg/j) et de 18 mois chez la souris CD-1 (doses testées 0 - 2 - 4 et 8 mg/kg/j) ont été réalisées. L'administration d'abamectine via l'alimentation vie durant, provoque une augmentation de la mortalité des mâles et des troubles neurologiques (tremblements) aux doses de 2 mg/kg/j et 8 mg/kg/j chez le rat et la souris respectivement.
Chez la souris, il est également noté une diminution du gain de poids chez les deux sexes et une augmentation du poids relatif de la rate associée à une hématopoïèse extra-médullaire chez les mâles.
Les doses sans effet néfaste observé fixées dans les études de toxicité chronique par voie orale sont de 1,5 mg/kg/j chez le rat et de 4 mg/kg/j chez la souris.
Une étude de toxicité par inhalation a été réalisée chez le rat. Après 4 semaines d'exposition à l'abamectine (6 heures par jour, 5 jours par semaine aux doses de 0 - 0,111 - 0,577 - 2,69 µg/L), la dose sans effet néfaste observé est de 0,577 µg/L. Une exposition à la plus forte dose (2,69 µg/L) entraîne une diminution de l'activité motrice et des signes cliniques de détresse respiratoire chez les femelles.
Effets génotoxiques [1 à 7]
Au regard des tests réalisés in vitro et in vivo, l’abamectine ne présente pas de potentiel génotoxique.
In vitro
Des résultats négatifs sont obtenus dans deux tests de mutation génique sur bactéries (Salmonella typhimurium souches TA98, TA100, TA1535, TA1537, TA1538 et Escherichia coli WP2 uvrA) avec ou sans activation métabolique. Sur cellules de mammifères, l'abamectine ne présente pas d'activité mutagène dans un test de mutation génique sur des pneumocytes de hamster chinois lignée V79, avec ou sans activation métabolique.
L'abamectine ne présente pas non plus d'activité clastogène dans un test d'aberration chromosomique sur des cellules ovariennes de hamster chinois lignée CHO-WBL, avec ou sans activation métabolique.
In vivo
Des résultats négatifs sont obtenus chez la souris, dans un test d'aberration chromosomique sur moelle osseuse par gavage (dose maximale testée 12 mg/kg).
Effets cancérogènes [1 à 7]
L’abamectine n’est pas cancérogène dans les études réalisées chez le rat et la souris.
Chez le rat, l'administration vie durant via l'alimentation (dose maximale testée 2 mg/kg/j) n'a pas mis en évidence d'effet cancérogène. De même, aucun effet néoplasique n'a été observé dans une étude vie durant, via l'alimentation, chez la souris (dose maximale testée 8 mg/kg/j).
Effets sur la reproduction [1 à 7, 9 à 11]
L’abamectine n’entraîne pas de modification des paramètres de la reproduction. Dans les études de toxicité pour le développement, des effets tératogènes sont observés en absence de toxicité maternelle chez le rat et en présence d’une faible toxicité maternelle chez le lapin.
Fertilité
Dans une étude de toxicité pour la reproduction sur 2 générations chez le rat par administration orale de 0 - 0,05 - 0,12 et 0,4 mg/kg/j d'abamectine dans de l'huile de sésame, les paramètres de la reproduction n'ont pas été modifiés jusqu'à la dose maximale testée. À cette dose, aucune toxicité systémique n'a été observée chez les parents. En revanche, des effets toxiques sont observés chez les jeunes durant la lactation : augmentation de la mortalité postnatale, diminution du gain de poids corporel, diminution de l'indice de lactation et augmentation de l'incidence de décollements de la rétine.
La dose sans effet néfaste observé chez les descendants est de 0,12 mg/kg/j.
Développement
Dans une étude de toxicité pour le développement, réalisée par gavage de 0 - 0,4 - 0,8 et 1,6 mg/kg/j d'abamectine chez le rat, du 6e au 19e jour de gestation, une toxicité fœtale (occurrence d'une fente palatine, résorptions spécifiques des fœtus femelles induisant une modification du sex-ratio et augmentation des variations squelettiques) est observée à la plus forte dose testée en absence de toxicité maternelle.
Les doses sans effet néfaste observé fixées dans cette étude sont de 1,6 mg/kg/j et 0,8 mg/kg/j pour les mères et pour le développement respectivement.
Dans l'étude de toxicité pour le développement réalisée chez le lapin par gavage d'abamectine (doses testées 0 - 0,5 - 1 et 2 mg/kg/j), du 6e au 27e jour de gestation, des effets tératogènes (augmentation de l'incidence de malformations des membres antérieurs, occurrence de 2 fentes palatines et de 2 omphalocèles) associés à un retard d'ossification et une augmentation du nombre de résorptions sont observés à la plus forte dose. À cette dose, une faible toxicité maternelle est également observée, caractérisée par une diminution de la consommation d'eau, de la consommation alimentaire et une légère perte de poids (3 %).
Les doses sans effet néfaste observé pour les mères et pour le développement sont toutes deux fixées à 1 mg/kg/j.
Une étude de toxicité pour le développement réalisée chez la souris CF-1 par gavage d'avermectine B1α, du 6e au 15e jour de gestation aux doses de 0 - 0,1 - 0,2 - 0,4 et 0,8 mg/kg/j montre une toxicité maternelle importante (mortalité, tremblements) à partir 0,4 mg/kg/j. À cette dose et à la dose supérieure, une augmentation de l'incidence de fentes palatines est observée chez les fœtus.
Les doses sans effet néfaste observé pour les mères et pour le développement sont toutes deux fixées à 0,2 mg/kg/j.
Neurotoxicité [8]
Des études de toxicité sur le développement réalisées chez la souris avec le métabolite [8,9-Z] de l’avermectine B1α montrent une sensibilité accrue des individus (mères et fœtus) homozygotes déficients pour le gène codant la P-gp.
Deux études de neurotoxicité pour le développement réalisées chez le rat par gavage d'abamectine dans de l'huile de sésame aux doses de 0,12 - 0,2 - 0,4 mg/kg/j du 7e jour de gestation au 22e jour de lactation ne montrent pas de toxicité maternelle à toutes les doses testées.
Dans une des deux études, la dose maximale testée induit une forte toxicité (mortalité, tremblements, baisse de poids) chez les descendants pendant la lactation. À 0,2 mg/kg/j, seule une baisse de poids par rapport aux témoins est observée pendant la lactation.
Dans la seconde étude, aucun effet neurotoxique n'est observé dans la descendance. À la dose de 0,4 mg/kg/j, une baisse de poids par rapport aux témoins est observée pendant la lactation.
Les doses sans effet néfaste observé pour les mères et pour le développement sont fixées à 0,4 mg/kg/j et 0,12 mg/kg/j pour les mères et les descendants respectivement.
Études sur le métabolite isomère [8,9-Z] de l'avermectine B1α [1 à 7, 9 à 11]
Des études de toxicité pour le développement ont été menées chez la souris CD-1 et la souris CF-1.
Chez la souris CD-1, l'administration par gavage de l'isomère [8,9-Z] de l'avermectine B1α, du 6e au 17e jour de gestation, aux doses de 0,75 - 1,5 et 3 mg/kg/j, provoque une augmentation des effets tératogènes (fentes palatines) à toutes les doses testées en absence de toxicité maternelle. La dose sans effet néfaste observé pour les mères est de 3 mg/kg/j, la dose sans effet néfaste pour le développement est inférieure à 0,75 mg/kg/j.
Les études exploratoires de toxicité pour le développement réalisées chez la souris CF-1 montrent que les mères homozygotes déficientes pour le gène codant la P-gp (abcb1a -/-), sont beaucoup plus sensibles, avec une dose sans effet néfaste observé inférieure à 0,2 mg/kg/j contre 1,5 pour les mères de type sauvage.
Ces études montrent également une relation inverse entre l'expression de la P-gp chez le fœtus (et le placenta) et l'incidence des fentes palatines. Ainsi, après administration de 1,5 mg/kg/j de l'isomère [8,9-Z] de l'avermectine B1α du 6e au 17e jour de gestation, l'incidence des fentes palatines est de 0 %, 41 % et 97 % chez les fœtus homozygotes (abcb1a +/+), chez les fœtus hétérozygotes (abcb1a +/-) et chez les fœtus homozygotes (abcb1a -/-) respectivement.
Rôle de la glyco-protéine-P dans la toxicité de l'abamectine [1, 5 à 7, 9 à 11]
Certains animaux, tels que les souris de souche CF-1 ou les chiens de race Colley et apparentés, présentent une mutation spontanée du gène codant pour la P-gp abcb1a (mdr-1), rendant cette dernière non fonctionnelle. Chez les animaux homozygotes pour cette mutation, l'absence d'expression de la P-gp au niveau de la barrière hémato-encéphalique est responsable d'une neurotoxicité accrue de l'abamectine.
Chez l'homme, il existe un polymorphisme du gène ABCB-1 (MDR1) affectant le niveau de l'expression de la P-glycoprotéine. Cependant, un déficit génétique complet en P-glycoprotéine n'a jamais été identifié chez l'homme, quels que soient les haplotypes. C'est pourquoi les études expérimentales réalisées sur souris CF-1 n'ont pas été jugées pertinentes pour l'évaluation des dangers pour l'homme par différentes instances d'évaluation.
Des études portant sur l'expression de la P-gp dans le cerveau et l'intestin du rat au cours de son développement montrent que le transporteur n'est pas (intestin) ou peu (cerveau) présent à la naissance et que son expression augmente durant la période postnatale pour atteindre à l'âge de 3 à 4 semaines les mêmes taux que chez l'adulte. Ces études suggèrent que la forte mortalité néonatale observée résulte d'un manque d'expression de la P-gp dans le cerveau des jeunes rats, conduisant à une augmentation de la concentration intracérébrale de l'abamectine.
Des études réalisées sur des fœtus humains et de singe montrent quant à elles que l'expression de la P-gp dans le cerveau des primates est beaucoup plus précoce in utero, avec une expression similaire à celle de l'adulte chez le fœtus de 28 semaines. La sensibilité accrue à la toxicité de l'abamectine observée dans les études expérimentales chez le rat juvénile a donc été considérée comme non extrapolable à l'homme.
En revanche, en absence de données sur l'expression de la P-gp au niveau du placenta, chez les différentes espèces, les effets tératogènes observés dans les études de toxicité pour le développement chez le lapin et le rat ont été pris en compte dans l'évaluation des dangers pour l'homme.