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Trioxyde de diantimoine

Fiche toxicologique n° 198

Sommaire de la fiche

Édition : Juin 2017

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme [1]

    Le trioxyde de diantimoine est principalement absorbé par voie pulmonaire et, très faiblement, par voie digestive. Il est largement distribué dans l’organisme puis lentement éliminé, essentiellement dans les selles et plus faiblement dans l’urine. Chez l’homme, il existe un passage transplacentaire et dans le lait maternel.  

    Chez l'animal
    Absorption

    Aucune donnée quantitative n’est disponible par inhalation. L’utilisation d’un modèle mathématique de déposition des particules estime l’absorption pulmonaire à 6,8 %. Par voie orale, l’absorption gastro-intestinale est très faible. Chez le rat, à la suite de l’administration de 100 mg/kg pc (de poids corporel) par gavage, seul 0,3 % du trioxyde de diantimoine est absorbé ; ce pourcentage n’est plus que de 0,05 % lorsque la dose administrée est 1000 mg/kg pc.

    Aucune donnée n’est disponible par voie cutanée.

    Distribution

    A la suite de l’instillation intra-trachéale de particules de trioxyde de diantimoine à des hamsters (diamètre médian : 7 - 13,3 ou 19,5 µm, en suspension dans solutions salines de concentrations respectives 1,52 - 0,23 ou 0,33 mg/kg pc), 60, 49 et 45 % du trioxyde de diantimoine sont respectivement retrouvés dans les poumons après 190 heures ; environ 10 % de la dose instillée est détectée dans le foie et moins de 1 % dans les reins, la trachée et l’estomac, seuls organes étudiés [16]. Il en est de même suite à des expositions répétées par inhalation : chez le rat, le trioxyde de diantimoine est retrouvé dans les poumons et les globules rouges, avec une persistance pouvant aller jusqu’à 10 mois, selon la charge pulmonaire initiale [17].

    Après une exposition unique par voie orale, le trioxyde de diantimoine se lie aux globules rouges et est ainsi distribué dans la plupart des tissus des rats : les concentrations les plus importantes sont mesurées dans la moelle osseuse et la thyroïde, viennent ensuite la rate, les poumons, le foie, les ovaires, le cœur, les reins, le fémur et la peau [1].

    Excrétion

    L’élimination pulmonaire du trioxyde de diantimoine est biphasique chez le hamster (instillation intra-trachéale unique), avec une demi-vie pour la 1ère phase de 40 heures et une ½ vie pour la 2nde phase comprise entre 20 et 40 jours [16]. Le trioxyde de diantimoine est ensuite éliminé principalement dans les fèces [17].

    Chez le rat, suite à une administration par voie orale, l’élimination est aussi biphasique : une 1ère phase rapide, d’environ une semaine, avec une élimination principalement via les fèces et dans une moindre mesure via les urines, suivie d’une 2nde phase, plus lente d’environ 1 mois. A la suite d’une administration intra-péritonéale chez le rat, 36 % de la dose initiale est retrouvée dans les fèces 72 heures après.

    Surveillance Biologique de l'exposition

    Le dosage de l'antimoine dans les urines, prélèvement fait en fin de poste et fin de semaine de travail, peut être utile pour la surveillance biologique de l’exposition professionnelle (SBEP) au trioxyde de diantimoine. Il existe une bonne corrélation entre les concentrations urinaires et atmosphériques d'antimoine.

    Le dosage sanguin de l'antimoine, prélèvement fait en fin de poste et fin de semaine, a également été proposé pour la SBEP mais il n’est pas d'usage courant. Des taux non nuls d’antimoine sanguin sont retrouvés dans la population générale non professionnellement exposée.

    Aucune relation entre de possibles effets sur la santé et les concentrations sanguines et urinaires d’antimoine  n'a été mise en évidence.

    Des valeurs biologiques d’interprétation en population professionnellement exposée ont été établies pour l’antimoine urinaire (Voir Recommandations § II).

  • Mode d'actions
  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë [1]

    La toxicité aiguë du trioxyde de diantimoine est faible, quelle que soit la voie d’exposition.

    La DL50 par voie orale chez le rat est supérieure à 20 g/kg ; la DL50 par voie cutanée chez le lapin est supérieure à 8300 mg/kg pc ; la CL50 chez le rat est supérieure à 5200 mg/m3.

    Les données expérimentales n’apportant pas d’éléments complémentaires à ce qui est décrit chez l’homme, elles ne seront pas développées dans ce paragraphe. 

    Toxicité subchronique, chronique [1]

    Les effets observés chez l’animal sont similaires à ceux rapportés chez l’homme et touchent principalement l’appareil respiratoire.

    Les données expérimentales n’apportant pas d’éléments complémentaires à ce qui est décrit chez l’homme,  elles ne seront pas développées dans ce paragraphe.

    Chez le rat, l’ingestion de trioxyde de diantimoine (90 jours, via l’alimentation) est responsable d’anomalies hépatiques, notamment une augmentation du poids du foie et élévation des taux d’ASAT, à la plus forte dose testée soit 20000 ppm (correspondant à 1686 mg/kg pc/ chez les mâles et 1879 mg/kg pc/j chez les femelles). Toutefois, en l’absence de modifications histologiques ou de signes cliniques associés, ces effets sont considérés comme adaptatifs ou accidentels.

    Effets génotoxiques [1]

     In vitro, le trioxyde de diantimoine n’est pas à l’origine de mutation génique mais il induit des aberrations chromosomiques et des échanges de chromatides sœurs sur les cellules de mammifères. In vivo, les tests des micronoyaux et d’aberrations chromosomiques sur les cellules de moelle osseuse de rats ou de souris donnent des résultats négatifs par voie orale, dans les conditions expérimentales utilisées. Par inhalation, des résultats positifs (tests des micronoyaux et des comètes) sont obtenus chez la souris mais pas chez le rat. 

    In vitro, le trioxyde de diantimoine donne des résultats négatifs dans les tests d’Ames réalisés sur S. typhimurium et E. coli, et dans le test de mutation génique sur lymphome de souris, avec ou sans activation métabolique (Elliot et al 1998). Un test d’aberrations chromosomiques réalisé sur lymphocytes humains donne des résultats positifs, avec ou sans activation métabolique (Elliot et al 1998). De plus, le trioxyde de diantimoine est capable d’induire des échanges de chromatides sœurs sur des lymphocytes humains et des fibroblastes de hamster chinois [1].

    In vivo, des résultats négatifs ont été obtenus sur les cellules de moelle osseuse de rats ou de souris, exposées par gavage, lors des essais suivants :

    • micronoyau chez le rat ou la souris, à la suite d’expositions uniques (souris, 5000 mg/kg pc) ou répétées pendant 21 jours (rat, 250-500-1000 mg/kg pc/j / souris, 400-667-1000 mg/kg pc/j) [21, 22] ;
    • aberrations chromosomiques chez le rat (250-500-1000 mg/kg pc/j, pendant 21 jours) [22] ;
    • aberrations chromosomiques chez la souris, à la suite de l’administration d’une seule dose (400-667 ou 1000 mg/kg pc) [23].

    A la suite d’une exposition par inhalation chez la souris (de 3 à 30 mg/m3, 6 h/j, 5 j/sem, 105 sem), le nombre de micronoyaux, présents dans le sang périphérique, augmente significativement dans les 2 sexes. Un test des comètes, réalisé sur les cellules pulmonaires des souris exposées, donne aussi des résultats positifs (test négatif sur les leucocytes du sang périphérique). Chez les rats, les résultats obtenus lors de ces tests sont négatifs [24].

    Effets cancérogènes [1]

    A la suite d’une exposition par inhalation, le trioxyde de diantimoine est principalement à l’origine de tumeurs pulmonaires, bénignes et malignes. Des tumeurs cutanées, des phéochromocytomes et des lymphomes sont aussi observés.

    Les études disponibles ne suivent pas les lignes directrices standards (un seul sexe et/ou exposition pendant 1 an). L’exposition de rats femelles par inhalation à du trioxyde de diantimoine (0 - 1,9 et 5 mg/m3, 6 h/j, 5 j/sem, 1 an) a entraîné ?une augmentation de l’incidence des tumeurs pulmonaires à la plus forte concentration (carcinomes  squirrheux, carcinomes malpighiens et adénomes broncho-alvéolaires) [1]. Des rats mâles et femelles ont été exposés à 45 mg/m3 (7 h/j, 5 j/sem, 1 an) : l’augmentation de l’incidence des tumeurs pulmonaires n’est observée que chez les rats femelles [25].

    Dans une étude récente, des rats et des souris ont été exposés au trioxyde de diantimoine à 0-3-10 ou 30 mg/m3 pendant 2 années (6 h/j, 5 j/sem) [24].

    Chez le rat femelle, une augmentation de l’incidence des adénomes broncho-alvéolaires est observée aux deux plus fortes concentrations ; chez les rats mâles, une augmentation du nombre d’adénomes et/ou carcinomes broncho-alvéolaires est rapportée dès la plus faible concentration. De plus, à la plus forte concentration, l’incidence des phéochromocytomes bénins est augmentée chez les rats mâles et femelles, et celle des phéochromocytomes malins est augmentée uniquement chez les femelles.

    Chez la souris, l’incidence des adénomes ou des carcinomes broncho-alvéolaires est augmentée dès 3 mg/m3 pour les 2 sexes. Chez les femelles, sont rapportés des lymphomes (tous les groupes) et des carcinomes malpighiens cutanés (30 mg/m3) ; chez les mâles, des tumeurs cutanées malignes sont observées à la plus forte concentration (histiocytomes fibreux ou fibrosarcomes).

    Le mécanisme de cancérogénicité le plus probable semble être lié à une perturbation de la clairance pulmonaire et une surcharge de particules, suivies d’une réponse inflammatoire, d’une fibrose et de tumeurs [1, 26].

    Effets sur la reproduction [1]

    Des effets sur la fertilité sont décrits chez le rat, dans une seule étude, après exposition par inhalation. Les études plus récentes disponibles ne mettent en évidence, quant à elles, aucune atteinte de la fertilité. De même, aucun effet sur le développement n’est rapporté chez le rat. 

    Fertilité [1]

    Chez le rat, l’inhalation quotidienne de 250 mg/m3 de trioxyde de diantimoine pendant deux mois avant accouplement puis pendant la gestation, est à l’origine d’une baisse du taux de fécondité et de la taille des portées, ainsi que de troubles de l’ovogenèse et d’anomalies utérines (métaplasies épithéliales). Toutefois, les résultats sont à prendre avec précaution, compte tenu du protocole expérimental et des résultats parcellaires.

    Dans une étude récente, des rats femelles gestantes ont été exposées à un aérosol de trioxyde de diantimoine par voie nasale, du 1er au 19ème jour de gestation, à des concentrations de 2,6-4,4 et 6,3 mg/m3 (MMAD 1,59 à 1,82 µm, 6 h/j). Chez les mères, une augmentation du poids des poumons, la présence de foyers inflammatoires dispersés et une hyperplasie des cellules de type II sont observées dès 2,6 mg/m3 ; leur poids corporel et la prise de nourriture ne sont pas modifiés par le traitement. Le nombre de gestations est similaire entre les groupes témoins et exposés et aucun effet n’est rapporté concernant le nombre de corps jaunes, d’implantations, de fœtus viables ou de pertes pré-implantatoires.

    A la suite d’une exposition répétée pendant 90 jours à 1686 mg/kg pc/j pour les rats mâles et 1879 mg/kg pc/j pour les rats femelles (dans la nourriture), aucun changement histopathologique n’est observé au niveau des organes reproducteurs mâles et femelles [27].

    Les effets testiculaires potentiels du trioxyde de diantimoine ont été étudiés, chez le rat et la souris, à la suite d’une exposition par gavage à 12 ou 1200 mg/kg pc/j (rat - 5 j/sem, souris - 3 j/sem, 4 semaines). Aucun effet n’est mis en évidence à ces doses [28].

    Développement [1]

    Des rats femelles gestantes ont été exposées à un aérosol de trioxyde de diantimoine par le nez, du 1er au 19ème jour de gestation, à des concentrations de 2,6-4,4 et 6,3 mg/m3 (MMAD 1,59 à 1,82 µm, 6 h/j). Chez les mères, seules des atteintes pulmonaires sont rapportées (Cf. Fertilité). Ce traitement n’a eu d’effet ni sur la croissance des fœtus ni sur l’incidence de malformations squelettiques, viscérales ou externes. Une légère augmentation du nombre de résorptions et de pertes post-implantatoires est notée à la plus forte concentration mais conforme aux données historiques et non statistiquement significative par rapport aux témoins.

  • Toxicité sur l’Homme

    Les études en milieu professionnel rapportées dans la littérature sont  le plus souvent anciennes et les co-expositions fréquentes.

    L’exposition aiguë par voie orale est essentiellement responsable d’une atteinte digestive tandis que par inhalation, on observe une irritation des voies respiratoires et des muqueuses oculaires. Une exposition répétée ou prolongée au trioxyde d’antimoine entraine principalement des effets irritants cutanéo-muqueux, parfois des dermatoses de contact et des atteintes pulmonaires à type de fibrose.

    Des cas de cancers pulmonaires sont décrits mais les données ne permettent pas de conclure quant au risque cancérogène du produit (co-expositions fréquentes à d’autres cancérogènes, méconnaissance du statut tabagique). Les données disponibles sont insuffisantes pour évaluer d’éventuels effets mutagènes ou toxiques pour la reproduction chez l’homme.

    Toxicité aiguë [1, 29-33]

    L’ingestion accidentelle de trioxyde de diantimoine a entraîné des sensations de brûlures gastriques, des douleurs abdominales, des nausées, des vomissements, pouvant aller jusqu’aux collapsus cardio-vasculaires.

    Lors d’inhalation de poussières ou de fumées de trioxyde de diantimoine, des signes d’irritation gastro-intestinale, d’irritation oculaire ainsi que des voies aériennes supérieures et inférieures, ont été signalés chez des travailleurs (fondeurs,…) ; mais les expositions sont peu documentées (niveaux, co-expositions,...) et le rôle exclusif du trioxyde de diantimoine dans ces irritations ne peut être affirmé.

    Toxicité chronique [1, 31-34]

    L'exposition répétée par inhalation à des fumées de trioxyde d’antimoine chez des travailleurs peut être responsable d'effets irritants sur les voies aériennes supérieures (rhinite, pharyngite…) et inférieures (pneumonie, bronchite chronique, emphysème). Les co-expositions à l’arsenic sous forme d’impuretés peuvent expliquer les signes irritatifs notamment ORL signalés dans les publications anciennes.

    La survenue de pneumoconioses, le plus souvent de découverte radiologique,  a été rapportée par plusieurs auteurs suite à l'exposition chronique à des poussières de trioxyde et/ou de pentoxyde d'antimoine (8,87 mg d'antimoine/m3 ou plus). Les travailleurs (mineurs, fondeurs,…) étaient également exposés à des oxydes d'arsenic et de fer, de l'hydrogène sulfuré, de l’hydroxyde de sodium et de la silice.

    En 1963, Mc Callum a rapporté des cas de pneumoconioses radiologiques dans une usine de production d'antimoine en Angleterre (parmi 262 travailleurs). Les concentrations urinaires d'antimoine allaient de 425 à 680 μg/L. Les concentrations de poussières et de fumées d'antimoine variaient de 0,5 à 5,3 mg/m3 dans la plupart des zones de travail (avec des maximales de 37 mg/m3). En 1967, alors que 18 cas étaient déjà sous observation clinique, 26 nouveaux cas de pneumoconiose sont décrits sans qu’aucune donnée d'exposition ne soit rapportée [1, 7].

    Des troubles gastro-intestinaux (vomissements, diarrhées), fatigue, étourdissements et céphalées ont été signalés chez des travailleurs fortement exposés aux fumées de fonderie, mais les co-expositions étaient constantes et les niveaux d’exposition majeurs.

    Plusieurs études de cas indiquent que le trioxyde de diantimoine peut entraîner une dermatite folliculo-papulaire réversible, particulièrement sur les zones de peau humide (chaleur, transpiration).

    Les études disponibles chez l’homme ne permettent pas d’évaluer le potentiel sensibilisant du trioxyde de diantimoine [35].

    Effets génotoxiques [36]

    Les informations concernant les effets génotoxiques chez l’homme sont rares. Des tests d'échanges de chromatides sœurs et du micronoyau réalisés sur les lymphocytes de 23 salariés exposés à du trioxyde de diantimoine (comparés à un groupe témoin) se sont révélés négatifs.

    Sur ces mêmes salariés, un test des comètes modifié réalisé sur lymphocytes a montré une augmentation significative des dommages oxydatifs à l'ADN chez les sujets les plus exposés comparés aux contrôles. Cependant, les niveaux d’exposition du groupe « considéré comme fortement exposé » étaient très faibles (concentration moyenne de Sb2O3 de 0,12 µg/m3), ceux du groupe témoin non connus et des co-expositions probables.

    Effets cancérogènes [1, 7, 29, 32, 33, 37, 38]

    Des données anciennes rapportent une augmentation du nombre de can­cers pulmonaires dans des usines de traitement de l’antimoine (fonderies, …).

    Il est à noter que les expositions datent pour la majorité d'entre elles d’avant 1960, que les salariés étaient co-exposés à d’autres substances comme l’arsenic, le zirconium, ou encore des hydrocarbures aromatiques polycycliques et que le statut tabagique était le plus souvent non connu.

    Effets sur la reproduction [1, 34, 37]

    Dans une étude russe ancienne, une plus grande fréquence des troubles menstruels, des avortements spontanés tardifs et des accouchements prématurés a été constatée chez les ouvrières d’une usine de métallurgie. Les femmes avaient été exposées pendant deux ans à un mélange de trioxyde de diantimoine, de pentasulfure d'antimoine et d'antimoine métallique (voire à d’autres métaux) ; les niveaux d’exposition atmosphérique en antimoine n’étaient pas connus mais les taux d’antimoine sanguin des femmes exposées  étaient 12 à 16 fois plus élevés que ceux des témoins. En raison de ses nombreuses  limites (manque d'informations sur le groupe témoin, sur les niveaux d'exposition, les co-expositions, les facteurs confondants), cette étude ne permet pas de conclure sur les effets du trioxyde de diantimoine sur la reproduction

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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