Toxicité aiguë [8 à 11]
Le paraquat est toxique par voie orale et par voie cutanée et très toxique par inhalation, les poumons sont le principal organe cible. Il est irritant cutané et oculaire, et n’est pas sensibilisant par contact cutané.
Toxicité systémique
Le paraquat est toxique par voie orale, les DL50 sont comprises entre 30 et 300 mg/kg chez l'animal (rat, souris, lapin, cochon d'Inde, poulet, chat et singe). Les organes cibles identifiés chez le rat, chez lequel les DL50 sont de 93,4 mg/kg et 113,5 mg/kg chez la femelle et le mâle respectivement, sont les poumons, le foie et le tractus gastro-intestinal.
Dans une étude chez le rat, la DL50 par voie cutanée est supérieure à 660 mg/kg. À cette dose, une forte irritation cutanée au lieu d'application a été observée mais aucun décès ni signe clinique de toxicité générale n'ont été rapportés.
Dans d'autres études, les DL50 par voie cutanée avoisinent les 200 mg/kg, ce qui a conduit à classer le paraquat comme toxique par voie cutanée.
Le paraquat est très toxique par inhalation. La CL50 chez le rat est comprise entre 0,6 et 1,4 mg/L pour une exposition de 4 heures. Une irritation du tractus respiratoire a été observée à toutes les doses testées ainsi que des lésions pulmonaires et le décès de tous les animaux exposés à la dose supérieure (1,4 mg/L).
Irritation
Chez le lapin, le paraquat est irritant pour la peau et pour les yeux.
Sensibilisation
Le paraquat n'est pas sensibilisant par contact cutané dans un test de Magnusson & Kligman réalisé chez le cobaye.
Toxicité subchronique, chronique [8 à 11]
Lors des études expérimentales relatives à la toxicité subchronique et chronique du paraquat par voie orale, les principaux organes cibles sont les poumons, les yeux et les reins.
Des études de toxicité à court et moyen terme via l'alimentation, réalisées chez le rat, la souris et le chien ont mis en évidence une diminution du gain de poids corporel et des lésions pulmonaires (hypertrophie de l'épithélium alvéolaire) chez toutes les espèces pour une exposition de 90 jours, à partir de 14,2 mg/kg/j chez le rat, 25,9 mg/kg/j chez la souris et de 1,75 mg/kg/j chez le chien.
Les doses sans effet toxique pour une exposition de 90 jours sont de 4,74 mg/kg/j chez le rat, de 8,33 mg/kg pc/j chez la souris et de 0,55 mg/kg/j chez le chien.
Dans une étude de 1 an via l'alimentation chez le chien, une hypertrophie de l'épithélium alvéolaire est également observée à partir de 0,93 mg/kg/j associée à d'autres lésions pulmonaires (inflammation granulomateuse et érythrophagocytose dans les ganglions lymphatiques bronchiaux), à cette dose sont de plus notés un érythème lingual et une augmentation des phosphatases alcalines. À la dose maximale testée (1,51 mg/kg/j), les lésions pulmonaires sont plus sévères et des signes cliniques respiratoires (hyperpnée, murmure vésiculaire augmenté) sont également observés.
La dose sans effet toxique issue de cette étude est de 0,45 mg/kg/j.
Dans une étude vie durant chez le rat, via l'alimentation (dose maximale testée 7,5 mg/kg/j), des cataractes ainsi que des lésions pulmonaires non néoplasiques (hyperplasies adénomateuses localisées et fibrose interstitielle) sont observées à partir de 3,75 mg/kg/j. À la plus forte dose, une diminution de la consommation alimentaire et une augmentation du poids relatif des poumons sont également observées dans les deux sexes ainsi qu'une augmentation des hydrocéphalies chez les femelles sacrifiées en fin d'étude.
La dose sans effet toxique issue de cette étude est de 1,25 mg/kg/j.
Dans une seconde étude de 2 ans chez le rat, via l'alimentation (dose maximale testée 11,1 mg/kg/j), des cataractes et des lésions pulmonaires sont également observées aux deux plus fortes doses.
La dose sans effet toxique établie dans cette étude est de 0,77 mg/kg/j chez le mâle et 0,97 mg/kg/j chez la femelle.
Chez la souris, l'administration de paraquat vie durant, via l'alimentation, entraîne des effets rénaux (lésions des tubules proximaux et dilatation du bassinet) aux deux plus fortes doses (5,6 et 18,7 mg/kg/j). À la plus forte dose, des lésions pulmonaires sont également observées.
La dose sans effet toxique déterminée dans cette étude est de 1,5 mg/kg/j.
Des études mécanistiques ont montré que la toxicité du paraquat repose sur un stress oxydant. Le paraquat subit des réactions d'oxydoréduction qui provoquent d'une part, la transformation de l'oxygène moléculaire en anion superoxyde, à l'origine de lésions cellulaires par peroxydation des lipides membranaires et d'autre part, une déplétion du NADPH cellulaire. D'autres études ont permis d'expliciter la concentration du paraquat dans les poumons. Il s'agit d'un mécanisme de transport actif des polyamines dans les pneumocytes II, ce qui fait du poumon l'organe cible principal du paraquat.
Après exposition au paraquat par voie cutanée pendant 3 semaines (6 heures par jour, 7 jours par semaine), la dose sans effet toxique a été fixée à 1,15 mg/kg/j. À partir de 2,6 mg/kg/j, des irritations cutanées sont observées au site d'administration. Aucun signe de toxicité systémique n'a été noté jusqu'à la dose maximale testée de 6 mg/kg/j.
Une étude de toxicité par inhalation a été réalisée chez le rat. Après 3 semaines d'exposition au paraquat (6 heures par jour, 5 jours par semaine), la dose sans effet toxique est de 0,01 µg/L. Une exposition à la dose intermédiaire (0,1 µg/L) entraîne des lésions histopathologiques de l'appareil respiratoire supérieur (ulcération, inflammation et kératinisation du larynx) de tous les animaux testés. À la dose supérieure (0,5 µg/L), une atteinte de l'épithélium alvéolaire est également observée chez la plupart des animaux.
Effets génotoxiques [8 à 11]
Des résultats positifs sont observés in vitro et in vivo à fortes doses, le paraquat n'apparaît génotoxique in vivo qu'au-delà d'un seuil où les mécanismes de défense cellulaire sont saturés.
In vitro
Des résultats négatifs sont obtenus dans des tests de mutation génique sur bactéries (Salmonella typhimurium et Escherichia coli) avec et sans activation métabolique. Un test de mutation génique sur cellules de lymphomes de souris montre des résultats équivoques. Un test de synthèse non programmée de l'ADN (UDS) sur hépatocytes de rat est négatif avec ou sans activation métabolique. Des résultats positifs sont observés, à des concentrations cytotoxiques, dans un test d'aberration chromosomique sur lymphocytes humains et dans un test d'échange des chromatides sœurs sur fibroblastes pulmonaires de hamster chinois.
In vivo
Des résultats négatifs sont obtenus dans un test du micronoyau sur moelle osseuse de souris après administration orale. D'autres tests du micronoyau ont donné des résultats positifs après administration intrapéritonéale à forte dose.
Un test cytogénétique sur cellule de moelle osseuse de rat s'est avéré négatif ainsi qu'un test de synthèse non programmée de l'ADN (UDS) sur hépatocytes de rat.
Un test de mutation dominante létale chez la souris s'est également avéré négatif.
Au regard de ces résultats, le paraquat peut induire des dommages chromosomiques. Ces effets sont imputés au stress oxydant induit par le paraquat. À forte concentration, les mécanismes de défense cellulaire sont saturés, il y a un excès d'espèces réactives de l'oxygène (ERO) qui réagissent avec les différents substrats biologiques dont l'ADN. Pour ce mode d'action génotoxique, un seuil est admis en deçà duquel les ERO sont rapidement détoxifiées.
Effets cancérogènes [8 à 11]
Le paraquat n’apparaît pas comme étant cancérogène chez le rat et la souris.
Chez le rat, dans trois études, l'administration de paraquat vie durant via l'alimentation (dose maximale testée 11,1 mg/kg/j) n'a pas mis en évidence d'effet cancérogène. De même, aucun effet néoplasique n'a été observé dans deux études vie durant, via l'alimentation, chez la souris (dose maximale testée 18,7 mg/kg/j).
Effets sur la reproduction [8 à 11]
Le paraquat n’entraîne pas de modification des paramètres de la reproduction et n’est pas tératogène. Des effets fœtotoxiques sont observés uniquement en présence de toxicité maternelle.
Fertilité
Trois études sur 3 générations chez le rat via l'alimentation ont été réalisées. Les paramètres de la reproduction n'ont pas été modifiés jusqu'à la dose maximale testée de 25,3 mg/kg/j. À cette dose, une forte toxicité systémique est observée chez les parents (augmentation de la mortalité, diminution du poids corporel, détresse respiratoire, lésions pulmonaires sévères) et les descendants (baisse du poids corporel et retards d'ossification). Aux doses intermédiaires, des lésions pulmonaires sont observées (histiocytose alvéolaire localisée, hyperplasie de l'épithélium alvéolaire).
La dose sans effet toxique pour les parents et les descendants la plus faible issue de ces études est de 1,67 mg/kg/j.
Développement
Dans deux études de toxicité sur le développement réalisées chez le rat, par gavage, le paraquat ne s'est pas avéré tératogène.
Dans une première étude, une toxicité fœtale (diminution du poids corporel, retard d'ossification) est observée en présence de toxicité maternelle (diminution du poids corporel, signes cliniques) aux deux plus fortes doses (4 et 10 mg/kg/j). Les doses sans effets toxiques pour les mères et pour le développement sont toutes deux fixées à 1 mg/kg/j.
Dans une seconde étude, des effets fœtotoxiques (diminution du poids corporel et augmentation de la mortalité fœtale) sont observés en présence de toxicité maternelle (diminution du gain de poids corporel) à la dose maximale testée de 8 mg/kg/j.
La dose sans effet toxique pour les mères et pour le développement est de 3 mg/kg/j.
Chez la souris, deux études de toxicité sur le développement par gavage n'ont montré d'effet fœtal (diminution du poids corporel fœtal, retard d'ossification notamment de l'astragale, augmentation des altérations squelettiques) qu'en présence de toxicité maternelle.
Les doses sans effet toxique pour les mères et pour le développement les plus basses issues de ces études sont de 1 mg/kg/j.
Neurotoxicité [12, 13]
La toxicité du paraquat pour le système nerveux dopaminergique a été démontrée dans de nombreuses études chez l’animal. Une exposition des organismes en développement peut entraîner des effets cliniques à l’âge adulte.
Bien qu'aucun effet neurotoxique n'ait été observé dans les tests expérimentaux réglementairement exigés, de nombreuses études in vitro et in vivo ont mis en évidence une neurotoxicité du paraquat sur le système dopaminergique.
Le paraquat a été plus spécifiquement étudié comme une étiologie possible de maladie de Parkinson, en raison d'une structure chimique proche de la méthylphényltétrahydropyridine (MPTP), substance chimique connue comme pouvant induire un syndrome parkinsonien. Bien que le paraquat et le MPTP aient une structure chimique similaire, ils ne partagent cependant pas le même mode d'action.
Dans une étude réalisée chez des souris mâles, l'administration de paraquat (doses testées 0,07 et 0,36 mg/kg/j) au 10e et au 11e jour après la naissance par voie orale n'a entraîné aucune toxicité systémique ni incidence sur le gain de poids. À l'âge de 2 et 4 mois, une baisse de l'activité générale est observée aux deux doses testées. Les teneurs en dopamine dans les structures nigro-striées sont diminuées à la plus forte dose, alors que l'administration de paraquat ne modifie pas les teneurs en sérotonine.
Dans une autre étude, l'administration intrapéritonéale de 0,3 mg/kg/j de paraquat entre le 5e et le 19e jour après la naissance entraîne une diminution du nombre des neurones dopaminergiques et une baisse des teneurs en dopamine sans affecter les teneurs en sérotonine. Dans cette étude, il a été de plus montré que l'exposition combinée de paraquat et de manèbe (fongicide) produit un effet synergique au niveau des structures nigro-striées. Ainsi, des expositions à faible dose sur de jeunes souris ont engendré des symptômes et des lésions neurologiques à l'âge adulte.
Le stress oxydant, induit par le paraquat, produit des espèces réactives de l'oxygène qui seraient à l'origine de l'apoptose des neurones des structures nigro-striées. La présence de fer en quantité plus importante dans les neurones dopaminergiques serait responsable de la mort sélective de ces derniers.
Sur la base de ces résultats expérimentaux, certains auteurs considèrent le paraquat comme une étiologie possible de maladie de Parkinson chez l'homme.