Ce qu’il faut retenir
Mesures de prévention ou de compensation
Le Code du travail prévoit une obligation générale de sécurité qui incombe à tout employeur. À ce titre, il doit évaluer et prévenir l’ensemble des risques professionnels auxquels sont exposés les salariés. Lorsque les mesures de prévention se révèlent insuffisantes, certains risques peuvent avoir des conséquences sur leur santé. Pour certains d’entre eux, des actions spécifiques doivent être mises en place. Lorsque les seuils d’exposition réglementaires à certains facteurs de risques sont dépassés, des mécanismes de compensation sont prévus au bénéfice des salariés concernés.
Le dispositif de prévention et de compensation des expositions à certains facteurs de risques professionnels (ancien « dispositif pénibilité »)
Les expositions à certains facteurs de risques professionnels ouvrent droit, sous certaines conditions, à des mesures de compensation qui varient selon les facteurs concernés.
Champ d’application du dispositif
Ce dispositif spécifique concerne les expositions du travailleur à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels liés à des contraintes physiques marquées, un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail.
10 facteurs de risque sont prévus par le Code du travail.
Facteurs de risques professionnels visés par le dispositif spécifique
Contraintes physiques marquées
- Manutentions manuelles de charges, c’est-à-dire toute opération de transport ou de soutien d’une charge dont le levage, la pose, la poussée, la traction, le port ou le déplacement, qui exige l’effort physique d’un ou de plusieurs travailleurs
- Postures pénibles définies comme positions forcées des articulations
- Vibrations mécaniques transmises aux mains et aux bras et celles transmises à l’ensemble du corps
Environnement physique agressif
- Agents chimiques dangereux, y compris les poussières et les fumées
- Activités exercées en milieu hyperbare
- Températures extrêmes
- Bruit
Rythmes de travail
- Travail de nuit sous certaines conditions
- Travail en équipes successives alternantes, communément appelé travail posté (comme par exemple les 3 x 8 ou 2 x 12)
- Travail répétitif caractérisé par la réalisation de travaux impliquant l'exécution de mouvements répétés, sollicitant tout ou partie du membre supérieur, à une fréquence élevée et sous cadence contrainte
Selon les articles L. 4161-1 et D. 4161-1 du Code du travail.
L’obligation de mettre en place des mesures de prévention est applicable pour tous ces facteurs de risques professionnels. En revanche, les mesures de compensation sont différenciées.
Différentes situations de travail exposant à des facteurs de risques professionnels pris en compte par le dispositif spécifique de prévention et de compensation, avec parfois des polyexpositions
Mesures de compensation (depuis le 1er octobre 2017)
Seuls six des 10 facteurs de risques professionnels concernés par le « dispositif pénibilité » permettent d’acquérir des points crédités sur le compte professionnel de prévention (C2P) :
- activités exercées en milieu hyperbare,
- températures extrêmes,
- bruit,
- travail de nuit,
- travail en équipes successives alternantes,
- travail répétitif.
Pour les salariés exposés aux quatre autres « facteurs de pénibilité », il est prévu un aménagement du dispositif spécifique de compensation prévu depuis la loi portant réforme des retraites du 9 novembre 2010 (départ anticipé en retraite) :
- manutentions manuelles de charges,
- postures pénibles,
- vibrations mécaniques,
- agents chimiques dangereux.
De plus, depuis le 1er septembre 2023, pour les trois premiers facteurs (manutentions manuelles, postures pénibles, vibrations mécaniques), les actions spécifiques mises en place par l’employeur (sensibilisation et prévention, formation, reconversion et prévention de la désinsertion professionnelle) peuvent être co-financées par le fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle (FIPU).
Le FIPU, qu’est-ce que c’est ?
Le fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle a été créé par la loi n°2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.
Les textes d’application sont entrés en vigueur le 1er septembre 2023 (décret n° 2023-759 du 10 août 2023 relatif au fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle et au compte professionnel de prévention et décret 2023-760 du 10 août 2023 portant application de l'article 17 de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 :
Ce fonds est créé au sein de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) et placé auprès de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles (CAT/MP).
Sa mission est de participer au financement par les employeurs d’actions spécifiques, à destination des salariés particulièrement exposés aux manutentions manuelles de charges, aux postures pénibles et aux vibrations mécaniques. Il s’agit d’actions de :
- sensibilisation et de prévention ;
- formation ;
- reconversion et de prévention de la désinsertion professionnelle.
Les orientations du FIPU viennent encadrer l’attribution de ces financements. Elles sont définies par la CAT/MP après avis de la formation compétente du Conseil d’orientation des conditions de travail (Coct) et se fondent sur une cartographie des métiers et des activités particulièrement exposés aux manutentions manuelles de charges, aux postures pénibles et aux vibrations mécaniques. Cette cartographie s’appuie sur les listes établies par accords, le cas échéant, par les branches professionnelles. Si cette liste n’a pas été établie par une branche ou si subsiste une incohérence, la CAT/MP complète la cartographie en déterminant quels sont les métiers et activités particulièrement exposés à partir des données disponibles relatives à la sinistralité et aux expositions professionnelles pour les secteurs concernés.
Un comité d’experts, qui comprend notamment le directeur de l’INRS et celui de l’Anact, peut être amené à assister la CAT/MP.
Pour en savoir plus, consulter les articles L. 221-1-5, R. 221-9-1 et suivants et D. 221-42 et suivants du Code de la sécurité sociale, L. 4163-2-1 du Code du travail, ainsi que le site du ministère chargé du Travail
Seuils réglementaires
Lorsque le dispositif spécifique a été mis en place, il n’y avait pas de seuils. C’est suite à la première réforme du dispositif qu’au 1er janvier 2015 il a été prévu que, pour l’application des dispositions relatives à la pénibilité, ne soient prises en compte que les expositions aux risques professionnels, facteurs de pénibilité, au-delà de certains seuils, après application des mesures de protection collective et individuelle.
Ainsi, pour chaque facteur de risque professionnel concerné par le dispositif, des seuils d’exposition chiffrés associaient une action ou situation à une intensité et à une durée minimale. S’ils étaient dépassés, des points étaient crédités sur le C3P.
Depuis le 1er octobre 2017, une distinction est effectuée entre ces facteurs de risques professionnels, puisque seuls les six d’entre eux susceptibles de permettre d’acquérir des points crédités sur le C2P ont des seuils qui leurs sont associés (art. D. 4163-2 du Code du travail).
Seuils associés aux facteurs de risques professionnels fixés au titre de l'environnement physique agressif
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* En tenant compte de l’atténuation liée au port éventuel de protecteurs individuels contre le bruit (PICB).
Seuils associés aux facteurs de risques professionnels fixés au titre de certains rythmes de travail
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** Depuis le 1er septembre 2023. Auparavant, les seuils étaient respectivement de 120 et de 50 nuits par an pour le travail de nuit et le travail en équipes successives alternantes.
Pour en savoir plus sur les seuils, consulter l’annexe 3 de l’instruction n° DGT/DSS/SAFSL/2016/178 du 20 juin 2016 relative à la mise en place du compte personnel de prévention de la pénibilité.
Identification des salariés concernés
L’identification des salariés qui font l’objet d’une déclaration (salariés exposés au-delà des seuils réglementaires aux six facteurs concernés par le C2P), est réalisée grâce à l’évaluation de l’exposition de chaque travailleur au regard de ses conditions habituelles de travail, appréciées, en moyenne, sur l’année.
Pour établir sa déclaration, l’employeur peut toutefois utiliser les postes, métiers ou situations de travail définis par un accord collectif de branche étendu ou, à défaut, par un référentiel professionnel de branche homologué. Lorsqu’ils existent, ces documents d’aide à l’employeur déterminent l’exposition des travailleurs aux facteurs de risques professionnels en tenant compte des mesures de protection collective et individuelle (article L. 4163-2 du Code du travail).
À noter que si l’employeur applique l’accord ou le référentiel pour effectuer la déclaration, il ne peut se voir appliquer de pénalité pour déclaration inexacte.
Le référentiel professionnel de branche homologué
En l’absence d’accord collectif de branche étendu, un référentiel professionnel de branche peut définir les postes, métiers ou situations de travail exposés. Il doit être homologué par un arrêté conjoint des ministres chargés du travail et des affaires sociales.
L’employeur qui applique ce référentiel pour déterminer l’exposition des salariés est présumé de bonne foi.
Contenu du référentiel
- Il présente l’impact des mesures de protection collective et individuelle sur l’exposition des travailleurs à la pénibilité.
- Il détermine la périodicité selon laquelle il doit être réévalué (au maximum cinq ans).
De plus, en vue de l’instruction de la demande d’homologation, il est accompagné de toutes données permettant d’évaluer les effectifs de travailleurs de la branche concernée exposés aux facteurs de risques professionnels au-delà des seuils.
Conditions d’établissement, d’homologation et exclusivité
- Un tel référentiel ne peut être établi que par une organisation professionnelle représentative dans la branche concernée et seulement dans la limite de son champ d’activité.
- Il ne peut y avoir qu’un seul référentiel par branche ou par champ d’activité d’une branche.
- Pour les postes, métiers ou situations de travail identifiés par un référentiel, il ne peut être fait usage d’un autre référentiel dans la branche ou le champ d’activité de la branche concerné.
- L’arrêté conjoint des ministres chargés du travail et des affaires sociales qui homologue le référentiel professionnel de branche est pris après avis du Conseil d’orientation des conditions de travail.
Selon les articles L. 4163-2 et D. 4163-3 du Code du travail.
Pour aller plus loin, se reporter à l'annexe 4 de l'instruction.
Pour en savoir plus
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Dossiers web INRS
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DOSSIER 10/2024
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Dossier 10/2023
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Démarches de prévention 08/2024
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DOSSIER 06/2023
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Formation INRS