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Dipentène

Fiche toxicologique n° 227

Sommaire de la fiche

Édition : Mars 2024

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme [13-17]

    Chez l'Homme comme chez l'animal, le d-dipentène est rapidement absorbé, métabolisé en composés oxydés et excrété majoritairement dans l'urine.

    Chez l'animal
    Absorption

    Chez l'animal comme chez l'Homme, le d-dipentène est totalement absorbé à partir du tractus gastro-intestinal. Par voie cutanée, l’absorption semble faible.

    Distribution

    Chez le rat, après ingestion, le taux sanguin est maximal après 2 heures, se maintient à un niveau élevé pendant 10 heures puis diminue et devient négligeable après 48 heures [15]. Les études effectuées avec une molécule radiomarquée, administrée par voie orale (800 mg/kg), montrent une distribution essentiellement hépatique et rénale, avec élimination en 48 heures.  

    L’accumulation dans les reins et la liaison du d-dipentène aux protéines varient selon les espèces et/ou le sexe. Ainsi, la concentration mesurée chez les rats mâles est 3 fois supérieure à celle des femelles, avec 40 % liés de manière réversible à une protéine spécifique du rat mâle, l’α2µ-globuline[18].

    Métabolisme

    Le métabolisme des énantiomères (d) et (l) du dipentène a été étudié chez le rat, la souris, le lapin, le cobaye et le chien, in vivo et in vitro. Les enzymes à cytochromes P450 des microsomes hépatiques de ces espèces oxydent le dipentène en plusieurs produits comme les 1,2- et 8,9-époxydes, le carvéol (produit par 6-hydroxylation) et l'acide puis l'alcool périllique (produit par 7-hydroxylation) (voir Fig. 1). Parmi les cytochromes impliqués, on peut noter, dans les microsomes de foie de rat, le CYP2C11 (chez le mâle), le CYP2C12 (chez la femelle) et le CYP2B1 et, dans ceux du foie humain, les CYP2C9 et CYP2C19. Chez le rat, le taux d'oxydation des dipentène est plus important chez le mâle que chez la femelle, ce qui pourrait être une des causes de la néphrotoxicité spécifique du rat mâle ; cette différence n'existe pas dans les microsomes humains [19].

    Schéma métabolique

    Excrétion

    Chez l'animal, 2 à 3 jours après exposition au 14C-d-dipentène par voie orale, les molécules radiomarquées sont excrétées sous forme de métabolites dans l'urine (75 à 95 %) et dans les fèces (moins de 10 %). Une très faible partie est éliminée sous forme inchangée dans les urines et environ 1 % dans l'air expiré.

    Une excrétion biliaire a été montrée chez le rat (25 % de la dose administrée après 24 heures).

    Chez l'Homme
    Absorption

    Chez l'Homme comme chez l’animal, le d-dipentène est rapidement et presque totalement absorbé à partir du tractus gastro-intestinal [20].

    L'absorption moyenne par voie respiratoire est de 65 % chez des volontaires exposés (10, 225 et 450 mg/m3 de d-dipentène pendant 2 heures) au cours d'un effort léger.

    L'absorption cutanée du d-dipentène (suite à l’immersion d'une main d'un volontaire pendant 2 heures) a été comparée à l'absorption par inhalation lors d'un effort léger (10 mg/m³ pendant 2 heures). Les auteurs ont mesuré des concentrations sanguines de d-dipentène environ 5 fois plus élevées après l'exposition par inhalation qu'après l'exposition par la voie cutanée (20 minutes après la fin de l'exposition). Le taux d’absorption percutanée a été estimé à 186 µl/cm².h [2]. En revanche, le d-dipentène , même en faible concentration (1 %) favorise la pénétration d’autres substances à travers la peau [21].

    Distribution

    Le d-dipentène est distribué rapidement dans tout l’organisme. Après inhalation, le taux sanguin diminue en trois phases de demi-vie 2,6 minutes, 33 minutes et 750 minutes ; la durée de la dernière phase ainsi que le caractère lipophile (logPow de 4,5) du dipentène semblent indiquer une accumulation dans les tissus riches en graisse [17].

    Métabolisme

    Le d-dipentène est rapidement métabolisé. Les principaux métabolites sanguins sont l'acide périllique, l'acide dihydropérillique et le dipentène-1,2-diol. Ces métabolites ont été mesurés dans le plasma de sept volontaires à des concentrations variant de 18 à 40 % suite à l'ingestion d'une dose de 100 mg/kg [5].

    Le principal métabolite urinaire chez l'Homme est le d-dipentène -8,9-diol et son glucurono-conjugué : lors d'une étude chez deux volontaires, il représentait environ 27 % d'une dose ingérée de 1,6 grammes. L’acide périllique et ses métabolites ont aussi été retrouvés dans les urines de ces volontaires (entre 7 et 11 %) [22].

    Excrétion

    Comme chez l’animal, 2 à 3 jours après exposition au 14C-d-dipentène (ingestion de 1,6 g), les molécules radiomarquées sont excrétées sous forme de métabolites dans l'urine (75 à 95 %) et dans les fèces (moins de 10 %).

    Chez des volontaires exposés à 450 mg/m3 pendant 2 heures, l’élimination sous forme inchangée est très faible que cela soit dans les urines (0,003 %) ou dans l'air expiré (environ 1 %) [5].

  • Mode d'actions
  • Toxicité expérimentale
    Toxicité expérimentale

    La grande majorité des données disponibles concernent le d-dipentène ; il n’existe aucune indication d’un profil toxicologique différent pour le l-dipentène ou le mélange de ces 2 isomères [2].

    Toxicité aiguë [13, 14]

    Le d-dipentène est faiblement toxique pour l'animal. Dans les espèces étudiées, sa cible principale est le foie ; il n'est toxique pour les reins que chez le rat mâle. Cette substance est irritante pour la peau et sensibilisante par l'intermédiaire de ses produits d'oxydation.

    La DL50 par voie orale est de 4 400 - 5200 mg/kg chez le rat (mâle et femelle) et de 5600 - 6600 mg/kg chez la souris (mâle et femelle). La DL50 par voie cutanée est supérieure à 5000 mg/kg chez le lapin.

    Le d-dipentène, après administration orale ou intrapéritonéale, est hépatotoxique chez la souris, le rat et le chien. Il modifie le taux et l'activité de certains enzymes, le poids du foie, le flux biliaire et diminue le taux de cholestérol hépatique et plasmatique. Il a un effet sédatif et relaxant musculaire chez la souris (50 mg/kg) et est néphrotoxique chez le rat mâle, provoquant l'accumulation de gouttelettes hyalines dans les cellules épithéliales du tube rénal contourné proximal. Environ 40 % du d-dipentène rénal, principalement sous la forme de son métabolite le dipentène-1,2-oxyde, est lié de façon irréversible à une protéine, l'α2µ-globuline. Chez le rat femelle, ou dans d'autres espèces animales, cette liaison n'existe pas. La dose sans effet observé (NOEL) est de 1 650 mg/kg pour une exposition de rats et de souris pendant 16 jours par voie orale.

     

    Irritation, sensibilisation

    Le d- et le l-dipentène sont modérément irritants pour la peau du lapin ; le d-dipentène pur, instillé dans l'œil du lapin, provoque des rougeurs de la conjonctive et des larmoiements. Par inhalation, il induit, chez la souris, une irritation sensorielle avec une valeur de RD50 comprise entre 1 076 ppm et 1 467 ppm suivant l'énantiomère inhalé [23].

    La sensibilisation cutanée induite par le d-dipentène chez le cobaye varie selon les tests (résultats positifs dans le test épicutané ouvert et le test de maximisation, résultats douteux avec adjuvant complet de Freund, résultats négatifs dans le test de Draize) ; en revanche, un échantillon exposé à l'air pendant 2 mois provoque des réactions positives dans tous les tests. La sensibilisation induite serait imputable aux dérivés oxydés formés par auto-oxydation de la substance pure (hydroperoxydes de dipentène et carvone) [24].

    Toxicité subchronique, chronique [13, 25, 26]

    La toxicité rénale, observée chez le rat mâle après une exposition aiguë, est majorée lors d'expositions répétées ou prolongées au dipentène ; aucune lésion n'est décelée chez la femelle ou dans d'autres espèces.

    Chez le rat, l’administration orale de 400 mg/kg pc/j de d-dipentène pendant 30 jours confirme les effets aigus précédemment rapportés : augmentation du taux et de l’activité de certains enzymes hépatiques, du poids du foie et diminution du taux de cholestérol [22]. Lorsque l’exposition se prolonge (gavage, rat mâle, 0-2-5-10-30 ou 75 mg/kg pc/j, 5 j/sem pendant 13 semaines), les modifications histologiques caractéristiques d’une néphropathie chronique sont rapportées à partir de 10 mg/kg pc/j [27]. Cette atteinte est spécifique du rat mâle, liée à l’accumulation d’α2µ-globuline, protéine n’existant ni chez l’Homme ni chez aucune autre espèce animale.

    Chez le chien (1000 mg/kg pc/j pendant 6 mois par voie orale), il induit une augmentation du poids du foie, de la phosphatase alcaline et du cholestérol [28].

    Effets génotoxiques [13, 16, 29]

    Tous les tests pratiqués avec le d-dipentène , in vitro et in vivo, donnent des résultats négatifs.

    In vitro

    Le d-dipentène n'est pas génotoxique in vitro : les résultats des tests pratiqués avec et sans activation métabolique (Ames, mutation et aberrations chromosomiques sur cellules de lymphome de souris, aberrations chromosomiques et échanges entre chromatides sœurs sur cellules ovariennes de hamster chinois) sont négatifs.

    Le dipentène-1,2-oxyde n'induit pas de mutation génique dans le test d'Ames, ni d'échanges entre chromatides sœurs ou de synthèse non programmée de l'ADN.

    In vivo

    Le d-dipentène n'induit pas de lésion de l'ADN (test des comètes, gavage, 2000 mg/kg) chez le rat et la souris [30] ni de mutation dans le foie, la vessie et le rein de rats mâles transgéniques Big Blue (525 mg/kg pc/j, pendant 10 jours, en mélange dans la nourriture) [31].

    Effets cancérogènes [13, 14, 26, 32, 33]

    Le d-dipentène est un cancérogène rénal spécifique du rat mâle ; chez les femelles et la souris des deux sexes, il a une action antitumorale.

    Le d-dipentène (voie orale, 0-75 et 150 mg/kg/j, 2 ans) est un cancérogène du tubule rénal pour le rat mâle uniquement (hyperplasie cellulaire atypique, adénomes et adénocarcinomes). Cette même dose, administrée par gavage pendant 30 semaines, a un effet promoteur sur les adénomes rénaux induits par la N-éthyl-N-hydroxyéthylnitrosamine.

    La cancérogénicité du d-dipentène dans l'état actuel des connaissances ne peut être extrapolée à l'Homme ; elle résulte, comme la néphrotoxicité, d'une chaîne d'événements spécifique au rat mâle, liée à la présence d'α2µ-globuline.

    Par ailleurs, une action antitumorale du d-dipentène a été décrite chez les rats femelles et les souris des deux sexes : il entraîne la régression et l'inhibition de diverses tumeurs (tumeurs mammaires induites par le diméthylbenz(a)anthracène, tumeurs gastriques induites par la N-méthyl-N'-nitro-N-nitrosoguanidine, tumeurs cutanées induites par le benzo(a)pyrène, tumeurs hépatiques induites par la N-éthyl-N-hydroxyéthylnitrosamine). En revanche, il n'a pas d'effet sur des tumeurs implantées.

    Le CIRC a classé le d-dipentène dans la catégorie 3 (substance non classable pour ses effets cancérogènes).

    Effets sur la reproduction [5, 13, 14]

    À des doses toxiques pour les mères, le d-dipentène est fœtotoxique chez le rat et le lapin et induit des malformations osseuses chez la souris.


     

    Fertilité

    Une étude chez le chien par voie orale (0-0,4-1,2 et 3,6 ml/kg/j pendant 6 mois) a montré une légère diminution du poids relatif des ovaires et des testicules, chez les femelles et les mâles, à toutes les doses. Aucune altération histopathologique n'a été observée. Toutefois, cette étude ne présentait aucune analyse statistique des données.

    Une seconde étude effectuée par voie orale chez le rat a montré une augmentation significative du poids des testicules à la plus forte dose en présence d'une diminution du gain de poids et de la consommation d'eau (0-277-554 et 1 385 mg/kg/j pendant 6 mois). Aucune altération histopathologique n'a été observée.

    Développement

    Des embryons de poulet exposés au 3e jour de développement (0,17 - 3,4 mg/mL) présentent, à la plus forte dose, des fréquences de malformation de 45,7 % avec le d-dipentène et 34,6 % avec le I-dipentène. Les malformations observées sont essentiellement situées dans le squelette, au niveau des membres et de la région crânio-faciale ; la mortalité embryonnaire est, à cette dose, respectivement 25,7 % et 11,5 % [34].

    Administré par voie orale chez le lapin (250 - 500 - 1 000 mg/kg pc/j du 6e au 18e jour de gestation), le d-dipentène entraîne un retard d'ossification mais pas d'effet tératogène. À la plus forte dose testée, toxique pour les mères, il provoque chez le rat (voie orale, 591 et 2 870 mg/kg pc/j du 9e au 15e jour de gestation), des retards d'ossification (métacarpes et phalanges proximales), réversibles quelques semaines après la naissance et, chez la souris (voie orale, 591 et 2 870 mg/kg pc/j du 7e au 12e jour de gestation), une augmentation du nombre de vertèbres lombaires et du nombre de vertèbres soudées.

  • Toxicité sur l’Homme

    Le dipentène est modérément irritant pour la peau et les muqueuses. En cas d’ingestion et de pénétration dans les voies respiratoires, il peut provoquer une pneumopathie d’inhalation et à forte dose, un coma convulsif. Il est responsable de dermatites de contact allergiques. Il n’y a pas d’effets systémiques documentés en cas d’exposition chronique professionnelle, ni de données disponibles chez l’Homme concernant d’éventuels effets génotoxiques, cancérogènes ou sur la reproduction.

    Toxicité aiguë

    Le dipentène est irritant pour la peau et les muqueuses [35]Un volontaire, ayant plongé sa main pendant 2 heures dans du d-dipentène pur, a présenté une dermatose prurigineuse et œdémateuse d'apparition rapide, suivie au bout de 6 heures d'un purpura. L'ensemble de ces troubles a disparu en quelques semaines [36].

    Les vapeurs sont faiblement irritantes pour les yeux [37] : dans une étude réalisée chez 12 volontaires exposés pendant 2 minutes, l’irritation oculaire est survenue entre 1 700 et 3 400 mg/m3 (300 et 600 ppm) [38].

    Dans une étude réalisée chez 8 volontaires masculins exposés par inhalation à 10, 225 et 450mg/m3 de d-dipentène pendant 2 heures en effectuant une activité physique modérée (50 watts), aucun n’a rapporté de symptôme d’irritation, ou d’atteinte du système nerveux central [39].

    Par ingestion, la survenue d’une pneumopathie d’inhalation est possible en raison de la faible viscosité de la substance [5]. Ingéré à forte dose, le dipentène peut provoquer des troubles digestifs (douleurs abdominales, vomissements, diarrhée), neurologiques (coma parfois convulsif) et une atteinte rénale [35].

    Toxicité chronique

    Il n’y a pas d’effet systémique documenté dans le cadre d’expositions chroniques professionnelles.

    En revanche, ses effets de sensibilisation cutanée sont bien connus. Plusieurs études rapportent des dermatites de contact allergiques confirmées par test cutané positif au dipentène ou à ses dérivés oxydés chez des salariés manipulant des produits contenant du dipentène. Les produits incriminés sont essentiellement des produits de nettoyage, des nettoyants pour les mains, des cosmétiques et des solvants, diluants, huile d’affûtage… Les métiers concernés sont variés : agent de nettoyage, mécanicien, métiers de la beauté, du bâtiment…[40 à 47].

    Des cas isolés d’asthmes professionnels ont été rapportés chez des salariés exposés à des produits contenant notamment du dipentène [48 à 50]. Les données disponibles sont toutefois insuffisantes pour conclure à la responsabilité du dipentène seul.

    Les terpènes, famille à laquelle appartient le dipentène , sont particulièrement pourvoyeurs de syndromes d’intolérance aux odeurs chimiques [51].

    Effets génotoxiques

    Aucune étude de génotoxicité chez des travailleurs n’a été identifiée à la date de publication de cette fiche toxicologique (2024).

    Effets cancérogènes

    Aucune étude de cancérogénicité chez des travailleurs n’a été identifiée à la date de publication de cette fiche toxicologique (2024).

    Effets sur la reproduction

    Aucune étude de toxicité pour la reproduction chez des travailleurs n’a été identifiée à la date de publication de cette fiche toxicologique (2024).

  • Interférences métaboliques
  • Cohérence des réponses biologiques chez l'homme et l'animal
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