Toxicité expérimentale
Par inhalation, la cible du béryllium est le système respiratoire où il provoque une pneumonie chimique parfois sévère. Par voie orale, seule une irritation du tractus gastro-intestinal est observée. Au niveau cutané, le béryllium et l’oxyde de béryllium ne sont pas irritants ; par contre, au niveau oculaire, ils induisent respectivement, une irritation légère à modérée, réversible. Les composés solubles du béryllium sont des sensibilisants cutanés. A la suite d’expositions répétées par inhalation au béryllium et ses composés minéraux, la principale cible est le système respiratoire. Par voie orale, seuls des effets osseux ont été rapportés pour le carbonate de béryllium.
Les composés solubles du béryllium sont génotoxiques in vitro ; des effets positifs ont également été obtenus in vivo avec le chlorure de béryllium. Le béryllium et ses composés minéraux (oxyde, hydroxyde, sulfate et phosphate) sont cancérogènes chez l’animal par inhalation ou instillation intratrachéale, mais pas par voie orale. Ils induisent une augmentation de l’incidence de tumeurs pulmonaires et d’ostéosarcomes. Le béryllium et ses composés sont classés cancérogènes catégorie 1B au niveau de l’Union européenne ; le CIRC les a classés cancérogènes pour l’homme (classe 1).
L’oxyde et le sulfate de béryllium n’ont pas d’effet sur la fertilité des rats. Par contre, à la suite d’une exposition au chlorure de béryllium, par gavage, des spermatozoïdes anormaux sont observés chez la souris. Concernant les effets sur le développement, de fortes doses d’oxyde ou de chlorure de béryllium sont embryotoxiques, fœtotoxiques et tératogènes suite à une exposition par instillation intratrachéale des femelles gestantes (augmentation de la létalité, baisse de poids fœtal, anomalies internes et retard de développement neurologique).
Les carbonate et phosphate de béryllium cités dans la partie "Toxicité expérimentale" n'ont pas été décrits dans la partie "Propriétés physiques" de cette fiche toxicologique.
Toxicité aiguë
Les CL 50/DL 50 de certains composés du béryllium sont données dans le tableau I.
Voie d’exposition | Espèce | Composé du béryllium | DL50/CL50 |
Inhalation | rat | Sulfate | 0,15 mg/m3/4 h |
Phosphate | 0,86 mg/m3/4 h |
| | |
cobaye | Phosphate | 4,02 mg/m3/4 h |
Orale | rat | | |
Fluorure | 18,8 mg/kg |
Sulfate | 120 mg/kg |
Chlorure | 200 mg/kg |
Métal | > 2000 mg/kg |
Oxyde | > 2000 mg/kg |
souris | Chlorure | 18 – 20 mg/kg |
Sulfate | 140 mg/kg |
Tableau I. CL 50/DL 50 de certains composés du béryllium [5, 15].
La plus grande toxicité des composés fluorés du béryllium serait due à la présence de l’ion fluor ; les différences de toxicité entre les autres composés seraient dues à des différences de solubilité et de taille des particules.
La cible principale, après une exposition de l’animal par inhalation, est le système respiratoire (développement d’une pneumonie chimique aiguë sévère avec inflammation et épaississement de la paroi alvéolaire, fibrose et hyperplasie épithéliale) ; un effet compensatoire cardio-vasculaire a été montré chez le chien et le singe (augmentation de la taille du cœur, baisse de la tension artérielle). La pneumonie est accompagnée d’une perte de poids et de modifications immunologiques (augmentation des lymphocytes dans le liquide broncho-alvéolaire, hyperplasie lymphoïde modérée des ganglions trachéobronchiques par activation des cellules B et T), typiques d’une hypersensibilité retardée. À des concentrations létales, on observe des modifications prolifératives du foie, des reins et de la rate. A la suite d’une exposition de 50 min à 800 mg/m3 de béryllium, 27 % des rats mâles meurent dans les 15 jours suivant l’exposition [42].
Suite à l’inhalation d’une dose unique de 800 ou 1030 mg/ m3 de béryllium, des atteintes respiratoires retardées (pneumonie granulomateuse, fibrose, infiltration lymphocytaire et/ou prolifération de l’épithélium alvéolaire) apparaissent chez les rats et les souris exposés, entre quelques jours et un an après l’exposition[7].
Par voie orale à forte concentration, les composés du béryllium induisent uniquement une irritation gastro- intestinale.
Aucune donnée par voie cutanée n’est disponible mais compte tenu de l’absence d’effet par voie orale et de l’absorption cutanée négligeable, la toxicité aiguë cutanée est improbable [7].
Irritation, sensibilisation[5, 43]
L’application de béryllium en poudre, sur de la peau de lapin, sous pansement semi-occlusif pendant 4 heures, est sans effet : aucun érythème ou œdème n’est observé [5]. Au niveau oculaire, un léger œdème de la conjonctive apparait une heure après l’instillation de 0,1 g de béryllium en poudre dans l’œil de lapin, ainsi qu’une légère rougeur, ces effets ayant totalement disparu une semaine après l’exposition [5].
Concernant l’oxyde de béryllium, des tests in vitro ont été réalisés sur de la peau humaine reconstituée (EpiSkin©) et de la cornée de bovin (test BCOP). Au niveau cutané, l’oxyde de béryllium n’est pas irritant ; au niveau oculaire, une opacité de la cornée est observée, traduisant un potentiel irritant modéré [5].
L’administration intradermique de composés solubles du béryllium au cobaye engendre une réaction d’hypersensibilité retardée lors du dépôt cutané ultérieur de ces mêmes composés [44] ; l’implantation sous-cutanée induit chez le porc l’apparition de granulomes.
Aucun potentiel sensibilisant n’est observé avec le béryllium métallique ou l’oxyde de béryllium (GPMT) [5].
Toxicité subchronique, chronique
Des rats exposés pendant 40 jours à 3,6 mg/m3 d’oxyde de béryllium présentent, au niveau pulmonaire, des pneumonites, des lésions granulomateuses, une fibrose et une hyperplasie [4]. Des effets hématologiques sont par ailleurs observés chez le lapin, à la suite d’une exposition à 307 mg/m3 d’oxyde de béryllium pendant 60 jours (anémie macrocytaire et diminution du nombre de globules rouges) [4].
Des rats exposés pendant 72 semaines à 0,034 mg/m3 de béryllium sous forme de sulfate de béryllium présentent une inflammation des poumons, un emphysème, un épaississement des parois des artérioles, des granulomes ou une fibrose [45]. Des signes d’inflammation et de fibrose pulmonaires sont aussi rapportés chez des rats exposés à 0,0547 mg/m3 Be sous forme de sulfate, pendant 6 à 18 mois[45].
Par voie orale, le béryllium induit, en se fixant au phosphate gastro-intestinal, une carence en phosphate au niveau osseux et une ostéoporose chez le rat (35 - 840 mg béryllium/kg/jour sous forme de carbonate de béryllium pendant 28 jours). La fragilité osseuse augmente avec la concentration en béryllium. Aucun effet toxique n’est mentionné chez le rat, à la suite de l’administration de sulfate de béryllium dans la nourriture (0-0,36-3,6 ou 37 mg/kg pc/j pour les mâles, 0-0,42-4,3 ou 43 mg/kg pc/j pour les femelles, pendant 104 semaines) [10].
Effets génotoxiques [15]
In vitro, les résultats sont variables selon les composés et selon les souches utilisées :
- résultats généralement négatifs en mutation génique sur micro-organismes (sulfate, nitrate, chlorure et oxyde de béryllium), avec ou sans activation métabolique ; un résultat douteux sur E. Coli avec le chlorure de béryllium ;
- résultats positifs d’essais de recombinaisons bactériennes pour le sulfate et le nitrate de béryllium, négatifs avec le chlorure de béryllium ;
- résultats positifs de tests de mutations géniques, aberrations chromosomiques ou échanges entre chromatides sœurs sur cellules de mammifères (sulfate, nitrate et chlorure de béryllium).
- cassures simple brin de l’ADN avec l’oxyde et des transformations cellulaires avec le sulfate et l’oxyde de béryllium.
In vivo, le sulfate de béryllium administré par gavage (1,4 ou 2,3 g/kg) n’induit pas la formation de micronoyau dans la moelle osseuse de la souris, malgré une toxicité évidente au niveau de la moelle osseuse après 24 heures[46].
Le chlorure de béryllium induit une augmentation dose-dépendante des aberrations chromosomiques dans les érythrocytes ou les spermatocytes de souris (93,75-187,5-375 et 750 mg/kg pc pendant 3 semaines) [47]. Il est aussi à l’origine d’une augmentation du nombre de cassures de brin d’ADN dans les cellules de la moelle osseuse de souris, exposées pendant 7 jours à 11,5 mg/kg pc/j, par gavage[48].
Effets cancérogènes [3]
Par inhalation, le béryllium métal et le sulfate de béryllium induisent une augmentation significative de l’incidence des adénocarcinomes pulmonaires. A la suite d’une exposition unique sous forme métallique (500 mg/m3 pendant 8 minutes, correspondant à une charge pulmonaire de 40 µg de Be), 64 % des rats exposés développent ce type de tumeurs, 14 mois après l’exposition[49]. De même, à la suite d’une exposition à 34,25 µg Be/m3 sous forme de sulfate de béryllium (7 h/j, 5 j/sem, pendant 72 semaines), la totalité des rats exposés présentent des adénocarcinomes alvéolaires au bout de 13 mois ; les premières tumeurs apparaissent dès le 9ème mois d’exposition [50].
Par voie intratrachéale, une augmentation significative de l’incidence des adénomes et des adénocarcinomes pulmonaires est rapportée chez des rats exposés soit à une dose de 1 mg d’oxyde de béryllium par semaine pendant 15 semaines ([54] cité dans [3]), soit à une dose unique de béryllium métal (0,5 ou 2,5 mg Be) ou deux doses d’hydroxyde de béryllium (50 µg suivis de 25 µg 10 mois après) [51].
Par voie intraveineuse chez le lapin, une augmentation de l’incidence des ostéosarcomes est observée à la suite d’expositions uniques au béryllium métal (40 mg,[52]), à l’oxyde béryllium (1 g) ou au phosphate de béryllium (1 g) ; des injections répétées d’oxyde de béryllium (1 g, réparti en 20 injections ou 20 à 26 injections de 360 à 700 mg Be chacune) entrainent aussi l’apparition d’ostéosarcomes dans les mois suivants la première injection[53].
Le béryllium n’est pas cancérogène par voie orale.
Fertilité
L’oxyde de béryllium, injecté par voie intratrachéale (dose unique de 200 µg Be), ne modifie pas la fertilité du rat. Administré par voie orale chez le chien pendant 172 semaines, le sulfate de béryllium (nourriture, 0,023-0,12 ou 1,1 mg Be/kg pc/j pour les mâles, 0,029-0,15 ou 1,3 mg Be/kg pc/j pour les femelles) n’a aucun effet sur le nombre de gestations, le nombre de nouveau-nés par portée ou leur poids[10]. Chez le rat, le sulfate de béryllium (nourriture, 0,3 et 2,8 mg Be/kg pc/j) diminue le poids relatif des testicules sans effet histologique ; aucun effet n’a été montré chez les femelles.
A la suite de l’administration de 0-93,75-187,50 ou 375 mg/kg de chlorure de béryllium, par gavage, pendant 5 jours, une augmentation significative dose-dépendante du pourcentage de spermatozoïdes anormaux est observée chez les souris exposées, dès la 2ème dose testée [47].
Développement [10]
Au cours d'une étude réalisée chez le rat, après exposition de femelles non gestantes à une dose unique de 50 mg Be/kg sous forme de chlorure ou d’oxyde de béryllium, injectée par voie intratrachéale au 3,5ème, 4ème, 8ème ou 20ème jour de gestation, une diminution de la fécondité et un allongement du cycle œstral sont observés. Des effets embryotoxiques et tératogènes sont rapportés, plus sévères chez les femelles exposées précocement, dans les 1ers jours de gestation : augmentation des pertes préimplantatoires, diminution du nombre d'embryons viables, diminution du poids fœtal, présence de pétéchies et d'anasarques.
Dans cette étude, le développement post natal est également perturbé par une forte mortalité vers le troisième mois et des anomalies du développement neurocomportemental (jugées à partir d’une batterie de tests). Les résultats de cette étude doivent être pris avec précaution car les doses administrées sont très élevées et proches de doses mortelles pour les femelles[15].