Par inhalation, des symptômes rapidement réversibles (durée non précisée) à type de nausées, vomissements, douleurs abdominales, toux, obstruction respiratoire mécanique, diminution des performances mentales et de la dextérité manuelle ont pu être observés. A des concentrations anesthésiantes (non précisées), des effets cardiodépresseurs et des troubles du rythme cardiaque ont également été rapportés.
Le protoxyde d’azote peut entraîner des phénomènes de dépendance.
Des tests effectués chez 24 volontaires exposés au protoxyde d’azote à 50 ppm pendant 4 heures n'ont pas mis en évidence d'effets neurologiques aux tests psychométriques (analyse du temps de réaction, du stress, des tâches audiovisuelles, etc.). Une tendance non significative était observée pour des effets non spécifiques : somnolence, fatigue physique, fatigue mentale et bonne santé générale (évalués à l’aide d’une échelle visuelle analogique).
Des atteintes hématologiques (anémie mégaloblastique, leucopénie) dépendantes de la durée d’exposition ont été observées suite à des anesthésies de 2 à 24 heures à des concentrations de protoxyde d’azote de 500 000 à 700 000 ppm.
L’inhalation de protoxyde d’azote peut entrainer une irritation oculaire et des voies aériennes supérieures.
Aucune donnée n’est disponible sur le potentiel sensibilisant du protoxyde d’azote
Brodsky, dans une enquête auprès de plus de 30 000 dentistes et 30 000 assistants dentaires aux États-Unis, a montré une augmentation des troubles neurologiques lors d’expositions chroniques (exposition cumulée de plus de 3000 heures sur 10 ans d’exercice). Les symptômes (engourdissements, fourmillements et faiblesses musculaires) étaient quatre fois plus fréquents chez les dentistes et trois fois plus fréquents chez les assistants dentaires que chez les témoins [37].
Dans une autre publication sur la même population, effectuée par questionnaires postaux auprès de 36 650 dentistes (hommes) et 30 547 assistantes dentaires, les sujets fortement exposés aux anesthésiques ont présenté une augmentation des pathologies rénales (lithiases et infections urinaires) et hépatiques (toutes anomalies) chez les dentistes et chez les assistantes dentaires [38].
L'exposition prolongée, dans le cadre d’abus de protoxyde d’azote (toxicomanie), peut également être responsable de manifestations neurologiques telles que des myéloneuropathies (consommation de 40 000 litres de protoxyde d’azote à 50 % pendant une période de 3 mois). Ce type d’atteinte a également été rapporté lors d’expositions professionnelles (niveaux et durée d’exposition non précisés).
Des dépressions médullaires importantes associées à des modifications de la formule sanguine (leucopénies et thrombopénies, anémies mégaloblastiques) ont été observées chez des patients exposés à des doses importantes (500 000 ppm sur 24 heures ou par intermittence 90 heures en 23 jours).
Plusieurs études rapportent une augmentation du nombre d’échanges de chromatides sœurs (SCE), de micronoyaux et d’aberrations chromosomiques chez le personnel soignant exposé aux gaz anesthésiques (dont du protoxyde d’azote), les niveaux d'exposition étant très rarement indiqués.
Dans l'étude de Hoerauf et al., une augmentation significative de la fréquence d’échanges de chromatides sœur est retrouvée chez des sujets étant exposés simultanément au protoxyde d'azote et à de l'isoflurane (niveaux de concentration moyens sur 8 heures de 11,8 et 0,5 ppm respectivement).
Lewinska et al. ont mené une étude auprès de 46 infirmières exposées au protoxyde d’azote (à des concentrations entre 36 et 2308 mg/m3 (soit 19,7 et 1261 ppm) mais également à du sévoflurane et de l'isoflurane (à des concentrations ne dépassant pas la valeur limite d'exposition de 18 mg/m3). Les sujets exposés présentaient un nombre significativement plus élevé de micronoyaux comparés aux témoins (28 infirmières travaillant dans le même hôpital mais non exposées aux gaz anesthésiques ou à d'autres substances génotoxiques présumées) ; l’augmentation du nombre de micronoyaux était corrélée à l’intensité de l’exposition (supérieure à 278 ppm ; r = 0,6, p = 0,00007) et à la durée d’exposition (supérieure à 20 ans ; r = 0,6 ; p=0,0001). L'analyse par hybridation fluorescente in situ (FISH) des aberrations chromosomiques a révélé un effet proaneugénique (aneuploïdie).
Cependant, dans toutes ces études, les sujets étaient exposés à divers anesthésiques (dont du protoxyde d'azote) ainsi qu’à d’autres produits (désinfectants,..) et /ou à des rayonnements ionisants. Aucune étude ne permet d’affirmer le rôle du protoxyde d’azote dans l’apparition de ces effets génotoxiques.
Fertilité
En 1987, Rowland et al. réalisent une vaste enquête rétrospective auprès de 7 000 assistantes dentaires en âge de procréer (18-39 ans) exposées au protoxyde d’azote (exposition appréciée sur le nombre d’heures par semaine travaillé dans une pièce où est utilisé du protoxyde d’azote avec présence ou non d’un système d’évacuation). Au total, 60 assistantes étaient exposées au protoxyde d’azote sans système d’évacuation, 121 avec système d’évacuation et 203 n’étaient pas exposées. Après ajustement sur l’âge, les antécédents gynécologiques et la consommation de tabac, une exposition au protoxyde d’azote déclarée supérieure à 5 h/sem sans système de captage (n=19) était associée à une diminution significative de la fertilité (évaluée par le nombre de cycles sans contraception nécessaire à l’obtention d’une grossesse : taux de 0,41 [0,23-0,74 p=0,003]). Aucune relation n’a été mise en évidence pour une durée d’exposition inférieure à 5 h/sem (n=41) ou lorsqu’un système d’évacuation était présent (type de système non précisé). L’interprétation des résultats est délicate en raison de biais, notamment de sélection ou de réponse [42].
Dans une autre étude réalisée en Suède auprès de 3985 sages-femmes, une baisse significative (0,63 ; 95 % Cl : 0,43-0,94) du taux de fertilité a été rapportée chez 4,2 % des sages-femmes enceintes ayant réalisé plus de 30 accouchements par mois pendant lesquels du protoxyde d’azote était utilisé [43].
Développement
En 1985, Baden s’est intéressé à 11 enquêtes épidémiologiques réalisées auprès du personnel exposé aux gaz anesthésiques et de leurs conjoints (dates de publication non précisées). Neuf d’entre elles rapportent des augmentations (significativité non précisée) du nombre d’avortements spontanés chez le personnel féminin professionnellement exposé ; une augmentation du nombre d’avortements spontanés a également été observée chez les épouses d'hommes professionnellement exposés dans 2 des 5 études [11].
Une méta-analyse réalisée à partir de l’examen de 19 études épidémiologiques publiées entre 1984 et 1992, dont deux études cas-témoins, conclut à un risque relatif modérément mais significativement augmenté (1,48 ; IC 95 % : 1,4 – 1,58) d’avortements spontanés chez les femmes exposées (infirmières, médecins, techniciennes, assistantes dentaires, vétérinaires et assistantes vétérinaires) [44].
Une autre méta-analyse portant sur 14 études publiées entre 1966 et 2009 rapporte également un risque relatif augmenté, à la limite de la significativité, (1,27 ; IC 95 % : 0,99 - 1,63) d’avortements spontanés pour les personnels exposés aux gaz anesthésiques [45].
D’autres revues de la littérature aboutissent à des conclusions différentes, à savoir l’absence de relation entre l’exposition aux anesthésiques et le risque d’avortements spontanés ou d’anomalies congénitales. À noter le manque d’information sur les gaz incriminés ou sur les niveaux d’exposition dans la plupart de ces études.
En 2011, une étude s’est intéressée à la survenue d’anomalies congénitales (viscérales et squelettiques) chez 9433 infirmières potentiellement exposées à des gaz anesthésiques entre 1990 et 2000. Parmi les 517 enfants de mères potentiellement exposées au protoxyde d'azote au cours de l'année civile de leur premier trimestre de grossesse, 50 (9,7 %) ont présenté des anomalies congénitales ; les anomalies de la peau, des tissus sous-cutanés et des phanères (cheveux, ongles) étaient significativement augmentées. Pour le protoxyde d'azote (comme pour la plupart des gaz halogénés), le risque de survenue d’anomalies congénitales était significativement plus élevé chez les infirmières les plus exposées (OR 1.82 [95 % IC 1.11-2.99]). Les gaz anesthésiques comprenaient du protoxyde d'azote et des gaz halogénés comme le desflurane, l'enflurane, le fluoroxène, l'halothane, l'isoflurane, le méthoxyflurane et le sévoflurane 247]2.2https://www.inrs.fr/publications/bdd/fichetox/fiche.html?refINRS=FICHETOX_267§ion=pathologieToxicologie#ancre_BiblioTexte
En 1980, une enquête postale a été menée auprès de 36 650 dentistes (hommes) et 30 547 assistantes dentaire (femmes) susceptibles d'avoir été exposés professionnellement à des gaz anesthésiques (protoxyde d’azote, trilène, halothane, fluothane ou « autres » gaz). Les données étaient ajustées en fonction de l'âge, du statut tabagique et des antécédents de grossesse. L’exposition était considérée comme importante au-delà de 8h/sem (déclaration par les répondants) ; le niveau d’exposition cumulé a été calculé en nombre d’heures sur les 10 dernières années (0, < 3000 heures et > 3000 heures). Une augmentation significative du taux d’avortements spontanés (16,0+/-1,39 chez les exposées vs 8,1+/-0,49 pour le groupe témoin ; p<0,01) et d’anomalies congénitales (sans précision) ; ( 5,5+/-0,55 chez les exposées vs 3,5+/-0,34 pour le groupe témoin ; p=0,02) a été mise en évidence chez les assistantes exposées au protoxyde d’azote seul (environ 600) comparées aux non exposées (environ 3000). Une augmentation significative du taux d'avortements spontanés a également été observée chez les épouses de dentistes les plus exposés (aux gaz anesthésiques) l’année précédant la conception (taux de 10,2+/-1,0 vs 6,7+/-0,3 pour le groupe témoin ; p<0,01) [3 38]3. 3https://www.inrs.fr/publications/bdd/fichetox/fiche.html?refINRS=FICHETOX_267§ion=pathologieToxicologie#ancre_BiblioTexte
L’étude de Rowland et al., citée plus haut, rapporte également une augmentation du risque d’avortements spontanés pour les assistantes travaillant plus de 5 heures par semaine sans système de captage (50 % soit 5 sur 10 vs 8 % sur les 315 autres grossesses) sans plus de précision [42].
En 1996, Axelsson et al. publient une étude réalisée en Suède auprès de 3985 sages-femmes, exposées au protoxyde d'azote (trois catégories d’exposition : aucune utilisation, utilisation dans 50 % des accouchements, utilisation dans plus de 50 % des accouchements). Un risque d’avortement spontané significativement augmenté (OR 1-45 [95 % IC 1,01-2,06]) a été mis en évidence chez les salariées dont le temps de travail était supérieur à un mi-temps, en situation de sous-effectif. Dans le groupe le plus exposé au protoxyde d'azote, le risque d’avortement spontané est augmenté mais non significatif (OR de 1,17 [95 % IC 0,84-1,62]. En ne s’intéressant qu’aux sages-femmes exposées au protoxyde d’azote et ayant travaillé pendant leur 1er trimestre de grossesse, le risque d’avortement spontané n’est pas significativement augmenté (OR 0,95 [0,62-1,47]) [448]4.4https://www.inrs.fr/publications/bdd/fichetox/fiche.html?refINRS=FICHETOX_267§ion=pathologieToxicologie#ancre_BiblioTexte
Une autre publication sur la même population fait mention d’une baisse du poids de naissance (en moyenne 77 grammes) des nouveaux-nés dont les mères ont été exposées (sans autre précision) au protoxyde d’azote (par rapport aux nouveaux-nés de mères non exposées) [49].
Bien que les niveaux d’exposition soient rarement disponibles, que d’autres facteurs de risque puissent exister (co-expositions, station debout prolongée, stress, ..), et que ces résultats soient controversés (risque d’anomalies congénitales et d’avortements spontanés dans les études anciennes ; non confirmé dans les études plus récentes avec des expositions aux gaz anesthésiques plus faibles), il existe des signaux d’alerte forts d’atteintes au développement fœtal (avortements spontanés et anomalies congénitales) lors d’une exposition professionnelle chronique au protoxyde d’azote.
En 2001, l'ACGIH conclut qu'il existe suffisamment de preuves qualitatives pour conclure que le protoxyde d’azote constitue un danger pour la reproduction.