Pathologie - Toxicologie
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Toxicocinétique - Métabolisme [1, 2, 5, 7]
Le trichloroéthylène est rapidement absorbé quelle que soit la voie d'exposition. Après absorption, il est largement distribué dans tout l'organisme, en particulier dans les tissus adipeux. Il est éliminé, soit sous forme inchangée dans l'air expiré, soit sous forme métabolisée dans les urines ou dans la bile, et ce de façon similaire dans toutes les espèces (avec des différences de saturabilité enzymatique).
Chez l'animal
Absorption
Chez l’animal, le trichloroéthylène (TCE) est rapidement absorbé par voie inhalée (90 % dans les 5 premières minutes, exposition à 50 ou 500 ppm pendant 2 heures). L’équilibre sanguin est atteint après 30 minutes dans le cas d'une exposition à 50 ppm ; au contraire, chez des rats exposés à 500 ppm, l’équilibre sanguin n’est toujours pas atteint 2 heures après l’exposition [27]. Le pourcentage d’absorption de TCE par voie pulmonaire est fonction de la durée d’exposition.
L’absorption gastro-intestinale est rapide et peut atteindre 90 % de la dose ingérée : elle est influencée par la prise d’aliments et le véhicule d’administration.
L’absorption cutanée de vapeur est négligeable ; l’absorption de liquide, pur ou dilué, déposé sur la peau est plus importante. Le taux d’absorption est d’environ 8 µg/cm2/min chez la souris suite à l’application de 0,5 mL de trichloroéthylène pur sur de la peau rasée pendant 15 minutes.
Distribution
Après absorption, le trichloroéthylène est largement distribué dans tout l’organisme, avec des niveaux particulièrement élevés dans le tissu adipeux, le foie, les reins et le cerveau ; il passe les barrières méningée et placentaire et est retrouvé dans le lait maternel.
Métabolisme
Chez l’animal le trichloroéthylène est rapidement métabolisé, surtout dans le foie, par deux voies : une voie oxydative par l’intermédiaire des monooxygénases à cytochrome P450, probablement le CYP2E1, et une voie qui implique la conjugaison avec le glutathion (fig. 1 et 2).
Qualitativement, le métabolisme est similaire entre toutes les espèces. Trois métabolites urinaires majeurs ont été identifiés, représentant 90 % des métabolites urinaires chez le rat : le trichloroéthanol, son conjugué à l’acide glucuronique et l’acide trichloroacétique ainsi que quelques métabolites mineurs tels que la 2-(hydroxyacétyl)éthanolamine, l’acide oxalique et l’acide dichloroacétique [28]. De faibles quantités de S-1,2-dichlorovinylglutathion (1,2-DCVG) ont été détectées dans la bile et le sang chez le rat.
Des différences quantitatives dans le métabolisme du TCE, existent entre les espèces :
- chez la souris, la saturation du métabolisme du trichloréthylène se produit à des doses plus élevées que chez le rat après une exposition par voie respiratoire (doses supérieures à 600 ppm/6 h), la part de trichloroéthylène métabolisée est indépendante de la dose administrée (97 - 99 % d’une dose de 10 ou 600 ppm par inhalation, pendant 6 heures) ; par voie orale, le pic sanguin des métabolites est atteint en 2 heures ;
- chez le rat, le métabolisme est fonction de la dose administrée par inhalation (98 % d’une dose de 10 ppm et 79 % de 600 ppm, pendant 6 heures) ; le trichloroéthylène inchangé est éliminé dans l’air expiré. Par voie orale, il existe aussi une saturation métabolique qui entraîne des concentrations sanguines de trichloroéthanol et d’acide trichloroacétique 4 à 7 fois moins importantes que chez la souris. Le pic sanguin des métabolites est atteint en 10-12 heures [29].
La voie métabolique dépendante du glutathion apparait mineure dans le métabolisme du trichloroéthylène, mais elle peut aboutir à une bioactivation et conduire à des effets toxiques.
Schéma métabolique
Fig.1 Voie proposée dépendante du cytochrome P450 [1]
Fig.2 Voie proposée dépendante du glutathion[1]
Excrétion
Les voies d’élimination du trichloroéthylène sont identiques chez l’animal et l’Homme, sans influence de la voie d’exposition. Le trichloroéthylène non métabolisé et les métabolites volatils (CO2, CO, trichloroéthanol) sont éliminés dans l’air expiré ; les autres métabolites sont principalement éliminés via les urines. Il existe également une excrétion biliaire mineure.
La vitesse d’élimination diffère selon les métabolites : le chloral et le trichloroéthanol sont éliminés avec une demi-vie plasmatique de 1 à 2 heures alors que l’acide trichloroacétique subsiste à fortes concentrations pendant 30 heures et est ensuite éliminé dans les 48 heures suivantes.
Lors d’études par gavage chez le rat, les métabolites principaux, trichloroéthanol libre ou conjugué (12 et 62 %) et acide trichloroacétique (15 %), sont éliminés dans l’urine et dans les fèces ; les métabolites mineurs (< 10 % des métabolites totaux urinaires, acides dichloroacétique et monochloracétique, N-(hydroxyacétyl)aminoéthanol et N-acétyldichlorovinylcystéine) sont éliminés dans l’urine.
Intéraction
L’éthanol potentialise l’action du trichloroéthylène en utilisant les monooxygénases pour son propre métabolisme. Il s’ensuit une concentration sanguine et pulmonaire de trichloroéthylène plus élevée et une baisse des métabolites urinaires [5].11https://www.inrs.fr/publications/bdd/fichetox/fiche.html?refINRS=FICHETOX_22§ion=pathologieToxicologie#ancre_BiblioTexte
Chez l'Homme
Chez l’Homme, l’absorption pulmonaire est initialement très rapide et l’équilibre sanguin est atteint après environ 1 heure (exposition à 100 ppm pendant 4 heures)[30]. La dose absorbée (37 à 64 %) est proportionnelle à la concentration inhalée, à la durée de l’exposition et au taux de ventilation alvéolaire ; elle diminue avec l’exercice physique et est approximativement divisée par 2 si on passe du repos à un travail d’une intensité de 150 W (l'air dans les alvéoles se renouvelle plus vite que le produit ne diffuse à travers la paroi alvéolaire).
L’absorption gastro-intestinale n’a pas été quantifiée chez l’Homme mais des cas d’empoisonnement rapportés dans la littérature indiquent qu’elle est rapide et importante.
La mesure de l’absorption cutanée est compliquée par le fait que le trichloroéthylène est un solvant lipophile qui dégraisse la peau et attaque le stratum corneum, augmentant sa propre absorption. Que cela soit suite à une exposition à des vapeurs ou au liquide lui-même, le trichloroéthylène est rapidement détecté dans l’air exhalé des volontaires exposés (entre 1 à 5 minutes après le début du contact d’une main immergée dans une solution de TCE de concentration inconnue) [30].
Après absorption, le trichloroéthylène est largement distribué dans l’organisme via la circulation sanguine ; il passe les barrières méningée et placentaire. De par sa forte liposolubilité, les concentrations les plus importantes sont retrouvées dans le tissu adipeux, le foie, le cerveau et les reins.
Qualitativement, le métabolisme est similaire entre toutes les espèces, y compris l’Homme, et se déroule principalement au niveau du foie, sous l’action de cytochromes P450 (la voie métabolique dépendante du glutathion est mineure). Trois métabolites urinaires majeurs ont été identifiés : le trichloroéthanol, son conjugué à l’acide glucuronique et l’acide trichloroacétique ainsi que quelques métabolites mineurs tels que la 2-(hydroxyacétyl)éthanolamine, l’acide oxalique, l’acide monochloroacétique et l’acide dichloroacétique.
Chez l’Homme, aucune saturation métabolique n’a pu être montrée aux concentrations d’exposition expérimentales (jusqu’à 315 ppm pendant 3 heures) ; le pourcentage métabolisé est compris entre 40 et 75 % de la dose absorbée, suite à une exposition pendant 3 à 8 heures à des vapeurs de trichloroéthylène de 50 à 350 ppm [1].
Comme chez l’animal, le trichloroéthylène non métabolisé (10 à 28 % de la dose) et les métabolites volatils (CO2, CO, trichloroéthanol) sont éliminés dans l’air expiré ; les métabolites principaux sont éliminés principalement dans les urines et, dans une moindre mesure, dans les fèces [5].
Le trichloroéthanol atteint sa concentration maximale dans le sang et l’urine presque immédiatement après l’exposition, puis la concentration diminue avec une demi-vie d’élimination urinaire d’environ 10 heures, élimination qui semble plus rapide chez l’homme que chez la femme. L’élimination rénale du TCA est plus lente du fait de sa forte liaison aux protéines plasmatiques (demi-vie d’élimination urinaire d’environ 50 heures) et serait plus importante chez les femmes que chez les hommes[2].
Surveillance Biologique de l'exposition
Plusieurs indicateurs biologiques d’exposition ont été proposés pour la surveillance biologique de l’exposition au trichloroéthylène.
Le dosage du trichloroéthylène (TCE) dans les urines en fin de poste est un indicateur spécifique qui paraît bien corrélé avec les concentrations atmosphériques de trichloroéthylène.
Les dosages d'acide trichloroacétique (TCA) et de trichloroéthanol (TCOH) urinaires en fin de poste et fin de semaine de travail sont également bien corrélés avec les concentrations atmosphériques de trichloroéthylène. La concentration urinaire de TCA reflète l’exposition de la semaine précédente, celle de TCOH est le reflet de l’exposition du jour même et de la veille. Ces métabolites ne sont pas spécifiques (métabolites communs au 1,1,1-trichloroéthane, tétrachloroéthane, tétrachloroéthylène).
Les dosages de trichloroéthylène dans le sang et dans l’air exhalé en fin de poste, indicateurs spécifiques, ont été proposés pour confirmer une exposition, par exemple en cas de doute sur la nature des dérivés chlorés. Il n’y a pas de donnée sur une éventuelle corrélation entre concentrations sanguines et atmosphériques de TCE. Le dosage du TCE dans l’air exhalé présente des inconvénients liés aux difficultés de prélèvement ainsi qu’une grande variabilité individuelle. De plus, en raison de la diminution rapide de la concentration dans l’air exhalé dans les premières minutes après l’arrêt de l’exposition, le moment de prélèvement en fin d’exposition doit être strictement respecté.
Les dosages sanguins du TCA et du TCOH ne présentent pas d’avantage par rapport aux dosages urinaires correspondants.
Le dosage de la N-acétyl-dichlorovinylcystéine (N-acétyl-DCVC) urinaire, issue de la voie métabolique impliquée dans la néphrotoxicité du TCE, semble être un indicateur intéressant mais les données disponibles sont limitées.
Des valeurs limites biologiques (VLB) pragmatiques sont proposées par l’Anses pour le TCE, le TCA et le TCOH urinaires, sur la base de la relation avec la VLEP-8h de 40 mg/m3 (soit 7 ppm) proposée par l’Anses (valeurs non validées, en cours de consultation). Des valeurs biologiques de référence (VBR) correspondant au 95e percentile des valeurs retrouvées dans des groupes de sujets adultes de la population générale, sont proposées par l’Anses pour le TCE et le TCA urinaires (valeurs non validées, en cours de consultation).
D’autres organismes proposent également des valeurs biologiques d’interprétation (VBI) pour le milieu de travail pour le TCA urinaire et le TCOH sanguin [31].
Les valeurs BEI de l'ACGIH pour le TCE dans le sang et l’air exhalé en fin de poste, sans valeur définie, sont accompagnées d'une notation SQ "semi quantitative".
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Toxicité expérimentale
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Toxicité sur l’Homme